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  • Promenade(s)

    Promenade(s)

    Je me suis réveillé avec ce sentiment étrange d’avoir littéralement vécu ce rêve…

    (suite…)
  • Incertitude

    Incertitude

    Tu ne peux pas imaginer à quel point je suis fatigué d’ici, je veux revoir les horizons de brume de l’ouest de la France, je veux revoir la Sarthe, je veux m’arrêter au hasard des gares, visiter la cathédrale de Chartres

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  • En juin…

    En juin…

    Je ne peux pas imaginer les japonais dans un état où il faudrait se rationner en eau. L’hygiène est incroyablement importante, bien plus qu’en France, pour tout dire, et on passe son temps à tout laver.

    (suite…)

  • Derniers adieux

    Derniers adieux

    Maman est partie il y a deux ans. Il y a deux ans, je me levai le matin, trouvant le bref message de mon frère m’annonçant la nouvelle. La veille, j’avais téléphoné à l’hôpital, ou peut-être plutôt envoyé un message, et puis j’avais acheté en urgence un billet d’avion pour le mercredi soir, espérant qu’il soit encore temps.

    Ce mercredi matin, je m’étais rasé, j’avais taillé ma moustache, j’avais coupé mes cheveux, préparé un bagage, prévenu mes élèves, j’étais allé travailler l’après-midi et le soir j’étais allé à l’aéroport de Haneda, vol Qatar Airways. En chemin, j’avais surpris la lune, une lune magnifique, pleine cette nuit là, lune m’accompagnant vers la France dans ce ciel d’un jour nouveau ne cessant de se lever à bord de l’Airbus A350, mes yeux rivés sur l’astre brillant. En France, un temps magnifique, ensoleillé pour ce qui reste en ma mémoire mon plus beau séjour en France.

    Je suis arrivé, c’était le printemps, la lune était nouvelle et les arbres fleurissaient.

    Deux ans ont passé. Deux ans ont passé et il me faut désormais tourner cette page définitivement.

    De ces journées est sorti un billet de blog que j’ai écrit et publié l’an dernier, un billet au titre mûri durant des années, car je m’y étais préparé, à ce jour. Un très long billet pour raconter maman, raconter maman dans notre famille, maman et moi, et dresser avant tout le portrait d’une femme dont seule la mort m’a révélé l’existence. Le femme et non la mère.

    Le billet partagé, le deuil était accompli, j’avais écrit tout ce que je pouvais écrire et il ne me restait plus qu’à le partager avec vous. Ce billet, un des billets les plus importants qu’il m’aie été d’écrire, je l’ai « épinglé » sur Twitter comme sur Facebook, permettant au lecteur de passage de pouvoir le lire, car ce billet me raconte en filigrane plus que beaucoup d’autres et qui sait, plus que tout autre.

    Deux ans ont passé et depuis le début de cette année je sais que le moment est venu de désépingler ce billet, de le laisser rejoindre le passé duquel je tente désespérément de le retenir, sachant également que ce billet ne sera pas perdu, qu’il est toujours sur mon site, et que j’ai veillé pour le protéger de mes soucis professionnels et financiers du moment, à payer une autre année d’hébergement.

    Avec ce retour timide à l’écriture ressurgit dans mes yeux, ou pour être plus exacte, dans ma mémoire visuelle, cette lumière brumeuse de mes promenades du matin, à La fermé Bernard.

    C’est beau, la campagne de l’ouest de la France, quand à l’orée d’une nouvelle journée ensoleillée une brume épaisse enveloppe tout.

    Cette fin mars, les arbres étaient encore rachitiques, dépourvus de feuillages mais ici et là apparaissaient les premières pousses. J’ai aimé cette petite ville du Perche, cette petite ville de ce qui fût autrefois le duché du Maine, là où quelques Francs nommés Robert, au VIIe siècle, allaient donner naissance à deux dynasties, la Plantagenet qui règnerait sur l’Angleterre bien entendu, mais également la Capétienne. Et La Ferté-Bernard, aujourd’hui petite ville coquette mais oubliée, fût une de ces villes importantes des Comtes du Maines et des Ducs d’Orléans.

    Depuis, ces paysages ne me quittent pas, ils sont gravés en moi, et en écrivant, c’est comme si les arbres refleurissent au dedans de mois dans ces promenades sarthoises de ce mois de mars 2019.

    Comment cela a-t-il pu être possible que ce voyage devienne si parfait, si heureux, si ensoleillé. Peut-être finalement ai-je pu enfin comprendre toute l’affection que j’ai reçu, peut-être ai-je pu percevoir mes parents au delà de la contingence, le manque d’argent, les colères et cette violence parfois, les mots qu’on ne disait pas mais qui explosaient sous d’autres formes, surtout ne pas dire la peur de tout perdre, de se  retrouver à la rue, la peur d’être jugés, par la famille, les voisins, les autres, la peur d’échouer, et la peur de perdre ses enfants.

    Deux ans et le sentiment d’une page qui se tourne. C’est une expression un peu étrange, une page qui se tourne, une sorte de tarte à la crème, car il y en a, des pages et des pages tournées. Le décès de maman a marqué un tournant, et aujourd’hui, ce n’est pas la page qui va se tourner, c’est moi qui vais la tourner, en désépinglant cet article et en publiant celui-ci pour, une dernière fois, dire au revoir à celle qui plus que me donner la vie, m’a accompagné sans jamais m’oublier ni me juger, qui toujours avait ce mot réconfortant, « si c’est ce que tu veux faire… », ambigu et généreux à la fois.

    Allez, à Dieu, maman. Adieu.

  • Merci, Anne Sylvestre

    Merci, Anne Sylvestre

    Salut très cher,
    J’ai la douleur de t’annoncer le décès d’Anne Sylvestre
    Je pense à toi
    Bises
    Alain

    C’est Alain qui m’a envoyé un court message, juste quelques mots. Ben oui, moi, le décès d’Anne Sylvestre, ça me touche, il le sait bien, Alain.
    C’est rare quand le décès d’un artiste me touche, très rare. Bien sûr, quand c’est un artiste que j’ai apprécié, ça me fait un truc, mais c’est très rare quand la disparition me touche personnellement.
    Je me revois il y a environ 25 ans sous le ciel gris d’un petit cimetière, on n’est pas nombreux mais nous sommes venus parce que c’était important, et en tout cas ça l’était pour moi. On n’était pas nombreux à l’enterrement de La Dame en noir dans ce petit cimetière sous un ciel gris de novembre. Barbara était partie, et nous étions orphelins de sa voix, de sa présence et de ses mots qu’elle assemblait pour nous remuer en dedans comme on racle la vase et faire éclore les nénuphars multicolores. Elle était à peine partie qu’elle nous manquait déjà et nous ne savions plus trop quoi faire de ses mots trop forts, trop lourds pour la petite foule d’amoureux orphelins et veufs à la fois. Nous savions que c’était cuit, qu’elle ne reviendrait plus et qu’elle n’était pas partie cueillir les première fraises des bois, c’était novembre et ce n’était pas une chanson pour une absente, nous étions venus au rendez-vous, et puis voilà, hop la…

    Anne Sylvestre m’a suivi depuis l’enfance. Nous habitions dans le sombre et minuscule appartement derrière l’épicerie sombre que papa avait prise et où maman déprimait en entassant les factures et les dettes de ce commerce qui très rapidement avait du affronter la concurrence des Carrefours et autres Franprix. L’appartement était en dessous du niveau de la cour et jamais la lumière n’y entrait, privilège accordé à l’humidité qui, elle, ne se gênait pas. Deux pièces, une cuisine. Ni WC ni salle-de-bains, une épicerie à l’ancienne barrée d’un grand comptoir en bois avec la balance, le tranchoir et la caisse, pas de libre-service, le client devait demander ce qu’il voulait, de longues étagères avec plein de conserves et au bout, une trappe avec une cave où étaient stockées d’autres conserves et les bouteilles de vin. Une épicerie à l’ancienne, quoi, où pendant cinq ans mes parents s’étaient amusés à perdre de l’argent…
    J’ai mis des années en psychothérapie à m’extirper de cette grisaille inscrite au fond de moi. L’appartement était gris, sombre, triste, et la situation de mes parents ne valait pas mieux. Papa avait repris un travail destiné à éponger les dettes pendant que maman s’occupait seul du commerce transformé en blanchisserie, et pendant ses vacances d’été, il faisait de l’intérim pour éponger les dettes. Quand je vous dit que c’était triste. Je me permets une pensée pour les petits commerçants, artisans qui se retrouvent dans la même situation, avec des dettes à éponger quand la covide sera passée.
    On a déménagé à Bondy, mais la grisaille était bien incrustée en moi. Il y avait la télévision, et sur la première chaine, il y avait la très jeune Dorothée, peut-être seize ans à l’époque, avec une marionnette en smoking noir et chapeau haut-de-forme, Blablatus, une sorte de type qui savait beaucoup de choses et bavardait avec Dorothée. Et puis de temps en temps, il y avait cette chanteuse aux longs cheveux bruns accompagnée d’une guitare.
    Anne Sylvestre.
    Je ne sais pas pourquoi mais sa présence m’électrisait et je reprenait ses chansons. J’adorais sa voix, je crois même que j’avais envoyé un dessin de la maison pleine de fenêtres.
    Anne Sylvestre avait un côté grande soeur, un côté copine, un côté maitresse d’école, un peu tout ça à la fois, et ses chansons avaient quelque chose de gentil qui m’attrapait littéralement. Quand elle n’était pas là, ce n’était pas pareil, elle manquait. Et souvent elle manquait…
    À la maison, on n’écoutait pas RTL ou Europe 1. Maman n’aimait pas les publicités, le football et les bavardages permanents. On écoutait France-Inter le midi, le Jeu des Mille francs, le feuilleton et le journal à 13:00. Et FIP en mâtinée ou l’après-midi. Anne Sylvestre se mariait bien avec la tonalité musicale de ces radios.
    Elle était finalement un de ces petits rayons de soleil dans l’enfance, dans une enfance grise et pas très heureuse souvent.
    En grandissant, j’ai continué à aimer ses chansons, j’ai découvert ses chansons pour adultes, amusantes, parodiques ou tendres.
    Quand je me suis installé au Japon, j’ai passé plus de 6 mois à écouter certaines de ses chansons, je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être cette intimité derrière la moquerie de façade, une certaine retenue dans les sentiments.
    On dit maintenant que « la chanteuse féministe est morte ». Quelle vulgarité ont ces hommages rendus aux artistes, à l’artiste ignorée des chaînes de télévision qui aujourd’hui l’encensent. Encore un effort, ils en feront une icône de « la république contre le séparatisme islamogauchiste », vous verrez…
    Mais la dame n’est pas récupérable, toujours il y aura ses mots acérés contre les hypocrites en tout genre, les bien-pensants, les bigots, et Anne Sylvestre, qui s’y frotte s’y pique. Non, comme le Roi Léo, ils ne la canoniseront pas. Anne Sylvestre n’était pas une chanteuse engagée, elle était une artiste profondément humaine et elle faisait de cette humanité une cause.

    Pour lui dire au revoir, je choisirai une chanson très simple, de ces chansons que presque tous les artistes de cette génération ont chanté, leur bohème, du temps de cette jeunesse faite de pas d’argent, de petites chambres sans confort où obstinément ils poursuivaient leur rêve de devenir des chanteurs et des chanteuses. Des vies qui sont de véritables modèles pour les plus jeunes, aux antipodes de cette culture du succès foudroyant en quelques clics suivi du vide béant de l’absence de tout talent, de tout effort.
    On n’est pas artiste pour être célèbre, on est artiste parce qu’on a la rage de dire et la rage de le hurler de toutes les façons possibles, et cette rage est celle qui donne la force de tenir encore et toujours, malgré la dèche, malgré la covide, malgré tout et encore plus…
    Je lui dirai donc au revoir dans ce blog avec cette chanson qui me raconte un peu, comme toutes les chansons sur Paris, sur la Seine et sur la nostalgie de la jeunesse, parce qu’elle me rappelle quand je me suis installé à Tôkyô, parce qu’elle me rappelle ces quais qui m’ont accueilli tant et tant d’années, souvenirs de drague, de baises fugitives, de discussions, de ballades, de contemplation aussi devant cette ville si belle. Paris est une ville magnifique même quand on n’a pas trop de sous, si, si et en tout cas bien plus belle qu’une ville avec vue sur échangeur routier. Elle est un privilège pour toutes celles et tous ceux qui savent s’en contenter. Je le sais, je l’ai vécu…
    Et c’est peut-être cette petite porte sur la poésie qu’Anne Sylvestre avait entr’ouverte quand j’étais enfant qui a glissé en moi ce petit quelque chose qui en grandissant m’a fait tel que je suis. Elle ne m’a pas fait, elle a juste mis cette petite épice de poésie à la vie, à ma vie, ce petit rayon de soleil dans mon ciel gris qui m’a appris à attendre les ciels bleus et les regarder quand ils étaient devant moi, magnifiques.

    Au revoir, Madame, et mes amitiés à Barbara quand vous la rencontrerez.

  • Un type bien: Laurent Jacqua

    Un type bien: Laurent Jacqua

    Un matin de 1984, c’était le lendemain d’une de mes émissions de radio, j’étais rentré au petit matin, ça tape à la porte, avec insistance. J’émerge, j’enfile une robe de chambre et je vais ouvrir.
    À la porte, un homme et une femme que je ne connais pas mais qui ne tardent pas à se présenter après avoir confirmé mon identité. C’est la police. Mon coeur se met à battre, je me demande ce qui se passe.
    J’habite seul depuis septembre 1983, c’est la première fois

    que j’ai la police qui débarque, comme ça. Ils me demandent ce que je faisais à une certaine date, puis ils me demandent si je connais un certain … (désolé, je ne me rappelle même plus son prénom… ça fait tellement longtemps), mais je ne tilte pas, et puis ils me disent, « peut-être vous le connaissez sous le nom de Snuff ». Et là, ben oui… Ils me tendent une convocation pour l’après-midi dans un commissariat du 11e arrondissement.
    La vache, qu’est-ce qui se passe?
    Snuff, quand on était un rocker, ou qu’on traitait dans les concerts parisiens, on le connaissait. Moi, je le connaissais un peu plus, il était venu squatter chez moi quelques fois, et puis, on avait même essayé de le faire décrocher de l’héroïne. Je me revois, avec une amie, on allait de pharmacie en pharmacie pour acheter je ne sais plus quel médicament qui pouvait aider. Quand j’ai vu Trainspotting, le personnage de Spud m’a fait penser à lui. Snuff était un garçon super gentil, très très doux mais avec un allure à filer la trouille à plein de monde. Un fils de prolétaire qui était devenu punk au tournant des années 70, avait trainé avec Métal Urbain, mais qui n’avait pas eu les moyens d’atterrir par la suite, et qui s’était enterré dans la came.
    On était devenus copains, on ne trainait pas ensemble, pas la même tribu, mais je le trouvais super drôle. Quand il débarquait chez moi, je lui proposais de rester, je lui faisais le petit déjeuner, et on bavardait de plein de trucs. Il connaissait « tout le monde », à Paris. Physiquement, il n’avait pas d’âge, la drogue l’avait bouffé.
    Une fois, il s’était pointé avec une fille, une suédoise. Je les avais laissés ensemble, mais il avait pigé que ça me faisait chier qu’il prenne mon hospitalité pour un squat. Il n’avait pas recommencé.
    Je suis allé au commissariat l’après-midi, et là, j’ai appris l’histoire.. Bon, en fait, j’en avais entendu parler, on ne parlait que de ça depuis quelques jours dans le milieu rock, mais je n’en savait pas beaucoup plus. Il y avait eu des tirs devant le Cithéa, un bar-concert rue d’Oberkampf, après une bagarre avec des skin-heads. En fait, ça faisait plusieurs mois que les soins provoquaient régulièrement et qu’il y avait des descentes suivies d’agressions. Cette fois-là, un skin avait été tué et un autre blessé.
    Le récit que m’ont livré les policiers était assez détaillé et il y avait un problème, deux suspects, dont Snuff, restaient introuvables. Ils m’ont posé des questions, j’avoue, je n’avais pas grand chose à répondre, je n’y étais pas, je leur ai expliqué que moi, depuis plusieurs mois, j’écoutais de la musique psychédélique et que donc je ne trainais plus avec les gens qui allaient au Cithéa. Ils m’ont demandé comment j’avais connu Snuff, je leur ai parlé de mes émissions de Radio, je leur ai dit que « tout le monde » connaissait Snuff. Je crois que mes explications les ont hallucinés.
    Je continue, par contre, de me demander qui a bien pu leur donner mon adresse et mon identité.

    Je vous raconte ça car comme je ne suis pas bien l’actualité française depuis mon départ, je n’ai pas suivi les reportages ni la libération de Laurent Jacqua, celui qui a été inculpé dans cette affaire avant au bout d’un moment de s’évader et de devenir un braqueur.
    Je suis tombé sur un de ces reportages, celui de Karl Zéro. J’ai écouté son récit de cette soirée là, un récit un peu différent de celui qui avait circulé dans Paris à cette époque-là, assez différent aussi du récit que la police m’avait fait et qui avait conduit Snuff à quitter Paris pendant deux ans.
    Vers 1987, un soir, j’allais à une soirée House rue Ponthieu, une bande de motards Hells Angels passent, un type me regarde, il s’arrête et me fait un grand sourire. C’était Snuff. Ça m’a fait super plaisir de le voir, on se fait la bise, on bavarde, et puis il repart.
    Il était désormais Hells Angels et évangéliste.
    Il est mort quelques années plus tard du SIDA comme plein d’héroïnomanes. Je crois que c’est mon ami Xavier qui m’a appris ça. Laurent Jacqua lui-même est séropositif. La drogue…
    J’ai cherché sa fiche Wikipédia. Depuis sa libération, il s’occupe de la commission « prison » à Act-Up, a écrit des bouquins. Incroyable, dans l’interview, sa façon de parler, un gars des faubourgs, j’ai pensé. Ça en ferait, un beau film, sa vie.

    Voilà. Je n’ai pas pu m’empêcher de gratter dans mes souvenirs, et il me semble, je dis bien il me semble entrevoir qui c’est, dans ce brouillard qui enveloppe le passé ancien et qui souvent, aussi, nous trompe. Même si son récit est différent de celui qui m’a été rapporté, si la police recherchait Snuff, c’est que Laurent Jacqua trainait avec lui, et comme il m’arrivait encore de croiser Snuff à cette époque, il me semble bien apercevoir quelqu’un souvent avec lui. Mais peut-être je me trompe. C’est juste que le souvenir de cette convocation à la police un lundi, et puis cette histoire, et puis la disparition de Snuff, ça ouvre la boîte à souvenirs, et j’aime ça, vous le savez bien.

    Un parcours triste, littéraire au plein sens du terme, dans lequel il ne s’est pas laisser enfermer: malgré les braquages, un type bien, Laurent Jacqua, qui le prouve depuis une dizaine d’années. La rédemption.

  • D’un Paris à un autre…

    D’un Paris à un autre…

    Il y a très longtemps, ce devait être quand j’avais 20 ans, j’ai fait un rêve assez bizarre, très profond, et qui me marque aujourd’hui encore. J’étais vieux, ce n’est pas que je me voyais vieux, mais je l’étais, c’était évident. J’étais devant un bureau, et c’était le bureau où j’écrivais. Dans mon rêve, je n’écrivais pas mais c’était évident aussi. Le bureau était contre un mur blanc, en tout cas je pense. Cette pièce pouvait être une chambre, je ne sais pas, peut-être était-elle sous des combles, c’est possible mais je ne sais pas bien. Ce qui m’a le plus marqué, c’est que le bureau était installé contre un mur blanc, son coin droit également collé au mur, et à ma droite, il y avait une fenêtre. Je devais être au premier ou au deuxième étage, je jetais un coup d’oeil par la fenêtre, elle donnait sur une courte pleine de verdure, calme. Mes sentiments dans ce rêve étaient tristes, je ne sais pas pourquoi. Et mon regard se tournait de nouveau vers mon bureau.

    Je n’ai retenu que cela de ce rêve, rien d’autre, mais ce rêve a laissé un goût très étrange, je serai vieux comme cela, là, à cet endroit. Un endroit que je connais pas, que j’ai certainement « recomposé » à partir de lieux connus, les bureaux de l’Assemblée Nationale où, jeune militant socialiste, j’allais faire des photocopies et envoyer les courriers de la section, ou bien l’appartement de la famille M. où j’ai travaillé durant deux ans, vers 1986, un appartement lui aussi au deuxième étage d’un petit immeuble de la rue d’assis, vers Port Royal, avec sa cour qui ressemblait à un jardin. Mais tout de même, en même temps ce lieu, la disposition du bureau, cette fenêtre, ce sentiment d’être vieux et malgré le charme du lieu, ce sentiment de tristesse malgré le fait que je sois écrivain, je n’ai jamais trop su quoi en penser. Pourquoi m’y sentais-je triste alors que finalement je me retrouvais dans un appartement du 6e ou du 7e arrondissement?

    J’y ai repensé après avoir « redécouvert » le 14e, car le 14e arrondissement possède aussi ce côté provincial, en retrait, calme, avec ce ciel ouvert que je garde de ce rêve. Et il y a aussi de nombreuses cours intérieures, vers Vavin et Denfert. Pour icels qui connaissent. C’est amusant, moi qui n’ai vécu ma vie que sur la rive droite, et j’avoue aimer la rive droite, la rive gauche vers Montparnasse m’a fait un effet très spécial. La lumière.

    Il y a quelques jours, j’ai fait un autre rêve qui me fait réfléchir. Au bout d’un rêve sans réel intérêt, je me retrouvais dans un sorte de voiture, plutôt un camion sans toit, je ne sais pas trop, qui fonçait sur une route de campagne, j’étais avec plusieurs personnes et il y avait Jun, et Jun me disait qu’il ne verrait plus jamais Freddie… et s’éloignait de moi.

    Cette route était une route entourée de champs, longue, très longue, et la voiture était rapide, elle nous, elle m’emportait. Je dois cesser de me mentir, ce n’est pas la peur de ceci ou de cela qui me retient au Japon. Il n’y a qu’une seule chose, ou plutôt une seule personne qui m’y retient et qui donne encore un sens à y rester. Pour le reste, d’ici je suis las. Et oui, j’ai envie de rentrer en France.

    Ce n’est finalement pas à vous qu’il faut cependant que j’en parle, et c’est une question que je vais devoir travailler. Parmi beaucoup d’autres question, même si en ce moment toutes mes réflexions tournent finalement autours de cette idée: j’avais dit deux ans l’an dernier. Et un an a passé. Le coronavirus vient tout compliquer, ou peut être n’est-ce pas au contraire l’opportunité qui se présente, un immense coup de chance, ce renversement de l’époque, enfin, avec le renouveau et le renouvellement de tout, de la musique, des vêtements, de la littérature, de la politique, de tout. Une époque fascinante qui ne demande qu’à être racontée, épiée…

    Vous voilà surpris peut-être, mais depuis juillet, je suis de plus en plus persuadé que c’est le moment qu’intimement j’avais toujours attendu, et que j’y étais prêt.

    J’ai finalement regardé Les chansons d’amour. Le film est simplement parfait, jusqu’aux titres de fin, avec la chanson de Barbara « j’étais partie ce matin au bois… » qui figure au Panthéon de mes chansons préférées de Barbara, ne serait-ce que par ce « j’étais partie ce matin au bois, bonjour, mon amour, bonjour ».

    Je crois que m’être ouvert hier sur ce manque de la capitale m’a permis de passer outre la nostalgie, cette tristesse « un peu comme si la ville jetait un sort sur ses habitants et les ensorcelait dans une mélancolie à vie qui s’amplifie à mesure qu’on s’en éloigne. En vivant à l’étranger, je ne peux pas voir un film qui met Paris en scène sans la larme à l’oeil, surtout quand le film ressemble un peu à ma vie parisienne » comme le commentais mon amie Joelle, partie il y a des années.

    Le film se déroule en hiver, et si c’est vrai que Paris est magnifique en été, il n’en reste pas moins qu’on ne peut être parisien si on ne sait pas y vivre en hiver, si on n’y a pas enduré l’hiver. J’ai aimé retrouver tous ces petites métiers du quartier de la Porte Saint-Martin, y voir ces boutiques afro. Lors de mes derniers passages, malgré la super gentrification, j’ai pu voir à quel point ce quartier reste un quartier de marge, et le choc économique qui va se répercuter sur la bulle immobilière va certainement permettre de le sauver, en tout cas pour un temps, de la hype qui l’a saisi. Je ne m’attarderait pas sur le scénario, un scénario qui donne envie d’être amoureux, et d’être malheureux d’amour, et d’être heureux d’amour, et je ne m’attarderai que sur la dernière scène dans le 14e au cimetière du Montparnasse, et ça, pour moi, c’est une petite marque du destin… « Aime-moi moins, mais aime-moi plus longtemps »

  • Le mal de Paris…

    Le mal de Paris…

    Introduction passagère
    Hmmm… Je suis au travail. Impossible d’écrire ces deux derniers jours, et notamment hier: j’ai attrapé un 夏風邪 « rhume d’été », mon plus violent depuis des années, avec la températures qui est montée à 38,6. Le rhume d’été, c’est un violent coup de froid dû à l’air conditionné. Je me suis levé hier avec de la fièvre, des courbatures, et en prime la peur du covid…
    Finalement, la nuit dernière a été plutôt bonne, j’ai beaucoup transpiré, et ce matin tout était quasiment normal. C’est le truc, avec ce type de coup de froid. Casser la fièvre, prendre une douche très chaude, se couvrir pour dormir, et suer.

    Comme toujours, les maladies sont chez moi des avant-après, une occasion de décréter qu’à partir de ce jour bla-bla-bla etc C’est un peu bébête, mais finalement, tomber malade un mardi 8 septembre, c’est être fin prêt pour une rentrée le mercredi 9.
    Non?

    Des chansons, de Paris, de ma vie
    Il y a des chansons, il y a des vidéos et des films qui me parlent beaucoup, et même plus.
    Il y a 10 ans, quand j’avais vu le film de Cédric Klapisch, Paris. La scène de la soirée, ça avait été comme une baffe que je n’avais pas réussi à comprendre mais qui est très claire maintenant. Je m’étais dit que c’était sympa, que ça me manquait un peu. Non, ça ne me manquait pas « un peu ». J’en crevais, oui…

    Il y a quelques années, il y a eu cette vidéo trouvée au hasard d’une chanson d’Etienne Daho, Paris le Flore, avec Virginie Ledoyen et Benjamin Biolay. Un tout qui rassemblait Paris, mes souvenirs de rue, presque tactiles, olfactifs, auditifs. Le Quartier Latin. Des rues que je connais, des attitudes que je connais, des regards, des gestes, des trottoirs, des boutiques, un café, des artistes de rue avec une foule autours. Le sac FNAC qui sert de sac avec les clés, les cigarettes, un cahier et un stylo, un bouquin. Joseph Gibert, des bouquins achetés au hasard après les avoir feuilletés. La ballade au fil des rues en rentrant chez soi comme si on allait vers nulle part parce qu’on les connait, ces rues, elles sont comme un pull qu’on enfile, on s’y sent bien.

    Lors de chacun de mes séjours ces dernières années j’ai fini par retrouver cette sensation, une familiarité avec cette ville que tout le monde déteste et que moi, sans aucun complexe, j’aime malgré tout, elle est mon village, elle est mon pull. Et ici, des fois, je me sens dénudé.
    On ne peut pas aimer Paris plus que tout, ça, c’est pour les wannabe qui achètent des trucs à pas de prix avant de passer leur temps à faire des pétitions contre le bruit. Non, quand on aime Paris, on l’aime malgré tout. Paris est une ville triste, et peut-être finalement l’est-elle depuis longtemps, et c’est peut-être pour cela que nous, les parisiens, on est souvent un peu superficiels, qu’on fait la gueule tout en s’y accrochant comme des malades. Qu’on y aime, qu’on y sourit quand même et qu’on y savoure des plaisirs uniques. Qui n’ont pas de prix. Un coucher de soleil sur la Seine, un baiser volé sur un quai de métro. Baiser au petit matin sur l’ile Saint-Louis au bas du Square Sully après avoir regardé les canards se réveiller. Et puis nos fêtes…
    Souvenir fugitif de nos soirées avec Julien rue Pelleport, quarante, cinquante personnes, peut-être plus, dans notre deux pièces, ça se bouscule et ça s’amuse, je passe la musique ou bien c’est quelqu’un venu avec des platines…

    Et puis il y a eu cette chanson chantée par Louis Garrel, Les Yeux Au Ciel, dans le film Les chansons d’amour. C’est Alain qui m’en a parlé. Un texte magnifique qui résume mieux que tout ce qu’est une chanson, une vraie, avec un texte qui narre une histoire et qui touche là où ça fait mal. Et puis… Cette ville, ce quartier, cette démarche assurée mais qui ressemble à une fuite vers nulle part, le pull. Paris. Mon quartier. Je n’ai jamais rencontré de tokyoïte me disant qu’iel aimait déambuler, flâner. Toujours iels trouvent cela inutile, une perte de temps. Moi, Paris, je m’y faufilais, je m’y glissais, je m’y évanouissais et chaque fois que j’y retourne, je m’y retrouve.
    Je regarde et j’écoute ces quelques minutes, je suis Louis Garrel, mais je me suis absenté de moi, je me manque à moi.

    Ces rues, ces gens, et jusque ce ciel gris et toutes ces tronches qui font la tronche sont un grand vide en dedans de moi. Ce film, Les histoires d’amour, je l’ai depuis des années et je ne peux pas, je ne veux pas le voir parce que j’ai peur de ce que je vais voir, et j’ai peur aussi de ne pas voir le film. Ce film, c’est mon quartier, ce sont mes errances, c’est ma dépression, c’est Maria qui vient me rendre visite le sac plein de cosmétiques au rabais de la pharmacie du Faubourg, « j’ai fait des économies », c’est les six premiers mois de ma vie, c’est mon faubourg Saint-Denis, c’est la dame du kiosque avec son berger allemand, une facho, ce sont les livreurs dans les rues, les embouteillages, ce sont mes premières promenades solitaires quand j’arrivais de la gare de l’Est, c’est la concierge portugaise qui ne fait pas le ménage sauf avant le nouvel an mais qu’on aime bien parce qu’elle est sympa, c’est les différentes boulangeries, l’une pour le pain, l’autre pour les croissants, c’est le pédé du kiosque rue du Château d’eau, les épiceries turques, c’est… ce sont…

    Tabous…
    Vide en dedans. J’ai comme ça quelques tabous, des trucs que je dois faire mais que je mets de côté. Pas des trucs importants, non. Juste des tabous. Je n’ai pas regardé Les chansons d’amour. Je n’ai pas regardé 120BPM et pourtant je l’ai acheté. Je n’ai pas dépassé 100 pages de La mise à mort, d’Aragon.
    Je sais très bien pourquoi je ne veupeux pas regarder Les chansons d’amour, j’ai trop peur de pleurer Paris qui me manque et la vie que j’ai quittée en partant. Je sais parfaitement pourquoi je ne veupeux pas regarder 120BPM, j’ai trop peur de me trouver face à un chantier que j’ai démarré et dans lequel je me suis noyé. Je sais pourquoi je ne veupeux pas finir La mise à mort, la politique a bouffé ma jeunesse sans même que je m’en aperçoive, et je me suis imbibé des mythes de l’époque d’avant, 36, la guerre d’Espagne, les espoirs de la libération et tant d’autre de ces naufrages qui ont englouti. C’est dur d’avoir une culture politique et de regarder nos naufrages. Je parle de culture, je ne parle pas de connaissance, ici. La révolution espagnole, il faut lire Trostky, il faut lire Broué, et se laisser pleurer pour comprendre. Alors, lire Aragon contemplant sa vie… Chaque fois, j’ai eu le sentiment de m’essouffler, de me voir couler dans ce naufrage, dans cette perte de soi. Ça a commencé à Londres, ce devait être en janvier 2000, et un noeud s’est noué en moi alors que je lisais, quand il parle de ce miroir à trois face dans lequel il a perdu son image, et qu’il revient encore une fois sur la nappe Vichy dans ce café durant l’été du Front Populaire en y ajoutant encore quelques réflexions sur son image qui avait disparu et sur les achèvements de la révolution russe. Une grosse boule dans le vide.
    Tiens, la perte de soi, Paris, la politique, oh la la… Bon, il va falloir dénouer tout ça alors.

  • Septembre

    Septembre

    « Tu te rends compte, il y a des centaines de millions de personnes qui rêvent d’être là, et nous, on y est »

    Une année, ça passe très vite, et avec les ans, on comprend qu’avec les ans, c’est la vie qui s’effeuille lentement, qu’elle s’en va aussi vite qu’elle vient, et qu’un jour elle partira pour de bon aussi rapidement qu’elle est venue. Je vais avoir 55 ans ce mois-ci, c’est un certain âge, c’est un âge certain qui m’engage désormais irrémédiablement vers mes 60 ans, un âge que je n’aurais jamais soupçonner approcher dans mes jeunes années. Pas que je voulais mourir, non, mais plutôt, quand on est jeune, à moins d’avoir de sérieux problèmes, on ne peut imaginer avoir 60 ans, être vieux.

    Ma jeunesse a été un tourbillon où je ne contrôlais rien, ma trentaine a été un moment où je voulais tout contrôler de peur que tout s’échappe et finalement, depuis mon installation au Japon, j’ai enfin appris à vivre au présent, à jouir du moment sans tout chercher à contrôler ni sans perdre pied. Il y a bien eu des moments où j’ai cru perdre pied, comme ces deux fois où j’ai perdu mon travail, ou bien juste après le séisme de 2011, mais très étonnement, j’ai su garder le cap et j’ai utilisé cette capacité à « tout vouloir contrôler » pour ne pas baisser les bras et m’avouer vaincu comme j’aurai pu vouloir le faire quand j’étais très jeune.
    Et puis depuis plusieurs années, ce doit être ça, la maturité, je me fais aux évènements même quand ce sont eux qui me font, c’est à dire que je transforme un donné. Je ne subis pas, je choisis. Par exemple, je peux très bien perdre mon emploi, on est dans un moment rempli d’incertitudes, eh bien vogue la galère. Ma santé pourrait très bien se détériorer, eh bien c’est la vie.

    Avec la chaleur, avec l’air conditionné qui me frigorifie la peau sans même rafraîchir mon corps, la nuit, chaque matin mes yeux s’ouvrent très tôt, et dans un demi-sommeil interminable, je fais des rêves d’une simplicité et d’une signification transparente incroyable, ils me révèlent mes appréhensions, le départ du Japon ou bien mon âge et ma présence dans un Paris qui ne m’appartient plus et que je ne reconnais pas. Ces rêves qui me laissent des questions envahissant ma conscience pendant plusieurs interminables secondes ainsi qu’un goût particulier dans la tête pendant toute la journée voire durant plusieurs jours, ils ne m’effraient pas, j’aime au contraire apprendre à vivre avec eux car ils m’obligent à moi-même. Ils me rappellent que le temps a passé mais qu’il n’est pas encore passé, qu’il y a un après à ce présent dans lequel je suis. Ils m’aident à regarder ma situation avec lucidité et me disent à moi-même que je n’ai plus beaucoup de temps, « vas-y Madjid, tu sais ce qui est devant toi, alors vas-y ».

    Alors ce matin, j’écris ce billet, ce sera un court billet car au lieu de travailler, j’ai regardé un épisode de Miss Marple sur YouTube. Confession. Oui, il m’arrive de buller et de ne vouloir rien faire, mais ce matin, alors que je regardais cette aventure, un meurtre bien entendu, je me suis dit que ce serait bien d’arrêter de me mettre sur mon sofa comme je le fais après avoir déjeuner, et de mettre YouTube comme on mettait la télévision à la maison.
    Hier, au travail, ou plutôt en allant au travail, j’avais le sentiment de faire quelque chose de vain, d’inutile. Ce n’est pas un sentiment nouveau, mais c’était profond. Je ne suis certainement pas le seul à « vivre » son travail plutôt qu’à le faire, nous sommes des centaines de millions à travailler pour payer les factures et, quand on accède à cette illusion de satisfaction, la « classe moyenne », pour s’acheter ces petits extras qui nous font croire qu’on fait quelque chose ou qu’on a réussi quelque chose. Mais la réalité, c’est que dans les transports, au seuil du travail, ces petites choses s’évanouissent pour ne laisser qu’un goût d’inaccompli. Enfin bon, j’écris pour moi, vous, je ne sais pas…
    Mon ami Tarika et moi, nous en parlons souvent. Elle et moi, en plus, nous avons eu à faire à une « erreur de programmation », à une erreur statistique, puisque nous sommes « sortis » de milieux sociaux qui ne nous prédestinaient pas à tenter l’aventure, la bohème. Tarika devait devenir secrétaire, et moi employé de bureau. Cols blancs, maison à crédit sur 25 ans, mariage et enfant pour elle, mariage gay en costume Zara pour moi. Retraite. Diners entre amis autours d’une bonne bouteille de temps en temps. Collègues au bureau, sandwich rapide le midi.

    Et puis non, je vous dit, une erreur de programmation, il a fallu qu’on regarde les choses autrement. La voilà danseuse indienne, fins de mois difficiles, boulot constamment à remettre sur la table, et en même temps des invitations dans des ambassades, des voyages en Inde accueillie par des maitres de danse renommés et inégalés, une vie de bohème avec son combat au jour le jour et des montagnes de beauté. Me voilà au Japon, dans une vie que je me suis choisie, faisant des promenades au moins aussi belles que celles que je faisais autrefois dans Paris, comme quand je dis à Nicolas, un soir, alors que nous venions de regarder « La naissance de l’Amour », de Sueur, dans l’aile française du musée du Louvres, juste après que nous nous fûmes approchés d’une fenêtre qui donnait sur la pyramide de Pei, « Tu te rends compte, il y a des centaines de millions de personnes qui rêvent d’être là, et nous, on y est ».

    Devant nous, il y avait le Louvres, la pyramide, le jardin des Tuileries, et au loin les Champs-Élysées, et puis à gauche on apercevait la Tour Eiffel… Vivre au Japon, à 5 minutes du Sensô-ji, c’est un peu la même chose, à part que je l’ai choisi. Et puis même si pour le moment on ne peut pas dire que j’ai été très productif en matière littéraire, je n’en demeure pas moins un vétéran du blog. J’ai touché à tout, fait beaucoup de chose, et rien fait de grand parce qu’au fond de moi je n’y ai jamais cru. Je veux dire, en moi, que je puisse faire quelque chose à moi, de moi, propre à moi et qui me mette à la même auteur que des auteurs ou des personnalités que j’aime, que j’admire, que je respecte. Tarika a le même complexe, on a toujours une bonne excuse quand en réalité, à notre niveau, le seul problème que nous ayons, c’est nous-même.
    C’est cela, que mes rêves me disent en ce moment. Ils me montrent le chemin sur lequel je suis, ils me disent quelle est ma route pour le moment et par la même ils me rappellent qu’il est toujours temps, et quand je vous écrit que depuis mon voyage en 2015 je rêve d’habiter dans le 14e arrondissement, ils me disent que j’appartiens à cette vie si je le désire, qu’il n’y a aucune raison qu’il en soit autrement. Ils me disent que je ne serai pas homeless, ils cassent les excuses que j’ai bâties au fil des ans, et ils me montrent en revanche les vraies questions qui se posent, ou plutôt la seule vraie question. What next?

    C’est septembre, je vais avoir 55 ans. C’est septembre, et c’est vraiment la rentrée.

    Vivre au Japon, à 5 minutes du Sensô-ji, c’est un peu la même chose, à part que je l’ai choisi.