Octobre

O

C’est aujourd’hui le premier octobre. Encore trois mois et 2020 sera terminée. Un an, ça passe très vite. J’ai écrit le titre, et puis j’ai repensé au groupe Octobre, un groupe totalement oublié, et pourtant, Octobre, c’en est une, de sacrée légende, de celles qu’on ne devrait pas avoir oubliée. Octobre, c’est essentiel.

Les britanniques ont eu Joy Division, et puis le suicide du chanteur Ian Curtis, et puis le groupe s’est renommé New Order, et voilà ce groupe devenu une légende toute en évolution, un phare, un astre dominant le ciel de la New Wave durant toutes les années 80, un son, une esthétique, une attitude, une sorte d’élégance qui formait notre horizon, même quand on cessait, comme moi, d’écouter du rock, parce que Joy Division, puis New Order, et cette figure tutélaire, le fantôme de Ian Curtis qui semblait régner un peu sur nous, c’était notre authenticité, notre honnêteté. C’était le preuve que nous finirions pas, que nous ne finirions jamais comme les boomers, en vieux cons donneurs de leçons qui prétendraient avoir tout vu, tout vécu, éternellement jeunes et castrant les rêves des nouvelles générations pour toujours, toujours tout ramener à eux.

Nous, nous avons eu Marquis de Sade, astre fragile et élégant, costume sages, cravates fines, cheveux bien peignés et textes tragiques tirés au couteau, hantés par la solitude, la ville glacée, les guerres du 20e siècle et le fantôme de la mort qui rôde dans un monde que la guerre froide entre les USA et l’Union Soviétique avait comme fossilisé, avec ses montagnes d’ogives nucléaires qui viendrait anéantir une planète où le seul avenir, déjà, se résumait au chômage au cœur de friches industrielles, de ces friches où quand nous n’y faisions pas de concerts de rock clandestins, nous aimions y faire des photos de nous, habillés de noir, cheveux bien peignés, contemplant notre propre avenir dans cet échouage économique dont nous ne survivrions pas mais où nous mourrions avec une certaine élégance. Clean, on disait.

Marquis de Sade, c’était « les rennais », la « ville qui bouge » comme on disait, où les jeunes, la nuit, pouvaient écouter la BBC, John Peel, où le punk et la New Wave ont explosé quand quand en France on continuait encore de sombrer dans les mornes années 70, leurs cheveux gras et longs, leurs jeans pattes d’éléphants cradingues et des rêves de révolutions alimentés à coup de joints dans des communautés de boomers alternatives d’où naissaient des enfants appelés Gédéon, Charlotte, Orphée ou Pissenlit et dont certains de leurs pères aléatoires théoriseraient le tripotage.

Marquis de Sade, rien qu’esthétiquement, c’était leur dire merde, mais en beauté. Nos cheveux courts et nos cravates suffisaient à hérisser leurs poils avant que, comme tous les ringards, ils finissent par couper leurs cheveux et renoncer au patchoulis, quand ils ont commencé à donner des leçons de réalisme au fur et à mesure qu’ils avançaient dans leurs carrières.

Marquis de Sade s’est séparé en 1981. L’astre le plus brillant et le plus écorché du groupe, Philippe Pascal, mort il y a quelques années, a créé le groupe Marc Seberg et puis il a fait une carrière solo. D’autres ont aidé Etienne Daho a enregistré son premier disque, à la sonorité résolument « rennaise ». Il y a même eu cette année là un OVNI rennais, La danse du Marsupilami.

Et puis il y a eu Octobre. C’est ça, les groupes qui se séparent. Octobre n’a pas eu une vie très longue, un ou deux albums je crois. Qui a écouté le mini-LP Next Year in Asia, dont est extraite la chanson que je mets en vidéo jointe? Une élégance sobre dans les sonorités du groupe, des mélodies moins torturées.

Voilà. C’est le premier octobre. Rien de mieux que de marquer le jour en me replongeant dans ces souvenirs d’un moment de ma vie, en me rappelant d’un groupe oublié né de cet astre indépassable, Marquis de Sade. Une esthétique, intime, simple et profondément humaine.

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