Je suis tombé sur cette vidéo il y a un ou deux ans, je ne sais plus très bien, et puis il y a quelques jours, elle est réapparue dans ces suggestions YouTube qui ont plutôt l’habitude de tomber à côté. Et je l’ai regardée avec un oeil moins amusé par le caractère décalé, anecdotique que la première fois, mais presque fasciné, subjugué par l’esthétique quasi futuriste de la performance.
Nous venons de vivre une extinction du monde d’environ un mois, il n’a même pas fallu une guerre, nous tentons désormais de nous en dégourdir les pattes encore hantés par ces prémices d’un effondrements économique dont nous pressentons tous l’imminence sans trop savoir encore quand il aura lieu.
Juste un avant goût d’un monde où potentiellement la grande masse d’entre nous rebroussera chemin d’une petite centaine d’années. Il y aura bien encore des avions avec des riches pour s’y reposer dans de voluptueux sofas, mais pour la plupart d’entre nous il faudra nous adapter non pas à la démondialisation, mais avant tout à la disparition de l’économie pétrole.
Bien sûr me direz vous, tout cela est encore très hypothétique, on ne sait pas, mais pourtant, à bien écouter ce que disent les scientifiques…
Voici donc la reprise d’un « tube » d’un des groupes les plus mythiques des années 80, New Order, la survivance timide et délicate du Joy Division après le suicide de Ian Curtis, l’astre fantôme qui a veillé sur nous jusqu’à ce que nous tournions la page de cette décennie qui ne se laissera jamais saisir.
Blue Monday, ça a été la bouée de sauvetage de ce groupe, ça a été un morceau de danse assumé et non pas hypocrite comme The Cure, par exemple. Un coup de génie, Blue Monday, une façon élégante de tourner la page et libérer New Order des fantômes du passé.
S’attaquer à une reprise d’un morceau pareil sans faire dans le pastiche, c’est quasiment impossible, simplement parce que le secret des années 80, c’est qu’elles ne sont pas « copiables » sans tomber dans le ridicule. Elles sont avant tout un état d’esprit, une curiosité, une envie de bousculer et d’apparaitre exactement là où on ne les attend pas sans jamais hésiter à se manifester exactement à l’opposé de ce qu’elles proclamaient avec force.
Qu’est-ce que j’en ai vues, des tentatives de « revivaliser » les 80’s, chaque fois ça tombe à côté parce que les types et les filles n’ont pas les références sixties, les ye-ye girls 60’s, la mode de l’espace, les comics books américains de science fiction, les fifties, les années 40, les années 30 ni même les années 20 qui vont avec et qui permettent, en les assaisonnant d’un zeste de soukouss, d’une lampée de rai et de Oum Khaltoum ou de Fairouz, d’une bonne dose de tango et de cha-cha-cha sans jamais hésiter à clamer avec une même unanimité l’invincibilité de Christian Dior et de André Courrèges, de passer au shaker toutes les envies en y ajoutant en plus des références ésotériques, rockabilly et tout ce qu’on voudra pourvu que ça remue, que ça fasse rire et qu’à cinq heures du matin ça fasse peur au bourgeois qui est habillé avec cinq ans de retard.
Là, on a à faire à un joli petit coup de génie. On pense à Delikatessen, le film de Caro et Jeunet, sorti en 1991, véritable manifeste et testament esthétique de la France de la fin des années 80. Et puis on pense aux Residents, ce groupe américain insaisissable et qui est parvenu avec génie à presque donner une bande son au dévoilement de la Société du Spectacle, le tout vêtu de légendaires smokings terriblement élégants mais surplombés d’un oeil en guise de tête. The Residents, ces anti-Kraftwerk esthétiques en quelque sorte, mais participant de cette même culture des années 80, quand le concept nait d’un télescopage d’influences toutes plus variées les unes que les autres. Un shaker.
Une reprise classe et élégante toute en low-tech, l’espoir que peut être dans le monde effondré auquel Pablo Servigne depuis des années tente de nous préparer, on saura être élégants et intéressants avec une bonne dose d’humour et de débrouillardise ingénue.
La décroissance heureuse.
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