Corona, Japon, soleil, et Obono

Coincé au Japon. Depuis 5 mois, tout retour au Japon était impossible pour les étrangers qui avaient quitté le pays pour une raison ou une autre. Cette interdiction disparaitra le 1er septembre, date à partir de laquelle les étrangers qui étaient bloqués et ne pouvaient rentrer pourront enfin revenir. De même, il nous sera enfin possible de voyager tout en étant assurés de pouvoir rentrer.
Mais. Quand on regarde les conditions et restrictions, on comprend bien qu’il est en réalité quasiment impossible de voyager normalement. Il y a des délais, des quotas, des autorisations préalables à obtenir pour une date précise et qui peuvent être refusées, ce qui veut dire qu’il est quasiment impossible d’acheter un billet d’avion, puisque l’autorisation peut être refusée, et il est également impossible de demander ladite autorisation à l’avance, puisque si celle-ci est validée, rien ne garantit qu’il restera des places dans l’avion.
Je suis donc coincé, comme des dizaines de milliers d’autres avec moi, au Japon. Longue conversation hier soir avec mon ami Thomas qui concluait « pourquoi pas acheter un billet simple ». Oui, ça resterait une possibilité, mais je n’y suis pas prêt du tout. Mais c’est vrai que c’est une des solutions les plus rationnelles à cette situation délirante dans laquelle nous sommes, piégés. Rentrer.

C’est dimanche aujourd’hui, et il fait incroyablement chaud. On prévoit 36 degrés à Tôkyô. Les experts prévoient un été qui s’étendra jusqu’à la mi-automne suivi d’un hiver précoce. Je ne sais pas trop sur quel modèle ils se basent, l’an dernier ils prévoyaient un hiver incroyablement froid, et on a fini par avoir un hiver relativement doux qui a trainé en longueur. Chaque année, ils y vont de ces pronostiques qui se retrouvent démentis. Ce qui est sûr, c’est que cet été est le premier été de ce type que je suis amené à vivre depuis que je suis venu m’installer ici. La « saison des pluies » (qui n’en est pas une mais bon) s’est éternisée jusque début août, je crois même qu’il n’y a eu qu’un jour de soleil en juillet. L’ouest du Japon a essuyé des pluies diluviennes exceptionnelles avec leurs affaissements de terrains, une centaine de morts, des inondations à répétition. Et puis d’un seul coup il s’est mis à faire beau et nous traversions une canicule assez inédite. Normalement, chaque année, vers le 20 août, il y a une gros orage, et à partir de ce jour là les températures perdent 5 à 10 degrés. Elles remontent ensuite mais les nuits se font moins chaudes et régulièrement des orages et des pluies abondantes viennent rafraichir les températures. Rien de cela cette année, il semble qu’on est parti pour du beau fixe avec des températures supérieures à 30 degrés jusqu’au 15 septembre minimum. Bon, ça ne tient pas compte d’un possible typhon, mais ça donne une idée. Et puis aussi, assez spécial, c’est une chaleur assez sèche, avec une sensation de soleil « qui brûle ».
Si c’est ce à quoi doit ressembler l’été à l’avenir, le Japon va vite devenir une sorte de désert car la végétation ne survivra ni aux pluies diluviennes, ni à cette chaleur sèche, ni à ce soleil, ni à cette sécheresse. Et on finira également par avoir des pénuries d’eau malgré des inondations… Le Japon a besoin d’un été humide pour le riz, pour les légumes, et surtout pour ses arbres et plantes qui y sont habituées.

C’est dimanche et je vais sortir dans une heure. Je pense qu’on va aller se réfugier au parc de Shinjuku, à l’ombre, sur la pelouse. Envie de paresser et me reposer tout en profitant de l’air. On est masqués tout le temps, avec la chaleur, c’est une sensation de sueur, de chaud, alors être à l’air libre dans un parc, c’est agréable. Je ne crois pas que j’emporterai mon appareil photo avec moi, l’iPhone suffira.

J’ai écrit hier un post au sujet de la couverture et de l’article de Valeurs Actuelles qui a réalisé une opération médiatique parfaite, avec beaucoup de bruit (et Balzac l’écrivait il y a près de 200 ans dans Illusions Perdues, pour un livre, ce qui compte, c’est qu’on en parle, en mal ou en bien). Mais c’est aussi en parfaite connaissance de cause que j’ai écrit, et que je partage ici ce que j’ai écrit, car il y a des limites qu’on ne peut pas franchir sans réagir. Et pour tout dire, ce ne sera pas tant à Valeurs Actuelles que j’en voudrai le plus, ils sont ici totalement à leur place, bien au fond de la fosse septique, en train de racler les parois et de rajouter quelques une de ces déjections qui visiblement leur procure la satisfaction du travail bien fait, comme en atteste leur mise au point au sujet des réactions à leur couverture.
Non, ce qui me choque le plus, ce sont tous ces indifférents, toute cette gauche morale qui renvoie dos à dos le magazine et sa victime jetée en pâture une chaine autours du cou. Sartre a écrit qu’on n’avait jamais été aussi libre que durant l’occupation. Entendre, non pas de cette liberté factice qui consiste à faire ce qu’on veut, mais de cette liberté qui consiste à pouvoir choisir ce que l’on fait de sa vie, où on se situe. Il y a eu celles et ceux qui ont choisi d’être avec l’occupant, de collaborer, de dénoncer des juifs, et ceux-coi l’ont fait sciemment, librement, et ce choix a donné un sens à leur vie. Et puis il y a eu celles et ceux qui ont refusé, il y a eu cette cinquantaine de députés, dont Mendès-France âgé de 23 ans, de Blum et de quelques autres qui ont tenté de fuir pour constituer un gouvernement en exil qui disputerait la légalité du gouvernement de Vichy, il y a eu De Gaulle, il y a eu des gamins et des gamines de 15 ans qui ont refusé, qui sont entrés dans la résistance, ont donné leur vie, leur amour de la liberté, et ils l’ont fait librement, et cela a donné un sens à leur vie à tout jamais. Les collabos et les résistants.
Et puis il y a eu les indifférents. Il ne s’agit pas de gens simples, ouvriers ou paysans, dont le quotidien se ployait dans la difficulté et qui, au passage, ont parfois fait montre de gestes héroïques au quotidien, planquer un résistant, adopter un enfant juif. Et cela aussi, c’est une manifestation de la liberté, d’un choix qui engage à vie.
Non, les indifférents, ce sont celles et ceux qui savaient, qui avaient quelques possibilités de faire et qui n’ont rien fait, frappés dans l’élégance du pessimisme ou pire, en renvoyant le bourreau et la victime dans une sorte d’impossibilité ontologique à « choisir entre un communiste et un collabo », l’esprit tout empli de nostalgie pour le ronron du monde d’avant les grèves de 1936 et la débâcle de 1940. La vieille France de Roger Martin Du Gars. Icels que Sartre a appelé les salauds.
Oui, le pire, ce sont les salauds, icels qui refusent de choisir entre « ce torchon Valeurs Actuelles » et « l’indigéniste islamo-gauchiste » Danièle Obono en regrettant le bon vieux temps où les questions de racisme étaient traités comme il faut, tranquillement, avec une chanson de Khaled, un concert des Potes, une comédie avec Isaac de Bankole et Josiane Balasko.

Allez, j’ai écrit ça sur Facebook hier, et pour ne pas le perdre, je le laisse ici avant qu’il ne disparaisse dans les méandre sans fond de l’internet…

Bon dimanche.

« Danièle Obono représentée en esclave dans le torchon d’extrême-droite Valeurs Actuelle, cette fosse septique de la réaction et dont certaines idées « républicaines » irriguent le « débat ». L’article est à l’avenant.
Et tout cela la même semaine où les chochottes réactionnaires jouent les vierges effarouchées parce qu’enfin son éditeur français change le nom « Dix petits nègres » conformément à la révision opérée par l’auteure elle-même et après maintes pressions des héritiers, faisant de la France le dernier pays à purger l’édition de cette injure.
«Le nègre vous emmerde !». Aimé Césaire.
Un écrivain visiblement « racialiste et séparatiste », pour reprendre la formule de l’inculte ministre du gouvernement réactionnaire, Jean-Michel Blanquer.
Arabes, musulmans, noirs, asiatiques, Rroms et même Juifs sont régulièrement renvoyés à leurs origines même et surtout quand ils se soulèvent contre le système politique, l’oppression, les inégalités, le racisme qu’ils subissent et la violence qu’ils vivent parfois au quotidien, qu’elle soit politique, verbale ou symbolique. La société leur refuse l’exercice d’une pleine citoyenneté, celle dont jouissent Nathalie Arthaud, Jean-Luc Mélanchon ou Olivier Besancenot, que la réaction éventuellement accusera d’anti-France mais sans jamais remettre en cause la légitimité politique de leurs critiques.
Finalement, les vrais indigénistes ne sont pas icels que l’on croit, Houria Bouteldja par exemple, ou Françoise Vergès.
Les indigénistes, ce sont icels qui par leurs positions, leurs propos et leurs insultes, en niant la réalité de l’habitus raciste de la société française, en renvoyant constamment toute critique formulée qui ne rentrerait pas dans le cadre du statuquo par un noir, un arabe, un musulman, un Rrom, un asiatique et même un juif, à la représentation fantasmée de ses origines, perpétuant ainsi ce status de citoyen de seconde zone, le nègre qui danse bien et l’arabe toujours souriant, l’asiatique qui ne se plaint pas et le juif qui garde tout pour lui. L’indigéniste, c’est celui qui perpétue l’indigénat.
Et Valeurs Actuelles en fournit un très bel exemple. »

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