L’adieu au camelia
Grand soleil devant moi. Forte chaleur. En fait, froid glacial au dehors, je suis a la maison devant la grande porte fenetre, et ca tape fort. Le linge lave ce matin est presque sec. En fond derriere mois le bruit repetitif du sechoir ou sont mes T-shirts. Oui, vous pouvez etre etonne… mais ce que vous ne savez pas peut-etre est que depuis une semaine nous sommes rentres dans la periode « 花粉 », la periode des pollens de cypres. Qui font eternuer. Qui donnent mal a la tete. Qui donnent envie de vomir. Rien que ca… L’an dernier, je me souviens avoir seche du linge a la fenetre et ouvert la maison en grand, idiot de Parigot ! Jun s’est plaint de nausees, et moi meme ait eu des eternuements continuellements pendant trois jours. Et pourtant je mettais le masque dehors… Mais a quoi ca peut bien servir, cretin, si tu gave ta maison de ces saloperies de pollens… Vaccine! C’est promis, je ne recommencerai plus.
Ce week end, Jun et moi nous sommes promenes (samedi) et avons fait des courses (dimanche). Ca y est, il a un Mac ! Ignard en informatique, il a comme beaucoup achete un Toshiba, il y a deux ans, dote de ce fabuleux systeme, Vista. Il se plaint depuis l’achat de ne pas voir la difference entre son nouvel ordinateur et l’ancien, qui datait de 2001 ou 2002, et qu’il avait du reinitialiser je ne sais combien de fois a cause des virus, spywares ou problemes d’incompatibilite des pilotes. Je lui ai dit plein de fois, de desinstaller Vista et de mettre XP a la place, j’ai toujours senti une repulsion au simple fait d’evoquer cette operation. Je crois que les histoires de pilotes le font angoisser. Lui qui adore surfer, il a souvent fini par douter de sa connection internet, tant ca devait ramer dans la becanne… Ca fait quelques temps qu’il disait vouloir changer d’ordinateur. Voila qui est fait, un MacBook 2,4… Avec ca, il est tranquille au moins 5 ans… C’est qu’il ne fait pas d’albums, pas de videos… Enfin, on sait jamais, Mac, ca donne toujours des idees. Nous sommes alles a Bic Camera et la, j’avoue, ca me scie… Il a gagne 18% du prix en points, soit… 33,000 yens ! Comme il avait 25,000 yens sur sa carte, ca fait de belles remises. Bien sur, les 33,000, il n’a pas pu les utiliser de suite. Mais en gros, il peut acheter du materiel « gratuitement », maintenant.
Petit hic, toutefois. Arrives a la maison, on allume et… probleme de carte video. Si dimanche soir vous avez croise sur Ginza, vers 19h30, un Gaijin et un Japonais, en sueur, courant vers Yurakucho, un sac en papier Bic Camera a la main, fort probable que ce fusse nous! L’echange a ete tres rapide, et nous etions a la maison vers 20h30. J’ai pu lui faire une reinstallation totale qui aidera sa machine a ronronner pendant longtemps. Moi, ca m’a donne envie de m’occuper de mon iBook G4 achete il a plus de 4 ans maintenant. Eh bien, ce qui est incroyable, c’est qu’il tourne parfaitement sous Leopard. J’avais note que Onyx, un utilitaire d’optimisation (gratuit) permettait de peronnaliser certaines fonctionnalites. J’ai donc enleve les « reflets », les « animations », ferme les « widgets », etc… Sage economie de memoire et de calcul pour le processeur. Comme je me suis trouve tres satisfait du « repondant » sur mon G4, j’ai applique les memes limitations sur mon iMac. Je ne vois pas vraiment la difference (un Core 2 Duo a 2,4…), mais comme ces gadgets ne servent a rien, il doit bien finir par y avoir une difference quand il est tres occupe a bosser et qu’il n’a pas le temps de calculer la transparence, l’icone qui bouge ou grossit quand elle ne doit pas en plus se « masquer » avec en fond, les widgets qui occupent 1 a 2% de la memoire a etre pret a apparaitre. Quel gachis de ressources… En tout cas, mon vieux portable G4 tourne toujours tres bien et ouvre les documents sans ramer. Que lui demander de plus ?
Cote promenade, partout les fleurs des pruniers. Mais samedi, en plus des pruniers, un soleil et des temperatures de mai. Plus de 20C a l’ombre, et au soleil on devait bien etre au dessus de 25C… Nous sommes alles a Koishikawa Korakuen. La bas, tous les clubs du 3eme age de la region semblaient s’etre donne rendez vous… Certains vieillard possedent des appareils photos dont le teleobjectif, d’une incroyable longueur, est un pisale a leur virilite affaiblie, ou la libido de madame, disparue depuis belle lurette. Vous me direz, c’est toujours mieux que de claquer les allocs au Patchinko ou au 競馬, le tierce. Mais toujours est il qu’ils sont bien rasoir: dans deux semaines, il n’y aura plus personne, puisque les 梅祭り, fete des pruniers, seront termines (et cela meme s’il reste des arbres en fleurs). Au Japon, la facon de faire et le moment de le faire importent plus que ce que l’on fait. Avec Jun, a Kamakura, nous n’avons croise que quelques promeneurs, la semaine derniere: ce n’etait pas la saison. Bah, en France, on a les memes. Ils se precipitent a Carrefour pour la « semaine fantastique » et font tous au meme moment des reservations a Center Park, quand c’est « hors-saison ». Ah, j’oubliais la « fete de la musique ».
Ca me rappelle une etudiante. La musique, un festival, un concert, des reservations… « Et vous, s’il y avait la Fete de la musique a Tokyo, que feriez vous? »… « J’appelle la police ». « Pourquoi? »… « Ca fait du bruit et je ne peux pas dormir ». Avec une telle eleve, au demeurant une femme cultivee et vraiment interessante quand elle le voulait bien, vous imaginez que la conversation ne pouvait pas aller tres loin. Mes lecteurs « ancien Nova » l’auront certainement reconnue. Cela etant dit, c’est un peu ce que je pense de la Fete de la musique. Ce jour la, « ils » aiment tous la musique. Celine Dion cotoie l’Orchestre de Paris, Guillaume de Machaud ressucite apres une glousserie de Patricia Kass et un « hei’yaaa » de Cheb Khaled, pendant que Diams renouvelle son soutien a Segolene Royal aux cote de Benabar. Entre deux spot de Publicite Coca-Cola et « Societe Generale, partenaire officiel de toues les musiques ». N’oubliez pas le cahier dans Liberation et le numero special de Z’Urban. Merguez, Kebbab et sardines grillees aromatisent le tout quand en terrasse le garcon vous fait payer avec la commande avant de vous faire attendre au moins 15 minutes, « j’ai pas trois mains ». Vers minuits, les « Paris Proprete » debarquent pour ramasser les flots d’ordures qui trainent sur les boulevards pendant qu’on marche, le pied peu assure : il y a des tessons de bouteille partout. Enfin, bon, ce n’est pas le 13 juillet, on a peut de risque de se cramer en recevant un petard sur la figure, quelle chance !
Je n’aime pas la Fete de la musique. Je n’aime donc pas ces beuveries a Ueno, sous les cerisiers. Mais j’adore me promener dans les parcs en fleurs, notamment le soir: je vous recommande chaudement Hamarikyu, pres de Tsukiji.
Apres notre promenade, nous sommes alles a Maruzen, pres de la gare de Tokyo. J’ai achete des livres d’un incroyable classicisme, mais que je n’avais jamais lu : a moi donc La fortune des Rougon, d’Emile Zola, et si ca me plait, a moi la serie; Oliver Twist, de Charles Dickens, en anglais bien sur. Et puis L’age d’homme de Michel Leiris (meme si a la reflexion il me semble l’avoir lu il y a une bonne dizaine d’annees). J’ai feuillete un ouvrage dirige par Paul Auster, une sorte de portrait de l’amerique a travers des recits ecrits par des « anonymes » -qui pour le coup sortent de leur anonymat- a la demande d’une Fondation, et lus sur une radio. J’en ai lu quelques un, j’ai trouve ce projet etonnant et vraiment interessant. Il y a la quelque chose qui renoue avec l’essence meme du roman. Quand on pense qu’on l’a decrete mort de notre cote de l’Atlantique…
J’adore me promener dans les librairies. Maruzen reste ma preferee car il y en a une a Nihonbashi et une autre a Tokyo, a dix minutes de marche l’une de l’autre, dans ce quartier qui est un peu « mon quartier ».
Reponses negatives a deux offres d’emploi. Pour l’une, a UBS, cela fait 6 mois qu’ils recherchent, bref, le budget est suspendu. 18 milliards de francs Suisse de perte l’an dernier, c’est sur que c’est pas facile, he he he… L’autre, c’est Bloomberg, mais je m’y attendais.
Vous n’avez pas un job a me proposer, meme dans un restaurant ?
J’ai retire les annonces Google sur cette page. Je tiens a remercier les 7 cliqueurs. Ca fait 2 USD ! Non, tout d’abord ce n’est pas beau, ensuite, ce n’est pas moi. Je vais les laisser sur mon site de conseils, et on verra si je les reintroduit un jour sur ce site. Je ne suis pas fixe, la dessus. J’ai l’impression de donner quelque chose qui m’appartient, un espace de m liberte, a un truc qui ne m’appartient pas. Je verrais donc, si j’en reintroduit. Bref, ca me gene moins de demander a bosser quelque part a des anonymes que d’afficher pour Google.
Je vous conseille vivement d’aller visiter Le site de TB, Orbite. Deux articles de Dmitri Orlov qu’il a tres genereusement (et sans Google) traduits de l’anglais. L’actualite nuit helas aune bonne lecture, reflechie et raisonnee. Orlov met en parallele l’ex-URSS et son effondrement, et les USA et leur possible/probable effondrement. Si je ne partage pas son point de vue (peut-etre je me trompe, ce n’est que mon point de vue) sur un effondrement imminent et dors et deja amorce, je partage avec lui l’idee qu’il est urgent de penser a l’effondrement ineluctable de notre civilisation. Non pas comme une catastrophe, mais eventuellement comme une opportunite. Je partage avec pas mal de gens l’idee que les USA sont une puissance democratique en declin, partagee entre le desir de se ressourcer (l’ideal democratique, les « liberals » -je rappelle que « liberal » veut dire ultra de la democratie, et s’apparente generalement au socialistes) et une tentation Imperiale, dont les glissements autoritaires de l’administration Bush ne sont qu’une ebauche. A mon avis, la crise actuelle n’est pas un effondrement, mais le signe de l’ epuisement d’un cycle commence avec la guerre du Vietnam et qui a vu la dette nourrir la dette avec de moins en moins d’effets positifs sur la population dont les revenus ont chute, en termes reels, de pres de 30% en une trentaine d’annee. Seules des manipulations statistiques ont permis de creer l’illusion de la prosperite : toilettage des chiffres du chomage, changement des modalites de calcul de l’inflation : je vous conseille a cet egard l’excellent site Shadow Government, qui entretient des series statistiques sur la longue duree, d’avant chaque modification. C’est edifiant, et donne une bonne idee de la situation reelle des USA, une puissance sur le declin.
De la a voir dans l’effondrement de la bulle du credit un signe du debut de l’effondrement, je ne le pense pas, mais cela, en fait, n’a pas une tres grande importance. Orlov adopte une analyse libertarienne, basee sur l’acceptation de l’effondrement et les vertues de l’auto-organisation de certains secteurs de la societe. Je n’y crois pas du tout, bref, je suis beaucoup plus pessimiste que lui. Je ne crois pas aux effondrements, je les appelle des decrochages. Un decrochage intervient apres une longue periode de declin. En fait, quand on decroche, on a deja perdu la main. C’est Rome videe de ses populations avant meme les invasions, parce que l’Empire est des le 2eme siecle une puissance en crise declinante, insupportable a ses habitants aises qui lui preferent l’Orient, ou la Gaule. A cet egard, quand Orlov compare l’URSS et les USA, il decrit bien une puissance qui est en declin depuis au moins 20 ans aux USA. Le rationnement et la promiscuite ne sont pas la marque de l’organisation sovietique, mais le signe d’un declin entame des les annees 60. Enfin, il parle de l’effondrement sovietique au passe, or chacun sait que la Russie est en train de rentrer dans une nouvelle phase qui a vu le rouble devalue 18 fois et les capitaux fondre a grande vitesse. Je doute que les nouveaux riches moscovites soient aussi patients que leurs parents.
Mais comme je vous le dit, c’est une lecture interessante si on fait abstraction de l’actualite (ce qu’Orlov suggere lui-meme). Bref, si les USA retrouvent la croissance, cela ne voudra pas dire qu’il ait tort. Nous sommes de moins en moins pres, et de plus en plus nombreux a ne pas l’etre, a changer nos modes de vie. Radicalement. Pas seulement pour le rechauffement, mais rien que pour l’energie. Nous gachons. Rien qu’en co-voiturant, en n’utilisant les ressources qu’au niveau du necessaire, nous aurions de quoi tenir une petite centaine d’annees, le temps de faire autre chose, et autrement, en profitant de la baisse de la demographie pour rendre la transition plus facile, sans trop bousculer nos niveaux de vie moyen ainsi que les besoins essentiels. A la place de quoi nous nous conduisant en predateurs pour qui tout est donne et tout est du. Les partisans du laisser-faire nous disent qu’on trouvera bien quelque chose. J’aurais envie de dire « chiche », alors, inversons, et commencons par trouver ce quelque chose.
Je partage aussi sa preoccupations pour les dechets, chimiques et nucleaires. Aucune civilisation connue n’a duree 4000 ans sans connaitre de decrochage. La Chine et l’Inde illustrent cela parfaitement. 4000 ans, c’est la duree de vie des dechets radio-actifs.
Bref, a quelque degre que vous puissiez adherer ou non aux idees de Dmitri Orlov, leur lecture apporte, au regard de l’instabilite actuelle, une hauteur et une mise en perpective necessaire, une clef au debat que nous repoussons : ce n’est pas l’apres-energie facile qui pose probleme, c’est ce qui se passe avant, et auquel nous ne sommes absoluement pas prepares.
Dans un roman ecrit il y a une vingtaine d’annees, Jacques attali prete a un de ses personnage la responsabilite d’avoir ete celui qui a mis fin a la television (declin oblige). J’ai toujours trouve cette image forte, triste, tragique en ce quelle peut suggerer de notre avenir : un monde ou nos gouvernements gereront « les fins de » pour economiser les ressources. Et encore, comme le suggere Orlov, le rationnement des ressources est la preuve d’une survie des gouvernements. A certaines epoque, c’est la tyrannie d’une caste qui regle le probleme, et le foisonnement des mafias et des groupes prives qui gere les consequences…
Allez, je vous l’assure, c’est pas pour tout de suite, c’est pour dans une dizaine d’annees…
En tout cas, il y a deux semaines, j’ai imagine mon avenir si cette crise prenait une allure annee 30 (pour le coup, un scenario plus plausible, meme si je n’y crois toujours pas trop, tout en le redoutant, a l’invitation des medias). Ma mere a une maison dans la Sarthe, un terrain assez grand. J’aurais toujours a manger, un toit, une cheminee et de l’air pur, loin de la desolation de la capitale et ses 30% de chomeurs… J’aurais le temps d’ecrire, en touchant le RSA. Ca m’a fait tout drole de lire Orlov suggerer ce type de « plan B ».
Cette nuit, J’ai reve que je traversais une ville qui ressemblais a Bondy, mais il y avait des Jinja et Jun m’attendais. Je me sens vraiment chez moi, ici. Ca m’embeterait de partir.
Je vous dis, un travail dans un restaurant, ca me va, ce fait longtemps que je prevois de revenir en France pour travailler dans la restauration… !
Bien le bonjour chez vous. Lisez Orlov, remplissez-vous des vents du monde. L’edonisme litteraire est termine. Notre monde est soudain redevenu un grand roman ou nous avancons comme des pions, ignorant des regles fixees et des destins traces par son auteur. Un monde palpitant. Je l’ai toujours dit, ceux qui ont vraiment eu de la chance, ce sont ceux qui sont nes en 1945… Ils ont tout eu, tout essaye, tout vecu, tout mange.
A la caisse !
De Tokyo,
Suppaiku
Rajout : je vais confesser une petite cachoterie. Cela fait 15 ans que je tape a 2 doigts. Incroyablement vite, mais a deux doigts. Bon, ca y est, je me force desormais a taper a deux mains. C’est pas difficile puisque je connais le clavier. Je tape mega vite, desormais. Ca m’a pris deux trois jours…