Billet d’où

Contrairement à la légende, un uniforme n’estompe pas les différences sociales, il les amplifie

Ligne Tôzai, vers 10:50 temps couvert mais relativement doux. Un billet par jour, quelle surprise, hein… Bon, je vais tester la fonctionnalité la plus surprenante de iOS5, à savoir, le clavier splité. Pas aisé, c’est assez frustrant car je ne maîtrise pas la coupure et que les touches sont assez petites. Mais peut être est-ce avant tout une question d’habitude..

C’est incroyable le nombre de gens avec un masque cette année. Peur de la grippe, peur de pollens contaminés, des pollens tout simplement… Beaucoup plus que les autres années, et beaucoup plus tôt.
Depuis trois mois que je suis au régime, je m’endors beaucoup mieux, et depuis un certain temps, je me réveille naturellement plus tôt, vers sept heures trente. Pour certains cela peut paraître tard, mais comme je rentre chez moi en générale vers 10:30/ 11 heures, ce n’est pas si tard que cela. Toutefois, je manque cruellement de la volonté de me lever. Cela prend toujours une bonne demi-heure. Et c’est dommage car mon moment préféré est précisément le petit matin. Mon optimum est tôt le matin, vers six heures trente. Alors, j’ai toute la matinée pour moi, et le travail n’est plus qu’un moment dans la journée, une parenthèse. En me levant plus tard, le travail occupe la place centrale, et c’est un peu déprimant. Saurai-je saisir la chance de cette « terrible régression ?». J’ai la très grande audace de le penser. Je ne sais pas bien pourquoi, mais j’en sens le besoin au fond de moi, tiens, justement, lorsque mes yeux s’ouvrent, que je regarde l’heure, et qu’il n’est « que » 7:15… La veille, pourtant, c’est vers une heure et même plus tard que je me suis couché.

Station Kudanshita, ligne Hanzômon. J’attends mon train, ce train qui n’est qu’un métro dans la ville mais devient un RER sitôt passé Shibuya. Celui que je prends est un express Tôkyû qui réduit la durée du transport d’une dizaine de minutes. Il traverse la partie résidentielle de la ville, l’arrondissement de Setagaya, où logent les classes moyennes supérieures et beaucoup d’expatriés. S’y trouvent beaucoup d’écoles internationales où les enfants des meilleurs milieux côtoient leurs équivalents venus du monde entier. J’ai pourtant du mal à y accoler le titre de quartier chic, car Setagaya ressemble quand même plus à une banlieue résidentielle de première couronne, une sorte de Vézinet de la capitale japonaise. C’est comme où j’habite, mais avec de l’argent : c’est loin de la ville, et la vie se résume à une claustration dans le quartier voisin, autours de la gare. Beaucoup d’étrangers aiment cette vie, elle ne m’attire pas. J’adore me promener à Shimokutazawa, Sangenjaya a un côté sympa. Jiyugaoka est un très bon quartier. Mais que je marche 10 minutes et soudain, malgré des parcs ou de belles maisons, un terrible ennuie me saisi à l’idée d’habiter par là. Il n’y a rien. Plutôt Yokohama, s’il s’agit d’habiter loin de Tôkyô. Mais ces déserts de maisons hantés par des femmes au foyer qui s’ennuient a quelque chose de déprimant. Je donne toutefois un boni à Shimokitazawa, sa foule jeune et étudiante est incroyablement rafraîchissante.
Vous l’aurez compris, je ne suis pas fan de l’ouest de la capitale, dans l’arrondissement de Meguro ou de Setagaya.
Mon amie Irène habite à Kichijôji. Qu’est ce que c’est loin, là aussi. Mais à la différence des centres de Setagaya, Kichijoji n’est pas vampirisé par la proximité de la capitale « Yamanote », et constitue un centre en soi même : c’est une vraie ville. Il y a un shôtengai (rue commerçante, ici, couverte), beaucoup de petits commerces, les habitants comme la foule qui s’y promène vient des alentours et est assez jeune, la ville est d’ailleurs à l’extrémité de la ligne Keiô inokashira, qui la relie à Shimokitazawa et Shibuya, tout en étant desservie par la ligne JR Chûô qui conduit directement à Shinjuku et au delà dans Tôkyô. Habiter à plus de 15 minutes peut être un peu déprimant, mais pas forcément car c’est une vraie ville vivant où l’on trouve à peu près tout ce que l’on cherche : on peut y vivre sans aller à Tôkyô. Un peu comme Versailles, ou Melun en quelque sorte, mais en plus jeune. On est au Japon, pas en France…
L’ouest, dans Setagaya, c’est d’abord et avant tout le territoire des lignes de trains privées depuis toujours (JR a été privatisé dans les années 80). Keiô, dont le réseau s’étire à l’ouest tout au bout de la mégapole de Tôkyô, dans la campagne (il y a des même des fermes…). Odakyû, qui descend de Shinjuku jusque vers la baie, vers Enoshima et plus loin vers le mont Fuji. Et surtout Tôkyû, ses supermarchés, ses hôpitaux, ses résidences, ses projets de développement pavillonnaires. Tôkyû a modelé l’ouest de la ville en créant de toute pièce pléthore de villes en « gaoka » avec leur station de train reliée au centre par une ligne express pour permettre aux cadres supérieurs d’atteindre les quartiers d’affaire en 30 minutes, le centre commercial adjacent, le supermarché adjacent pour permettre à leurs épouses de faire des courses en 5 minutes à vélo, le grand centre commercial avec ses magasins, ses restaurant et ses cinémas pour distraire tout ce monde là le week-end, et delà terre, au milieu de nulle part, surgir des HLM pour loger ses employés, des terrains constructibles, des résidences et des cités pavillonnaires aux noms bucoliques. Midorigaoka (la colline verte), Kodomonomori (la forêt des enfants)… Cette suractivité de construction et de transports, ce quasi monopole de l’opérateur immobilier permet à la compagnie de maintenir les prix à des niveaux élevés, suscitant la convoitise jusque dans les classes moyennes ordinaires pour qui habiter par là est le signe de la réussite sociale. Le plus cher quartier est situé dans l’arrondissement de Setagaya, vers Jiyûgaoka. Den’enchôfu. Le Neuilly de Tôkyô. Ministres et politiques, hommes d’affaires influents y habitent dans de vastes maisons plantées dans de grands jardins où la moindre transformation doit être soumise à la mairie… Euh, non, pas à la mairie, à Tôkyû…
Ne me demandez donc pas pourquoi je préfère l’est, je crois que la réponse est assez évidente après ce tableau.

Je ne vais pas tarder à arriver à l’école. Le temps est vraiment très couvert. Mais assez doux, ça sent le printemps…

Et voilà, c’est déjà le soir. Comme ça passe vite, alors. Ce matin, je suis sorti de chez moi vers 10:30 pour aller donner un cours à Hiroko. C’est un cours particulier, et c’est une personne que j’aime bien. Elle est drôle, curieuse, s’intéresse à beaucoup de choses, a vécu à l’étranger. Elle correspond bien à une certaine image que l’on a des Japonaises, avec le sourire qui plisse les yeux.
Il est onze heures plus tard, donc, et je ne suis pas spécialement fatigué. Cet après-midi, beaucoup d’élèves, juste 40 minutes de break, les leçons qui se succèdent : ça passe très vite. En changeant à Kudanshita (je suis désormais sur la ligne Tôzai), j’ai pensé que bientôt, je pourrai descendre là directement et finir le chemin à pied. Quel plaisir… Bon, d’accord, Kudanshita est LE quartier de la droite profonde, avec le sanctuaire préféré des négationnistes, Yasukuni, et ses bourgeoises au torse rigide et lèvres pincées dont on pense généralement seule l’église catholique est capable de produire, avec leur progéniture en bleu marine, filles en jupes bleue plissées, pull bleu trop grand, chemise de marin, chapeau et cartable sur le dos, sortes de pucelles estampillées sans un pays qui ignore la notion de péché, ou garçons grandis trop vite, en short quand lesquels ils flottent, et casquette presque militaires ou, quand ils sont plus grands, ces uniformes quasiment militaires aussi. Contrairement à la légende, un uniforme n’estompe pas les différences sociales, il les amplifie : on voit en un coup d’oeil de quel école est un enfant, et à Kudanshita, il ne fait aucun doute que les parents sont blindés aux as. Aucun.
Le seul avantage éventuel, c’est de nourrir les phantasmes sexuels de certains ou certaines. Tenues de collégiennes qui envahissent les films pornographiques hétérosexuels de leurs pucelles professionnelles de 20 ans, se faisant peloter par un pervers en disant  » damé, damé  » (non, arrêtez….) avant de lâcher un râle de plaisir, ou tenues de collégiens sur des puceaux professionnels de 20 ans aux cheveux péroxydés ou pas (suivant que vous préférez le look garçon sage ou idole « johnny’s ») eux aussi pelotés par un ou plusieurs pervers dans les films pornographiques homosexuels en faisant des grimaces de dégoût (ben oui, Il faut bien faire croire qu’il est hétérosexuel, the LE phantasme…). Ah, ils sont beaux, les uniformes des écoles privées…

Allez, je vais arriver chez moi.

De Tôkyô,

Madjid


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