Ces Palestiniens réduits à l’état de réfugiés sur leur propre terre, leur histoire écrasée, niée, spoliés de leur destin…
Allez on y va…
Peut-être avez-vous remarquer mes petites incursions dans le monde enchanté de l’asile de fous ringard de Meta. Ou mes posts sur X. Entre Gaza et Palestine ou la Kanaki, il y a de quoi faire, hein.
Je ne produit pas vraiment de contenu, même si mon avant-dernier billet couvrait aussi la Palestine, je me contente de nourrir la caisse de résonance, d’alimenter les algorithmes pour empêcher, à mon très modeste niveau, que l’intérêt ne retombe. Une veille internet, qu’on appelle ça.
Après tout, depuis qu’un journaliste israélien a révélé que le gouvernement Netanyahu avait mis en place des groupes de votants dans une douzaine de pays pour booster les résultats de Machine Chose, la chanteuse représentant Israël à l’Eurovision, on aurait tort de se gêner de dénoncer la guerre de cet état construit en référence à une légende sur une terre qui ne lui appartenait pas et qui tente depuis des décennies d’annihiler toute trace de ses occupants originels en rasant les villages, en arrachant les plantations, en falsifiant l’histoire.
Ce n’est pas la destruction, que je souhaite à Israel
Ça ressemblerait trop à la divinité guerrière qui inspire son gouvernement. Non, c’est une honte intime, une honte aux proportions bibliques et inédite dans l’histoire de l’humanité, de celle qui suinte sur l’âme, qui hante les rêves des nourrissons quand ils s’endorment et les empêche de dormir, de celle qui vous réveille au milieu de la nuit après vous être débattu dans un immeuble qui ne cesse de s’effondrer alors que règne autours de vous l’odeur rance de corps en décomposition, une honte qui se rappelle à chaque instant et vient flétrir la moindre caresse, le moindre sourire.
Après tout, c’est écrit dans ce livre qui inspire le gouvernement fasciste israélien, il n’y a que la Divinité qui détient la clé du retour en terre promise. Ce n’est pas moi qui l’ait créé, ce Golem, cette monstruosité qui a pris le peuple juif en otage pour en faire l’agent d’un processus d’annihilation qui n’a rien à envier à la colonisation des Amériques.
Ces images de colons fanatisés par des décennies de lavage de cerveau, qui détruisent l’aide alimentaire allant à Gaza ici ou harassent les habitants d’une maison là, définitivement convaincus que les palestiniens ne sont rien, qu’il convient de les affamer après leur avoir coupé l’eau, l’électricité et les faire vivre dans des ruines et dans la crasse la plus infâme, c’est revoir le Reich créer le ghetto de Varsovie, et j’ai honte que l’Occident ait encore une fois enfanté un tel monstre en se servant cette fois des descendants de ses propres victimes.
J’ai honte d’être moi-même…
… un produit de cette civilisation, je me demande si pour le salut de mon âme il n’eut pas mieux valu que je naisse sans rien au milieu d’un pays dévasté par le pillage de ses ressources, au moins mon âme eut-elle été en paix. Maintenant, je dis ça, et me voilà petit bourgeois confortablement nourri et éduqué m’accaparant une souffrance qui n’est pas la mienne pour en faire un de ces effets de style fait de la bonne conscience ) pas cher du bourreau quand il refuse de reconnaitre ses actions.
Oui, j’ai honte pour moi. Pour nous tous.
Concernant la déportation et l’extermination des Juifs résultant du travers suprémaciste, antisémite et eugéniste de notre civilisation, parmi les oeuvres qui m’ont marqué et que je ne parviens pas à oublier, il y en a deux qui s’imposent et rencontrent un écho face au nettoyage ethnique et au génocide que subit le peuple palestinien.
Mauss, de Art Spiegelman.
L’auteur a recueilli et mis en bande dessinée le témoignage de son grand-père, survivant de la déportation et de l’extermination. Un récit traversé par cette phrase qui sans cesse revient comme un refrain, « je crois que c’est là que ça a vraiment commencé ». Je cite de mémoire, et puis comme je l’ai lu en anglais…
Chaque fois, un nouveau seuil est franchi qui ferait presque du précédent un moment de répit, de bonheur, mais en fait non. C’est juste qu’on s’habitue à tout…
On l’enseigne très mal, ce qui s’est passé
Ce faisant on nourrit le révisionnisme historique car, ben non, les Juifs qui sont morts entre 1941 et 1945 n’ont pas forcément visité de chambre à gaz ni même été mis dans des fours.
Mais qu’est-ce qu’on est bête, à vouloir à tout pris s’accrocher à cette image d’un Reich bien organisé, propret et moderne. Non, en fait, ça a été encore pire que ça.
Un très grand nombre de Juifs ont agonisé durant des semaines, des mois, transbahutés d’un camps à un autre dans des wagons à bestiaux, déplacés au gré de l’avance russe à partir de la fin 1943. Imaginez, vous êtes deux cents dans un wagon, debout, les uns serrés aux autres, vous êtes sales, vous ne pouvez pas bouger, vous avez été mal nourris et vous êtes faibles, il n’y a rien à boire, rien à manger, vous ne portez que cette tenue en coton sale qui vous poisse le corps et dans laquelle vous chiez et vous pissez, l’odeur des autres est infecte.
Autrefois, dans un autre monde, vous étiez employé.e de banque, dentiste, épicier.e, ouvrier.e, rabbin ou danseur.se, vous voilà réduit à un en dessous de l’animalité, et puis c’est l’hiver, il neige, le train avance lentement et s’arrête.
Parfois, il y a une visite de la Croix Rouge.
Alors on fait descendre tout le monde, vous ensevelissez les montagnes de cadavres de celles et ceux qui ont agonisé à côté de vous dans le wagon dans des fosses, et puis on vous « répare », on vous donne une tenue un peu moins sale après vous avoir lavés, et puis la Croix-Rouge vous inspecte, gare aux bavards.
Et puis c’est de nouveau un train…
Dans le wagon, c’est la loi de la jungle pour survivre. Un morceau de sucre, un vieux crouton de pain ou quelques flocons de neige pourront peut-être vous sauver, alors on troque ce qu’on peut. Mais pour la grande majorité, il n’y aura pas de terminus, ou alors ce sera, là, oui, la chambre à gaz et le four crématoire.
C’est en lisant Mauss que j’ai réellement appris, compris la lente mécanique de la solution finale et comment elle s’est poursuivie au delà de tout ce qu’on peut imaginer dans une démence obsessionnelle malgré l’évidence de la défaite.
Qu’on me permette un parallèle, alors.
Priver Gaza d’eau, de nourriture, en déplacer la population au gré de bombardements comme si elle n’était qu’une abstraction ou des fourmis, limiter l’aide alimentaire et enrober le tout d’un « droit à se défendre », tout en encourageant la spirale de radicalisation de la population israélienne au point que celle-ci réclame encore plus de sang, plus de vengeance, c’est, dans une autre forme et dans un détournement aberrant du système démocratique, le même engrenage que celui de la solution finale. Une aberration qui défit l’entendement, une monstruosité. Le but, ici, est d’en finir avec le Hamas, disent-ils, tout en affirmant en permanence que dans Gaza, c’est toute la population qui est complice du Hamas… Je comprends bien ce qu’ils disent, non?
En en profitant pour intensifier encore la spoliation à l’ouest du Jourdain. En revenant aux vieilles justifications sur la responsabilité des palestiniens eux même sur leur sort. C’est de leur faute, disent les idéologues israéliens, et c’est repris en boucle dans la société israélienne et jusque sur nos plateaux télévisés.
C’est une des logiques des bourreaux, que ce soient les Nazis ou les violeurs, accuser leurs victimes…
Shoah, de Claude Lanzmann
Il y a dans le film des moments difficiles, insoutenables, mais parmi eux, l’un m’a marqué plus que d’autres et trouve un échos particulier dans ce à quoi nous assistons en ce moment.
C’est le témoignage de ce polonais. Il n’est pas Juif, juste un témoin qui a vu, visité le ghetto de Varsovie et tenté d’alerter, de dire, de parler, d’alarmer, mais partout on l’a ignoré, il y avait d’autres priorités lui disait-on.
Il témoigne vers 1982, mais quand il parle, on le sent, il y est de nouveau, à Varsovie, dans le ghetto (en lien, un court documentaire réalisé par la Fondation Yad Vashem sur la vie dans les ghettos).
Quand j’ai vu Shoah, ce devait être vers 1992, je me suis identifié à lui. Pas pour faire de moi un héros, non. Non, j’ai ressenti sa solitude, son désarroi, son impuissance et je me suis demandé ce que j’aurais fait, comment je l’aurais vécu, de voir, de savoir, et de ne pouvoir rien faire. Et plus je l’écoutais, et plus j’ai pleuré, pleuré.
Ça doit faire terriblement mal, voir tous ces hommes, ces femmes réduits à n’être qu’une abstraction démente, des « juifs », parqués dans un quartier sous blocus total, que des kapo visitent de temps en temps pour s’amuser à terroriser, tous réduits à la saleté, à la pauvreté et maintenus à la limite de la famine, et ça doit déchirer, de savoir qu’ils vont être déportés, et qu’il faut faire vite, et ça doit vous dégouter de l’humanité, de les voir déportés, envoyés vers la mort sans avoir pu rien faire si ce n’est avoir, en vain, durant des jours, des semaines, des mois, tapé votre tête contre les murs des calculs froids dont certaines équations ne manquent pas d’arrières pensées antisémites…
Je vois Gaza, je pense à Varsovie
Je vois ces colonnes de Palestiniens de Gaza, réduits à l’état de réfugiés sur leur propre terre de Gaza, en Palestine, leur histoire écrasée, niée, spoliés de leur destin depuis près de cent ans aujourd’hui réduits à vivre dans un territoire inhabitable privé d’eau, d’électricité et de nourriture, sans chiottes, sans douches, plus d’écoles à Gaza, plus d’hôpitaux à Gaza, des accouchements et des opérations dans des conditions d’hygiène d’un autre temps sans anesthésie ni matériel adapté dans Gaza, des dizaines de morts et blessés recensés, des milliers d’autres qu’on découvrira un jour sous les milliers de tonnes de gravas, des charniers…
Varsovie, oui.
Je ne souhaite la mort de personne, mais oui, qu’une honte aussi profonde qu’un puit sans fond frappe ces bourreau qui font payer un peuple qui dans l’histoire ne leur avait jamais rien fait pour mieux signifier à leurs anciens bourreaux qu’ils appartiennent à leur civilisation.
Et que l’on soit bien clair. Que cette honte sans fond me frappe et emporte la civilisation qui m’a vu naitre avec. Une civilisation qui commet et laisse commettre de tels crimes n’est pas une civilisation, c’est une monstruosité.
Une honte indélébile, profonde, suintante, infinie… Peut-être alors comprendrons-nous le mal que nous faisons, que nous laissons faire, que nous dissimulons, envers un peuple qui a vécu en paix avec les Juifs durant des siècles et dont les ancêtres étaient eux-même parfois des Juifs restés puis convertis, qui ne leur avait fait aucun mal et avec qui même peut-être les Juifs désireux de trouver un refuge auraient pu bâtir un destin commun.
Peut-être, alors, il sera encore temps. Ou il sera trop tard. Ne restera que cette honte avec une envie de vomir qui ne nous quittera pas, pour les siècles des siècles…
Amen
Laisser un commentaire