Je vais te buter, sale pédé!

J
Kawagoe, couleurs de printemps

« I will kill you, you, faggot »

dixit un loser

Petite mésaventure de notre époque…

(Billet très mal écrit, mais ça, ce n’est vraiment pas grave)

La semaine dernière, c’était la Golden Week, une pleine semaine remplie de jours fériés qui au fil du temps s’est transformée dans la plupart des entreprises en une semaine de congés. Bref, de samedi 27 avril à midi à hier lundi 6 mai, j’étais en congés. Promenades, beaucoup de marche, de photographies… Un truc qui fait du bien mais qui nécessite de bien se reposer aussi car se lever tôt et marcher jusque 20 kilomètres par jour, ça fatigue.

Jeudi, c’était donc une grande promenade à Kawagoe, ville de banlieue dortoir dans le département de Saitama dont l’ancien centre abrite de nombreuses maisons datant de plus de 150 ans ainsi que de restes du chateau de Edo.
Quand je suis rentré diner chez moi avec Jun, mon voisin était avec des amis, ça faisait pas mal de bruit. J’ai mis un peu de musique pour couvrir. Et puis à un moment, ils ont dû partir, le bruit a cessé. Mon voisin et moi, on gère assez bien.
Jun est rentré vers 21 heures trente.
Moi, j’étais crevé. Je suis donc allé au lit assez tôt, vers 22:30.

Les faits

Mes yeux s’ouvrent vers 2 heures du matin, mon voisin était en train de rentrer et le bruit des pas dans l’escalier était vraiment très très lourd. Ce n’était pas les siens, il était visiblement avec quelqu’un. Bon, c’est pas grave, je me dis. Et puis alors j’entends une sorte de musique, vraisemblablement celle d’un jeu vidéo, celui auquel il joue régulièrement. Là, c’était fort. Il faut savoir que c’est une vieille habitation, elle amplifie certaines fréquences. Je me lève et je tape contre la cloison. Je sais, je me sens un peu con de faire ça, mais quand même, deux heures du matin, désolé, les écouteurs n’ont pas été faits pour les chiens. Mon voisin est habitué, c’est jamais agressif de ma part, ça veut juste dire de baisser. Je retourne dans ma chambre.

Aucun changement, au contraire, j’entends comme une sorte de conversation étouffée par le mur, et toujours cette espèce de musique avec la basse profonde et une sorte de guitare. Alors je me relève, peut-être il n’a pas entendu, je tape encore une fois, et là, en réponse, j’entends quelqu’un qui tape très, très, très lourdement sur la cloison. Bluffé.

Le mur de la "faggot"

Je prends mon téléphone, pour la première fois, je vais écrire à mon propriétaire. Je sais que ce n’est pas mon voisin, un américain plutôt sympa, mais ça ne me regarde pas, hein… Et alors, à peine trente secondes plus tard, alors que je me demande si je dois vraiment écrire, ça tape encore plus fort – c’est bien simple, j’ai cru que le mur allait s’effondrer. Et pour accompagner un hurlement…

« I will kill you, you, faggot »

En anglais. Sur le moment, je suis resté absolument speechless. Le fait que ce soit en anglais m’a certainement aidé à garder mon calme, j’ai eu envie de rire, j’ai repensé à Justin, à Queer as Folk, à n’importe quel film américain. Pas vraiment un truc réel, ça, ça a été après. J’ai entendu que chez mon voisin, il y avait quelque chose qui se passait. J’ai vaguement entendu des voix, la musique s’est arrêtée, c’est devenu très calme. La nuit, pendant une heure, il y a eu des coups sourds sur le mur…

Le mur de la "faggot"

J’ai écrit à mon propriétaire.
Je suis allé me coucher.
Je n’ai pas pu dormir.
J’ai commencé à réaliser.
Il y a eu des moments d’assoupissement, et puis d’autres où j’ouvrais les yeux.

Impossible de dormir.

À sept heures, j’ai décidé d’arrêter de me bagarrer avec moi-même, je me suis levé et suis allé dans mon salon.

J’ai découvert mon mur.

Le revêtement est explosé et craqué. Le type a littéralement explosé ce mur. Je découvre l’email de réponse de mon voisin – je l’avais mis en copie de l’email à mon propriétaire. Il s’excuse bien sûr, plusieurs fois, et explique ce qui s’est passé de son côté. C’est son « invité », et son « invité » était un ancien habitant de l’immeuble.
En réponse à mon accusation d’homophobie caractérisée, il me répond que Andrew est bisexuel, qu’il a eu beaucoup de problèmes, etc

J’ai bien entendu répondu à cet email – avec copie au propriétaire bien sûr. Andrew est malade et dangereux. Et homophobe. Sa bisexualité ne l’empêche pas d’avoir explosé un mur en pensant à moi comme à une sale pédale. Bref, si j’avais été en face de lui, c’est ma tête, qu’il aurait explosée.
Je crois que c’est là que mon voisin (hétéro) a réalisé que ce n’était pas le « f…t word », comme il écrivait dans sa réponse, qui me posait problème. Il a commencé à comprendre que Andrew aurait éventuellement pu me tuer. Et qu’en tout cas, en explosant le mur, c’est un peu ce qu’il avait fait. Bref, le Andrew avait franchement besoin d’aide avant de se faire du mal (je ne me suis pas trompé, j’ai appris depuis qu’il avait fait une tentative de suicide). Ou de faire du mal à un ou une autre (il est marié à une femme – j’avoue, je suis très mal pour elle).

La journée a été une journée molle, Jun et moi nous sommes limités à une promenade au parc de Shinjuku tellement j’étais fatigué, mais assez curieusement, cette histoire ne m’a pas déstabilisé.

Au contraire, elle m’a presque fait sourire.

Il y a eu finalement un mail du propriétaire, d’autres mails. Et puis un email dudit Andrew avec des excuses, offrant de payer la réparation du mur et encore des excuses.
Il y a toujours un truc toxique entre une victime et son bourreau. J’ai été démangé par l’envie de lui écrire, de lui faire la leçon, de lui expliquer des trucs.

Et puis non. J’ai rien à lui dire. Je ne le connais pas. Ce que j’ai à lui dire était dans les deux mails que j’ai envoyés à mon voisin et dont il a dû lui parler.
Sa bisexualité, c’est à dire sa part de pédale, ne me concerne pas. Il est blanc, c’est un mec, il s’est rangé dans l’ordre hétéro pour tenter de m’écraser, il m’aurait certainement traité de sale nègre si j’avais été noir ou de sale pute si j’avais été une femme. Ce soir là, il a choisi son camp.

Je conclurai ici par une petite réflexion. Je m’appelle Madjid, je suis un français arabo-berbéro-musulman, comme on dit. C’est un type blanc et blond qui m’a agressé. La sale racaille n’est pas toujours celle qu’on croit.
Pov’ cocotte.

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