Ambiance préparation au déménagement
Ligne Tôzai, vers 10:55. Dans quelques minutes, je vais retrouver Mari à qui je donne une à deux leçons par mois. J’aime bien Mari, elle est vivante, curieuse. Elle revient de Cuba.
Après, ben, l’école où aujourd’hui encore je vais enchaîner leçon sur leçon. Au milieu de tous ces élèves, deux que j’aime particulièrement. Une élevé qui a un très bon niveau de français (au Japon on dit avancé, je préférerais pour ma part un sévère intermédiaire-haut, on dit B2), qui a beaucoup travaillé son vocabulaire et maîtrise assez bien de longues conversations même si elle finit parfois par s’y noyer. Et surtout, syndiquée et antinucléaire. C’est rare.
Et puis mon dernier élève, qui prépare, parfume et commercialise du thé, a 35 ans et que je soupçonne d’être pédé : il aime les Smith et va assister au concert de Morrissey en avril, et puis, hein, ça me semble tellement évident… Il est très gentil, et il ne s’habille pas comme un salarié (il est auto-entrepreneur, ça aide), mais à une certaine touche (pantalon un peu court, chaussettes colorées, vestes colorées courtes et cintrées, un bouc qui lui cercle le visage, porte deux grosses bagues géométriques et des lunettes à verres neutres, qu’elle chance).
J’aime bien mes élèves. Le métier est parfois pesant, mais j’ai aussi de très bons moments, et quand un élève dépasse par sa culture et sa curiosité les autres élèves, on en oublie les autres.
Ambiance préparation au déménagement. J’ai relu de vieux billets de blogs et recherché des photographies de mon année d’installation. C’est que quand même, six ans, ce n’est pas rien. Revoir les vieilles photographies prises chez Stéphane, la terrasse a eu quelque chose d’assez troublant. La terrasse, particulièrement. Une photo à émergé, les deux tours Mercuriales de la porte de Bagnolet sous un ciel rouge et bleu-mauve. Je me revois encore en train de la prendre, c’était un samedi soir, et je revenais de Kyôto.
Aucun regrets, Stéphane, Véronique et leurs enfants ont depuis quitté la cité des Cardeurs où il habitaient alors dans un petit logement social avec une immense terrasse. Que de souvenirs, là. Cuites mémorables avec des boissons où la seule chose que l’on savait est « qu’il y en a aussi », discussions jusqu’à plus d’heure… J’ai envoyé la photographie sur Facebook et Nicolas a immédiatement répondu, elles lui manquent, ces soirées, et elle nous manquent certainement à nous tous. Elles me manquent. Il y a pourtant peu de choses qui me manquent, ici, mais oui, cette facilité à nous retrouver, nous, la petite bande de l’époque Spont’Ex et Montesquieu, et de la vie qui a continué. Et Frédérique, et Maria… Presque tout le monde à depuis quitté le lieu où il habitait alors. C’est la vie, ce sont des décisions aussi.
Beaucoup de nostalgie. Et une question. Comment recréer un lien de proximité. Je ne suis pas trop skypeur, le décalage horaire ne facilite pas beaucoup car il n’est pas bien placé (je travaille quand tout le monde travaille, je dors quand vous dinez, il faudrait s’appeler tard, à trois heures du matin, ou tôt, à six heures du matin. Pas aisé. Les week-end, je suis avec Jun.
Je vais ressortir des photographies anciennes, ce sera intéressant. Au passage, je dois totalement retravailler les anciens post dont les photographies s’agencent très mal et ne s’ouvrent pas puisque je n’utilise plus la lightbox.
Métro, ligne Den’entoshi. Dehors, il pleut, temps gris et doux. Ça sent le printemps mais ce n’est pas encore le printemps : haru ichi ban, le premier vent du printemps, n’a pas encore soufflé bref, le grand froid peut revenir. À moins que cette année il se décide à ne pas souffler, qui sais : la météo a été très inhabituelle cette année, au point que les prunier ne sont toujours pas en fleur, et qu’à Kamakura, désormais, on les attend avec rien moins qu’un mois de retard. Un mois. Qu’adviendra t’il des cerisiers ? Il a fait si froid…
Ce matin, mes yeux se sont ouverts à 7:10, rien que ça! Je me suis pourtant couché vers 1:30. Le rêve qui a précédé était étonnant, je participais à des manifestations étudiantes… en Chine. Les manifestants étaient violentés mais je me rangeais parmi eux, et l’un d’eux me disais merci, nous nous cachâmes à plusieurs derrière une voiture. C’était à Paris, mais en fait, c’était en Chine, et dans ma pensée, c’était au Japon. Il n’y a que les rêves pour se permettre d’être aussi confus, mais c’est ce qui fait leur charme. Auparavant, j’étais allé dans un grand appartement vide de style haussmanien, peu éclairé, peut être un peu comme celui de…, enfin, là, c’est il y a très longtemps, je devais avoir 16 ans, un grand appartement vide vers les Champs Elysées. Tiens, oui, en fait, ma mémoire à du me transporté par là, la même lumière. La même cheminée.
Réveil avec sensation de séisme (ça me le fait souvent, c’est rien, je sais ce que c’est), et en pleine forme. Mon corps me réclame avec ses moyens qui lui sont propres un levé matinal, ma raison a, elle, encore un peu de mal à accepter l’idée, mais ma volonté est charmée. Il a presque eu gain de cause, après que je me sois encore lové dans mes couvertures. Avoir le sentiment de faire une grâce matinée quand il n’est que 7:30 procure une sentiment divin. Non?
Ligne Hanzômon, vers 21:00. Le chemin du retour. Ce matin, sorti à 10:30, voilà ma journée qui s’achève. Et demain, je ne travaille pas le matin, juste l’après-midi et jusque pas trop tard le soir. Samedi, en revanche, c’est encore une fois incroyablement chargé. Il manque un professeur d’anglais, je dois prendre des élèves d’anglais, c’est insupportable. Fatigant. Mais bon, une fois sorti, c’est le week-end.
Le métro est ce soir relativement vide pour l’heure. Peu de masque. On dirait que cette crainte de la grippe qui a saisi la ville il y a deux semaines est passée.
À la maison, ce soir, je vais encore regarder des photos prises il y a 5, 6, 7 ans ou plus. Pas par nostalgie, mais pour me donner de la matière à raconter, je ne sais pas pourquoi, je sens que c’est mûr.
De Tôkyô,
Madjid
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