Pour la campagne électorale, c’est sur mon site Les petits mondes de Suppaiku -VIDÉOS, ARGUMENTS, et sur mon podcast de campagne). Méfiez vous de ce que rapporte la presse écrite et télévisée : quand on vous dit « elle a dit que… », recherchez la vidéo correspondante sur internet. Vous constaterez la déformation des propos par vous même et découvrirez un peu plus de son programme.
VOTEZ SÉGOLÈNE ROYAL
Pour un Suppaiku au Japon comme moi, l’exercice du blog en milieu open (des collègues me lisent) et en pleine période électorale compliquent fortement l’exercice et confinent à la paranoïa ou la schizophrénie. Brrrr… et comme je ne suis ni paranoïaque (lucide, je reconnais ma paranoïa) ni schizophrène (je détecte facilement), je délaisse périodiquement ce blog et me contente d’un récit souvent plat et dénué de tout intérêt…
Parler de moi, ne parler d’abord qu’à moi. Ne pas me soucier de vous, surtout ne pas chercher à vous plaire. Moi, moi, moi. Ca ne vous plait pas ? Dégagez ! Vous ne m’aimez pas ? Dégagez ! Chers collègues je vous choque ? Rien ne vous force à ma lire mais si vous n’êtes pas choqués, si vous m’appréciez veuillez s’il vous plait respecter la confidentialité de ce que je considère un journal… ! Tel est le prix à payer pour une narration intéressante qui sait dépasser le factuel et atteindre à quelque profondeur : je l’ai souvent dit, il est de meilleurs blogs sur le Japon et je n’ambitionne pas de les rejoindre. Il est aussi de bien meilleurs blogs pour Ségolène et de toute façon, j’ai quitté le Parti Socialiste en 1999 et mes anciens camarades connaissent parfaitement mes raisons. Je n’ai rien à protéger ni à cacher ni encenser. Je suis libre aussi de ce côté là. Je n’ai pas voté Jospin en 2002 et, comme je l’ai déjà écrit, je suis fier d’avoir voté pour Christiane Taubira, et je continue de penser que c’était elle la vraie candidate socialiste. D’ailleurs, Ségolène a repris son slogan, la « République du respect pour tous ». Et puis il y a ma santé, mes amours, mes ballades et mes écoeurements, réguliers dans cette ville qui vient de réélire un « maire » d’extrème-droite.
Je vais bien, tel est la conclusion de mon médecin lors de ma dernière visite médicale. Mon traîtement est bien supporté, aucun problème de foie comme cela est parfois le cas. Ma composition sanguine ressemble à s’y méprendre à celle d’une personne normale. Virus indétectable… La médecine fait de véritables miracles… D’ailleurs, je constate que je n’ai pas attrapé de grippe ni cet hivers ni le précédent… Je me porte comme un charme…
Donc depuis hier, je suis au régime… N’importe lequel de mes amis vous dira que là, pour le coup, je suis vraiment en pleine forme !
Le travail, ben, la suite. Des hauts et des bas, ce qui est un truc normal. Mais finalement NOVA est une société comme une autre. Il y a deux semaines, une enseignante d’anglais a été assassinée par un « stocker » et l’enquète s’enlise comme c’est toujours le cas pour les meurtres d’étrangers… Le meurtrier a pu s’enfuir de chez lui par la porte alors que les policiers s’y trouvaient. Il était en chaussettes. Soit disant il allait trop vite, ils n’ont pas pu l’attrapper. Je reste persuadé que si la victime avait été japonaise et le meurtrier « occidental » il eut été tué lors de la fuite ou pour le moins attrapé. A l’école, ça nous a mis un coup : certains professeurs d’anglais la connaissait et l’une d’elle était sa room-mate… Seule la chaine de TV Asahi a présenté une réconstitution qui ressemble au récit que je vous en fait, les autres chaînes noyant le poisson sur l’impossibilité pour les possibilités que les policiers avaient d’attraper le criminel. TV Asahi, comme toujours… A part cela, notre « chef » va changer d’école et nous allons accueillir à sa place le « chef » de Shibuya. Petits changements, la routine, quoi. Autant parfois je suis excédé par tel ou tel élève ou par le travail tout court, autant des fois c’est un pur plaisir. Et quand je repense à mon travail devant cet ordinateur, ce téléphone, mes fichiers excel, je ne regrette guère le changement. Peut être un peu mes collègues. Odile, le sourire de Michèle, les éclats de rire de Célina. Et puis le thé avec Mulgon, ses T-Shirts trash : mais bon, il était parti manger son panini saumon du côté de la très Houellebecquienne rue de Choiseul ! J’aimais bien les jeunes qui étaient arrivés, aussi. Mes discussions avec Sébastien. Et puis l’autre Sébastien. Un garçon gentil, honnête, et drôle aussi, serviable comme c’est pas possible. Ah, la banque… Mais je n’ai rien perdu au change, même si c’est un peu différent. Les anglo-saxons vivent assez les uns sur les autres, ici. Nous, les Français, on est très individualistes… Ces derniers temps, on est un peu inquiet car il y a eu des scandales de mauvais remboursements des contrats. C’est pas très bon et il nous semble qu’il y a eu une baisse d’activité…
Je recommence à éudier le japonais. Je suis devenu pire que nul. J’ai recopié hier mes deux premières leçons de kanjis de l’INALCO, bon, ça va, j’ai pu constater qu’hormis « 供 », « 絵 » et « 縁 » que j’aurais été incapable d’écrire par moi-même je pouvais écrire les autres sans regarder le modèle. Attention, je parle d’écrire, de me souvenir d’un vocabulaire conséquent rattaché à chaque caractère… 3 sur 55, ça va. L’ennui est que je dois toutefois réviser pour me remettre à utiliser ce vocabulaire. Je pense en 3 mois pouvoir avoir un niveau assez correct pour viser sans trop de prétention le 日本語能力試験2. Je lis bien mieux que je ne parle, mais en revanche je parle vite sans trop penser. Je me fais penser à nos étudiants qui reprennent, attaquent en niveau très faible mais grillent les étapes et se retrouvent vite à un niveau intermédiaire sans commettre pour autant de graves fautes : le cerveau se souvient bien de bases patiemment apprises. C’est mon cas en tout cas. Ma compréhension aussi s’est nettement amélioré, mais c’est justement pour cela que je révise mes kanjis à partir du début : j’ai oublié tout un pan de vocabulaire qui ne conserne pas la vie quotidienne…
J’aime Jun.
Le printemps s’est installé. Hier, en rentrant, il faisait doux malgré la pluie. Il avait fait beau toute la journée, juste un peu orageux. La semaine dernière a finalement été très belle et cette semaine s’annonce elle aussi toute printanière. Quel contraste avec l’an dernier et ces week-end de pluie (mes mercredis et jeudis). Les cerisiers perdent leurs dernières pétales, balayées par le vent et la pluie et son remplacées par le vert lumineux des feuilles qui poussent à toute allure. Ce matin, il fait un beau soleil sur Tôkyô.
J’adore mon nouveau téléphone.
Depuis un mois, un mois et demi, je suis la campagne électorale comme un drogué : Suppaiku, sans politique, ça n’éxiste pas ! Je suis tombé dedans avant même de naître, un jour de novembre 1954, quand mon père a du se sentir concerné par cette vague d’attentat qui conduirait son pays à l’indépendance. C’était un homme fier, mon père. De la race des hommes debout et ne plient pas, n’abdiquent pas leur principes. La plupart des riches sont des lâches. Mon père était un homme pauvre mais c’était un seigneur. Il n’a jamais cédé. C’est de lui que je tiens ça, ce lien à la politique, le fait de ne pas avoir cédé à la tentation de la carrière, à l’embompoint de l’attaché parlementaire. C’est à cela que je n’ai jamais apprécié ces jeunes types des clubs rocardiens à la Éric Besson, ces gars qui à 20/25 ans avaient déjà des idées raisonnables et n’avaient jamais ressenti l’histoire vibrante de la gauche, ses illusions et ses erreurs aussi, mais aussi sa profonde poêsie, l’amour du peuple en lutte pour sa liberté, du peuple seigneur. Ces types qui ont lu Tocqueville et n’en ont retenu que le « raisonnable » sans même apercevoir cet amour pour du peuple qui brise ses chaines et sa déception pour ce même peuple quand il abdique sa liberté pour protéger la propriété… Tocqueville… Ou bien Montesquieu. Je me rappelle d’un autre « rocardien », énarque, Sartre même qu’il s’appelle, notez bien son nom, il ira loin, qui ne comprenait pas pourquoi nous avions baptisé notre section Montesquieu car Montesquieu ce n’était que « la monarchie modérée ». Vous vous rendez compte, ces types seront peut-être ministre un jour et ils vous balaient le premier essais (1000 pages) de sociologie politique (1730 et quelque) en une phrase (une fiche) quand des Althuser et autres universitaires américains, souvent très à gauche, y passent leur vie. Je lui ai répondu que pour moi, Montesquieu avait été le premier à décrire les condition du communisme parfait, c’est à dire de la vraie démocratie (pas d’égalité politique réelle sans égalité sociale, pas de liberté possible dans une démocratie sans éducation égale ni armée citoyenne). Face à des gars comme ça, bien que j’ai rompu avec toute idéologie révolutionnaire, j’aime utiliser voir défendre le concept de communisme. Habituellement, je préfère parler de démocratie, c’est vrai, en pensant quand même à Montesquieu. Et j’aime leur dire aussi que je suis libéral car c’est leur autre mot tabou : ils ne connaissent que le libéralisme économique. Il en est qui m’ont dit qu’on ne peut pas dire ça, que « tu as raison mais en France ce n’est pas possible », dévoilant leur fond de culture de droite « honteuse ». Je leur rétorque que je suis un libéral, comme Montesquieu et que c’est pour cela que je suis marxiste (les yeux soudain s’hallucinent) : le libéralisme économique, ça ne marche pas et il détruit, à grands coup de monopoles et de concentration, comme dans la presse et les médias, toutes les libertés à commencer par la liberté d’expression. Là, ça les vane, en général, ils me laissent en plan, du style, ce mec il craint. C’est pour ça que tous, après avoir suivi Rocard pour son côté « moderne », l’ont tous lâché. Il craint, le vieux, avec ses Rosa Luxembourg par ci, ses Karl Liebnecht par là, ses Marx et Proudhon en veux-tu, son Mendès-France et son Bernstein. Quand il vous parle de Social-Démocratie, Rocard, ce n’est pas à Bayrou ou Delors, ni même à la Suède, qu’il pense. C’est au mouvement ouvrier depuis sa constitution, dans sa variante réformiste et dans les débats entretenus avec sa variante révolutionnaire. Rocard continue de parler des « erreurs théoriques des communistes et des révolutionnaires ». Il serait peut-être même le seul socialiste à pouvoir débattre de manière intelligente avec l’extrème-gauche sans rien céder à ses propres convictions (quand les autres, anti-communistes pourtant, cèderaient du terrain tant ils sont dans l’inculture du mouvement ouvrier). Rocard, comme Mitterrand, c’est Notre histoire. Une autre histoire que celle de Tonton, plus internationale, plus imprégnée d’Internationale Ouvrière et moins de République. Comment ces Besson et compagnie pouvaient comprendre et donc suivre, épauler, amplifier Rocard ? Mais bon, hein, la faute à qui… La Social-Démocratie, ce n’est pas une politique. Ce sont des objectifs et c’est une méthode.
Ségolène est clairement Social-Démocrate. Sa démocratie participative est une méthode intéressante : c’est une nouvelle étape dans le processus long d’approfondissement de la démocratie. Un social-démocrate aime les nouvelles étapes car elles annoncent d’autres nouvelles étapes si elles sont d’abord des étapes de redistribution du pouvoir. Reconnaitre l’économie de marché, ne pas appeler à renationaliser n’est pas renoncer. La Social-Démocratie est un mouvement qui tend à réaliser la Démocratie (comme décrite par Montesquieu) par la Démocratie, en partant du postulat énoncé par Marx (et qui rejoint Montesquieu) qu’il n’est pas de démocratie sans démocratie sociale. La Social-Démocratie, ce n’est pas l’assistance sociale : ça c’est Bayrou (je veux bien lui concéder cette qualité, il est généreux). C’est plus de pouvoir assuré démocratiquement. Dans les pays Scandinaves, les syndicats sont co-associés. A l’arrivée, les meilleurs salaires de l’Union Européenne, les meilleurs conditions de travail, les écarts de salaires homme-femme les plus resserrés. Ce n’est bien sûr pas le « grand soir » : nous n’y croyons pas! Mais un Social-Démocrate doit savoir qu’à l’origine de la Social-Démocratie, il y avait l’espoir d’un grand soir. C’est notre flamme partagée avec les révolutionnaires et c’est, malgré des désaccords plus que gigantesque, ce qui nous en rapproche quand même.
Ségolène agite le drapeau de l’Histoire. Maladroitement, certe. Elle n’a pas cette culture de l’Internationale Ouvrière : c’est Cohen Bendit, qui l’a, mais comme tous les tartampions de sa génération, il n’a aucune ambition. Il est, en quelque sorte, pire que Rocard et Mendès-France réunis. Alors il ne nous reste que la gauche « Républicaine », et dans ce rôle, Ségolène est merveilleuse.
Elle me ravit.
Même sa Marseillaise ou son drapeau, je peux les défendre : disponibles sur le site Désir d’Avenir (cliquez sur sa photo dans les liens), les vidéos des meeting. Rien à redire. Sa République, sa Nation, c’est où on veut aller ensembles. Pas d’où on vient. Sa République, sa Nation sont de gauche. Sa Marseillaise, c’est un chant international, c’est un chant de lutte. C’est un chant « que chantait Louise Michèle, les larmes dans les yeux… » : vous vous rendez compte, Ségolène parle de Louise Michèle devant des jeunes sevrés de Loft et de Star’Ac : comment ne pas aimer Ségolène et même parfois ne pas ressentir comme une sorte d’amour, d’admiration pour son courage à bousculer des lignes, à se réapproprier pour nous des symboles que la droite nous a volés ? Même son Contrat Nouvelle Chance, finalement, c’est pas si mal que ça (même si c’est pas trop mon truc). Mais si c’est utiliser autrement, de façon ciblée, de l’argent déjà utilisé et balancé par le fenêtre à des instituts de formation bidon, alors oui, pourquoi pas ? Tellement de gosses de 17, 18 ans qui ne sont pas diplômés, qui n’ont pas d’argent et se préparent à rentrer dans la culture de la glande, du shit et parfois même de la violence. Alors un premier travail dans une petite boîte, avec un tuteur « de plus de 50 ans, pourquoi pas un chômeur de longue durée rémunéré par l’état » (sic), un premier salaire « au smic » (sic), une évaluation de trois mois puis divers possibilités offertes : pourquoi pas ?
Drôle de campagne que cette campagne… Surtout pour moi, à une telle distance.
Je commence à utiliser mon téléphone fixe pour appeler mes amis, ma mère. Je vais essayer de le faire plus souvent, finalement.
Allez, je vous abandonne.
De Tôkyô,
transparent
Suppaiku