Il y a très longtemps, ce devait être quand j’avais 20 ans, j’ai fait un rêve assez bizarre, très profond, et qui me marque aujourd’hui encore. J’étais vieux, ce n’est pas que je me voyais vieux, mais je l’étais, c’était évident. J’étais devant un bureau, et c’était le bureau où j’écrivais. Dans mon rêve, je n’écrivais pas mais c’était évident aussi. Le bureau était contre un mur blanc, en tout cas je pense. Cette pièce pouvait être une chambre, je ne sais pas, peut-être était-elle sous des combles, c’est possible mais je ne sais pas bien. Ce qui m’a le plus marqué, c’est que le bureau était installé contre un mur blanc, son coin droit également collé au mur, et à ma droite, il y avait une fenêtre. Je devais être au premier ou au deuxième étage, je jetais un coup d’oeil par la fenêtre, elle donnait sur une courte pleine de verdure, calme. Mes sentiments dans ce rêve étaient tristes, je ne sais pas pourquoi. Et mon regard se tournait de nouveau vers mon bureau.
Je n’ai retenu que cela de ce rêve, rien d’autre, mais ce rêve a laissé un goût très étrange, je serai vieux comme cela, là, à cet endroit. Un endroit que je connais pas, que j’ai certainement « recomposé » à partir de lieux connus, les bureaux de l’Assemblée Nationale où, jeune militant socialiste, j’allais faire des photocopies et envoyer les courriers de la section, ou bien l’appartement de la famille M. où j’ai travaillé durant deux ans, vers 1986, un appartement lui aussi au deuxième étage d’un petit immeuble de la rue d’assis, vers Port Royal, avec sa cour qui ressemblait à un jardin. Mais tout de même, en même temps ce lieu, la disposition du bureau, cette fenêtre, ce sentiment d’être vieux et malgré le charme du lieu, ce sentiment de tristesse malgré le fait que je sois écrivain, je n’ai jamais trop su quoi en penser. Pourquoi m’y sentais-je triste alors que finalement je me retrouvais dans un appartement du 6e ou du 7e arrondissement?
J’y ai repensé après avoir « redécouvert » le 14e, car le 14e arrondissement possède aussi ce côté provincial, en retrait, calme, avec ce ciel ouvert que je garde de ce rêve. Et il y a aussi de nombreuses cours intérieures, vers Vavin et Denfert. Pour icels qui connaissent. C’est amusant, moi qui n’ai vécu ma vie que sur la rive droite, et j’avoue aimer la rive droite, la rive gauche vers Montparnasse m’a fait un effet très spécial. La lumière.
Il y a quelques jours, j’ai fait un autre rêve qui me fait réfléchir. Au bout d’un rêve sans réel intérêt, je me retrouvais dans un sorte de voiture, plutôt un camion sans toit, je ne sais pas trop, qui fonçait sur une route de campagne, j’étais avec plusieurs personnes et il y avait Jun, et Jun me disait qu’il ne verrait plus jamais Freddie… et s’éloignait de moi.
Cette route était une route entourée de champs, longue, très longue, et la voiture était rapide, elle nous, elle m’emportait. Je dois cesser de me mentir, ce n’est pas la peur de ceci ou de cela qui me retient au Japon. Il n’y a qu’une seule chose, ou plutôt une seule personne qui m’y retient et qui donne encore un sens à y rester. Pour le reste, d’ici je suis las. Et oui, j’ai envie de rentrer en France.
Ce n’est finalement pas à vous qu’il faut cependant que j’en parle, et c’est une question que je vais devoir travailler. Parmi beaucoup d’autres question, même si en ce moment toutes mes réflexions tournent finalement autours de cette idée: j’avais dit deux ans l’an dernier. Et un an a passé. Le coronavirus vient tout compliquer, ou peut être n’est-ce pas au contraire l’opportunité qui se présente, un immense coup de chance, ce renversement de l’époque, enfin, avec le renouveau et le renouvellement de tout, de la musique, des vêtements, de la littérature, de la politique, de tout. Une époque fascinante qui ne demande qu’à être racontée, épiée…
Vous voilà surpris peut-être, mais depuis juillet, je suis de plus en plus persuadé que c’est le moment qu’intimement j’avais toujours attendu, et que j’y étais prêt.
J’ai finalement regardé Les chansons d’amour. Le film est simplement parfait, jusqu’aux titres de fin, avec la chanson de Barbara « j’étais partie ce matin au bois… » qui figure au Panthéon de mes chansons préférées de Barbara, ne serait-ce que par ce « j’étais partie ce matin au bois, bonjour, mon amour, bonjour ».
Je crois que m’être ouvert hier sur ce manque de la capitale m’a permis de passer outre la nostalgie, cette tristesse « un peu comme si la ville jetait un sort sur ses habitants et les ensorcelait dans une mélancolie à vie qui s’amplifie à mesure qu’on s’en éloigne. En vivant à l’étranger, je ne peux pas voir un film qui met Paris en scène sans la larme à l’oeil, surtout quand le film ressemble un peu à ma vie parisienne » comme le commentais mon amie Joelle, partie il y a des années.
Le film se déroule en hiver, et si c’est vrai que Paris est magnifique en été, il n’en reste pas moins qu’on ne peut être parisien si on ne sait pas y vivre en hiver, si on n’y a pas enduré l’hiver. J’ai aimé retrouver tous ces petites métiers du quartier de la Porte Saint-Martin, y voir ces boutiques afro. Lors de mes derniers passages, malgré la super gentrification, j’ai pu voir à quel point ce quartier reste un quartier de marge, et le choc économique qui va se répercuter sur la bulle immobilière va certainement permettre de le sauver, en tout cas pour un temps, de la hype qui l’a saisi. Je ne m’attarderait pas sur le scénario, un scénario qui donne envie d’être amoureux, et d’être malheureux d’amour, et d’être heureux d’amour, et je ne m’attarderai que sur la dernière scène dans le 14e au cimetière du Montparnasse, et ça, pour moi, c’est une petite marque du destin… « Aime-moi moins, mais aime-moi plus longtemps »
J’avais adoré la manière très naturaliste de filmer Paris, le vrai 10e avec le Brady, ses rues pas très nettes, et ses bagnoles ou antennes de téléphonie. C’était totalement opposé au Paris de carte postale, mais étrangement malgré tout très très beau et charmant. Paris transcende sans doute la réalité. 😀
Oui, moi aussi, j’ai beaucoup aimé voir ces rues de Paris telles qu’elles sont, sans fard. Le film est vraiment très beau.
J’avais adoré la manière très naturaliste de filmer Paris, le vrai 10e avec le Brady, ses rues pas très nettes, et ses bagnoles ou antennes de téléphonie. C’était totalement opposé au Paris de carte postale, mais étrangement malgré tout très très beau et charmant. Paris transcende sans doute la réalité. 😀
Oui, moi aussi, j’ai beaucoup aimé voir ces rues de Paris telles qu’elles sont, sans fard. Le film est vraiment très beau.