Maturité

M

un problème posé a toujours une solution pourvu qu’il soit posé correctement, ce qui est le cas.

(rédigé samedi après-midi, publié ce dimanche en soirée)
Je suis dans ma quarante neuvième année. Je veux dire par là que cette année, j’aurai 49 ans. Peut être en moi déjà les ravages de l’andropause, comment savoir… Je concluais mon billet d’hier en vous parlant de cette moustache que je laisse pousser et dont je ne sais pas trop ce qu’il adviendra. C’est un peu comme tout le reste. Mais pour moi, laisser pousser cette moustache revêt quelque chose d’important: mon père portait la moustache et, aussi contradictoire que cela puisse paraître, je m’en émancipe définitivement. Je suis un homme.
L’idée de la moustache m’est venue il y a deux semaines. J’étais au restaurant avec Nori, et je lui demandais s’il avait déjà à tout hasard pensé à laisser pousser sa moustache. Il porte un de ces « colliers » métrosexuels des années 2000 et je suis persuadé qu’une moustache lui irait en réalité très bien, une de celle qui entoure un peu la bouche, un peu carrée. L’idée ne lui a pas plu du tout. En rentrant chez moi, je me suis demandé pourquoi je ne laisserais pas pousser la moustache pour moi. Après tout, demander à l’autre de faire quelque chose que l’on ne fait pas soi-même a quelque chose d’étrange… Alors voilà, depuis deux semaines, je laisse pousser la moustache…

Je viens de chater quelques minutes avec Pierre. On se connaît grâce à ce blog qu’il lit depuis des années. Nous devons nous retrouver après ma journée de travail à Omotesandô pour un café. Je redécouvre la joie des rendez-vous de dernière minute. Bon, d’accord, ce n’est pas vraiment la dernière minute, mais bon. Après huit ans de weekends chronométrés, c’est un plaisir que je ne boude pas. L’idée même d’un weekend totalement vierge d’engagement est excitante, tant de choses à faire… En réalité, je ne sais pas ce que je ferai demain, mais il y a de fortes probabilités que je le fasse. Voilà un peu comment je vois les choses. Après huit ans passés à Tôkyô, il est grand temps que je m’y fasse une vie. Une vie de mec qui a quarante neuf ans, qui écrit, qui sort, qui entre dans les galeries photos, qui bavarde avec les gens… Bref, que je fasse ici ce que je faisais à Paris. Ce long sommeil de huit ans était nécessaire, réveillé, me voici adulte et mûri, prêt pour une relation avec celui qui décidera de vivre avec moi et de partager sa vie avec moi.
Adulte.

J’avais terminé la rédaction de ce qui s’apparente à un billet court, mais quelque chose est arrivé.
Dans le but de se pacser, Nori doit présenter des documents, nous en avons parlé, je lui ai donc envoyé ce midi une liste. J’avais constaté un changement de comportement chez lui. J’ai donc écrit longuement expliqué mon point de vue, ce que je ressens. Que j’avais senti hier soir son regard fuyant. Que j’avais entendu ses remarques caustiques au sujet de chez moi, il déteste le quartier, il déteste mon appartement. Il a même fait sur pique sur mes 8 ans avec Jun. Je devais être clair avec lui. Je pense que j’y suis parvenu. Sa réponse a été une réponse lucide, simple, et qui pose bien la question. Pourquoi ne lui avais-je pas proposé avant. Avant qu’il déménage avec l’autre.
Le connaissant, une telle franchise, une telle lucidité exprimée a demandé de sa part un réel effort, je pense qu’en fait ce que je lui ai écrit l’a profondément torturé. Ce n’était pas le but, mais même si désormais j’ai le ventre noué, la peur de le perdre, je pense qu’au moins tout est clair dans cette relation et que pour la première fois le problème est posé.
Je ne sais pas si un couple survit à un truc pareil, mais au moins s’en donne-t-il la chance en sortant de l’illusion et je suis content d’avoir lié la question d’un PACS à l’idée de vie commune, à l’idée de vie en commun. Il était malheureux tout seul hier soir, pensant qu’il n’y avait pas de solution, au moins désormais le sentiment est partagé. Et un problème posé a toujours une solution pourvu qu’il soit posé correctement, ce qui est le cas.
Voilà. C’est cela aussi, être adulte.

Madjid

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