il va nous falloir « sortir », et qu’advienne que pourra, car aucune société ne peut vivre terrée dans la peur
Dans le métro.
Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas prêté à l’exercice et il faut avouer que ce n’est pas très confortable si je ne veux pas déranger ma voisine.
On est fin janvier, le temps a passé. Janvier, on devrait hiberner, c’est à dire ne pas trop tirer sur la corde et se préparer pour quand le temps s’adoucit. Cela fait longtemps que je pense que je devrais faire cela, ne pas trop me prendre la tête en hiver mais juste préparer les mois qui suivent, et c’est exactement ce que j’ai fait.
La semaine prochaine, c’est la nouvelle année dans le calendrier chinois, l’année du tigre.
J’aime l’image du tigre, l’idée de rapidité, de course et d’agilité. Dans le zodiaque chinois, je suis serpent, et si on s’en tient à la « personnalité » du serpent, voilà un animal tout en lenteur, tout en réflexion jusqu’à ce qu’il trouve sa proie et alors, insensiblement, le voilà qui se prépare et bondit en un éclair. En ce sens, il est assez proche du tigre. L’idée me va bien et je vais essayer de vivre cette année ainsi. Être prêt, me fixer un but, et foncer.
J’ai donc pas mal investi ces derniers mois. D’abord mon MacBook Pro, le M1Pro 14’. La nécessité m’est venue en pensant au monde actuel, au surgissement de l’inconnu, à la nécessité, justement, d’avoir à prendre une décision en quelques minutes, celles de partir, celle de bouger, suite à des circonstances que je ne connais pas encore mais qui pourraient surgir. C’est cela que le Covid m’a enseigné. Un ordinateur portable, c’est exactement ça et me voilà libéré de cet iMac que je ne peux plus voir en peinture tellement il est aux antipodes de là où j’en suis.
J’ai acheté un télé-prompteur pour faire des vidéos. Mon objectif est, à terme, de filmer chaque billet de blog. Chaque fois où j’en ai faites, tenter d’installer l’iPad de façon à donner l’impression que je regarde la caméra m’a fait perdre un temps, vous ne pouvez pas imaginer. J’ai donc aussi acheté un logiciel pour prompteur, mais ça, ce n’est pas très cher.
Mon vieux MacBook Pro de 2012 me posait un problème existentiel. Certes, ce n’est pas la peine d’envisager d’utiliser Photoshop ou Lightroom (ça reste possible mais il faut avouer que ça n’a rien d’agréable du tout tellement il est lent), mais il marche. Il est largement suffisant pour surfer, écrire ce billet sur Ulysses (le logiciel d’écriture le plus sympa que je connaisse) bref, faire des choses simples. Et puis, vu le prix du M1Pro, ça m’embête un peu de le transporter au travail en permanence. J’aime la mobilité à la maison, pouvoir l’emmener en vacances mais tous les jours au travail, ça m’angoisse un peu, alors le vieux MacBook me tentait bien. Mais voilà, la batterie était morte. Et un portable sans batterie, c’est un ordinateur de bureau.
J’ai cherché des tutoriels et à ma grande surprise, le MacBook Retina de 2012, réputé irréparable, est un fait assez facilement réparable pourvu qu’on ait connu Pif Gadget.
J’ai acheté une batterie neuve et un flacon d’alcool isopropyl. Il faut alors être patient, minutieux tout en se montrant brutal juste ce qu’il faut quand il faut, et finalement, on y arrive très bien. L’alcool ramollit la colle et à force d’efforts on parvient à décoller l’ancienne batterie. C’était ce que disaient les tutoriaux, et c’est ce à quoi je suis parvenu – à ma grande surprise, je l’avoue. J’ai pu également par la même occasion débarrasser les ventilateurs et certaines parties des tonnes de poussières qui s’y étaient engouffrées à l’aide d’une brosse à dent d’abord, puis de l’aspirateur enfin.
Je vous écrit donc sur mon vieux MacBook Pro qui a ainsi retrouvé une nouvelle vie, pour encore quelques années je l’espère. Il est plus lourd que mon nouveau mais je préfère. C’est beaucoup plus sûr.
Et puis ça m’a laissé entrevoir de nouvelles possibilités, celles de réparer, de faire durer, de prendre soin. Je note au passage que les ventilateurs qui jusqu’alors tournaient pour un oui pour se sont tus, et ça, c’est certainement dû au nettoyage.
J’ai acheté des vêtements en soldes aussi. Désormais, je m’habille en noir. Il me reste des vêtements d’autres couleurs mais la dominante sera désormais le noir. C’est simple.
Côté Covid
Ici, l’épidémie est repartie très brutalement avec l’arrivée de omicron, et cela après trois mois d’une incroyable tranquillité.
Nous sommes de nouveau dans un régime de restrictions mais sans aucune comparaison avec ce que vous avez pu traverser en France.
J’ai intégré l’épidémie.
Par cela, j’entends que je réalise qu’il va bien falloir qu’on sorte tous de la torpeur. Certains étudiants me disent qu’ils ont peur, mais que veut dire cette peur sinon la simple peur de devoir mourir un jour, car c’est cela que le Covid a avant tout réveillé en nous, au milieu du confort que nous avaient procuré les antibiotiques et les vaccinations de masse de l’après-guerre.
Le VIH avait été le premier challenge à ce confort douillet mais, touchant principalement des groupes marginalisés moralement (les homosexuels, les prostitué.e.s), socialement (les toxicomanes) et économiquement voire racialement (les populations d’Afrique et d’Asie du Sud Est dans leurs pays d’origines comme en tant qu’immigrés dans le nord global), l’épidémie n’a finalement jamais été prise à sa juste mesure malgré ses 38 millions de morts. Oui, 38.
Nous avons appris à vivre avec, particulièrement au sein des populations les plus exposées, et nous avons été très nombreux, dès l’émergence du Covid, à faire un parallèle avec le VIH. La peur de mourir, des pneumonies douloureuses provoquant la mort dans une interminable suffocation, la distanciation sociale se traduisant par une distanciation des corps comme nous l’avions vécue entre 1983 et 1986. Combien se sont abstenus de toute relation sexuelle, de toute rencontre, par peur de mourir? Je ne parle pas de 2020, non, je parle d’il y a 40 ans. Nous étions terrorisés, et nous nous sentions seuls dans une société qui se fichait complètement de ce qui se passait. On ne savait pas grand chose, le VIH n’était qu’une rumeur qui prenait le visage d’hommes n’ayant plus que la peau ravagée par des tâches sur les os et qui nous terrorisaient. J’avais 18 ans. Mon ami Tim un an de plus. Comme tant d’autres…
Bref, je sais qu’il va nous falloir « sortir », et qu’advienne que pourra, car aucune société ne peut vivre terrée dans la peur avec une maladie aussi bénigne, finalement.
Je ne nie pas ici le caractère mortel de la maladie dans certains cas, mais le futur nous réserve de bien pires pandémies, de bien pires maladies. L’échappement des antibiotiques, par exemple, qui va nous exposer à des bactéries mortelles sans que nous ayons les moyens de les combattre. Il y a si peu de gens qui ignorent que déjà, aujourd’hui, les bactéries résistantes conduisent les docteurs à faire des sortes de multi-thérapies antibiotiques, mélangeant deux, trois classes d’antibiotiques parce qu’une seule classe n’empêche pas la bactérie de se multiplier. Pendant ce temps, dans les étendues glacées du nord touchées par le réchauffement climatique, la fonte des neiges et des glaces nous expose à des virus et des bactéries d’un autre âge. Les élevages intensifs, quand à eux, et cela malgré l’utilisation intensive d’antibiotiques voire d’anti-infectieux de toute sorte, participent à la mutations des virus et à la résistance des bactéries aux antibiotiques.
Nous avons hélas bien d’autres épidémies à venir, et encore faut-il avoir à l’esprit que la grippe porcine fait rage depuis plusieurs années, ainsi que la grippe aviaire, cette dernière ayant à plusieurs reprises démontré sa capacité à infecter des humains.
Le Covid devient ainsi une opportunité incroyable de véritablement sortir du 20e siècle, c’est à dire d’un siècle marqué par des progrès dûs en partie à l’abondance de matières premières et à des découvertes scientifiques déterminantes parmi lesquelles l’antibiotique et la pénicilline restent les deux plus grandes, les plus importantes (je rappelle ici que la vaccination ou pour être plus exact, l’inoculation est, quand à elle, un procédé ancien voire très ancien puisque les chinois pratiquaient la variolisation il y a un millier d’années).
Je suis vacciné, je porte un masque depuis janvier 2020 (allez en dire autant…) et je suis bien décidé à le garder encore comme je l’ai fait cet automne quand le nombre de personnes contaminées avoisinait le zéro. Et je vous encourage vivement à en faire autant, même dans la rue quand il y a du monde, tout comme je vous encourage à continuer à vous laver les mains souvent (notamment quand vous sortez des toilettes). Je ne vais pas vous encourager à vous laver le derrière quand vous avez terminé votre « commission », je crois que vous ne pourriez pas comprendre ce que je vous dirais même si je vous assure qu’il y a là une marque réelle de civilisation.
Je fais tout cela de moi-même et cela me procure une très grande liberté, pour tout dire, un peu comme pratiquer le sexe sans risque dans les années 80 nous a rendu une partie de cette liberté dont les premières années de l’épidémie de VIH nous avaient privés.
C’est pour cette raison que je trouve la politique du gouvernement français aberrante, puisque la vaccination n’empêche pas les contaminations, et qu’il l’impose à travers le pass-vaccinal, quand de l’autre le masque en protège et qu’il lève l’obligation de le porter. Il voudrait forcer une contamination de masse (immunité collective) qu’il ne s’y prendrait pas autrement, au détail anti-démocratique et autoritaire près qu’il ne le dit pas et que cette politique n’est ni discutée, ni débattue publiquement.
Je reste attaché à ce que l’épidémie de VIH nous a appris et dont la mémoire s’est effacée avec le temps.
On doit vivre avec, on doit accepter que les gens aient peur, on ne doit pas forcer, on doit donner l’exemple et proposer des choix. Le masque, c’est incroyablement simple et très efficace pour contenir la propagation d’un virus (le Japon a 6 fois moins de morts de la grippe que la France malgré une population plus âgée… ça, c’est le « miracle » du masque). L’hygiène, c’est le meilleur moyen pour pouvoir aller au supermarché sans se contaminer en faisant ses courses. Ouvrir les fenêtres, c’est limiter la présence de virus au restaurant et donc pouvoir continuer à y aller librement.
Si on ajoute la vaccination qui aide le corps à réagir correctement face à un virus qu’il ne connait pas et limite donc les infections graves, si on ajoute une plus grande prudence pour les populations à risques, alors on aboutit à une situation gérable sans avoir recours à la politique hygiéniste, aberrante et autoritaire du père fouettard de l’Élysée.
Et ce faisant, on aide la population à se détendre, à vivre malgré l’inquiétude naturelle, exactement comme à partir de 1986/87, chez nous, le VIH a fait partie du quotidien, nous permettant de sortir de la torpeur. On le connaissait mieux et j’oserais presque dire que le virus nous a aussi appris à nous connaitre mieux, et c’est grâce a cela que des groupes militants ont pu émerger, hurler la colère face à une société qui ne voulait pas voir qu’on mourrait.
C’est ce que j’entends par « intégrer l’épidémie ». Il va nous falloir à un moment ou à un autre sortir de chez nous pour de bon et reprendre une vie totalement normale et ce, même si une nouvelle vague venait à être un peu plus mortelle que les précédentes, parce qu’on ne peut pas continuer comme ça, vivre au jour le jour, à la minute. On a besoin de temps long pour vivre…
J’ai donc des projets. Si je tombe malade entre temps, si je meurs du Covid, ben c’est la vie, mais en attendant, je vis. Je me promène, je cuisine, j’écris, je lis, je regarde des films, je vais en vacances quand je peux. Et je suis vacciné, et je porte un masque.
Dans une semaine, c’est Setsubun, un reste de l’ancien calendrier lunaire chinois au Japon. Le premier jour du « printemps ». On va essayer de bondir, cette année…
La campagne de France, les brumes du matin sur l’ouest et la lumière sur la campagne me manquent.