Levé à 7 heures et demie ce matin, un peu tard mais pas trop puisque je suis rentré du travail à 21 heures 30 passées. J’ai diné puis mis mon deuxième billet d’hier en ligne, j’ai changé mes photos de couverture sur Facebook puis j’ai repensé à Julien, mort l’an dernier, et j’ai reposté le billet que j’avais écrit pour lui. Il revient dans ma mémoire régulièrement, son absence.
Ce matin, je l’ai relu, ce billet, et je n’ai pas pu m’empêcher de beaucoup pleurer. J’ai constaté que le lien vidéo ne fonctionnait plus, alors j’ai recherché une autre interprétation de l’ouverture de la Passion selon Saint-Jean, et j’ai laissé couler les larmes qui ne voulaient plus s’arrêter, je me suis senti ridicule, là, tout seul dans mon coin, coupé de tout et rongé par l’absence, l’absence de tout. Vous me manquez, mes amis, je nous vois vieillir et gagnés par la mort à petit feu et je ne peux même pas partager quelques instants de ce temps qui nous reste.
Je me suis forcé à écrire hier matin, le résultat est incroyablement mauvais, décevant, c’est toujours comme ça quand je n’écris plus durant longtemps, mais tout au long de la journée l’écriture ne m’a pas quittée. J’ai eu un éclair, une histoire, un rêve, une intuition, je ne sais pas, alors que j’étais sur mon vélo, à Kyôto, une idée appelée Pierre. Ça me plait bien, Pierre. Dans les Évangiles, le premier nom de Pierre est Simon, mais Jésus lui dit qu’il l’appellera désormais Pierre et que sur cette première pierre il bâtira son église. Un joli prénom, mais c’est un peu comme beaucoup de prénoms en Islam, c’est difficile à porter, symboliquement. C’est pour cela que la plupart des musulmans s’appellent Abdl, « le serviteur de », tout de suite, ça adoucit cette injonction platonicienne à porter un concept moral. Je m’appelle Madjid, et Madjid c’est « la Grandeur/ la Magnanimité », une des 99 qualités de Allah. Alors n’en plus être que le serviteur, ça adoucit immédiatement.
Je ne sais pas si tous les catholiques en France savent que Pierre est la première pierre de l’Église…
L’idée de l’appeler Pierre m’est venue après avoir pensé à lui sur mon vélo, je ne sais pas trop quand, mais j’ai aimé son histoire et le prénom s’est imposé de lui même, il m’a enfin offert l’autre angle que je cherchais, et je crois qu’il m’ouvre des perspectives. Je ne crois pas, j’en suis sûr, elles se sont déroulées toutes les unes après les autres. Voilà, je vous présente Pierre en quelques lignes jetées en vitesse hier après-midi,
« Il fait demie-tour. Il reprend sa marche, il a une vague envie de partir, je ne rencontrerai jamais personne, personne ne voudra jamais de moi. Il marche tout droit et plus il marche plus il se sent raide, rigide, il voudrait courir, il se sent rouillé. Il a envie de pleurer. Il se rapproche de l’Orangerie de nouveau, des échos de la conversation parviennent à ses oreilles, toujours l’espèce de rocker qui bavarde. Au lycée, il y a un mec comme lui, mais il n’est pas comme ça. Et puis il entend,
– Tiens, revoilà la nouvelle!
– Elle à un balais dans l’cul, la chérie, on dirait qu’elle peut pas marcher!
Ce sont les deux garçons un peu en retrait qui ont parlé, il y a quelques rires. L’espèce de rocker voudrait recommencer à parler mais le jeune garçon noir se lève et vient dans sa direction. Pierre a envie de fuir.
– Ça va?
Pierre n’arrive pas à répondre, et en même temps, tout à coup il a envie de se joindre à leur groupe, une envie folle. Soudain il se sent seul et en même temps il sait qu’il n’est plus seul.
– Ça va? C’est la première fois que tu viens?
– … Euh… Oui!
– Ben viens, je vais te présenter! Moi, c’est Marie! »
Voilà, c’est Pierre, et il a 17 ans. Et il m’apporte exactement ce que je cherchais depuis des années que je bute sur un truc. C’est toute sa vie qui m’est venue à l’esprit en un éclair, sur mon vélo, et c’était ce dont j’avais incroyablement besoin.
Il fait beau, dehors, j’ai fait une lessive car le week-end approche, je vais faire du ménage pour la même raison. Le weekend, c’est une sorte de Tornade Blanche Monsieur Propre, arrive le vendredi soir, et déjà c’est le samedi très tôt, se lever, se préparer, prendre le métro vers 7 heures 30 et arriver vers 8 heures 50, une journée express et c’est la fin d’après-midi, je retrouve Jun, je fais la cuisine, on dine, on bavarde, on regarde un épisode de quelque série, et puis Jun repart, je mets un peu de musique, je regarde une vidéo ou je lis un truc, je prends une douche, je me couche, et c’est dimanche. Et Lundi, je travaille.
C’est pour cette raison que repousser le plus tôt possible l’heure à laquelle je me réveille est important.
À propos du débat à 1 centime au sujet du changement de nom de « Dix petits nègres », qui sera désormais appelé « Ils étaient 10 », je dédie cette vidéo du bon vieux temps où dans une pièce de théâtre à succès et acclamée par tout l’arrière banc de la réaction, du RPR et du FN, il était de bon ton dans une même tirade de 1 minute, de déblatérer tous les clichés homophobes possibles et inimaginables pour illustrer à quel point la « Pauvre France » était tombée bas.
Chronique du racisme ordinaire le plus abject. A la même époque, Michel Leeb tordait la France de rire avec des sketchs qui font du black-face un exemple de bon goût…