Le Blog de Suppaiku, journal bloggué de Madjid Ben Chikh, à Tokyo.

Cornonavirus, Diamond Princess, Japon etc


Le gouvernement japonais a-t-il été à la hauteur?

La gestion de la crise coronavirus au Japon est un véritable scandale sanitaire, pire encore que la gestion en Chine au démarrage de l’épidémie. Le gouvernement japonais est incapable de prendre des décisions intelligentes.

Sur le Pacific Princess, ce bâteau coincé dans la Baie de Yokohama, n’avoir testé que 250 personnes sur 3600, pour la troisième puissance mondiale, c’est un véritable scandale sanitaire. Et la passivité de la population me donne une sorte de dégoût pour ce pays comme je ne le connaissais pas.

J’essaie depuis plusieurs jours d’en parler à mes étudiants, ils se ferment et me regardent comme si j’étais un extra-terrestre qui ne comprend rien, je revis la même situation idiote du temps du désastre de Fukushima.

L’épidémie, pendant ce temps, se répand sur le bateau. L’équipage est ultra exposé au virus. Ce sont des indiens, personne ne s’en occupe, on a là une très belle expression de racisme puisque les médias n’en ont que pour les pauvres papy et mamy blindées de thunes.

La France peut tester 500 personnes en un jour. Hong Kong a testé 1800 personnes en trois jours. Le Japon 260 en une semaine. Puisque le développement d’un pays se mesure entre autre à sa capacité à gérer une menace sanitaire, c’est vraiment un ex-pays développé, sur le déclin, une espèce de puissance de troisième zone qui a réduit le futur à la fabrication de « robots » tout juste bons à amuser la galerie.

On paie très chers les « jietai », ces militaires qui n’en ont pas le nom et que le gouvernement envoie fièrement dans le Golfe Persique pour défendre les pétroliers, mais où sont-ils, pourquoi ce ne sont pas eux qui s’occupent de ce bateau et conduisent les tests?

Pourquoi sont-ce des charters avec des équipages au rabais qui rapatrient les japonais et non pas les jietai?

Il y a dix jours, des japonais rapatriés ont refusé d’être testés et ont pu rentrer chez eux. S’ils avaient été infectés, combien de personnes auraient été contaminés dans le train, au supermarché, dans leur famille?

Une autre fois, ce sont onze personnes qui ont été autorisées à rentrer chez elles qui ont été déclarées positives dans les jours qui ont suivi. J’imagine, ce devait être des bourgeois japonais, ils ont fait un coup de pression aux officiers de l’immigration, vous ne savez pas qui je suis, on leur a donné un masque et prenez votre température, hein…
Ça m’a rappelé cette femme et son enfant tués alors qu’ils faisaient leurs courses à vélo par un vieillard qui roulait trop vite et avait fini par perdre le contrôle de sa voiture. Le papy n’a pas été inquiété, il a pu tranquillement rentrer chez lui. C’était un ancien patron, un copain de ministres et de juges. On en a parlé, et puis ça a été oublié.

C’est pour cela qu’en France il ne faut pas oublier Benalla, les passeports et le coffre-fort, les deux millions et demi versés à Macron et dont on ne sait pas ce qu’ils sont devenus: pour ne pas devenir comme le Japon.

Le Japon n’est pas le pays que l’on vous dit. Ce que vous voyez, cette « modernité » et ces « traditions », toute cet orientalisme crétin à bon marché pour touristes blancs, tous ces magasins remplis de gadgets qui font baver les touristes asiatiques, c’est l’apparence, c’est la coquille, c’est le « tatemae », c’est la face « omote », l’avant.

La réalité de cette crise, c’est comme en 2011 avec Fukushima. Un pays arriéré, vieux, une population passive réduite à la consommation, qui a désappris la contestation à force de répression puis de bons salaires et qui maintenant qu’elle est vieille, subit sans brancher les mauvais salaires, la paupérisation de sa jeunesse, en contrats précaires à plus de 40%, avec des salaires qui ne permettent pas de vivre dans un appartement digne de ce nom et parfois même sans salle de bain, c’est 15% des enfants qui ne font qu’un repas par jour et des universités qui coûtent dix mille euros par an minimum.

Et ce sont des médias contrôlés par quatre groupes, dépendant de la publicité des groupes industriels qui contrôlent toute l’économie, c’est une télévision crétine à un point de faire passer CNEWS et TF1 pour des antres de la culture et de l’intelligence. Des médias qui relaient une information tamisée qui en effet parlent des conditions de vie sur ce bateau, qui inondent l’opinion sur la réalité de l’épidémie tout simplement parce qu’il est impossible de passer à côté à l’heure des réseaux sociaux, mais qui ne poseront jamais les véritables questions:

– Le gouvernement japonais a-t-il été à la hauteur?
– Le gouvernement japonais minimise-t-il le risque pour protéger les jeux Olympiques qui, pourtant, il faut être réaliste, sont dors et déjà morts avant d’être nés?
– Le gouvernement, qui d’un côté, discrimine allègrement les étrangers à l’aéroport depuis quelques jours en les confinant à la quarantaine en cas de « doute » et en les testant, et qui d’un autre côté n’impose pas de test sur des japonais qui le refusent au nom des « droits de l’homme » et finit par les autoriser à rentrer chez eux, ne fait-il pas de discrimination à la place d’une réelle politique de santé, suggérant de fait que la menace est étrangère et que les japonais ne sont pas, eux, concernés?

Cette crise me dégoûte de ce pays, elle ravive ce sentiment de dégoût de 2011, cette colère.

En France, je suis dégoûté par la violence policière, le racisme, l’arrogance du pouvoir, la perspective d’une victoire de Marine Le Pen. Mais au moins mon point de vue y existe, j’y suis écouté. Peu, mais on peut me lire, être d’accord ou pas mais à priori personne ne remettra en cause ma légitimité à émettre une opinion. Et puis l’opinion s’exprime, rejette, en parle.

Ici, on me fait comprendre par des yeux de vache que mon point de vue ne compte pas, que je ne peux pas comprendre. On préfère penser qu’une serviette mouillée arrête les radiations, que manger chaque jour un peu de strontium n’a pas de conséquence et qu’il suffit de ne pas aller au quartier chinois de Yokohama pour que tout aille bien.

Plusieurs fois on m’a dit qu’en France il y avait une discrimination envers les asiatiques. La première fois, j’ai dit oui, et j’étais super gêné, mais dans la conversation j’ai réalisé que ce qui les choquait était d’être pris pour des chinois, qu’on ne savait pas faire la différence et que les français se trompaient et les discriminaient alors qu’ils n’y étaient pour rien.

Et au fil de conversations, j’ai découvert qu’une étudiante avait annulé un voyage à Taiwan, qu’une autre évitait le quartier chinois bref, que les japonais eux-même discriminaient les autres asiatiques.

Et puis il y a cette délectation à dire qu’en ce moment les villes historiques, généralement bondées « d’étrangers » (les japonais ne disent pas touristes, les touristes, c’est eux, voyons), sont vides et donc de nouveau « très agréables ».

Quand on enlève le lustre de la propagande d’un pays, il reste sa réalité crue. La gestion de cette crise me remet en face d’un pays où je compte pour du beurre et où je sens ma vie, encore une fois, mise en danger par la protection des intérêts économiques supérieurs sans que personne ne proteste. Les japonais n’en pensent pas moins, mais c’est individuel.

Aujourd’hui, c’est férié. Aucun rapport? Oh, que si. C’est l’anniversaire de la fondation du Japon, une commémoration d’un truc qui n’a jamais existé par un empereur qui n’a jamais existé par une date qui n’a jamais existé mais qui a été introduite dans les livres de propagande nationaliste appelés « livres d’histoire » il y a une vingtaine d’années par un gouvernement ultra-nationaliste comme tous ceux qui se sont succédés depuis 1951 (à l’exception de la période 1994-1996 et 2010-2014).

En attendant, comme tout le monde ici, je porte le masque, je me ballade avec des lingette d’alcool, je me lave les mains souvent. On en est réduit à ça, avec une angoisse vague que le gouvernement ne laisse sortir des passagers « sans symptômes » de ce que les docteurs du monde entiers considèrent désormais comme un milieu propice à une contamination généralisée.

Et de me retrouver complice, par la même occasion, du refoulement des membres (indiens) d’équipages. Je le vois venir gros comme une maison.

Oubliez les Jeux Olympiques 2020. C’est fini.

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