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  • 120 battements, un commentaire

    120 battements, un commentaire

    Matoo, le président des pédés himself, a laissé un commentaire au sujet de mon billet sur 120 battements par minutes.
    J’ai visité son blog où il avait publié un billet au sujet du film en 2017, et j’y ai laissé un commentaire.
    Dans la plus grande tradition de mon blog, je mets en ligne cet échange car de son côté, lors de la sortie, il avait apprécié le film malgré ses faiblesses.

    Voici le commentaire qu’il a laissé:

    Tu sais bien que c’est impossible d’apprécier un film qui parle d’un truc qu’on connaît trop bien. On trouvera toujours pas ça à la hauteur de sa propre perception. Donc je ne suis pas étonné de ton opinion très étayée là-dessus.

    Le truc, selon moi, c’est que le film n’est pas du tout un documentaire, et pas non plus un film totalement fictionnel, et pas non plus une allégorie complètement abstraite, et c’est là où le bât blesse, à mon sens, il a le cul entre plusieurs chaises. Et même si je lui trouve plein de qualités formelles, et au moins le mérite d’évoquer ces sujets importants, bah j’ai aussi été un brin déçu (alors que je ne connais en rien ACT-UP de mon côté).

    J’aurais aussi adoré un vrai rappel de la vibe LGBT de l’époque (fringues, danses, musiques, bars), mais encore une fois le film est à la croisée des chemins dans sa forme, et c’est son défaut. Mais c’est aussi peut-être ce qui en fait un *bon* film, pas ouf, mais correct pour instiller des éléments pertinents et une bonne histoire, sans verser dans la peinture hyper précise, le documentaire ou la biographie d’une asso.

    J’avais écrit à ce propos également. ^^

    Et voici ce que j’ai répondu:

    Bonjour Matoo Watoo,

    Tous ces commentaires, cet article, datent de 2017, et il est fort possible que je me serais laissé happer par le film si je l’avais vu à cette époque, mais il m’a été totalement impossible de le voir. Je pouvais pas.
    Au fond de moi, il y a eu une résistance, une envie d’oublier ces années où il faisait gris tous les jours, même quand il faisait beau. Ces années glauques qui me laissent la sensation d’avoir sombré avec le Titanic. L’insouciance et la légèreté, l’innocence des années 80, tous ces bars, ces boîtes et ces lieux, et il y en avait plein, nos amitiés, tous ces garçons amants d’un soir, d’un jour ou d’une vie, jeunes, tout sourire, avec nos looks et nos musiques, et puis tout se retrouve emporté avant même qu’on s’en aperçoive, exactement comme le Titanic, certains parmi nous tentant encore de s’amuser comme ils le peuvent avant que le bateau ne sombre et qu’il ne reste que… ACT UP pour hurler, et nos larmes pour pleurer.

    Et puis un jour, les trithérapies arrivent, voilà, la lame est passée, et on a pris dix ans. Même à trente ans, au fond de nous, on en a quarante et même soixante.
    Personne ne veut revivre un tel naufrage.

    En 2017, je n’étais pas prêt à affronter ces souvenirs.

    Vu pour la première fois il y a un mois, donc, je n’ai pas aimé du tout, le film est mal construit – ou peut-être porte-t-il la marque d’un certain « cinéma d’auteur » dans sa pire acception. Les personnages n’ont aucune profondeur, il n’y a aucune temporalité, et il ne fait aucun doute que les jeunes qui ont adhéré à ACT UP après avoir vu le film ont dû être terriblement déçu parce que pour obtenir les résultats d’ACT UP, il a fallu des années et un boulot monumental, ce que le film ne narre pas puisque le temps y est totalement inexistant, narrant l’histoire d’une association imaginaire faisant un zap après l’autre… Comme si…

    Je n’ai pas aimé It’s a sin, mais la série m’a beaucoup plus touché car pour le coup, Davies a essayé de retranscrire l’époque. Le résultat est très maladroit car, comme je l’écris plus haut, il est très difficile de vraiment investir nos propres souvenirs sans raviver une douleur profonde, mais les personnages « racontent » quelque chose qui les dépasse, quelque chose que nous avons toustes vécu.

    Bises

    Voilà qui complètera le billet de jeudi dernier.

  • 120 battements par minute: un navet ?

    120 battements par minute: un navet ?

    Il y en aura d’autres, de films, de récits et d’évocations, ce moment resurgira de l’ombre dans laquelle les trithérapies et l’envie de tout oublier l’ont enseveli. 120 battements par minutes sera alors le premier jalon d’une mémoire qu’il faudra reconstruire, un film fondateur malgré son incroyable imperfection.

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  • Pédés et arabes in the 80’s/90’s?

    Pédés et arabes in the 80’s/90’s?

    Arabes et pédés in the 80’s/90’s en France.
    J’ai reçu une demande via Facebook. Comme j’ai fourni une (longue) réponse, je vous la livre ici comme j’ai régulièrement fait, sans editing et avec de nombreux raccourcis de langage pris dans la réponse, et ils sont nombreux.

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  • Mourir…

    Mourir…

    Le Japon, je t’en donnerais, moi, du Japon

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  • Le tigre, le serpent, le covid et le VIH

    Le tigre, le serpent, le covid et le VIH

    il va nous falloir « sortir », et qu’advienne que pourra, car aucune société ne peut vivre terrée dans la peur

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  • Parting Glances (1986), un FILM PÉDÉ

    Parting Glances (1986), un FILM PÉDÉ

    Un film pédé, un film SIDA et peut-être le premier dans son genre. Et le tout sans larmoiement, non, ça aurait été trop facile…

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  • Fabrique de ma solitude

    Fabrique de ma solitude

    Je me suis retiré sans vraiment le faire des réseaux sociaux, j’y ai réduit ma présence. Je suis amusé par l’indifférence générale quand on n’y est plus, ça aide à bien comprendre l’illusion dans laquelle ils nous enveloppent, celle de compter, d’exister, d’être importants quand en réalité on n’y est qu’une « information », un « data » parmi d’autres piégés dans d’autres bulles. Disparaissez, vous ne manquerez à personne. Personne ne vous enverra un message « on ne te voit plus, ça va? », ni même un « quoi de neuf ». Je n’attendais rien heureusement, mais ça m’amuse de constater cela.
    Le résultat de cette semi-retraite est une vie désorganisée. Tout le temps que je perdais, je me suis mis à tourner en rond, passant désormais du temps sur un YouTube qui de fait a progressivement remplacé et Facebook, et l’addiction ancienne, remontant à l’enfance, à la télévision. Celle-là, je m’en étais guéri mais comme toute addiction, elle n’attendait qu’une occasion pour ressurgir.
    C’est comme un sevrage. Il faut réapprendre le silence, l’ennui, le vide.
    Pourtant, progressivement, ma « consommation » de YouTube a évolué, passant d’une roue de secours dans un temps qu’on ne veut pas voir passer, à l’exploration d’une véritable mine d’or. Je suis bilingue anglais et j’avoue, YouTube, c’est extraordinaire. Ainsi cette semaine, j’ai regardé le dernier documentaire de Adam Curtis. Incroyable comment depuis trente ans il réalise le même documentaire en l’affinant, en allant plus loin dans sa recherche d’un récit global, avec toujours ce moment clé, ce tournant, l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher dont chaque fois il affine l’analyse. Et tout cela avec l’élégance d’une oeuvre contemporaine, image et son.

    J’ai regardé pas mal de vidéos en tout genres et découvert des pépites que je vais progressivement utiliser pour écrire. Au milieu, beaucoup de vidéos ayant trait à l’histoire de l’homosexualité, des horreurs, des trucs qui font sourire, des trucs qui font pleurer aussi, des trucs qui racontent une histoire qui est la mienne, qui forment une identité complexe et dont j’ai recommencé à me nourrir pour finir ce travail dont je vous ai maintes fois parlé. Ce matin, ça a été le Chris Donahue show de 1989.

    Concernant ce travail, qui bien entendu est un serpent de mer, « mon premier roman », je suis enfin arrivé à ce que je recherchais à tâtons. C’est amusant, en écrivant ces mots, en remplaçant les formules tarabiscotées pour « l’évoquer » à défaut d’en parler (« ce qui m’occupe en ce moment », « mon travail du moment », « ce projet dont je vous ai parlé », etc), je m’aperçois que le tabou est enfin tombé et qu’il n’y a aucune honte à porter durant des années un travail avec toutes les difficultés que cela suppose. Oui, ce roman, le premier d’une série de trois, devrais-je dire. Là, je vous vois venir, « il a même pas écrit le premier qu’il nous dit qu’il veut en écrire trois ». Ben ouais, mais c’est le projet de départ, et cela depuis le premier jet il y a environ dix ans. Un équivalent de 150 pages peut-être, du premier tome dont je garde le titre secret. Le titre, c’est étrange, c’est comme si je l’avais toujours eu en moi…

    J’y travaille de nouveau, j’écris de nouveau, et je place la barre encore plus haut. C’est tout ce que j’ai en moi ou ce ne sera rien du tout. Je veux écrire un roman, un vrai roman, de ceux qui restent après avoir lu la dernière ligne.
    Alors, après avoir fait des élagages, des révisions, des changements dans ce qui est déjà écrit en suivant quelques retours dont je vais un peu vous parler ici, je me suis aperçu que. Non.

    Désolé les gars, désolé les filles, désolé les autres, mais il faudra vous farcir des passés simples, des futurs antérieurs, des subjonctifs passés, des conditionnels passés, des doubles pronoms, de longues phrases avec de la ponctuation et des parenthèses (de celles dont il m’est arrivé de vous abreuver sur ce blog…).
    Après une très longue révision de ce que j’avais écrit, laissé en plan, je suis arrivé à une conclusion. La richesse de la grammaire de la langue française permet de faire respirer un texte, un récit d’une façon incroyable, d’élargir le champs en des sensations d’une très grande richesse que rien, dans une réduction à une grammaire simple, ne peut égaler. La langue française est le reflet de la gastronomie française, c’est une langue magnifique que j’ai appris à aimer jusque dans ses retranchements en l’enseignant. Ce serait dommage de ne pas le faire comme je sens, de ce côté là.
    Et pour tout dire, c’est toute cette articulation complexe qui me ressemble car elle offre la possibilité incroyable, en créant des contrastes, de faire surgir le passé ou le présent dans toute leur violence et leur beauté avec la précision du photographe qui retouche une photo pour en faire ressortir un détail.

    Bousculer l’ordre, même et surtout avec l’écriture, c’est s’amuser avec. Ferré a écrit que le désordre, c’était l’ordre, moins le pouvoir. Et je suis totalement en accord avec cela. Mon écriture doit me ressembler, elle doit se faire mon joujou et non chercher à se mouler ni dans des conventions, ni dans des hésitations et encore moins dans les conformismes de notre époque.

    Je veux m’amuser avec les registres de la langue, et tout le réclame, tout. Alors il y aura des passés simples à foison quand cela me fera plaisir malgré les réserves qu’un de mes lecteurs a formulé à ce sujet, une remarque qui a mis du doute dans mon élan quand au même moments mes amis ne me faisaient aucun retour – peut être avaient ils cru que je racontais ma vie.
    C’est que je voulais aussi jouer avec les sujets, écrire « je », un je polyphonique car c’est ce je qui est le cœur même du récit, à défaut d’en être le personnage principal qui, lui, est invisible, tapi, caché.
    C’est difficile, écrire un roman avec un, deux, trois, quatre, cinq personnages différents tout en donnant leur place à d’autres encore même si on ne les croisera qu’une fois et en même temps expérimenter des formes d’écriture qu’on ne maîtrise pas, du moins dans les premiers jets.

    J’avais adoré Manhattan Transfer, j’avais adoré le deuxième tome des Chemins de la liberté (Sartre a lu Dos Passos en anglais dans les années 30 et il est évident que le deuxième tome des Chemins est un hommage à Dos Passos qu’il a lu précisément à l’époque où se situe le récit).
    A la relecture toutefois j’ai finalement compris que ça ne collait pas, que le procédé était maladroit.

    Pour m’y remettre, je me suis replongé dans l’esquisse du dernier chapitre, la fin, quoi, et même si l’écriture m’a semblé forcée, une sorte de grande prise de note, j’ai été surpris d’y avoir laissé tout ce qu’il fallait, en faisant une esquisse assez réussie. Une sorte de testament adressé à moi-même et que je viens seulement de déceler. Et je l’aime, cette fin.
    Je regrette d’écrire sur ordinateur car cela aurait mérité d’être jeté sur le papier. Elle ne doit pas faire plus de 15000 signes, ce qui est très peu, mais j’y ai retrouvé l’essentiel et, pour tout dire, comme c’est par cette esquisse que je me suis replongé dans ce roman laissé en plan il y a dix ans, elle a réveillé tout le récit, toutes les intentions encore non écrites tout comme les personnages encore piégés dans ma tête et qui ne demandent qu’à sortir.

    La platine disque, et puis ce retrait des réseaux sociaux, et puis ces tchats que je fais plus souvent depuis un ou deux mois, cette reprise de contacts avec celles et ceux qui comptent pour moi, c’est la solitude nécessaire qui m’a tant manqué. C’est la solitude devant la feuille blanche et le plaisir qui va avec aussi, c’est le bras qui se pose sur un vinyle sans que je ne me retrouve le nez collé sur mon ordinateur.

    C’est important, la solitude, pas la solitude forcée, tragique. Non, la solitude de fait, ces moments de silence que j’apprécie.
    Je me souviens, durant mon analyse, j’avais parlé à la psy de ce que j’avais ressenti en regardant Mes voisins les Yamada, quand, toute la famille sortie, la mère se retrouvait seule à la maison, mettait la machine à laver en route dans le silence de la maison. J’avais effleuré des souvenirs d’enfance, ce même silence à la maison, et maman qui travaillait ces matins où, malade, je restais au lit dans un demi-sommeil.
    Cette même qualité de silence. Maman était seule, alors, et à bien y penser, ce n’est pas cette solitude qui lui pesait, je crois qu’elle faisait partie de ces femmes qui prenaient un réel plaisir à s’occuper de la maison, à faire la cuisine. Une autre époque, une autre génération. Effleurer cette qualité de silence, c’est presque retrouver le bonheur qui s’y cache. Sans musique ni vidéo et encore moins de réseau social pour meubler.
    Je peux, alors, rentrer dans le jeu de l’écriture et voir, entendre, il ne me reste plus qu’à décrire et raconter. Ce matin, j’ai « torturé » un des chapitres pour le rendre plus direct comme deux personnes me l’avaient conseillé, et à la relecture j’ai pensé que non, ça ne me plaisait pas, que ce n’était pas moi.
    Et alors cette histoire de passé simple a été réglée. J’aime le passé simple, simplement parce que ça permet, entre autre, de s’en passer. Et de fait garder ce style que certains jugent ampoulé m’oblige à écrire avec plus de rigueur, à nourrir mes phrases plutôt qu’à en changer le style, car je sais pourquoi j’écris ainsi. Moi.

    Les quelques retours qui me sont revenus il y a dix ans ont brisé l’élan certes, ils sont surtout révélé la très grande fragilité de mes propres convictions concernant ma propre écriture. En fait, je n’avais jamais réfléchi à pourquoi j’écrivais d’une certaine façon, ni pourquoi j’écrivais d’une autre façon sur mon blog, ni encore pourquoi ça sortait différemment pour ce roman.
    Et en réalité, c’était tellement évident…
    Après toutes ces années le fantasme d’écriture est mort, il ne me reste qu’un travail, avec beaucoup de travail, une histoire compliquée à écrire mais très claire, et puis aussi un plaisir avec lequel je renoue très timidement.
    J’ai 55 ans. Mon travail à l’école me gave comme ce n’est pas permis. Je ne retrouverai jamais un autre travail. La seule reconversion qu’il me reste est d’être écrivain.
    Ça fait 20 ans que je repousse cette échéance…

  • Un type bien: Laurent Jacqua

    Un type bien: Laurent Jacqua

    Un matin de 1984, c’était le lendemain d’une de mes émissions de radio, j’étais rentré au petit matin, ça tape à la porte, avec insistance. J’émerge, j’enfile une robe de chambre et je vais ouvrir.
    À la porte, un homme et une femme que je ne connais pas mais qui ne tardent pas à se présenter après avoir confirmé mon identité. C’est la police. Mon coeur se met à battre, je me demande ce qui se passe.
    J’habite seul depuis septembre 1983, c’est la première fois

    que j’ai la police qui débarque, comme ça. Ils me demandent ce que je faisais à une certaine date, puis ils me demandent si je connais un certain … (désolé, je ne me rappelle même plus son prénom… ça fait tellement longtemps), mais je ne tilte pas, et puis ils me disent, « peut-être vous le connaissez sous le nom de Snuff ». Et là, ben oui… Ils me tendent une convocation pour l’après-midi dans un commissariat du 11e arrondissement.
    La vache, qu’est-ce qui se passe?
    Snuff, quand on était un rocker, ou qu’on traitait dans les concerts parisiens, on le connaissait. Moi, je le connaissais un peu plus, il était venu squatter chez moi quelques fois, et puis, on avait même essayé de le faire décrocher de l’héroïne. Je me revois, avec une amie, on allait de pharmacie en pharmacie pour acheter je ne sais plus quel médicament qui pouvait aider. Quand j’ai vu Trainspotting, le personnage de Spud m’a fait penser à lui. Snuff était un garçon super gentil, très très doux mais avec un allure à filer la trouille à plein de monde. Un fils de prolétaire qui était devenu punk au tournant des années 70, avait trainé avec Métal Urbain, mais qui n’avait pas eu les moyens d’atterrir par la suite, et qui s’était enterré dans la came.
    On était devenus copains, on ne trainait pas ensemble, pas la même tribu, mais je le trouvais super drôle. Quand il débarquait chez moi, je lui proposais de rester, je lui faisais le petit déjeuner, et on bavardait de plein de trucs. Il connaissait « tout le monde », à Paris. Physiquement, il n’avait pas d’âge, la drogue l’avait bouffé.
    Une fois, il s’était pointé avec une fille, une suédoise. Je les avais laissés ensemble, mais il avait pigé que ça me faisait chier qu’il prenne mon hospitalité pour un squat. Il n’avait pas recommencé.
    Je suis allé au commissariat l’après-midi, et là, j’ai appris l’histoire.. Bon, en fait, j’en avais entendu parler, on ne parlait que de ça depuis quelques jours dans le milieu rock, mais je n’en savait pas beaucoup plus. Il y avait eu des tirs devant le Cithéa, un bar-concert rue d’Oberkampf, après une bagarre avec des skin-heads. En fait, ça faisait plusieurs mois que les soins provoquaient régulièrement et qu’il y avait des descentes suivies d’agressions. Cette fois-là, un skin avait été tué et un autre blessé.
    Le récit que m’ont livré les policiers était assez détaillé et il y avait un problème, deux suspects, dont Snuff, restaient introuvables. Ils m’ont posé des questions, j’avoue, je n’avais pas grand chose à répondre, je n’y étais pas, je leur ai expliqué que moi, depuis plusieurs mois, j’écoutais de la musique psychédélique et que donc je ne trainais plus avec les gens qui allaient au Cithéa. Ils m’ont demandé comment j’avais connu Snuff, je leur ai parlé de mes émissions de Radio, je leur ai dit que « tout le monde » connaissait Snuff. Je crois que mes explications les ont hallucinés.
    Je continue, par contre, de me demander qui a bien pu leur donner mon adresse et mon identité.

    Je vous raconte ça car comme je ne suis pas bien l’actualité française depuis mon départ, je n’ai pas suivi les reportages ni la libération de Laurent Jacqua, celui qui a été inculpé dans cette affaire avant au bout d’un moment de s’évader et de devenir un braqueur.
    Je suis tombé sur un de ces reportages, celui de Karl Zéro. J’ai écouté son récit de cette soirée là, un récit un peu différent de celui qui avait circulé dans Paris à cette époque-là, assez différent aussi du récit que la police m’avait fait et qui avait conduit Snuff à quitter Paris pendant deux ans.
    Vers 1987, un soir, j’allais à une soirée House rue Ponthieu, une bande de motards Hells Angels passent, un type me regarde, il s’arrête et me fait un grand sourire. C’était Snuff. Ça m’a fait super plaisir de le voir, on se fait la bise, on bavarde, et puis il repart.
    Il était désormais Hells Angels et évangéliste.
    Il est mort quelques années plus tard du SIDA comme plein d’héroïnomanes. Je crois que c’est mon ami Xavier qui m’a appris ça. Laurent Jacqua lui-même est séropositif. La drogue…
    J’ai cherché sa fiche Wikipédia. Depuis sa libération, il s’occupe de la commission « prison » à Act-Up, a écrit des bouquins. Incroyable, dans l’interview, sa façon de parler, un gars des faubourgs, j’ai pensé. Ça en ferait, un beau film, sa vie.

    Voilà. Je n’ai pas pu m’empêcher de gratter dans mes souvenirs, et il me semble, je dis bien il me semble entrevoir qui c’est, dans ce brouillard qui enveloppe le passé ancien et qui souvent, aussi, nous trompe. Même si son récit est différent de celui qui m’a été rapporté, si la police recherchait Snuff, c’est que Laurent Jacqua trainait avec lui, et comme il m’arrivait encore de croiser Snuff à cette époque, il me semble bien apercevoir quelqu’un souvent avec lui. Mais peut-être je me trompe. C’est juste que le souvenir de cette convocation à la police un lundi, et puis cette histoire, et puis la disparition de Snuff, ça ouvre la boîte à souvenirs, et j’aime ça, vous le savez bien.

    Un parcours triste, littéraire au plein sens du terme, dans lequel il ne s’est pas laisser enfermer: malgré les braquages, un type bien, Laurent Jacqua, qui le prouve depuis une dizaine d’années. La rédemption.

  • Larry Kramer 1935 – 2020

    Larry Kramer 1935 – 2020

    (vidéo, Jimmy Somerville – From this moment on – tirée de la compilation d’artistes contre le VIH – RED, HOT and BLUE, 1990)

    Un grand Pédé s’en est allé.

    (suite…)