Mon billet de samedi dernier a été indexé par d’autres sites. Laurent Chambon et Thomas m’ont tous les deux envoyé un message pour m’en informer. Il faut croire que le sujet a intéressé plus d’un, j’ai vu mon compteur enregistrer plus de deux cent visites en quelques heures… J’en suis vraiment surpris, et en même temps pas tant que cela. Le VIH continue d’intéresser beaucoup de monde. Et il serait bon que les français vivant à l’étranger partagent leur expérience. Bien sûr, il y a les expatriés de luxe, et tant mieux pour eux, avec une protection sociale payée par l’employeur, la souscription automatique à la sécurité sociale des Français à l’étranger, et bien bien sûr une assistante sociale capable d’aider au cas où l’obligatoire avance de soin était exorbitante. Mais pour beaucoup de Français à l’étranger, la situation est souvent loin d’être idyllique. Par exemple, beaucoup d’étrangers vivant au Japon n’ont pas de couverture sociale car les employeurs manipulent les contrats afin d’en être dispensés, mais surtout, parce que certains étrangers eux-même n’en veulent pas car ils considèrent que cela est « trop cher ». Ce type de situation où un type de population se trouve exclue de la protection sociale n’est pas exclusive du Japon et est assez commune à beaucoup d’autres pays. Concernant le Japon, la précarisation rampante de la population, la « baito »-isation de pans entiers de la jeunesse mais aussi de ce qui fut autrefois la classe moyenne exclu de plus en plus de gens de toute protection sociale. Et comme je vous l’ai expliqué dans mon billet il y a deux jours, l’existence d’un plafond placé à 60.000 yens mensuels rend l’accès à des soins et traitements lourds problématique.
Je vous vois là pleurer sur les « pauvres japonais », mais vous rappelle qu’en France, plus de 35% de la population ne fréquente pas de médecins, et ce malgré la sécurité sociale dont, il faut bien l’avouer, la structure même a été minée par les gouvernements successifs, de droite et « de gauche », à force de déremboursements, de mise en place de forfait. Aller chez le médecin coûte au bas mot 7 euros, auquel s’ajoutent bien souvent 15 euros de médicaments. Cela peut sembler très peu pour la droite ou pour Martine Aubry qui se targue d’avoir rétabli les comptes en oubliant comment elle y est parvenue, et qui veut tellement « aider les plus démunis, ceux qui n’ont rien », mais pour une famille, si ce sont deux enfants qu’il faut soigner, voilà au bas mot 37 euros. La sécurité sociale est désormais un système de redistribution à l’envers : les plus riches paient peu quand ils paient car leurs cotisations sont plafonnées, mais ils sont les principaux consommateurs de médecine. Les plus modestes, eux paient leurs cotisations, mais ne vont voir leur médecin qu’en dernière extrémité. Les classes moyennes, grosses consommatrices de médicaments, essentiellement destinés à supporter les conditions de transport, les temps de transport, le stress au travail, anti-anxiolitiques, calmants, tranquillisants, somnifères, elles, paient plein pot car elles gagnent dans la zone du plafond et paient des impôts, sans gagner assez d’argent pour profiter des niches fiscales.
Tout le contraire du contrat de 1944 sensé mettre de l’égalité devant la maladie et devant la mort.
En France, désormais, ce ne sont plus que les affections lourdes qui bénéficient des principes de 1944, du CNR. Ce qui est déjà pas mal puisque, comme je vous l’expliquais, ce n’est pas le cas au Japon. Encore est-il que le Patronat et son syndicat ont préparé un rapport qui conseille une plus grande personnalisation tout en gardant le principe d’une bonne couverture pour les traitements lourds, moyennant une participation adaptée aux revenus de l’intéressé. Là, pour le coup, on se rapproche du Japon. Le principe est simple. Si vous avez vraiment BESOIN d’un traitement, vous vous débrouillez pour payer. Les laboratoires y trouvent leur compte, et les assurances vous proposeront des couvertures complémentaires adaptées, coûteuses.
Voilà donc la situation ici, mise en perspective avec la situation par chez vous. Vous pourrez toujours me dire « on se mettra en grève ». Oui, comme pour les retraites. Et avec le même succès. Idéologiquement, nous sommes défaits, nous avons perdu.
Voilà comment j’en suis arrivé à la conclusion que, finalement, il ne me restait pas d’autres choix que des médicaments génériques. Si vous sillonnez le net, vous verrez que les discussions à ce sujet sont nombreuses. Cette l’offre est encore assez limitée mais, récemment, on trouve des traitements assez « modernes » et ayant en fait moins de 10 ans. J’y reviendrai plus tard, quand je commencerai.
Mais il serait bon que sitôt passée le côté « ouah », les lecteurs s’interrogent. Non pas sur « comment sauver la sécurité sociale » (déjà globalement morte en excluant de fait ceux pour qui elle avait été pensée, à savoir ceux qui n’ont pas les moyens), mais sur « qu’est ce qu’on pourrait faire à la place, et mieux que la sécurité sociale », et si possible « coutant moins cher » et payée vraiment par tous. Au passage, je vous décrit la feuille de route qui a accompagné le gouvernement De Gaulle en 1944. Ça a tenu en gros 40 ans, ça vivote pour le plus grand profit des « mutuelles » et « assurances » (ah, la CMU, le joli cadeau de Martine…). Il faut recréer la sécurité sociale, de fond en comble. Nous avons une évolution démographique qui le commande urgeamment…
Je vous recopie un commentaire sur FB, parce que je ne veux pas le perdre. Une amie me conseillait un traitement. C’est gentil. Une autre, mon amie Joelle résumait la situation, le fait que le net regorge d’histoire racontant la précarité.
Début de citation : » @ Lisa, merci. J’ai en effet trouvé celui-là, mais c’est vraiment le traitement du pauvre version début années 2000, car s’il est sorti vers 2003/4, c’est un médicament fait avec des trucs des années 90, notamment AZT ou DDI, ces trucs qui déplacent par grosses poignées les masses adipeuses là où elles sont sympa (les fesses, les joues, les bras) et les transporte là où personne n’en veut, le ventre, le haut du dos… J’ai donc écarté Triomune (commercialisé sous le nom de Trizivir, si je ne me trompe pas) et je suis tombé sur ce qu’on m’aurait donné si j’avais été en France, Atripla (générique : Viraday). Il contient deux molécules que contenait mon traitement, et une troisième, visiblement problématique car elle cause des problèmes d’ordre psychique, de très modérés à très graves, heureusement très exceptionnels et limités aux premières semaines de traitement. À mes lectures ici où là, cela me semble l’option parfaite, même si bien sûr, je peux être le mauvais patient, mais bon… Cela m’arriverait également en France. Après les quelques semaines d’adaptation, souvent une quinzaine de jours, alternant somnolence, troubles du sommeil, suées nocturnes, vagues hallucination (cas extrêmes) et rêves étranges beaux ou terribles, on finit par ne plus apprécier qu’une seule chose, c’est une pilule par jour, le soir, avant de dormir, « à jeun » pour ne pas trop halluciner avant de dormir au cas où. Bref, exactement comme pour la première, je vais préparer le terrain, retourner à la gym, manger plein de fruits et légumes, pas trop de pain car on dort mal après, et je suis assez confiant que ça se passera bien. Mon précédent traitement me provoquait parfois des sueurs nocturnes, il m’était difficile de retrouver le sommeil après, mais après une ou deux fois, je m’y étais fait et je passais mon temps à me dire « mais non, ton coeur ne va pas s’arrêter, c’est le médoc qui te fait ça », et parfois, je retrouvais le sommeil, tout en me réveillant dans un lit trempé. J’avais été inquiet des résultats qui suivraient car je me demandais si ce n’était pas une violente poussée virale. Et puis non, avalanche de T4 et charge virale indétectable. Il faut y être préparé, c’est tout. Je sais que ça va passer, que je retrouve ma liberté. J’ai un caractère fort : je suis un bébé né à 7 mois et qui n’est pas allé en couveuse, c’est vous dire… 🙂
@ Joelle, oui, tu as raison. Le plus fou, c’est que certains posts sur les sites américains révèlent des personnalités éduquées, avec un travail, mais incapables de supporter les 1500 dollars mensuels, sans compter qu’aux USA, les prix sont gonflés à bloc. J’ai lu pas mal de sites, et c’est incroyable comment, plus de 20 ans après Act Up, finalement, rien n’a changé. Les laboratoires sont subventionnés, reçoivent des dons, mais ne cèdent rien. C’est une véritable démission du politique. En lisant ces post de types qui arrêtent, recommencent, ont peur pour leur vie, tout ça parce que les aides sont différentes dans chaque état, et qu’en ce moment les états n’ont, soit disant, plus d’argent, c’est une véritable honte car les traitements sont sensés simplifier la vie, et non ne pas être une sorte de partie de cache cache. En Arizona, la chambre a voté les gel des subventions pour greffes d’organes. 97 personnes qui devaient être greffées, l’un ayant meme trouvé son donneur, un voisin généreux, ne seront pas opérés. L’un d’eux est mort le week end dernier, il attendait un cœur.
La précarité envahit le net dés que l’on cherche les situations cachées par le consensus bourgeois bâtit autours des classes moyennes qui veut que « chacun doit se prendre en charge, marre des impôts ». » (fin de citation)
Je rajouterais, le consensus bourgeois qui ruine leur propre vie. Et celle de leurs enfants. Facile de voter contre les impôts, mais le jour où on a un cancer, et que la seule solution reste utiliser les économies pour les études des enfants, enfants qui, devenus grands, paieront leur prêt étudiant plus chers car les parents sont « peu sûrs » voire, si la réforme, pourtant timide, de la santé votée par les démocrates est abrogée, ne pourront rejoindre l’assurance de leur employeur, ou alors si mais assortie de clauses restrictives.
La France n’en est pas encore là, juste presque… Et se « mobiliser » pour « défendre la sécurité sociale » n’est pas la bonne posture. Au contraire, c’est la posture qui conduit aux débats sur « le coût », « le financement », et « le conservatisme ». Pour sortir de ce débat qui a mis le progressisme en minorité partout quand il ne l’a pas conduit à renoncer à ses propres principes, démocrates renonçant à une couverture universelle publique même optionnelle, Péhesses français participant au rationnement des soins et à la logique comptable ou introduisant les assureurs privés dans la gestion de la CMU…
Pour sauver les principes de la sécurités sociales, il faut revenir à ses origines, quelque part entre Londres et Alger, entre 1942 et 1944, préserver de la maladie et du chômage, rétablir l’égalité devant la mort. Et y ajouter un impératif nouveau que nous enseigne l’histoire depuis le thatchero-reaganisme. La fonction régalienne.
Par conséquent, il faut en finir avec la sécurité sociale, système reposant sur une assurance d’intérêt publique et rebâtir un système fondé sur le droit à la santé.
Je pense que cette approche, qui subsiste en Grande Bretagne malgré le torpillage thatcherien et fait du système Britannique le seul système de santé réellement socialiste encore en vie et auxquels le peuple reste fondamentalement attaché tant il s’inscrit dans un pacte scellé par le sens du prolétariat londonien de la rive sud touché par le Blitz mais aussi à la personnalité forte de Winston Churchill, doit être adoptée dans tous les pays, car en terme « universel », le droit à vivre est considéré, au moins en Europe depuis Montesquieu, comme la différence entre la barbarie et la civilisation.
Les 97 personnes qui se sont fait refuser l’aide fédérale pour obtenir un transplant d’organe sont les victimes de la barbarisation rampante auquel conduit cette société sensée se réguler d’elle même, « Le vice privé fait la vertu publique » (Voltaire, lettre sur le luxe), mais où l’on voit le vice engendrer vice, égoïsme, instinct de survie nouveau riche, violence liée à la frustration, corruption et barbarie.
Une société civilisée DOIT garantir la santé avec une même détermination qu’elle garanti la sécurité en entretenant une force publique et une armée.
Cette histoire en Arizona, avec des malades mourant les uns après les autres, ils sont maintenant deux, trouve au passage un curieux échos après le meurtre de ce week-end. Je ne crois pas au hasard.
Viraday, un produit fabriqué en Inde et qui coûte environ 100 euros. Je suis, au final, très chanceux. J’aurais pu avoir besoin d’un rein, et être né en Arizona.