Comme toujours, sur l’iPad, dans le métro, en route pour le travail. Dehors, chaleur étouffante, dedans, trop grande fraicheur. Après une semaine d’utilisation, je peux avouer que l’iPad est vraiment un objet nouveau. J’ai lu beaucoup de choses à son sujet, certaines me laissent pantois. C’est sur lui que j’ai écrit mon billet d’hier. Un billet assez long. À aucun moment je n’ai ressenti de gène ni de fatigue ; pourtant, les journalistes y sont allés joyeusement, sur la difficulté qu’il y a à écrire un texte long sur son clavier. Pour ma part, je m’y fait très bien, et j’avoue même trouver l’écriture des accents nettement plus « naturelle » qu’avec le clavier d’un ordinateur. Or, la question des accents et d’un réel contrôle de l’orthographe était pour moi la seule réserve que j’avais. Dimanche dernier, mon ami Thomas était visible sur Skype, nous avons donc bavardé, jusqu’à plus d’heure pour moi. Comme je lui disais alors, il n’y a rien de pire qu’un texte sans fautes grâce à un correcteur puissant, mais gavé d’accents manquants pour certains participes passés ou pire, pour les à. J’ai rapidement trouvé comment les accents fonctionnent et c’est vraiment bien mieux qu’un clavier.
Je suis maintenant sur le retour. Le métro est tranquille, presque vide, pendant une longue partie du voyage, quelle chance. J’ai eu peu de cours aujourd’hui, et ma dernière élève n’est pas venue. J’ai surfé, lu des articles et parcouru Facebook. Demain, c’est ma journée la plus chargée de la semaine. Je commence à 14 heures trente et enfile les leçons jusque 21 heures trente, avec tout de même une heure de pause.
Vendredi matin, j’ai une leçon particulière avec Hiromi, à qui j’enseigne depuis un peu plus d’un an. Elle est sympa. Dans les commentaires reçus ce jour, il y en a un de Laurent qui commence à se faire insistant : occuperais-je ma soirée et ma matinée de demain à faire quelques albums photos ? Ça fait un bail que je prévois de le faire, j’ai pris un très grand retard : c’est que ça prend quand même pas mal de temps, choisir les photos… Je vais voir ce que je peux faire.
Mon élève à deux heures et demi est vraiment un personnage. Elle doit bien avoir quarante cinq ans, mais elle s’habille et se coiffe comme une petite fille, parle la voix haut perchée. Chez vous, de par l’Atlantique, on dirait qu’elle est folle, mais ici, elle est tout à fait ordinaire. Je crois même qu’il y a un nom pour désigner ces gamines d’un âge avancé. Au début, ça surprend, et puis après on s’y fait. Son mari est mort il y a une dizaine d’années, elle se cache derrière ce style : quatre couettes dont deux tressées, un serre tête, une combinaison short très large bleu pastel boutonnée devant, à manche courte et laissant voir les manches d’un tee-shirt, des bottines noires avec des chausses blanches en dentelles qui dépassent, les jambes nues, donc, jusqu’au haut des cuisse, la hauteur du short. Environ 45 ans. Un sac Harrods avec plein de petits nounours et, immanquables, des grigris suspendus au téléphone, rose. Il y a bien entendu le pendant de ces femmes infantiles qui rient tout le temps de leur voix de petite fille âgée, les femmes sèches. Pantalon suivant le corps trop mince, beige ou Jean repassé et comme amidonné, tee-shirt suivant le corps, et donnant l’impression d’être amidonné aussi, en été avec des gants jusqu’aux épaules sur leurs bras maigres, un chapeau visière, des cheveux non teints mi-longs qui encadrent un visage maigre exclusivement nourri au nattô, au tôfu et trois grains de riz japonais. Aux pieds, des chaussures en plastique, d’aspect robustes, roses pastelles, un téléphone avec un porte bonheur et un grigri Mickey achèvent le portrait de la femme sèche qui ne sourit jamais. L’image même de la stérilité, de l’aridité, de la sécheresse. On en avait une comme ça, à Ginza, la version féminine, en jupe. Aride. Elle, elle allait voir un coloriste qui lui avait dit qu’elle était une femme hiver. Donc, elle ne portait que du bleu ciel, du bleu pâle, du bleu grisé, du gris pastel, du pourpre pastel, du violet clair, du grisé violet, du blanc grisé et la racine de ses cheveux grisonnant était reprise en bleu. Elle haïssait les enfants, passait son temps à mettre le chauffage dans les salles de cours, même en été, elle ne savait parler de rien, ne s’intéressait à rien. Un stade avancé de dépression nerveuse, du type où l’énergie se consume d’en dedans jusqu’à ce qu’il n’en reste plus, ou éventuellement, juste suffisamment pour tuer le gamin des voisins avant de le découper, de l’emballer et de l’envoyer par la poste aux différentes sociétés en charge de la construction d’une nouvelle voie de chemin de fer qu’elle haïssait car cela allait faire du bruit, à cause de tous les gens qui allaient venir dans son quartier. C’est une des rares étudiantes que je n’ai jamais aimée.
Bon, mon train arrive, il est temps de plier bagage.
De Tôkyô sur mon iPad,
Madjid
Jeudi 22 mais 2010
Premier billet écrit sur mon iPad, dans le métro, bien entendu. Le joujou est plutôt sympa, le clavier suffisamment grand, mais l’absence des accents est quand même pour moi un vrai problème, car malgré la très grande efficacité de l’écriture intuitive, on loupe les accents sur les « a » et sur les « u » , ce qui fait des fautes extrêmement inélégantes. Il faudrait avoir le choix d’un clavier entièrement intuitif tel qu’il est et d’un clavier avec les accents qui permettraient, avec l’écriture intuitive, d’écrire en évitant les fautes. Mais bon, c’est une limitation logicielle que Apple pourrait résoudre s’il y avait chez eux des gens qui savent écrire un minimum et connaissent la différence entre une proposition de lieu et le verbe avoir à la troisième personne du singulier… Pour mettre l’accent sur le « a », j’ai l’astuce d’écrire « déjà » et ensuite effacer ce qu’il y a en trop, mais il faut avouer que c’est pas très amusant…
Anyway, je suis très content avec ce nouveau joujou. Je suis épaté par la batterie qui dure vraiment très longtemps malgré la 3G et le wifi. J’ai regardé des vidéos, fait du net, etc et ce matin il restait plus de 65%
Alors que le train arrivait à Shibuya, que j’écrivais, une annonce a commencé à tourner : le suicide quotidien a interrompu le trafic, heureusement assez peu de temps. On en a bien un par jour, et la ligne que j’emprunte semble en avoir plus que la moyenne. Pas de ces suicides qui enflamment l’imagination quand on parle du Japon, plutôt ces trucs ordinaires, le chômage, les dettes, les obligations familiales. La crise, quoi.
Dehors, c’est la méga chaleur, la grosse cagnasse. On le sent, que le soleil est ici aussi haut qu’en Andalousie ou au Maroc : ça tape ! Il y a juste que l’humidité du mois précédent donne ici une verdure profonde, variée et abondante. Allez, j’arrive. Je vais avoir 10 minutes de retard…
Vendredi 23 juillet
Ça y est, j’ai compris comment on met les accents, et j’ai un peu honte d’avoir écrit des bêtises à ce sujet car c’est en fait encore plus simple que sur un clavier mécanique : il suffit soit de retenir la touche de la voyelle concernée et au bout d’une demi-seconde apparaît une bulle proposant un grand choix de voyelles accentuées, soit de glisser sur la touche et apparaît une mini-bulle avec juste 4 accents dont le plus utilisé dans la continuation du glissé : c’est en fait hyper intuitif. Très bien pensé. J’avoue que le glissé, très pratique, est quand même assez particulier car c’est vraiment « glissé », et je n’ai pas encore confiance en mon clavier pour faire… Cela étant, ça marche bien. De même pour les guillemets, la cédille, etc.
Je suis aussi satisfait par le temps de charge. La batterie est suffisante, on peut utiliser à fond, il tient longtemps.
On est donc à la vieille du weekend et chaque semaine un peu plus j’ai le sentiment que le temps passe très vite. Je ne sais pas trop ce que Jun et moi allons faire, mais j’ai pensé que l’exposition Gibli au Musée d’Art Contemporain, à Kiba, ça pourrait être une bonne idée. En effet, à l’occasion de la sortie de son dernier film, le musée propose une exposition de décors de dessins animés. Ça peut être bien, et comme le musée est dans le parc, on pourra picniquer. J’adore le parc de Kiba.
Tout a l’heure, je ne sais pas pourquoi, j’ai repensé à un élève de Nova qui partait en France pour un an.
Une fois, on avait blagué entre collègues au sujet de ses mains géantes et une collègue avait dit qu’il devait donc être plutôt bien outillé. Je me retrouvais donc face à lui, et je regardais les mains, géantes en effet. Je regardais sa tête et je lus l’inscription sur sa casquette pour la première fois. Lubriqant. J’ai eu du mal à étouffer l’envie de rire. Pour sa dernière leçon, il me dît qu’il emmenait des médicaments car, comme les Français étaient grands, les médicaments étaient trop forts pour les Japonais. Il devait bien mesurer deux mètres…
Je pense avoir pensé à lui car il y a quelques semaines, j’en ai eu un dans le même genre, mais en version élite et crétin. Un étudiant de Tôdai, l’Université de Tôkyô. Le type qui ne pigeait pas un mot de français voulait lire Marguerite Duras ou Robbe-Grillet, ou encore Pennac. D’ici la fin de l’année. Quand je lui ai dit qu’éventuellement en prenant deux à trois heures de cours par semaine, en faisant du travail à la maison il pourrait éventuellement envisager un conversation quotidienne d’ici un an, et aborder un peu de littérature dans deux ans, il m’a regardé comme si j’étais un crétin. En matière de langues étrangères, les Japonais ne connaissent pas la mesure et n’en font qu’à leur tête car ils savent mieux que les autres, et qu’ils ont un cerveau différent. Sûr qu’à l’arrivée, on a les résultats qui vont avec. Et des écoles pompe à fric qui vont avec où ils se vont vraiment voler de l’argent.
Pour étudier, ils ne veulent pas travailler. Ils aiment beaucoup « écouter », par exemple. Or écouter n’a jamais permis d’apprendre une langue. Tout au plus s’imprégner de sa musique. Ils adorent les listes de vocabulaire qui permettent d’apprendre des mots. La plupart sont dégoutés par leur faible niveau réels. Il y a ceux aussi qui passent leur temps à hocher la tête sans décrocher un mot ni même prendre de notes…, n’ouvrent jamais leur livre et se plaignent de ne pas progresser. Un peu partout, on voit de la publicité pour Rosetta Stone, une application destinée à imprégner, sans jamais ouvrir la bouche (c’est vendu comme ça, ici, par « imprégnation…). Un attrape nigots. On constate que les japonais se comportent en consommateurs en toute occasion. Cela vaut aussi pour tout ce qui est études. Qu’un gamin travaille mal, et c’est de la faute au professeur… ! Pour les langues, donc, on a souvent au début une méga passion, et ensuite, devant la triste réalité de l’obligation de travailler quand même un peu, l’explication courante, vraiment on n’est pas doués pour les langues… mais en fait, comme ils sont comme tout le monde, j’obtiens de très bons résultats avec ceux qui travaillent un peu comme je leur dit de faire. Ceux-ci acceptent l’idée d’ambitions réduites, mais validées. Mais en générale, ils préfèrent écouter, c’est à dire pioncer dans le train avec un Podcast de CNN sur les oreilles auquel ils ne comprennent absolument rien. De temps en temps, je leur demande pourquoi ils apprennent des langues étrangères, mais les réponses restent très évasives. En fait, la plupart ne savent pas. Un étrange passe temps…
De Tokyo,
Sur iPad
Madjid
bon majid,je vois que tu te regale avec ton nouveau joujou,du coup je suis jalouse,je veux 1 moi aussi,mais pas les moyens d'en acheter,dnc quand t'en auras marre de lui tu me le file..:)))) kiss
bon majid,je vois que tu te regale avec ton nouveau joujou,du coup je suis jalouse,je veux 1 moi aussi,mais pas les moyens d'en acheter,dnc quand t'en auras marre de lui tu me le file..:)))) kiss
Merci pour le petit message. Ici, on peut l'avoir comme un telephone, on paie un peu chaque mois, contrat de deux ans, et consommation internet (un forfait illimite).
Madjid
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Madjid