Dans la deuxième vidéo, on descend au niveau Michel Lebb et Pascal Praud, c’est à dire dans la fosse septique. On voit les joueurs, mains jointes « à l’asiatique » (et qu’importe si les japonais ne joignent pas les mains, pour nos bouffons, les niaqwés, ce sont tous les mêmes), grimer une sorte de langue bizarre sensée être du « asiatique » (et qu’importe si ça ne sonne pas japonais du tout, c’est du niaqwé saupoudrés d’yeux plissés).
Il y a trois semaines, on allait voir ce qu’on allait voir. Les joueurs de l’équipe de France allaient montrer au monde qu’au pays des Droits de l’Homme, la France, on savait dénoncer le racisme et affirmer sa solidarité avec les victimes des violences policières (ce n’était pas dans le communiqué, mais ça reste le message du genoux à terre aux USA).
Nos joueurs n’ont pas tardé à faire les frais d’une attaque en règle des chroniqueurs de la chaîne réactionnaire du milliardaire Vincent Boloré, CNews, de la radio du milliardaire d’extrême-droite spécialisé dans « l’optimisation fiscale » Christian Latouche, Sud-Radio, ainsi de la très macronienne chaine du milliardaire surendetté Patrice Drahi, BFMTV, ainsi que d’attaque des journaux des mêmes propriétaires relayés à tour de bras sur les réseaux sociaux tant et si bien que le courage de nos footballeurs s’est vite dégonflé.
À toute cette mousse raciste où les interminables attaques et sommations à « rentrer dans leur pays » semblent n’effrayer personne est venue s’ajouter l’humiliation d’une cuisante défaite en Suisse lors d’un « super spreader event » certainement observé à la loupe par les membres du Comité Olympique.
Twitter s’est enflammé, et on a pu apprendre, hormis les nationalités ou origines de certains joueurs, combien ils étaient payés.
Personnellement, les salaires des joueurs de football, tant qu’ils paient leurs impôts, ne m’intéressent guère même si je les trouve profondément indécents.
C’est en tout cas bien plus transparent que les milliards accumulés par les propriétaires de médias spécialisés dans l’invective raciste. Christian Latouche « optimise » via le Luxembourg tout en ayant déménagé une partie de sa société aux USA, Vincent Bolloré doit sa réussite à des montagnes de subventions obtenues grâce à ses relations politiques ainsi qu’à une « optimisation fiscale » particulièrement sophistiquée. Quand à Patrice Drahi, son groupe est tellement endetté que les banques sont obligées de lui en donner toujours plus sous peine que cet empire bâti à partir de rien ne s’effondre. De toute façon, il pratique « l’optimisation fiscale » et est domicilié en Suisse…
La qualité du débat en France est empoisonné par ces spécialistes en « optimisation fiscale » car après ils en profitent bien. Si la population commençait à s’intéresser à leurs fortunes et à leurs liens avec les élus de tout bord, ça ne se passerait pas très bien pour eux.
On avait presqu’oublié ce « genou à terre » que voilà qu’émerge ce weekend une vidéo prise vraisemblablement au Japon il y a deux ans. On y voit l’un des deux bouffons, Griezmann, en train de rire pendant que celui qui filme, visiblement Dembélé, se moque de membres du personnel de leur hôtel venus essayer de changer la langue du téléviseur ou d’une console de jeu.
Bon, les japonais, quand il y a un problème, ils s’y mettent à dix, se posent trois tonnes de questions. Ça, j’avoue, ça m’a toujours fait sourire et parfois agacé. C’est comme ça, et ils ne lâcheront pas l’affaire avant d’être parvenus à trouver une solution. C’est pour ça, d’ailleurs, que quand quelqu’un a un problème, personne ne va l’aider. Si on commence à aider, il faut aller jusqu’au bout.
Mais dans la vidéo les propos tenus n’ont rien à voir avec de l’étonnement face à une façon de faire, ce sont des propos purement racistes.
Un commentaire sur les visages. C’est raciste.
Une mise en doute de l’intelligence des habitants du pays. C’est raciste.
Le tout entrecoupé de rires. Le tout en français. J’aurais bien voulu les entendre, ces bouffons, tenir les mêmes propos en anglais. Mais les racistes, c’est lâche. Toujours. Ça ne se sent fort qu’en meute, et la meute, là, ce sont ces pachas français surpayés traitant des employés venus les aider comme on traite des esclaves. Par le mépris et sans courir le risque de quoi que ce soit.
Dans la deuxième vidéo, on descend au niveau Michel Lebb et Pascal Praud, c’est à dire dans la fosse septique. On voit les joueurs, mains jointes « à l’asiatique » (et qu’importe si les japonais ne joignent pas les mains, pour nos bouffons, les niaqwés, ce sont tous les mêmes), grimer une sorte de langue bizarre sensée être du « asiatique » (et qu’importe si ça ne sonne pas japonais du tout, c’est du niaqwé saupoudrés d’yeux plissés).
J’ai eu honte pour eux.
Qu’un bouffon blanc ayant il y a plusieurs années grimé un joueur de basket noir en se peinturlurant en marron finisse dans ce genre de fange, on serait presque surpris si ça ne lui était pas arrivé.
Mais qu’un autre bouffon, noir cette fois, joue ce jeu là montre à quel point le type est un vrai crétin qui ignore visiblement que dans la « hiérarchie des races » construite par l’Europe au 19e siècle, les noirs étaient juste en dessous des asiatiques.
C’est pour cette raison que la plupart des villes de ces pays avaient été transformées en bordels à touristes, et cela a grande échelle.
Apparemment il ne savait pas que la Chine, vieille de plus de 5000 ans de civilisation, avait été forcée d’importer de l’opium après une guerre féroce livrée par les britanniques, pourrissant la population avant de finir par coloniser « l’Empire du milieu ».
Les arabes étaient considérés comme impies, mais ils ont toujours été regardés comme des humains, moins civilisés certes mais humains.
Les asiatiques, eux, étaient dépeints comme fourbes, cruels, menteurs et leurs femmes serviles, obéissantes, douces et exotiques, tout juste bonnes pour le plaisir de l’homme blanc en mal de dépaysement.
Au vingtième siècle, on a rajouté d’autres préjugés comme le manque de virilité des hommes, supposé une taille ridicule de leur sexe et des habitudes sexuelles étranges. Aucun peuple, hormis les africains, n’a ainsi été réduit à ce point en faire des quasi-esclaves offrant leurs filles à leurs maîtres. Aucun.
Quand à la décolonisation de l’Asie, elle est l’une des pires tragédies du 20e siècle. Napalm, gaz, produits chimiques, guerres interminables et régimes communistes génocidaires inspirés d’idéologies occidentales eugénistes.
Le Japon a échappé à cela, mais dans sa peur d’être colonisé, il s’est converti aux pires travers de l’Occident au point de se livrer lui-même à des guerres coloniales, reprenant à son compte les théories raciales avant de finir par recevoir deux bombes atomiques, les seules jamais lancées.
Le préjudice subi par les peuples d’Asie par l’aventure coloniale de l’Occident est immense, et le racisme anti-asiatique en est le batard ultime: cette façon de regarder les « asiatiques » manifestée par les deux joueurs trouve ses racines dans des préjugés purement français.
Mais le racisme, tout édenté, de Dembélé, n’en est pas moins abject. Cette obsession qu’ont certains indigènes à vouloir se faire plus blancs que les blancs est un naufrage moral intolérable qui doit être dit sans une once de concession.
La plupart des asiatiques, eux, garderont pour eux la violence de toute cette vulgarité, car même si les propos sont adressés à des japonais, les deux compères ont manifesté un racisme adressé à tous les asiatiques.
Cette violence, chaque fois, me ramène en troisième ou en seconde, quand sont arrivées deux jeunes cambodgiennes, dictionnaire sur la table, et s’accrochant pour suivre. C’était en 1980, et le Cambodge se remettait d’un des régimes les plus barbares qui n’ait jamais existé, le régime Khmer rouge, arrivé au pouvoir après que le pays eu subi déstabilisation politique après déstabilisation politique dans le sillage de la guerre au Vietnam.
Je hais le racisme anti-asiatique, je le vomis, parce que je sais qu’ils sont rares, les asiatiques qui montent la voix, parce que se plaindre, en général, c’est mal poli, et puis ça ne change rien, la vraie revanche, elle est dans la réussite que procure le travail laborieux. Ils disent ça, les Cambodgiens, et c’est comme cela que pensent beaucoup d’asiatiques, dans leurs petites communautés de fait un peu fermées, plus discrètes tout simplement parce que c’est comme ça qu’on est. Au Japon aussi, les gens sont comme cela.
Les jeunes asiatiques de France élèvent la voix depuis quelques années, je tenais ici à écrire que je suis avec eux. Tous les discours sur « les asiatiques » sont gavés de préjugés, et les jeunes indigènes sont allés à bonne école, au pays de Michel Lebb, de Sud Radio, de CNews et de BFMTV. Et il faut que cela cesse.
Voilà donc qu’en trois semaines on est passés d’un geste qui aurait pu être courageux à la plus pure manifestation de racisme anti-asiatique et ainsi, ce faisant, en réduisant le racisme à une vulgaire stratégie de communication sans la moindre parcelle de sincérité comme le montre cette vidéo de nos deux bouffons, les voilà qui ne valent pas mieux que les racistes qu’ils prétendaient dénoncer.
Une fois n’est pas coutume, je vais vous parler d’une série télévisée britannique diffusée sur Amazon Prime, co-produite par la BBC et dont j’ai entendu parler il y a quelques semaines par un article de Nina Zadkine, « Small Axe » : un instrument sympathique, mais peu tranchant. En 5 épisodes distincts, une série qui retrace des moments importants de l’histoire des communautés noires résidant à Londres entre la fin des années 60 et le début des années 80. Je m’attendais à une oeuvre à l’antiracisme convenu, Nina Zadkine affirmant que son but était de « répondre à la demande du marché, essentiellement composé par des publics blancs. La fabrication de la bonne conscience est à l’ordre du jour de l’offre médiatique, il s’agit de représenter l’ordre marchand dans les formes les plus valorisantes. » (sic) Je n’ai jamais lu article tombant à ce point à côté de la plaque, la convocation des mânes de Guy Debord contribuant même à renforcer ce sentiment étrange que l’immense culture de son auteure l’avait empêchée de comprendre ce que représentait réellement cette série.
Une oeuvre longuement mûrie
Small Axe est le produit d’un long travail de plus de 10 ans comme le dit son auteur, le réalisateur Steve McQueen. Il s’agit d’une oeuvre mûrie, réfléchie et dont BBC n’est dans tout cela que le machin en bout de chaîne. Les cinq récits qui la composent constituent un tout cohérent, et même si chaque récit est indépendant, la série compose en filigrane le portrait d’une communauté noire britannique et de sa relation avec la société qui l’entoure, une société blanche britannique. On pourrait s’arrêter là, mais ce serait passer à côté de l’essentiel car une œuvre artistique ne peut se résumer à la somme des éléments qui la composent.
Stop, on recommence!
Putain, qu’est ce que c’est difficile de parler de cette série… Cela fait trois jours que ça me traverse, que ça me bouleverse, et je suis là à faire dans le pompeux, à tourner autours du pot alors que Small Axe, précisément, va droit au but. Small Axe ne s’adresse pas à un public blanc comme semble le croire Nina Zadkine, elle s’adresse à qui veut bien la voir, et ce dont je suis sûr, c’est que le premier soir, une grande majorité des noirs britanniques étaient devant leur télévision, et que la deuxième semaine, c’étaient toute la communauté noire qui avait rendez-vous devant BBC One, certainement le choix le plus judicieux pour la toucher, cette communauté. Oui, BBC One, précisément.
Small Axe, une baffe immense
C’est comme si le réalisateur l’avait chargée de petites bombes à fragmentation destinées à produire des effets à long terme. Ce n’est pas une page d’histoire, c’est une invitation à revisiter l’histoire, à en compléter les zones ensevelies sous des omissions et des dissimulations, c’est donner un sens à ce fameux « Carnaval de Notting Hill », c’est trouver une explication rationnelle à la délinquance et à la sous-qualification professionnelle des jeunes noirs, les hommes en particulier, c’est comprendre ce que sont les mécanismes qui conduisent à ce désir et la mécanique « d’intégration » dont souffrent un grand nombre d’indigènes. Trois récits biographiques, un récit historique, et un récit dont je ne suis pas, pour le moment, capable de parler tant la charge émotionnelle est intense, brute, je me demande même si McQueen n’en a pas fait la clé de toute la série…
La vache, je n’y arrive pas!
Ça ne sort pas, je me retrouve encore à tourner autours du pot, en fait oui, c’est ça, c’est précisément cet épisode qui me bloque, les autres sont finalement tellement attendus, tellement évident, le racisme institutionnel, c’est tellement banal… Alors je vais vous le faire comme je le sens, sans fioriture. Je vais essayer de le faire sans spoiler, c’est aussi ça, le problème. Mais bon… Oui, la clé de ces 5 épisodes, c’est le deuxième épisode. Lovers Rock, l’épisode que Nina Zadkine a regardé comme une blanche, je la cite, « Quel soulagement, en effet, que ce retour à une manière d’appréhender la « culture noire » (monolithe construit par les sociétés de marketing), packagée, chorégraphiée, rythmée ! ». Non, il y a un truc qu’elle n’a pas saisi, peut-être parce qu’il y a une transmission qui ne s’est pas faite politiquement, entre les années 70/80 et maintenant. L’importance de la culture, de la musique, des vêtements. Jusque la fin des années 80, la musique, les vêtements, des attitudes, le langage, la coupe de cheveux, tout obéissait à des codes qui eux même se prolongeaient dans des idées politiques. Il y avait bien les militants d’extrême-gauche, des gosses de la petite bourgeoisie blanche habillés comme des ploucs, mais c’étaient des ringards suspendus hors du temps, ça ne comptait pas. Non, dans les mouvances nées des luttes anti-racistes mais aussi chez les homosexuels, et jusque dans les tréfonds des quartiers populaires, des codes vestimentaires avaient émergé, cimentant chaque groupe, chaque cité, chaque quartier en lui donnant son identité. Longtemps, c’est la soul et le funk, le rock’n roll et même la disco qui dominaient la culture, avec à la marge le rai et les musiques africaines, le soukouss notamment. Et puis vers 1987/88 sont venus s’ajouter le rap, le rock alternatif et la house de façon totalement underground d’abord avant de se diffuser avec chaque fois leurs façons de s’habiller, leurs lieux. On parlait alors de tribus. Les rockers, les rockabillies, les skins, les red skins, les kyfons, les minets, les sapeurs, les Goths, les jeunes gens modernes, les fifties, les punks, les new waves, les reubeu, les rastas, … Londres plus que Paris regorgeait de ces bandes de jeunes portant sur eux l’apparence de leur goûts musicaux. Faire de la musique était un truc banal, tout le monde s’essayait à faire son groupe. À Londres, le reggae régnait en maître depuis la seconde moitié des années 70, son petit frère, le ska, avait connu un revival inattendu auprès des bandes mixtes blancs et noirs du grand Londres. Sape, musique. Et politique. Pas de la politique comme les blancs, ce truc rigide, abstrait, théorisé, non, avec le gros barbu qui a tout théorisé de la révolution. Non. Un truc viscéral, plutôt, tiré de l’expérience même du racisme, du chômage, de la violence policière et de la mise en marge imposée jusque par les partis et organisations de « la classe ouvrière ». Dans Mangrove, c’est ce député du Labour, « vous avez des preuves? ». Connard!
Aucun épisode de cette série ne fournit les clés de cette époque comme le fait Lovers Rock, certainement un des plus beaux épisodes de série qu’il m’ait été donné de voir de toute ma vie.
Mangrove, le premier épisode, c’est une révolte, c’est la lutte d’un restaurateur contre la violence policière, contre le harcèlement dont est victime son restaurant, c’est un policier qui dit que « ces gens sont des sauvages », qui tire la gueule quand il visite la cuisine en demandant ce que c’est, qui suspecte le restaurant d’être un tripot où on se drogue. C’est la section anglaise du Black Panther Party qui va appuyer le restaurateur et l’encourager à ne pas céder, à se battre. Et non, ce n’est pas un happy end. Georges Floyd nous l’a rappelé, ça n’a pas changé. Frank Crichlow, le propriétaire du restaurant a passé une partie de sa vie à se battre pour être finalement définitivement innocenté, et le harcèlement n’a jamais réellement cessé. L’épisode est attachant malgré les brutalités policières. S’y glisse en filigrane ce qui deviendra le carnaval de Notting Hill, un quartier qui avait auparavant connu en 1958 une des plus importantes émeute de l’après-guerre…
Red, White and blue, Le troisième épisode, c’est un autre type de révolte. Celle d’un jeune noir, Leroy Logan, promis à une brillante carrière de scientifique et qui décide de rentrer dans la police pour la « changer de l’intérieur ». Une autre histoire vraie. Une brutalité incroyable, les autres noirs et même le père qui l’accusent d’être un traitre quand de leur côté ses collègues le traitent comme une merde. Aucun épisode ne provoque autant d’inconfort pour un indigène que cet épisode, pas un instant on ne cesse de se demander pourquoi il reste dans la police, pourquoi il encaisse tout ça. Mais ce qui est incroyable, c’est que son obstination à rester, c’est la même quête de dignité que celle du propriétaire du restaurant dans Mangrove. Il est anglais, il paie ses impôts, il est légitime. On peut douter, et pourtant, oui, il a le droit d’être policier. Il est d’ailleurs nettement plus diplômé que ses crétins de collègues blancs dont le racisme n’a d’égal que la bêtise et l’ignorance crasse. Eux, c’est le fait d’être blancs les rend supérieurs. Bande de cons.
Avec Alex Wheatle, voilà l’histoire d’un jeune orphelin qui va plus tard devenir écrivain, une histoire vraie, encore une. Mais là encore, plutôt que nous livrer un happy end comme s’en plaignent les ouin-ouins geignards du Télégraph, le gars devient écrivain gna-gna-gna, McQueen nous montre la genèse, une vie de merde dans laquelle 99% d’entre nous aurait sombré. La prison, les bandes. Et puis le reggae aussi, cette bouffée d’oxygène, et puis ces yeux qui brillent quand à la sortie de l’orphelinat le voilà à Brixton entouré de ses semblables, noirs comme lui, et puis les sound-system, et puis l’incendie de New Cross, en janvier 1981, tuant 13 jeunes noirs lors d’un anniversaire et donnant lieu à d’immenses manifestations où déjà le slogan était de dire que les vies noires comptaient, car la police, elle, avait vite clos l’enquête, laissant planer un doute sur une possible origine criminelle de l’incendie. Il y a peu de doute que McQueen ait réalisé cet épisode en pensant à l’incendie de la tour de Grenfell (71 morts, majoritairement noirs et asiatiques) en 2017 et aux manifestations de masse qui ont suivi, là encore une grande majorité de noirs, l’enquête elle même ayant trainé en longueur malgré la responsabilité du bailleur. L’épisode a lieu à Brixton qui, durant le printemps 1981, a été traversé d’émeutes, émeutes de la faim, du chômage et du racisme. Des émeutes qui se sont ensuite généralisées dans l’ensemble du Royaume-Uni et que Margaret Thatcher a balayé d’un « ce n’est pas la société qui est mauvaise, ce sont ces gens ». Toute la société blanche britannique a approuvé, ouvertement ou tacitement, le Labour ne montrant guère de solidarité envers les populations noires, et pourtant, le Labour était dans sa période « coup de barre à gauche ». Blanche, visiblement.
Avec le dernier épisode, McQueen ne pouvait ignorer qu’il allait déclencher un séisme. Education, c’est l’histoire d’un enfant noir et certainement dyslexique qu’on envoie dans une école « spéciale » pour « enfants inadaptés » et « anormaux ». Une politique qui a eu cours en France aussi, ça s’appelait les CPPN, une véritable usine à triage racial qui a eu lieu jusque dans les années 90. Là, on y mettait les Aïcha, les Djamila, les Ahmed, les Fatou et autre Karim en saupoudrant d’un peu de Hervé, toutes et tous réputés « inadaptés pour l’école », avant de les « orienter » dans des écoles professionnelles pour « apprendre un métier » parce que bon, hein, « tout le monde n’est pas fait pour aller à l’école ». Visiblement, le Royaume-Uni a également développé cette politique pour écrémer son système scolaire des jeunes noirs qui avaient des difficultés à suivre, qui étaient trop « différents ». Un débat semble amorcé, beaucoup d’articles ont été publiés à ce sujet ces deux derniers mois.
Un récit fort, urgent…
Difficile de raconter brièvement, sans spolier, ces 4 épisodes dont trois sont basés sur des vies réelles, racontant des luttes, des combats, des violences policières. Difficile également de traduire comment cette série met le blanc de côté. Fait rare, le blanc devient l’autre, le blanc devient cette masse uniforme qu’on entend généralement adressée au sujet des noirs. Il a un visage indifférencié, tous les blancs se ressemblent, ils sont une force extérieure, une sorte d’ennemi trop visible avec lequel il faut composer et dont il ne faut surtout pas se faire remarquer de crainte de s’attirer des ennuis, comme le dit le père de Leroy Logan, ce garçon qui voudra plus tard devenir policier: c’est d’ailleurs cela qui va le conduire à rentrer dans la police, réduire le gouffre entre blancs et noirs…
… de toute beauté noire
Difficile de traduire ici comment ces épisodes composent au contraire, pour les noirs, une incroyable symphonie de couleurs de peaux, de formes de visages, de looks, de tailles. Les noirs sont grands, petits, gros ou minces, le visage rond, carré ou long, les traits fins ou épais, les cheveux afro ou lissés, soudain, tous les fantasmes du type négroïde s’effondrent pour laisser place à une race qui en réalité n’existe pas: la race noire. Un peuple, une histoire, une culture, oui. Une race, non. Que dis-je… Des peuples, des histoires, des cultures. Mais de race, non. On ne voit aucun clone, la variété domine et jusqu’aux différentes pigmentations des corps. Mais qu’avons-nous fait, nous, les blancs, quel crime n’avons-nous pas commis, et quel crime ne commettons-nous pas encore en refusant de reconnaitre le crime…
Et Dieu créa… Lovers Rock
L’épisode le plus fort, le plus violent symboliquement, et que non, vraiment, Nina Zadkine n’a vraiment pas compris, le voilà qui nous explose à la figure. Idéalement placé en deuxième épisode, sorte de contrepoint à la violence policière du premier épisode, il est la réponse du réalisateur aux propos du policier, au regard blanc. McQueen assume. Oui, on fume des pétards, semble-t-il dire dès la troisième minute! Prend-ça dans ta gueule! Non, McQueen ne va pas nous montrer de jolis noirs ripoulinés bien intégrés. Et nous voilà invités chez les « sauvages » pour une soirée, une de ces « house party » dans lesquels peu de blancs ont eu le privilège, et je parle bien de privilège, d’être invités. Le policier visiblement doutait de la qualité des curry du Mangrove, en voilà filmés en gros plans, mijotants de couleurs différentes, appétissants, remplis de ces légumes que nous voyons coupés par des femmes qui cuisinent en chantant et en riant. De grosses marmites. Non, c’est trop complexe pour n’être que de la bouffe, nous avons à faire à de la vraie gastronomie. Si la cuisine s’affaire, de l’autre côté des murs, on vide toutes les pièces de la maison. Ce n’est pas pour un déménagement, on prépare une soirée, et visiblement, il y en aura, du monde…
House Party à Brixton, 1979
L’épisode a commencé par une maison, une fille sort en cachette de chez elle, c’est la nuit. On la retrouve maintenant, avec une copine, elles se sont faites belles, version de cette époque, vers 1979 ou 1980. Cheveux lissés, robe « floue » colorée. Elles prennent le bus et arrivent à la maison. Une atmosphère légère règne. Être noir, c’est exactement comme être palestinien, c’est la situation qui crée la politique, pas la couleur de peau, et ce soir, la ville est légère… Et alors, je ne peux ni ne veux raconter la suite. McQueen nous offre l’honneur de voir ce à quoi ressemblaient ces soirées dans le Brixton de l’époque. Oui, l’honneur car il ne cache rien. On fume des pétards, on danse, on chante, le DJ est aussi réellement le Maitre de cérémonie, le MC, il scande, il rythme la soirée et suit les désirs de son public, les filles sont belles, les garçons sont beau, et voilà un feu d’artifice de beauté noire, voilà ceux que les blancs parfois traitent de singes, de sauvages, de barbares, de « nez épatés » et de « cheveux crépus » explosant tous les préjugés pour former une jeunesse souriante, belle, remplie d’espoir et de bonheur, belle de la variété de ses visages, de ses attitudes, de ses clins d’oeils et de ses amourettes, de ses flirts. Une incroyable sensualité élégante et timide, incroyablement fraiche… McQueen ne nous épargne même pas un moment glauque, car dans toutes les soirées il y a des moments glauques, mais il ne s’y attarde. Non, là où il va s’attarder, c’est sur une chanson, une chanson qui plus que toutes les autres symbolise ce « Lovers Rock », sous genre du reggae typiquement britannique, pur produit de la créolisation du pays, preuve s’il en est que quoi que fassent les réfractaires blancs, la culture est d’ores et déjà transformée, nourrie, enrichie par les populations indigènes.
On peut éventuellement penser que ces longues minutes de Silly games (Janet Kaye) s’éternisent, mais je crois surtout que McQueen a voulu la marteler, en laisser une emprunte, un peu comme après une soirée, en en reparlant avec ses amis, on se souvient de « ce moment », et que « ce moment » suffit à remémorer toute la soirée, le bonheur…
Qu’adviendra-t-il de toutes cette beauté? James Baldwin
Lovers Rock, c’est le plus bel hommage que le réalisateur pouvait offrir à sa communauté, à sa famille, aux siens, à sa propre histoire. Lovers rock, c’est l’incroyable résilience du peuple noir, son incroyable dignité, sa vitalité culturelle malgré les violences policières et la marginalisation. Lovers Rock, c’est la revanche des gamins envoyés dans des écoles poubelles, c’est la revanche d’hommes noirs à qui on refuse une promotion au travail parce qu’ils sont noirs, c’est l’obstination de Frank Crichlow, le propriétaire du Mangrove. Lovers Rock, c’est un immense Fuck You adressé à la blanchitude, mais avec élégance, et avec le sourire, l’air de rien. C’est un geste de beauté pure, un geste d’amour infini adressé aux hommes et aux femmes noires, c’est la promesse que la vie continue. Lovers Rock, c’est pour que les gamins posent des questions à leurs parents, à leurs grands parents pour se réapproprier des pans de l’histoire qui leur a été cachée, exactement comme les y invitent les dernières minutes du dernier épisode, Education. L’avenir du peuple noir est dans son histoire. Et dans la conviction profonde de sa beauté.
Étonnant que Nina Sadkine n’aie pas vu tout cela. N’est-ce pas Houria Bouteldja qui régulièrement aime citer James Baldwin, « mais qu’adviendra-t-il de toutes cette beauté ». C’est exactement la question que pose ce Lovers Rock suspendu entre plusieurs épisodes racontant la violence raciste et systémique de la société britannique. J’espère que cet article, en vous invitant toutes et toutes à regarder cette splendide série, saura également toucher Nina et l’inviter à oublier la mathématique froide de ses références universitaires pour savoir accueillir une série qui restitue à la jeune génération noire du Royaume-Uni des clés de sa propres histoire et de sa propre beauté, des fondations sans lesquelles il est impossible de parler d’émancipation.
Quelle époque abominable et fascinante vivons-nous! Il y a à peine 20 ans, le discours dominant était celui du triomphe d’une modernité rhabillée du costume de la post-modernité. Toutes les idéologies s’étaient étiolée au contact de l’idéologie de l’instant, du moment et de l’égo sur-dimensionné en ce triomphe de l’économie néo-libérale. Tout serait désormais post et néo pour aller à ravir avec cette « fin de l’histoire » célébrée par Fukuyama: le monde était enfin rentré dans son âge mature, celui d’une démocratie destinée à s’étendre aux quatre coins de la planète, accompagnée d’un marché libéré de toute régulation et de toute entrave grâce auxquels les peuples allaient enfin accéder à la consommation et au bonheur universel rendus possibles par la modernité occidentale.
L’occident avait gagné, il avait gagné contre le communisme et cette victoire devait être l’aube de temps nouveaux faits d’une nouvelle prospérité qui rendrait caduque toute contestation.
Si réforme il devait y avoir, désormais, ce serait pour parfaire cette société du marché généralisé, dans les pays avancés, s’entend. Donner aux LGBT l’égalité, promouvoir une culture de l’inclusion des minorité, valoriser le métissage comme la nouvelle frontière d’une humanité réconciliée avec elle-même. Le progressisme, cette idéologie se nourrissant du cadavre des utopies d’hier, communisme et socialisme, trouverait son achèvement dans le blairisme.
Le Tiers-Monde, dont le seul nom autrefois évoquait une idéologie de libération puisqu’il se voulait l’équivalent planétaire du Tiers-État de l’Ancien Régime français, se retrouva progressivement fragmenté par les sciences économiques et la sociologie complaisante qui l’accompagne comme l’avaient été avant lui le chômage ou les classes sociales, « ventilé » en une multitude de catégories. On parla donc de « pays émergents », de BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), de « réformes structurelles destinées à accélérer le développement », on mit leurs problèmes sur le dos de « retards en matière d’éducation des jeunes filles » et on évacua la place qu’y jouent les grandes multinationales dans le pillage des ressources de pays maintenus dans la pauvreté avec la complicité de gouvernements dociles par nous installés, souvent par la force.
Dans cette espèce de dystopie décrite en long et en large d’articles insipides fardés de statistiques permettant de garantir que l’Afrique serait le nouveau dragon économique du 21e siècle, il n’y avait de place que pour une seule condition: accepter les règles du nouveau courant économique en vogue. Les échecs patents comme en Haïti où la libéralisation du marché du riz a avant tout conduit à la banqueroute des milliers d’agriculteurs producteurs de riz face à la concurrence des riz asiatiques et rendu l’île complètement dépendante des importations tout en créant de la pauvreté, ont systématiquement été passés sous silence et considérés comme un mal pour un plus grand bien dans cette course infinie à l’adaptation qui accompagne cette idéologie chérissant la « destruction créatrice ».
La prospérité apparente dans les pays « avancés » était alimentée par la chute des prix de certains produits désormais fabriqués à l’autre bout de la planète. Si les salaires ne bougeaient guère, le Bangladesh, la Chine, l’Inde ou la Tunisie produiraient pour nous ces vêtements de rêve en polyamide grimant la laine et en polyester grimant le coton, que ce soit chez H&M ou chez Zara où on copierait les créations d’une mode réduite à des marques interchangeables.
La crise de 2005-2009 fut une première secousse révélant en elle-même ce qu’il y avait de fragile dans cette économie désormais mondialisée à outrance et dont les peuples ne seraient plus que les spectateurs passifs tout juste bons à produire et à consommer en s’endettant.
Ces délocalisations, cette concurrence de zones géographiques et économiques désormais planétaires allaient entrainer un boom économique dans les régions d’Asie du Sud Est, celles précisément produisant ce dont les « pays avancés » du Nord consommaient frénétiquement, tout en « contenant les coût », c’est à dire, tout en permettant de faire s’envoler la plus-value extorquée aux travailleurses de ces pays « émergeants ». Les dividendes des actionnaires.
À un capitalisme de profits s’est alors substitué un capitalisme de cash-flow dont la caricature est certainement le secteur aérien, avec ses dizaines de milliers d’avions dont les 3/4 sont loués ou acheté à crédit par des compagnies low-cost permettant aux prolétaires des différentes zones géographiques d’avoir l’illusion d’une élévation de leur niveau de vie et de partager sur ces goinfres que sont devenus les réseaux sociaux les eldorados de pacotille à coup de selfies et de paysages identiques avides de like.
En réalité, aucune de ces compagnies ne gagnait d’argent, elles se contentaient de rembourser leur dettes, de les faire rouler avec le cash qui rentrait et les nouveaux crédits accordés pour s’étendre. Le Quantitative Easing et les crédits dérivés y pourvoyaient généreusement sous l’oeil ravis de nos élites et de nos gouvernements, les succès économiques apparents étant la preuve de la justesse de leurs thèses. Dérégulez, et contemplez la beauté de la mondialisation…
Ce capitalisme du cash flow domine aujourd’hui des pans entiers de l’économie. Amazon, WeWork, on loue son appartement neuf, on peut louer ses vêtements, sa voiture, son téléphone, sa freebox, le terrain de sa maison, et le capitalisme, célébration narcissique de la propriété, est entré dans l’âge de l’a-propriété et de la location éternelle qui nourrissent toutes ces sociétés reposant essentiellement sur le net et n’étant aucunement profitable, les usagers n’étant que les agrégats économiques permettant de rembourser suffisamment de dette pour continuer cette fuite en avant vers plus de dette.
Régulièrement, elles sont au bord du dépôt de bilan et ne doivent leur survie qu’au montant faramineux des dettes accumulées leur permettant d’avoir accès à de nouveaux emprunts ou à des émissions de nouvelles actions et obligations quand ce n’est pas par le rachat par un plus endetté qu’eux, comme SoftBank.
Cet accès si aisé au marché des capitaux les entraine à vampiriser des pans entiers de l’économie réelle. Les hangars Amazon balafrent les paysages en transformant les centre-villes en déserts glauques où ne subsistent que les boutiques franchisées du capitalisme globalisé, et ce sera encore pire après la Covid…
Et puis voilà que l’histoire, la vraie, pas le bourrage de crâne idéologique de « la fin de l’histoire », c’est à dire ce moment où l’Occident s’est regardé le nombril en se trouvant si beau en son miroir cathodique, voilà que l’histoire se révèle plus forte que tous les mensonges, que toutes les dystopies produites par une idéologie en plastique portée par une élite sur-diplômée et idiote au cerveau formaté par des tableurs Excel.
Le 11 septembre 2001 d’abord, puis les guerres impérialistes sans fin, puis la crise financière de 2006/2009, puis de nouveau des guerres sans fin, puis la crise grecque et le dépeçage de sa population, puis l’éveil de mouvements politiques de plus en plus nourris du ressentiment à l’égard d’états sensés les protéger mais qui fil des ans les ont livrés seuls face aux forces d’un marché déchainé au rythme du « adaptez-vous » et du « There is no alternative » thatchérien.
Brexit, Orban, Soral, Trump, Zemmour, QAnon, mais également la régression républicaine autoritaire et laïcarde française, une idéologie de boucs émissaires s’installe sur les ruines idéologiques béantes de cette guerre qui a conduit à la victoire idéologique de l’ordre néo-libéral.
Exit, Keynes et son capitalisme tempéré par une société démocratique forte. Exit le socialisme, le communisme. Il n’en reste qu’une contestation de traines savates sans idéologie, une sorte de pas-contentisme critique de tout qui ne dessine aucun ailleurs politique et alimente indirectement les récriminations envers les élites dont se nourrissent les nouveaux fascismes contemporains.
Si jusque dans les années 70 l’art s’était révélé le dernier refuge, la dernière frontière ultime d’où naitraient des ailleurs possibles, le développement de l’informatique, des réseaux sociaux et de l’information en continu ainsi que la télé-réalité ont donné naissance à une culture du pastiche et à une culture du moment T. Les chanteurs et chanteuses d’aujourd’hui sont des mouchoirs colorés en papier qu’on jette après usage. Ils naissent sur Instagram ou sur Snapchat, là où s’exprime une culture de nouveau riche hyper consumériste faite d’influenceures sans talent, de pauvres gars, de pauvres filles qui, telle la première du genre en France, Loana, seront oubliés aussi vite que révélés et livrés aux lendemains amers des illusions déçues. On commence même à en voir se tourner vers QAnon, histoire de survivre et de continuer à faire du buzz.
Et voilà une épidémie dont on ne voit pas la fin. Une économie qui en quelques semaines a commencer à faire vaciller les certitudes du monde que nous sommes en train de quitter sans trop nous en rendre compte. Où en sera l’économie après le deuxième confinement, et dans quel état psychologique, social seront nous? Quelle sera notre représentation du monde et de nous même? Et après le troisième? Qu’en sera t-il de l’épidémie si la nouvelle souche mutante née dans des élevages de visons vient à s’étendre et met les vaccins en développement en échec? Combien de temps cela durera-t-il et que restera-t-il des sociétés de ce monde complexe à qui nous faisons subir une expérience brutale et inédite?
En forçant la génération du baby boom à s’isoler, cette crise sanitaire acte définitivement la fin de l’hégémonie culturelle et démographique de cette génération, et cela à un moment où ce qui l’a accompagnée dans son essor, l’énergie abondante et pas chère et les matières premières « illimitées » vont commencer à se raréfier.
La crise dans laquelle nous amorçons notre entrée n’est que l’une des nombreuses crises qui s’annoncent, elle marque de fait le véritable commencement du 21e siècle, un peu comme la guerre de 14/18 a marqué le passage dans le 20e siècle. Et peut-être même la fin du second millénaire pour reprendre une formule centrée sur l’occident chrétien en tant que centralité.
Il est impossible de savoir dans quel état nous seront à la fin des années 20. Les effets économiques vont être dévastateurs, à commencer par leurs répercussions sociales et psychologiques.
Et puis, au niveau financier, une catastrophe est désormais belle et bien engagée, les montagnes de dettes accumulées dans une économie financiarisée jusque l’absurde ne pourront pas longtemps tenir dans cette économie maintenue à bout de bras dans une sorte de déflation contenue par une création toujours plus massive de dette depuis près de 20 ans.
Pour ma part, je continue de parier sur une faillite en chaine des banques centrales sous le poids d’attaques financières comme celle qui a mis la Livre Sterling à terre en 1992, mais avec les sommes folles et la puissance délirante que la finance a accumulé entre temps. On comptait les déficits en milliards, à cette époque. On parle désormais en Trillions, en dizaines de trillions, les crédits dérivés négocient des montants équivalent à des dizaines de fois la richesse mondiale… Cette crise, elle couve depuis plus de 10 ans, mais les montagnes de dettes que les états sont en train d’accumuler pour maintenir l’ordre social durant la pandémie vont avoir des conséquences incontrôlables à moins de remettre les compteurs à zéro, vite, ce « great reset » dont les grands capitalistes acquis à l’ultra-libéralisme commencent à parler en en définissant les contours.
Ce « great reset » sera-t-il une dépréciation des dettes assortie d’une nationalisation partielle ou totale des banques afin d’éviter des faillites en chaine, à même de permettre de « réamorcer la pompe » comme le disait Keynes? J’en doute… Ou aurons nous droit à une société où des drones nous surveilleront en permanence dans une sorte d’état de siège sans fin destiné à imposer une cure d’austérité et une privatisation quasi-intégrale des états désormais réduits à leur rôle de gendarmes d’une société livrée à tous les appétits financiers pendant que tous les besoins seront satisfaits par de grosses corporations privées fournissant des services externalisés et gérés par des travailleurs uberisés? Je livre cette question a votre réflexion. C’est là que l’art et la culture entrent en jeu.Quand je dis l’art et la culture, je dis écriture, cinéma, photographie, couture, dessin, peinture, architecture, tous les champs possibles de la création quand elle raconte l’époque.
Vêtement, style et rupture: le cas Dior
Je ne m’appesantirai ici que sur le vêtement féminin. L’homme est le parent pauvre de la mode… Le vêtement comme allégorie.
J’ai toujours aimé les moments charnières, les moments de bascule désordonnée, cafouilleuse et brouillonne mais à l’énergie infinie.
La Régence par exemple, annoncée par l’art deux ans avant la mort de Louis XIV avec la présentation de L’embarquement de Cythère en 1713 ou, pourquoi pas, 8 ans avant sa mort avec la première traduction des Milles et une nuits par Galland. La fin durègne de Louis XIV était étouffante, vieille, et l’artiste présente soudain une jeunesse légère dans une île où règne l’amour, l’élégance, de petits chérubins se tiennent les parties pendant qu’une guirlande de fleurs partant des reins d’un Satyre sur la barque semble traverser le tableau pour venir inonder le buste de Vénus dont les yeux sont exorbités de plaisir… (cliquez pour regarder)
L’embarquement annonçait le style galant à travers une oeuvre qui fit un certain scandale, Les Nuits annonçait le succès du roman « oriental » qui, de Montesquieu à Diderot en passant par Crébillon ou Rameau s’imposa comme un genre à part entière tout au long du siècle de Louis XV.
Les années 1791/1797, avec la disparition du corset, des perruques, et la naissance d’un vêtement fonctionnel et pratique.
Les années 1905-1913, avec l’orientalisme, nourri de Japon, de Chine, de Russie et d’Empire Ottoman, débouchant sur un retour au vêtement simple sous le coup d’aiguille de Paul Poiret, certainement le plus grand génie de la mode française. Ça n’a l’air de rien, mais c’est lui qui a définitivement supprimé le corset et commencé à raccourcir ces jupes qui jusqu’alors cachaient entièrement la jambe.
C’est avec la lignePoiret(illustrée ici par cette photo à droite dans un modèle de 1913 porté par Misstinguett) que s’amorce le changement du vêtiment féminin durant et après la première guerre mondiale. Chanel était douée pour les mondanités avec un goût très prononcé pour l’argent quand Poiret était avant tout un couturier amoureux de sa femme… Il est mort ruiné et oublié dans les années 40 quand Chanel collaborait sans aucune retenue avec les nazis avant d’aller se faire oublier en Suisse une petite dizaine d’années.
Je vous parlerai donc d’abord de vêtements car à aucun moment le vêtement féminin n’a été à ce point synonyme de bonheur, d’espoir en l’avenir que lors de la présentation de la première collection de Christian Dior en février 1947, une véritable rupture au sujet de laquelle je voulais écrire pour vous donner un peu d’espoir au moment où beaucoup de certitudes s’effondrent les unes après les autres. J’ai toujours été fasciné par ce moment charnière dans l’histoire du vêtement féminin.
En 1929, la ligne dessinée par Poiret touche à sa fin après s’être transformée de tout en tout. On a du mal à reconnaitre l’original de 1913 et pourtant, jusque 1929 on retrouve le même maquillage et surtout cette obsession d’effacement de la taille, cette simplicité qui caractérise la révolution Poiret.
C’est que 1912/1913, entre le futurisme, le cubisme, le scandale inégalé lors de la représentation du ballet Le sacre du Printemps au théâtre des Champs-Élysées ou la publication de Alcool, est un moment important dans l’histoire de l’art et de la culture, un moment charnière où toutes les règles et toutes les conventions des décennies précédentes voire même des siècles précédents sont simplement balayées.
Paul Poiret devient ainsi le couturier qui va véritablement incarner, révéler l’époque car pour tout dire, une fois que les hommes sont morts, ce qu’il reste sont leurs portraits, leurs photos. Les jeunes femmes des années qui suivent n’ont plus la taille piégée dans un corset. Au sortir de la guerre en 1918, l’ourlet entame sa remontée, et chez les plus riches on garde la touche orientale que Poiret avait introduit mais progressivement, cette taille effacée et rehaussée au dessous du buste va littéralement tomber sur la pointe des hanches quand au même moment l’ourlet découvre le mollet et le coiffeur, à grand coup de ciseaux, dévoile le cou. La « garçonne » n’a ni taille, ni poitrine, elle a les cheveux courts, elle est vêtue pour travailler.
Dans la seconde moitié des années 20, l’ourlet dévoile audacieusement le genou et les couturiers jouent de contrastes noirs et blancs géométriques, coiffent les femmes de « cloches », ces chapeaux qui enveloppent la tête comme un bonnet asymétrique, les talons des chaussures se font bobine pendant que le pantalon entre dans la garde robe des plus audacieuses.
À la veille du crash de 1929, toutefois, un des hasards les plus fascinants, les couturiers rallongent radicalement l’ourlet qui redescend à mi-mollet après avoir commencé à découvrir le bas des cuisses des plus téméraires, remontent la taille à son niveau naturel pour donner une ligne plus douce, plus « féminine » après dix à quinze ans d’expérimentations et d’audaces qui avaient fait de la femme la pointe avancée de l’art déco et des prémices de la société de consommation. La garçonne conduit sa voiture.
1929…
Les cours en bourse s’effondre aux USA et, alors que la bourrasque n’a pas encore atteint l’Europe, Paris a décidé de faire une pause, un peu comme pour mieux digérer la décennie 20, ces années folles qui vont briller et continuer à fasciner durant des décennies entières. Bauhaus et De Stijl pour le design, Mallet Stevens et Le Corbusier, Dada puis le surréalisme ou l’expressionnisme allemand dans la peinture et la littérature, la série dodécaphonique développée par Arnold Schönberg, le cinéma de création de Man Ray ou de Marcel Lherbier, la révolution Bolchévique en toile de fond, c’est bel et bien d’une décennie fondatrice du 20e siècle dont il s’agit, née peu de temps avant la guerre et qui se prolonge en bousculant toutes les bornes, toutes les barrières.
… et 1930.
Et finalement, passées ces audaces incroyables de la décennie 20, quand la crise des années 30 s’installe, c’est d’abord dans une mode sobre, fluide. Ce sont les vêtements des premiers films parlants, comme ceux que porte Madeleine Renaud dans Jean de la Lune.
1935
Roosevelt est élu en 1933 et une énergie nouvelle traverse les USA.
Les cheveux que les femmes continuaient de porter courts ondulent et commencent à rallonger. Les sourcils ne se brulent plus en épilation définitive. On les épile désormais normalement et l’oeil commence à se faire plus frondeur. La ligne générale évolue peu mais progressivement elle se « durcit », les épaules commencent à s’affirmer, les jupes jusqu’alors si fluides comment à prendre des formes, des plis permanents, la cloche disparait et des chapeaux presque masculins commencent à recouvrir la tête des femmes.
À la veille de la guerre, les épaules sont définitivement carrées, les cheveux sont plus longs roulés aux épaules, le tailleur a définitivement pris la forme qu’on lui connait encore de nos jours. L’ourlet entame une très timide remontée et les chapeaux commencent à se rouler.
L’hybridation entre la guerre, le rationnement et les créations de haute-couture vont créer un style un peu oublié, souvent prêté aux années 50 quand il est définitivement planté dans les années 40. Beaucoup de femmes vont être réduites à porter des vestes d’hommes sur lesquelles elles vont mettre une ceinture pour appuyer la taille, elles vont porter des jupes plus courtes, au niveau du genoux, généralement de forme évasée et taillée dans d’anciennes jupes ou d’anciens manteaux importables et usés. Il n’y a plus de bas, elles vont se teindre les jambes avec du marc de chicorée et se dessiner la couture à l’encre. Les cheveux vont se rouler en coque au dessus du front et un chapeau quelconque viendra coiffer le tout, avec quelques fleurs pour rehausser le tout. Je vous parle bien sûr de celles qui veulent « suivre la mode », pour les autres, c’est la veste d’homme et la ceinture et une jupe courte. Pour les plus riches, c’est la même ligne, très épaulée, la taille très marquée et l’ourlet court sur une jupe plissée. Les chaussures ont une semelle compensée en bois. Il n’y a plus de cuir.
A partir de 1945, le gouvernement encourage des maisons de couture à relancer leur création et a l’idée de promouvoir à l’aide de poupées envoyées aux quatre coins du monde. C’est Le Théâtre de la Mode qui connait un grand succès et permet à Paris de retrouver sa place.
Pourtant. Pourtant, malgré tous leurs efforts, les couturiers semblent passer à côté de quelque chose. Ils sont couturiers, ils ont oublié d’être les artistes fous qu’ils ont su parfois se révéler. Ils ont oublié qu’un vêtement comme une peinture peut aussi se révéler un déclaration de guerre aux malheurs du temps, un manifeste. Paris bouillonne d’une jeunesse qui veut vivre. Gréco fait rêver Paris, Sartre donne un sens à la vie après les horreurs des camps et les prémices de la guerre froide, Sartre publie Lévi-Strauss, et Michel Leiris, Genet n’arrête pas de publier, Beauvoir s’apprête à jeter un pavé monumental dans la marre, le jazz se déchaine dans les caves de Saint-Germain, Picasso et Giacometti sont définitivement installés dans la capitale, Vian écrit ses premières chansons à un jeune chanteur totalement fou et appelé Henri Salvador, le cinéma se relève mené par une nouvelle génération d’acteurs et d’actrices, Mouloudji, Montand, Reggiani, Signoret, Philippe, dans les caf’conce, Ferré et Brassens brûlent leurs premières planches, les écrivains américains, les musiciens noirs viennent là pour échapper à l’enfer maccarthyste qui commence à s’abattre sur les USA.
La France est pauvre, les gens sont pauvres mais il y a une énergie qu’aucune autre ville au monde n’a à ce moment. On continue d’utiliser des tickets de rationnement, même pour un simple bout de tissus. Les vêtements féminins, de leur côté, continuent d’habiller la bourgeoise sans inspirer les autres femmes. Début 1947, les épaules sont radicalement carrées, les ourlets ont rallongé un peu, certains couturiers s’essaient à donner un côté plus luxueux, les frous-frous réapparaissent.
Christian Dior, après avoir été dessinateur de mode autodidacte dans les années 30 puis avoir été modéliste à la fin des années 30 et durant l’occupation, rencontre un des frères Boussac, les plus importants fabriquant de tissus à cette époque. Celui-ci lui propose de créer sa maison. Christian Dior a une idée de vêtement depuis des années et c’est avec un sponsor incroyablement riche qu’il va pouvoir ouvrir sa maison et lancer sa propre collection.
Dior est né dans un milieu bourgeois et a rencontré beaucoup d’artistes dans les années 20. Il a fréquenté Cocteau, Man Ray… Il a même un temps tenu une galerie d’art. Il ne lui reste plus qu’à combiner tout cela.
Il va faire beaucoup plus que des vêtements. C’est un artiste, c’est certainement ce qui le différencie profondément de Chanel, celle qu’il définit presque un peu comme une ennemie, avec sa petite robe noire. Chanel aime le vêtement fonctionnel et féminin à la fois, cette sorte de fausse simplicité bourgeoise, discrète.
Non, Dior est avant tout un artiste. Il ne sera pas peintre, il sera simplement couturier mais il y emploiera la même force, le même génie, la même folie.
Christian Dior ne va pas seulement faire des robes. Il va totalement redessiner le corps des femmes. Son geste est incroyablement scandaleux, rétrograde vont dire en choeur les détracteurs.
Alors que depuis les années 20 la mode avait « libéré » le corps des femmes, Christian Dior va lui imposer ses diktats, et cela à raison d’un nouveau diktat pour chaque collection, en profitant parfois pour bousculer son diktat précédent. Sa première collection est un geste, une sorte de punkitude ultime dont il ne mesure pas une portée qui va même un peu l’effrayer, il définit son territoire et pour tout dire, son geste est d’une telle force que jusqu’à sa mort, il annexe tout le territoire. Mieux, il n’hésite devant aucune audace, et le voilà qui invente la décennie à venir. Dior est fou, et la folie est certainement l’acte le plus beau, le plus salvateur d’une époque désespérée, ruinée, sans avenir, grise, une époque terne les yeux rivés sur la nécessité de relancer la production et « moderniser » le pays dans un climat de guerre froide. Dior va malaxer toutes les audaces du temps, et le jazz, et Gréco, et Sartre, et Fitzgerald, et Vian, et Saint-Germain, il va malaxer, mixer l’époque en un geste scandaleux.
Christian Dior ne fait pas de vêtement. Il donne son style à l’époque et réinvente l’image de la femme. Ça peut sembler futile, misogyne de nos jours, et ça l’est. Mais Dior est un homme de son temps, d’une époque et d’un monde où les femmes cousaient souvent leurs propres vêtements, devaient paraitre et qui, au sortir de la guerre, étaient comme tout le monde désespérées par ce monde gris privé d’avenir et plongé dans les privations. Dior va leur offrir un rêve, une beauté possible, il va les rendre plus belles que belles. Il va en faire des fleurs.
On s’arrête souvent sur le mythique tailleur Bar de la ligne « Corolle ». Comme une fleur.
Mais le secret du New Look, le vrai manifeste, la révolution, c’est la ligne 8 présentée le même jour, elle est ce que tous les couturiers vont immédiatement copier car comme je l’écrivais plus haut, Dior réinvente le corps féminin après des années de carcans quasi-militaires.
Le tailleur « Bar » (croquis à gauche), la ligne « Corolle » sont le produit de la ligne 8.
Pourquoi? C’est très simple. Le 8 est le secret de cette ligne, il est ce qui va définir le corps féminin pour une quinzaine d’années.
Pour dessiner la ligne révolutionnaire de février 1947, commencez par écrire un « 8 ». Veillez à faire la partie haute du 8 un peu plus petite que celle du bas. Ce sera la buste et la partie du bas seront les hanches. La partie au milieu, ce sera la taille.
Plus d’épaule, celles-ci se fondent dans les bras. La poitrine, appelée « le buste », se trouve soudainement mise en valeur. Ces courbes enveloppant le buste viennent se poser sur des hanches galbées. La taille est soulignée et très légèrement rehaussée: voilà un buste posée sur des hanches d’où partent des jambes longues, une longueur accentuée par les deux centimètres de surélévation de la taille et par la longueur de la jupe elle-même.
C’est féminin. C’est ultra-féminin. C’est une sorte d’abstraction du corps féminin, perché sur talons hauts et coiffé d’un chapeau large au bord replié et asymétrique, les cheveux coiffés en arrière. Cette ligne radicalement opposée au vêtement de l’occupation et de l’après guerre va avoir l’effet d’une bombe. La journaliste de Harper’s Bazaar présente lors du premier défilé, Carmel Snow, contacte immédiatement sa rédaction et annonce qu’il vient de se passer quelque chose à Paris, « those dresses have such a new look! ». La ligne « Corolle » et la « Ligne 8 » s’effaceront pour toujours devant cette expression. On parlera désormais de New Look.
L’un des clous du défilé est donc le tailleur « Bar », devenu une légende de l’histoire de la mode au même titre que les perruques d’un mètre de haut de l’époque de Marie-Antoinette. Bar annonce les années 50 au même titre que le scandale de Dada en 1917 annonçait les années folles et le surréalisme.
Le tailleur reprend tous les éléments de la ligne 8, mais au lieu d’une jupe droite élancée, voilà une jupe plissée et évasée qui fait de celle qui le porte une princesse aux jambes longues, à la taille fine et au buste généreux sans vulgarité. Bar est un objet parfait (cliquez)
La mode de Dior, immédiatement taxée de réactionnaire pour le côté « retour à la féminité », n’en est pas moins terriblement moderne. Tout est dans la coupe, il n’y a aucun corset et ce sont des rembourrages et des pinces qui renforcent l’effet taille fine, l’effet jambes longues, l’effet buste. C’est de l’architecture, un travail de coupe. Il s’agit de vêtements très portables pour l’époque et en cela, ils sont très modernes. Dans les semaines qui suivent, l’industrie du prêt-à-porter US commence à produire en masse des tailleurs et des robes inspirées du New Look et ce sont icels qui vont le mieux incarner l’arrivée en masse des femmes dans l’industrie des services dans les années 50. Une femme en tailleur de style Dior est l’égal d’un homme, elle porte un vrai costume.
Le scandale traverse également le monde politique. Il ne fallait qu’un bout de tissus pour faire une robe, « « Bar » en a besoin de près de 6 mètres rien que pour la jupe, et encore c’est compter sans les doublure et les couches de tulle nécessaire à l’effet gonflé. En pleine période de privation.
Les femmes, elles, se prennent à rêver. Ma mère m’a raconter l’ingéniosité des jeunes femmes pour rallonger leurs jupes. Pour la première fois, on commence à retenir le nom des mannequins qui immortalisent ces modèles dans ce qui s’annonce être le premier âge d’or de la photographie de mode…
Pour sa deuxième collection, Dior surenchérit et rallonge encore un peu plus l’ourlet pour sa ligne Zigzag. C’était 30 cm du sol, ça sera désormais 25 cm du sol. Les féministes hurlent au scandale. Peut-être cette décision vient-elle de sa propre surprise quand il comprend ce que sa première collection avait de frondeur, de chahuteur, de « punk », finalement.
Peut-être ressent-il le besoin d’installer définitivement ce qui n’était qu’un geste d’artiste dans la durée. « Vous ne me faites pas peur », semble dire la scandaleuse longueur des jupes. Il se fait photographier, un règle à la main aux pieds d’une mannequin en jupe droite, l’oeil malicieux.
La nouvelle longueur est un décret, un diktat. Cette année, les femmes portent des jupes encore plus longue. Voilà, je l’ai décidé. Durant les quinze à 20 ans à venir, on parlera chaque saison de la nouvelle longueur des jupes, une tradition héritée du New Look.
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C’est trop féminin, c’est réactionnaire, c’est trop coûteux. Imaginez, plus de 20 mètres d’étoffe pour faire une robe de soirée. Et pourtant… Pourtant Dior plus qu’aucun autre a su traduire, synthétiser l’envie, l’espoir d’entrer dans une époque nouvelle. En ne se contentant pas de faire des vêtements comme s’y étaient résignées toutes les autres maisons, en décrétant d’un coût d’un seul une longueur d’ourlet plus longue encore que dans les années 30, en suggérant une taille corsetée comme en 1900, en effaçant les épaules comme une provocations à ces épaules quasi-militaires de la décennie 40, en dessinant une ligne qui fait la tête petite et les jambes longues, bref en décrétant que les femmes auraient le corps qu’il exigeait qu’elles aient, Dior ne faisaient pas seulement de vêtements, il dessinait son époque, il la peignait et la rendait désirable, palpable, possible.
Combien de femmes, qui à l’époque savaient encore coudre, ont commencé à retoucher de vieux vêtements ou à en faire de nouveaux pour se conformer aux délires de l’artistes afin, elles aussi, d’entrer de pleins pieds dans une époque nouvelle, celle dont toute guerre serait bannie.
Dior, c’est un peu le CNR de la mode, c’est certainement la mode la plus populaire qui n’ait jamais existé parce qu’il y a eu la rencontre entre son génie et les désirs du temps. Rapidement, les actrices, aux USA comme en France, vont adopter cette allure si particulière, et puis dans la rue les jupes vont se faire plus longues et au début des années 50, le New Look s’est définitivement imposé. Les journaux pour dames, ces magazines avec des patrons, fourmillent de ces patrons reproduisant les modèles des grandes maisons qui chacune les unes après les autres ont adopté cette nouvelle ligne.
Dior n’est peut être pas le plus grand couturier de cette époque, il y en avait tellement, et de géniaux, mais il en est l’inventeur, le génie, l’artiste qui va saison après saison affirmer ses nouveaux diktats que les journalistes et les femmes s’intéressant à la mode commenteront, amusés parfois mais toujours sur le qui-vive car ils savent que Dior est plus qu’aucun autre un artiste plus qu’un couturier. Quand en 1953 il déclare que le New Look est mort, on accueille la nouvelle avec une sorte de consternation.
modèle de Jacques Fath, 1951
Toutes les robes sont New Look, toutes les maisons sont New Look, tout le monde « fait » du New Look, jamais les femmes n’ont semblé si élancées, si féminines. Même l’hirondelle de faubourg, la midinette, porte le dimanche ces longues jupes et ces chemisiers qui dans leur style semblent sortis de l’esprit du couturier.
Modèle de Balanciaga, 1954
Et pourtant à partir de 1954, ce que pressent Dior, c’est qu’il est temps de commencer à modifier la ligne, le dessin. Les modèles des dernières années ont encore la patte de la ligne 8, mais cette année, le 8 a laisse la place à un H. Dior ne sera pas celui qui accomplira la nouvelle révolution, mais il va ouvrir la voie vers un vêtement plus sobre.
Un buste moins mis en valeur, des épaules qui réapparaissent discrètement et surtout une taille moins soulignée. Son jeune assistant, Yves Saint-Laurent, sera par la suite un peu l’exécuteur testamentaire de cette intuition, ce qui le poussera à quitter la maison Dior et créer sa propre maison: après la mort du couturier en 1957, Dior était devenue une maison figée sous le poids trop lourd du maitre. Yves Saint-Laurent sera donc celui qui à chez Dior d’abord puis dans sa propre maison à partir de 1960 donnera tous ses aises à cette ligne simplifiée qui chaque saison après l’autre remontera timidement la longueur des jupes jusqu’à, Oh, scandale, dévoiler le bas du genoux. En 1964, la speakerine Noëlle Noblecourt est licenciée pour l’avoir montré, ce genoux…
André Courrèges, 1964.
Ce sera toutefois un architecte de formation qui accomplira définitivement la révolution dont Christian Dior n’avait eu que l’intuition avec la ligne H, en réalisant le H parfait. André Courrèges présente en 1964 une mode totalement révolutionnaire qui, exactement comme Dior en 1947, renverse toute la table des habitude et incarne en un vêtement l’esprit du temps, celui du capitalisme de consommation de masse, des matières plastiques, de la modernité globale et de la conquête spatiale.
Courrèges.
En deux ans, tous les couturiers adopteront la ligne Courrèges. Mini-jupe, pas de taille, poitrine simplement ignorée, jeux de contrastes de couleurs, matériaux nouveaux.
Mais bon, là, c’est encore une autre histoire que je vous raconterai un jour s’il me vient l’envie de vous parler de l’esprit des années 80 et de la new wave dont l’inspiration est définitivement à aller chercher du côté des années 1965/67.
Bon, alors, pourquoi ce long développement sur un style de vêtements féminins, le New Look, alors que je vous parlais au départ de la situation de nos sociétés.
Eh bien tout simplement parce que cet espèce de cul de millénaire dans lequel nous sommes coincés est avant tout caractérisé par une sorte de fin de fin qui ne veut pas finir. Nous sommes encore et toujours piégés dans des référents culturels anciens dont nous ne sommes pas encore sortis, nous n’avons pas révolutionné la culture. Or, on ne sort pas d’une crise sans une révolution de la culture.
Modèle de Balanciaga, 1953
Dior, 1951
Cette révolution de la culture ne se décrète pas: Dior est la synthèse de révolutions accomplies, il est la queue de comète magnifique du surréalisme dont il a connu plusieurs des acteurs, il est l’ami des peintres de ce temps, des écrivains de ce temps et il va habiller les célébrités de ce temps, de Joséphine Baker à Marlène Dietrich. Il synthétise la richesse de la culture de son temps et tourne la page d’un présent gris pour entr’ouvrir la porte d’un d’avenir possible. Son diktat n’est qu’un diktat de pacotille, il est une proposition magnifique, Mesdames, devenez des fleurs…
Dior donne ainsi à une époque bouillonnante intellectuellement son visuel le plus tangible, bientôt, ce seront Levy-Strauss et Fanon, ce seront les guerres d’indépendance. Dior n’a rien provoqué de cela, il a juste affirmé par un geste radical que l’époque était ouverte, que tout y était possible. Et que malgré les horreurs de la période précédente, la vie pouvait être belle.
Balanciaga, 1957
C’est avant tout cela, le travail de l’artiste. Il n’y a pas d’art, il n’y a pas de création qui soit coupée de son temps. Dior fait rêver un monde à un moment de doute profond, l’après-guerre, le rationnement, la guerre froide, des grèves violente, en dessinant l’opulence, une certaine forme de beauté sublimée.
Ont suivi les génies de la couture, Balanciaga et Fath, mes deux préférés, le baroque et l’exubérant, ils sont les deux artistes du « plus que » New Look. Balanciaga réalise des synthèses impossibles, il va chercher dans les années 20 leur allure longiligne pour les renforcer de ce dessin tout en courbe du New Look quand Fath va déployer tout son génie des plis pour donner à la silhouette une allure plus fine et plus féminine encore.
Dior est finalement l’inventeur du mythe des années 50. Marylin est New Look, super New Look, même…
Marlène Dietrich en Dior
Le moment que nous traversons ne débouchera pas sur un nouveau New Look. Ce moment est passé, pas plus qu’il ne débouchera sur un nouveau dadaïsme, un nouveau surréalisme, Courrèges et sa mode de l’espace ne reviendront pas, pas plus que les merveilleuses en robes romaines transparentes que l’on pouvait apercevoir dans les rues du Paris post-révolutionnaire à la nuit tombée.
Il n’y aura pas plus cette année magique 1912/1913 qui a fait frémir la culture bourgeoise sur ses gons, entre la copulation païenne du Sacre du Printemps et la révélation du corps féminin tel qu’il est quand Paul Poiret retire le corset aux femmes, ni Kandinsky, ni Arp ni Appolinaire ni Debussy. Il n’y aura plus ce moment, 1968, où la culture va définitivement basculer dans la culture de masse, la culture jeune, sans règle ni tabou.
Dior
Il y aura autre chose, il y aura ce sur quoi nos expérimentations déboucheront, en littérature, en cinéma, en vidéo, en peinture et en dessin et un jour un génie qui, venant synthétiser tout cela, accomplira, je n’en doute pas un instant, le geste ultime que fut le New Look, mais à sa façon et avec ce qu’il saura le mieux maitriser. Comme il y a 700 ans Pietro della Francesca a révolutionné l’art européen en représentant le premier des portraits de bourgeois et en utilisant la perpective, comme Bocaccio a révolutionné la littérature européenne et inventé la langue italienne par la même occasion après l’épidémie de peste.
Le New Look, ou l’âge d’or de la photographie de mode
Nous vivons une telle époque. Pour le pire, et il y aura beaucoup du pire. Racisme décomplexé, totalitarisme et autoritarisme, crise économique et crise sociale ravageuses, épidémie sans fins aux effets psychologiques dévastateurs. Mouvements politiques aberrants, comme le QAnon. Crise climatique. Crise énergétique. Bouleversement de notre civilisation, raidissement de nos élites. Guerres.
Et pour le meilleur, ce meilleur que certains défrichent modestement, solitaires pour les uns, jetés à la vindicte pour les autres. Un travail modeste.
La différence viendra des plus jeunes. Iels ont dix ans, iels ont 15 ans, 20 ans, ce seront iels qui feront la différence, qui créeront car ce sont iels qui auront la capacité de casser les certitudes, les habitudes, les croyances héritées du 20e siècle voire celles du 2e millénaire. Ils en auront la capacité, ils n’en auront peut-être pas même le choix mais quoi qu’il en soit ce sera leur tâche. Quand cette épidémie sera derrière nous et que nous émergeront dans son monde dévasté économiquement, socialement, psychologiquement et prêt à s’adonner à toutes les aventures parmi lesquelles les pires, ce sera dans leur monde que nous entreront.
Dans les soirées de l’interminable confinement, et alors qu’il leur aura été impossible de vivre dehors, réinventant les audaces folles de la clandestinité, ils auront réfléchi, dessiné, ils auront commencé le long défrichement de l’époque qui vient, cette époque qui commence maintenant et qui un jour, sous les yeux embués de celles et ceux qui assisteront à la première présentation d’un quelconque artiste sachant plus qu’un autre incarner son temps, se révèlera avec toute son évidence une époque nouvelle.
Ne désespérons pas du temps que nous traversons. Donnons-lui l’art et la culture qui le raconteront.
Mardi matin, devant mon ordinateur, vers 8 heures 30. C’est assez tôt, même si ça ne l’est pas vraiment. Ce matin, je me suis levé vers 7 heures. Cela faisait très longtemps que je n’étais parvenu à être prêt si tôt, sans trop forcer et en prenant mon temps. Ce soir, je termine le travail à 21 heures. Une longue journée m’attend. J’ai de nouvelles lunettes, une paire pour dehors, une paire pour la maison. Et cela aussi, cela faisait longtemps. Bien sûr, j’avais des lunettes, mais j’ai cassé une paire dans l’hiver et depuis, je n’étais pas allé les faire remplacer: il y a eu le coronavirus. Résultat, j’ai utilisé de vieilles lunettes d’il y a dix ans, les verres un peu rayés et surtout beaucoup moins adaptées à mes yeux. Là, les caractères sur l’écran sont nets.
Voilà donc un billet ultra quotidien qui s’annonce, un de plus. Quelque part, je devrais en écrire un comme ça tous les jours, un journal, avec un peu tout ce qui me passe par la tête. Par exemple, mon poids qui ne varie pas. Bien que je n’aie pas été particulièrement concerné par le confinement, de mars à juin, j’ai fortement réduit mon activité quand au même moment mon niveau de stress a été particulièrement élevé. Le résultat, ça a été une prise de poids assez importante, or je ne souhaite pas que cette situation s’éternise, c’est un poids que je veux perdre. Ce n’est simplement pas bon pour la santé. Depuis août, je suis parvenu à stopper la prise de poids et j’ai même perdu deux kilos, mais depuis trois semaines le poids ne bouge plus. Bon, c’est bien, mais d’un autre côté cela traduit mon âge: il y a vingt ans, en mangeant comme je le fais, j’aurais bien perdu 5 kilos.
Ça fait partie du package, le métabolisme change…
Dimanche, je suis allé à Kamakura avec Jun, ça faisait très longtemps ça aussi, peut-être la dernière fois, c’était en fin de confinement. Il n’y avait strictement personne. Là, il y avait pas mal de monde, mais on le voit bien que les touristes étrangers sont absents, et puis, ici et là, des boutiques définitivement fermées.
Ce serait une ironie très difficile à digérer, si cette épidémie de « coronavirus SARS-Cov2 », d’une violente infection les premiers mois tournait à une sorte de rhume avec complications respiratoires pour 0,1% des gens, comme n’importe quel autre rhume. En gros, s’il mutait comme la plupart des autres coronavirus avant lui. On aurait essuyé une espèce de tempête effrayante, une gigantesque bourrasque qui en avançant aurait perdu de sa force pour ne laisser derrière elle que ruine et dévastation.
Parce qu’il faut bien avouer, même si ce virus devait devenir un simple rhume, on ne reverra jamais le monde qu’il a emporté avec lui. Le monde de l’instamake « Kim Kardashian » aux quatre coins du monde, devant des pyramides et des chutes d’eau, acheté à coup de billets d’avion bradés.Il y aura bien des tentatives de « retrouver » cette « normalité », mais tout, dans une civilisation comme dans le vivant, nécessite de l’énergie, et l’énergie du tourisme mondial s’est évanouie entre janvier et mai de cette année.
Ce n’est pas un mal même si ce n’est pas un tant que ça bien un bien non plus.
Cette épidémie va laisser en occident une emprunte au moins aussi forte qu’une guerre, mais en bien plus pernicieuse. L’emprunte d’une guerre invisible, qui n’aura pas eu lieu, tiens, revoilà Baudrillard, une guerre délétère, larvée, un poison à infusion lente qui aura instillé le doute envers les gouvernements, le doute envers le monde, qui aura mis un coup de projecteur cru sur tout ce qui nous entoure et qui ne marche pas, à commencer par notre abondance de pacotille, toutes ces choses achetées en Chine ou ailleurs et acheminées jusque chez nous dans ces tankers que nous avons vus immobilisés dans des ports, tous ces avions avec leur luxuriance dorée des « First Class Privilège » entassés dans des aéroports les uns derrière les autres réduits aux vulgaires boites de tôles qui volent qu’ils sont en réalité, un spectacle au moins aussi pitoyable à regarder qu’une bite qui à débandé marinant dans son jus au fond d’une capote.
Ce dévoilement du réel, bien que nous allons tout faire pour ne plus y penser, il va rester là, inscrit quelque part au fond de nous, et à la première difficulté il se rappellera à nous. C’est lui qui a avalé l’énergie de voyager loin et de faire du shopping.
Et puis il va rester la dévastation, le chômage, ces secteurs désormais sinistrés pour de bon, le tourisme, la restauration, et tous les secteurs liés. Il va rester les montagnes de dettes accumulées par les états et rachetées à tour de bras par les banques centrales, des dettes qui ne vont pas tarder à se rappeler à notre bon souvenir, on peut faire confiance « au marché ». Et la représentation politique d’aujourd’hui.
En décrétant un plan de relance (nul au demeurant), Emmanuel Macron se dévoile tel qu’il est: un homme du passé. Dans une époque qui plus que tout a besoin de vivre d’un « avant » et d’un « après », un « plan de relance », c’est vide, car ce dont notre époque a besoin n’est pas d’ordre financier.
C’est du domaine de la civilisation.
Inconsciemment, on sait que nous allons à vau-l’eau, que ça ne va faire qu’empirer, que le climat, la population, la santé, toute cette illusion de sécurité que le vingtième siècle avaient bâtie, on sait que tout cela est fini. On sait que les antibiotiques fonctionnent moins bien et que nous sommes à la merci d’une bactérie résistante. On sait que les ressources s’épuisent et que tout notre mode de vie dépend de leur abondance « illimitée ». On le sait mais on ne veut pas le savoir, ou plutôt on ne voulait pas le savoir, on voulait faire semblant et sucer la sève jusqu’au trognon à coup de voyages low cost ou de pétrole de schiste, et badaboum, un simple virus est venu nous rappeler notre condition.
Pire, le confinement nous a révélé une situation contradictoire. Nos pays riches ont pu s’offrir le luxe d’un confinement, avec garantie de salaires et d’emplois – un luxe que les pays du Sud n’ont pas eu les moyens de s’offrir puisque le Nord vit de leurs richesses- et en même temps, alors que nous découvrons son coup prohibitif, nous commençons à comprendre à travers la transparence du novlangue de nos dirigeants politiques qu’un second confinement est simplement impossible, inenvisageable. Et que nous sommes désormais totalement seuls face à ce qui vient.
2008 avait été un typhon, brutal mais court parce que, comme je l’écrivais à l’époque dans ce blog, le capitalisme était dans le cycle long de la prospérité de son âge global, de l’internet, d’ailleurs, l’iPhone a été lancé à ce moment là, joli symbole. Il n’a donc pas été très difficile de se remettre de 2008 et dans les « pays émergents », comme la Corée, ça a même été le début de leur « âge d’or », de leurs « années 60 ». Certains objecteront le chômage ou la baisse du niveau de vie, oui, bien sûr, mais le capitalisme se fiche de ça, les profits, eux, se sont envolés.
2020, c’est la dévastation d’une guerre, mais sans la guerre. Une sorte de bourrasque douce, invisible, et plus rien n’est comme avant. Les travailleurs et les travailleuses qui avant étaient parvenues à survivre sont désormais en mode survie, prêts à accepter des heures supplémentaires. Moi, mon salaire est amputé de plus de 10%. On n’a pas le choix, la révolution néolibérale nous a atomisés, et le chômage de masse étend son nombre sur notre quotidien, fragile.
L’effet de cette pandémie sera très long, très profond.
Alors que je déjeunais dans un petit restaurant de Kamakura, dimanche midi, je voyais par la vitrine les gens aller et venir et je me demandais si ça avait été comme ça, aux USA, en 1930, je veux dire, est-ce que le quotidien d’icels qui avaient encore leur travail était le même. On nous parle tellement des chômeurses, mais finalement si peu des autres, des travailleurses.
Je ne crois pas que cette pandémie soit comme la crise de 1929, mais plutôt comme la première guerre mondiale. Il y aura beaucoup moins de morts bien sûr, mais pour un Nord habitué au cocon de la tranquillité, se voir plongé dans une peur épidémique, c’est un sentiment de fragilité inédit, nouveau. Et une fois encore, cette expérience aura été une expérience mondiale.
L’économie repartira, bien plus vite que tout ce que les « analystes » disent, mais avec un volume de liquidités aberrant, et un volume de dettes juste absurde, qui équivaut au moins autant aux manipulations monétaires du début du 14e siècle. Je veux dire, je ne veux pas vous affoler, mais votre argent, il ne vaut rien. Vraiment rien. Car la banque centrale qui en garantit la valeur a acheté un volume de dette inimaginable, et ça équivaut à dire que votre billet est garanti par… une dette. Il y a 60 ans, c’était de l’or. Ça vous laisse entrevoir le chemin parcouru.
Le prochain accro sera fatal, et je « continue » de le voir vers 2024, après une période d’euphorie au moins inoubliable que les années 20, un truc nouveau riche, tape à l’oeil, du Kardashian à la puissance 100.000, et même que pense que cette fois, on est mûrs pour les padding années 80, ça ira très bien avec le second terme de Donald Trump. Une sorte de golden era financé à crédit, avec une bourse battant records sur records, quand au même moment, exactement comme dans les années 20, des pans entiers de la société seront simplement à la dérive.
Cette idée d’un décrochage vers 2024, ça fait 10/15 ans que j’en parle avec Thomas, c’est une marotte. La pandémie, elle, a brassé nos sociétés en profondeur, et cela me fait bien plus peur que l’effondrement des bourses et la banqueroute des états ou la faillite des banques centrales.
En France, en une semaine, on a vu une député représentée comme une esclave parce qu’elle est noire et qu’elle défend un antiracisme politique, on a vu une journaliste du Figaro retweeter une influenceuse voilée avec le commentaire « 11 septembre » avant de voir ressurgir le débat sur la peine de mort.
Ça ne présage rien de beau.
Au Japon, on a un nouveau premier ministre. Le même, avec une tête différente.
Coincé au Japon. Depuis 5 mois, tout retour au Japon était impossible pour les étrangers qui avaient quitté le pays pour une raison ou une autre. Cette interdiction disparaitra le 1er septembre, date à partir de laquelle les étrangers qui étaient bloqués et ne pouvaient rentrer pourront enfin revenir. De même, il nous sera enfin possible de voyager tout en étant assurés de pouvoir rentrer.
Mais. Quand on regarde les conditions et restrictions, on comprend bien qu’il est en réalité quasiment impossible de voyager normalement. Il y a des délais, des quotas, des autorisations préalables à obtenir pour une date précise et qui peuvent être refusées, ce qui veut dire qu’il est quasiment impossible d’acheter un billet d’avion, puisque l’autorisation peut être refusée, et il est également impossible de demander ladite autorisation à l’avance, puisque si celle-ci est validée, rien ne garantit qu’il restera des places dans l’avion.
Je suis donc coincé, comme des dizaines de milliers d’autres avec moi, au Japon. Longue conversation hier soir avec mon ami Thomas qui concluait « pourquoi pas acheter un billet simple ». Oui, ça resterait une possibilité, mais je n’y suis pas prêt du tout. Mais c’est vrai que c’est une des solutions les plus rationnelles à cette situation délirante dans laquelle nous sommes, piégés. Rentrer.
C’est dimanche aujourd’hui, et il fait incroyablement chaud. On prévoit 36 degrés à Tôkyô. Les experts prévoient un été qui s’étendra jusqu’à la mi-automne suivi d’un hiver précoce. Je ne sais pas trop sur quel modèle ils se basent, l’an dernier ils prévoyaient un hiver incroyablement froid, et on a fini par avoir un hiver relativement doux qui a trainé en longueur. Chaque année, ils y vont de ces pronostiques qui se retrouvent démentis. Ce qui est sûr, c’est que cet été est le premier été de ce type que je suis amené à vivre depuis que je suis venu m’installer ici. La « saison des pluies » (qui n’en est pas une mais bon) s’est éternisée jusque début août, je crois même qu’il n’y a eu qu’un jour de soleil en juillet. L’ouest du Japon a essuyé des pluies diluviennes exceptionnelles avec leurs affaissements de terrains, une centaine de morts, des inondations à répétition. Et puis d’un seul coup il s’est mis à faire beau et nous traversions une canicule assez inédite. Normalement, chaque année, vers le 20 août, il y a une gros orage, et à partir de ce jour là les températures perdent 5 à 10 degrés. Elles remontent ensuite mais les nuits se font moins chaudes et régulièrement des orages et des pluies abondantes viennent rafraichir les températures. Rien de cela cette année, il semble qu’on est parti pour du beau fixe avec des températures supérieures à 30 degrés jusqu’au 15 septembre minimum. Bon, ça ne tient pas compte d’un possible typhon, mais ça donne une idée. Et puis aussi, assez spécial, c’est une chaleur assez sèche, avec une sensation de soleil « qui brûle ».
Si c’est ce à quoi doit ressembler l’été à l’avenir, le Japon va vite devenir une sorte de désert car la végétation ne survivra ni aux pluies diluviennes, ni à cette chaleur sèche, ni à ce soleil, ni à cette sécheresse. Et on finira également par avoir des pénuries d’eau malgré des inondations… Le Japon a besoin d’un été humide pour le riz, pour les légumes, et surtout pour ses arbres et plantes qui y sont habituées.
C’est dimanche et je vais sortir dans une heure. Je pense qu’on va aller se réfugier au parc de Shinjuku, à l’ombre, sur la pelouse. Envie de paresser et me reposer tout en profitant de l’air. On est masqués tout le temps, avec la chaleur, c’est une sensation de sueur, de chaud, alors être à l’air libre dans un parc, c’est agréable. Je ne crois pas que j’emporterai mon appareil photo avec moi, l’iPhone suffira.
J’ai écrit hier un post au sujet de la couverture et de l’article de Valeurs Actuelles qui a réalisé une opération médiatique parfaite, avec beaucoup de bruit (et Balzac l’écrivait il y a près de 200 ans dans Illusions Perdues, pour un livre, ce qui compte, c’est qu’on en parle, en mal ou en bien). Mais c’est aussi en parfaite connaissance de cause que j’ai écrit, et que je partage ici ce que j’ai écrit, car il y a des limites qu’on ne peut pas franchir sans réagir. Et pour tout dire, ce ne sera pas tant à Valeurs Actuelles que j’en voudrai le plus, ils sont ici totalement à leur place, bien au fond de la fosse septique, en train de racler les parois et de rajouter quelques une de ces déjections qui visiblement leur procure la satisfaction du travail bien fait, comme en atteste leur mise au point au sujet des réactions à leur couverture.
Non, ce qui me choque le plus, ce sont tous ces indifférents, toute cette gauche morale qui renvoie dos à dos le magazine et sa victime jetée en pâture une chaine autours du cou. Sartre a écrit qu’on n’avait jamais été aussi libre que durant l’occupation. Entendre, non pas de cette liberté factice qui consiste à faire ce qu’on veut, mais de cette liberté qui consiste à pouvoir choisir ce que l’on fait de sa vie, où on se situe. Il y a eu celles et ceux qui ont choisi d’être avec l’occupant, de collaborer, de dénoncer des juifs, et ceux-coi l’ont fait sciemment, librement, et ce choix a donné un sens à leur vie. Et puis il y a eu celles et ceux qui ont refusé, il y a eu cette cinquantaine de députés, dont Mendès-France âgé de 23 ans, de Blum et de quelques autres qui ont tenté de fuir pour constituer un gouvernement en exil qui disputerait la légalité du gouvernement de Vichy, il y a eu De Gaulle, il y a eu des gamins et des gamines de 15 ans qui ont refusé, qui sont entrés dans la résistance, ont donné leur vie, leur amour de la liberté, et ils l’ont fait librement, et cela a donné un sens à leur vie à tout jamais. Les collabos et les résistants.
Et puis il y a eu les indifférents. Il ne s’agit pas de gens simples, ouvriers ou paysans, dont le quotidien se ployait dans la difficulté et qui, au passage, ont parfois fait montre de gestes héroïques au quotidien, planquer un résistant, adopter un enfant juif. Et cela aussi, c’est une manifestation de la liberté, d’un choix qui engage à vie.
Non, les indifférents, ce sont celles et ceux qui savaient, qui avaient quelques possibilités de faire et qui n’ont rien fait, frappés dans l’élégance du pessimisme ou pire, en renvoyant le bourreau et la victime dans une sorte d’impossibilité ontologique à « choisir entre un communiste et un collabo », l’esprit tout empli de nostalgie pour le ronron du monde d’avant les grèves de 1936 et la débâcle de 1940. La vieille France de Roger Martin Du Gars. Icels que Sartre a appelé les salauds.
Oui, le pire, ce sont les salauds, icels qui refusent de choisir entre « ce torchon Valeurs Actuelles » et « l’indigéniste islamo-gauchiste » Danièle Obono en regrettant le bon vieux temps où les questions de racisme étaient traités comme il faut, tranquillement, avec une chanson de Khaled, un concert des Potes, une comédie avec Isaac de Bankole et Josiane Balasko.
Allez, j’ai écrit ça sur Facebook hier, et pour ne pas le perdre, je le laisse ici avant qu’il ne disparaisse dans les méandre sans fond de l’internet…
Bon dimanche.
« Danièle Obono représentée en esclave dans le torchon d’extrême-droite Valeurs Actuelle, cette fosse septique de la réaction et dont certaines idées « républicaines » irriguent le « débat ». L’article est à l’avenant.
Et tout cela la même semaine où les chochottes réactionnaires jouent les vierges effarouchées parce qu’enfin son éditeur français change le nom « Dix petits nègres » conformément à la révision opérée par l’auteure elle-même et après maintes pressions des héritiers, faisant de la France le dernier pays à purger l’édition de cette injure.
«Le nègre vous emmerde !». Aimé Césaire.
Un écrivain visiblement « racialiste et séparatiste », pour reprendre la formule de l’inculte ministre du gouvernement réactionnaire, Jean-Michel Blanquer.
Arabes, musulmans, noirs, asiatiques, Rroms et même Juifs sont régulièrement renvoyés à leurs origines même et surtout quand ils se soulèvent contre le système politique, l’oppression, les inégalités, le racisme qu’ils subissent et la violence qu’ils vivent parfois au quotidien, qu’elle soit politique, verbale ou symbolique. La société leur refuse l’exercice d’une pleine citoyenneté, celle dont jouissent Nathalie Arthaud, Jean-Luc Mélanchon ou Olivier Besancenot, que la réaction éventuellement accusera d’anti-France mais sans jamais remettre en cause la légitimité politique de leurs critiques.
Finalement, les vrais indigénistes ne sont pas icels que l’on croit, Houria Bouteldja par exemple, ou Françoise Vergès.
Les indigénistes, ce sont icels qui par leurs positions, leurs propos et leurs insultes, en niant la réalité de l’habitus raciste de la société française, en renvoyant constamment toute critique formulée qui ne rentrerait pas dans le cadre du statuquo par un noir, un arabe, un musulman, un Rrom, un asiatique et même un juif, à la représentation fantasmée de ses origines, perpétuant ainsi ce status de citoyen de seconde zone, le nègre qui danse bien et l’arabe toujours souriant, l’asiatique qui ne se plaint pas et le juif qui garde tout pour lui. L’indigéniste, c’est celui qui perpétue l’indigénat.
Et Valeurs Actuelles en fournit un très bel exemple. »
Levé à 7 heures et demie ce matin, un peu tard mais pas trop puisque je suis rentré du travail à 21 heures 30 passées. J’ai diné puis mis mon deuxième billet d’hier en ligne, j’ai changé mes photos de couverture sur Facebook puis j’ai repensé à Julien, mort l’an dernier, et j’ai reposté le billet que j’avais écrit pour lui. Il revient dans ma mémoire régulièrement, son absence.
Ce matin, je l’ai relu, ce billet, et je n’ai pas pu m’empêcher de beaucoup pleurer. J’ai constaté que le lien vidéo ne fonctionnait plus, alors j’ai recherché une autre interprétation de l’ouverture de la Passion selon Saint-Jean, et j’ai laissé couler les larmes qui ne voulaient plus s’arrêter, je me suis senti ridicule, là, tout seul dans mon coin, coupé de tout et rongé par l’absence, l’absence de tout. Vous me manquez, mes amis, je nous vois vieillir et gagnés par la mort à petit feu et je ne peux même pas partager quelques instants de ce temps qui nous reste.
Je me suis forcé à écrire hier matin, le résultat est incroyablement mauvais, décevant, c’est toujours comme ça quand je n’écris plus durant longtemps, mais tout au long de la journée l’écriture ne m’a pas quittée. J’ai eu un éclair, une histoire, un rêve, une intuition, je ne sais pas, alors que j’étais sur mon vélo, à Kyôto, une idée appelée Pierre. Ça me plait bien, Pierre. Dans les Évangiles, le premier nom de Pierre est Simon, mais Jésus lui dit qu’il l’appellera désormais Pierre et que sur cette première pierre il bâtira son église. Un joli prénom, mais c’est un peu comme beaucoup de prénoms en Islam, c’est difficile à porter, symboliquement. C’est pour cela que la plupart des musulmans s’appellent Abdl, « le serviteur de », tout de suite, ça adoucit cette injonction platonicienne à porter un concept moral. Je m’appelle Madjid, et Madjid c’est « la Grandeur/ la Magnanimité », une des 99 qualités de Allah. Alors n’en plus être que le serviteur, ça adoucit immédiatement.
Je ne sais pas si tous les catholiques en France savent que Pierre est la première pierre de l’Église…
L’idée de l’appeler Pierre m’est venue après avoir pensé à lui sur mon vélo, je ne sais pas trop quand, mais j’ai aimé son histoire et le prénom s’est imposé de lui même, il m’a enfin offert l’autre angle que je cherchais, et je crois qu’il m’ouvre des perspectives. Je ne crois pas, j’en suis sûr, elles se sont déroulées toutes les unes après les autres. Voilà, je vous présente Pierre en quelques lignes jetées en vitesse hier après-midi,
« Il fait demie-tour. Il reprend sa marche, il a une vague envie de partir, je ne rencontrerai jamais personne, personne ne voudra jamais de moi. Il marche tout droit et plus il marche plus il se sent raide, rigide, il voudrait courir, il se sent rouillé. Il a envie de pleurer. Il se rapproche de l’Orangerie de nouveau, des échos de la conversation parviennent à ses oreilles, toujours l’espèce de rocker qui bavarde. Au lycée, il y a un mec comme lui, mais il n’est pas comme ça. Et puis il entend, – Tiens, revoilà la nouvelle! – Elle à un balais dans l’cul, la chérie, on dirait qu’elle peut pas marcher! Ce sont les deux garçons un peu en retrait qui ont parlé, il y a quelques rires. L’espèce de rocker voudrait recommencer à parler mais le jeune garçon noir se lève et vient dans sa direction. Pierre a envie de fuir. – Ça va? Pierre n’arrive pas à répondre, et en même temps, tout à coup il a envie de se joindre à leur groupe, une envie folle. Soudain il se sent seul et en même temps il sait qu’il n’est plus seul. – Ça va? C’est la première fois que tu viens? – … Euh… Oui! – Ben viens, je vais te présenter! Moi, c’est Marie! »
Voilà, c’est Pierre, et il a 17 ans. Et il m’apporte exactement ce que je cherchais depuis des années que je bute sur un truc. C’est toute sa vie qui m’est venue à l’esprit en un éclair, sur mon vélo, et c’était ce dont j’avais incroyablement besoin.
Il fait beau, dehors, j’ai fait une lessive car le week-end approche, je vais faire du ménage pour la même raison. Le weekend, c’est une sorte de Tornade Blanche Monsieur Propre, arrive le vendredi soir, et déjà c’est le samedi très tôt, se lever, se préparer, prendre le métro vers 7 heures 30 et arriver vers 8 heures 50, une journée express et c’est la fin d’après-midi, je retrouve Jun, je fais la cuisine, on dine, on bavarde, on regarde un épisode de quelque série, et puis Jun repart, je mets un peu de musique, je regarde une vidéo ou je lis un truc, je prends une douche, je me couche, et c’est dimanche. Et Lundi, je travaille.
C’est pour cette raison que repousser le plus tôt possible l’heure à laquelle je me réveille est important.
À propos du débat à 1 centime au sujet du changement de nom de « Dix petits nègres », qui sera désormais appelé « Ils étaient 10 », je dédie cette vidéo du bon vieux temps où dans une pièce de théâtre à succès et acclamée par tout l’arrière banc de la réaction, du RPR et du FN, il était de bon ton dans une même tirade de 1 minute, de déblatérer tous les clichés homophobes possibles et inimaginables pour illustrer à quel point la « Pauvre France » était tombée bas.
Chronique du racisme ordinaire le plus abject. A la même époque, Michel Leeb tordait la France de rire avec des sketchs qui font du black-face un exemple de bon goût…
A bas les masque! Yeeeee! Vive Poutine, lui c’est un homme! Lui, au moins, il a fait distribuer des masques, et ça plaisante pas, hein, pas de masque, une prune! Hehe… À bas les masques, on nous prive de nos droits, je ne peux pas respirer! On veut nous contrôler! Putain, je ne veux pas ressembler à une musulmane, je suis blanche, moi, chacun chez soi!
A bas les masques, tout ça c’est pour refourguer un vaccin avec une puce dedans! Vive Trump, oh la vache, lui il sait tout, il est tellement intelligent, et puis il a déjà acheté les vaccins de deux laboratoires, ça c’est un vrai président, pas comme cette pédale efféminée de Macron! Les laboratoires freinent le développement du vaccin pour couler Trump! Et ce salopard de Macron, hein, il va nous obliger à nous faire vacciner, à bas les vaccins, et à bas les masques! Si seulement on pouvait avoir un vrai chef comme Poutine, lui, ni une ni deux, même pas de tests en laboratoire, hop, il fait vacciner toute sa population sans attendre, ça c’est un homme! A bas les vaccins!
A bas les masques! Ces salauds du gouvernement, hein, ils veulent nous imposer le masque et le vaccin, et vas-y avec une amende, c’est une atteinte à nos libertés, je ne peux pas respirer, et ça me fait une tête d’islamiste, c’est ça qu’ils veulent, qu’on deviennent tous arabes! Tout ça c’est un complot pour nous imposer encore plus d’immigrants, parce que quand on sera mort à cause du coronavirus que la Chine communiste a produit pour nous détruire avec la complicité des élites cosmopolites, il n’y aura plus de blancs!
Voilà la vérité, et en plus, on aura été vaccinés avec un vaccin qui contient une puce! Ce vaccin, c’est pour nous décimer! Et pour nous faire peur parce que le corona, c’est un hoax en fait, pas plus grave qu’un rhume, il y a plein de vidéos là dessus sur YouTube, faut se dépêcher de les regarder y vont les censurer, mais faut les voir les crétins avec leurs masques, des moutons! Mais Trump a raison, il fait faire payer la Chine pour nous avoir envoyé ce virus fabriqué en laboratoire pour nous tuer! Et puis de toute façon moi je n’y crois pas, je me masque pas, et je ne me ferai pas baiser par eux, chuipa pas un mouton! Je veux qu’on nous débarrasse de la Chine communiste qui nous a envoyé ce virus pour nous détruire! Tiens, d’ailleurs, j’ai vu une vidéo, si on fait une conversion en nombre de COVID-19, chépu comment, ben on arrive à 666, mais ils veulent pas voir ça, les gens, des moutons!
Regardez là bas, en Chine, ils exterminent les Ouighours! Il faut aider les Ouighours contre la vérole communiste qui veut nous imposer l’Islam! Je vous le dit, moi! Faut pas faire de cadeau, l’élite globaliste veut nous dominer avec cette histoire de virus qui n’existe pas pour qu’on se convertisse à l’islam. Je le sais, il y a plein de vidéos là dessus, et Poutine il a raison. Lui, il a fait mettre des masques à tout le monde et il fait vacciner tout le monde chez lui, un vrai chef, il protège son peuple du virus fabriqué par les chinois dans un laboratoire contrôlé par les illuminatis pour exterminer la race blanche, pas comme nos pédales satanistes de la « communauté de lumière »qui veulent nous faire porter le masque et nous faire vacciner de force, pfff, il n’y a même pas de virus, c’est juste un hoax pour cacher les réseaux satanistes pédophiles, le pizzagate, tout ça! C’est comme le SIDA, ça existe pas, ce sont les médicaments qui tuent, putain!
Il est temps que le peuple se réveille et retrouve la vraie religion de Jésus, la mère nature et l’esprit de la forêt. J’ai fait un tirage et les cartes ont parlé, le masque, c’est la marque de la bête, c’est le retour des Dieu du Valhalla, conduits par Vishnu-Jésus qui viendront restaurer le vrai christianisme dans la sainte alliance des Dieux du Panthéon. D’ailleurs, il suffit de regarder les statues, les saints ne portent pas de masque, c’est un signe.
Si vous écoutez Gaïa, vous percevrez la vibration du retour de Jésus, d’ailleurs, Donald Trump lui-même en reconnaissant Jérusalem capitale de l’entité sioniste sataniste de la « communauté de lumière » des Illuminatis de Bavières, il le sait que c’est la fin des temps et que nous devons nous préparer au retour du Christ dans la lumière de Thor et Odin et la bénédiction des esprits de la forêt de Brocéliande.
Il fait la chasse aux sectes pédophiles satanistes qu’il connait bien pour les avoir fréquentées, lui, et il ne porte de pas masque, lui. C’est comme Poutine, il restaure la vraie foi, sous les auspices de Satan et Belzebuth qui sont en fait les forces positives que le faux dieu de qui ont sait a chassé avec l’accord de Enlil avant son départ pour Nibiru, la planète Annunaki. C’est pour cela qu’il porte un masque, Poutine.
Il faut ouvrir les yeux, mais les gens sont des moutons idiots et totalement abrutis, des veaux à peine bons pour vivre, le cœur totalement fermé à l’amour de leur prochain, c’est pour ça qu’ils acceptent de se faire contrôler, de porter le masque. Qu’ils crèvent! Moi, je ne suis qu’amour!
Nous, nous avons l’esprit clair, on sait. C’est comme en 40, Pétain avait raison, il faut résister à l’invasion des cosmopolites et restaurer la grandeur de notre civilisation contre le masque et le grand remplacement judéo-maçonnique Illuminati!
À bas les masques! Résistons au vaccin! On veut un vrai leader comme Poutine qui nous donnera des masques et un vaccin! Résistons au hoax, le coronavirus, c’est qu’un rhume qui tue même pas et que les chinois ont fabriqué dans un laboratoire contrôlé par la religion qu’on sait pour nous tuer tous. Ouvrez les yeux, putain! C’est pourtant super clair!
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Souvenons nous l’arrogante insolence du p’tit merdeux de l’Elysée ª au soir du premier tour, et nous apercevons son vrai visage, celui d’un véritable p’tit merdeux…
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