Preparatifs dans le bus. Decembre 2005, Paris.
Dans le métro, en route vers le travail, ou au retour à partir d’un certain moment dans ce post. Il fait aujourd’hui méga froid. Peut-être 10 ou 11 degrés. Je suis très content, je viens de re-rentrer en contact avec mon ancien manager à BNPP, Vincent. Un type drôle et à la foi sérieux, méga franc, sincère et sympa. Je peux écrire en toute tranquillité, je ne pense pas qu’il lise mon blog. J’ai gardé un très bon souvenir de l’époque où j’ai travaillé avec lui, à Louis-Le-Grand. Et je garde un excellent souvenir de sa soirée d’anniversaire en décembre 2005 : avec deux autres, ils avaient loué un bus RATP. Les invités devaient juste payer une participation, je ne me rappelle plus combien. C’était juste avant mon départ pour Tôkyô, ça cadrait bien. J’ai eu beaucoup de chance, avant de partir, il y a eu plein de fêtes partout ! Celle-là était très amusante. Je me souviens notamment l’arrêt à Louis-le Grand, justement, près de la place du Marché Saint-Honoré. C’est historiquement le siège de Paribas. C’est là qu’il y a les salles de marchés des crédits dérivés pour BFI, la Banque de Financement et d’Investissement, le truc qui a dégueulé il y a deux ans… Le bus à moitié vide jusque-là s’était rempli d’une bonne brassée de traders. Je m’étais dit à ce moment-là, « putain, si Freddie me voyait au milieu de tous ces jeunes friqués », et puis ça m’avait fait rire ! L’ambiance était très drôle, le beaujolais encore nouveau coulait à flot. En fait, les traders, la finance, c’est, dans la droite, un monde à part. Je n’y ai jamais rencontré ni de gros réac homophobe, ni de racistes. Voltaire avait parfaitement raison sur ce point. Les traders ne sont pas des gros bourgeois. Des gosses mal élevés blindés de thunes, plutôt. Je m’étais bien amusé en tout cas, et je me rappelle également le stop place de la Sorbonne. Trois thésard vanés à la vue de ce bus qui se vide 5 minutes, et puis la conversation pleine de respect des quelques traders venus discuter et partager du beauj’. Et puis aussi l’arrêt place de la concorde, la partie de foot… Puis la soirée dans une boîte vers Jules Joffrin… Bon, bref, je suis content d’être reconnecté à Vincent dans LinkedIn. Je ne mentirais pas non plus si je précise que c’est un mec très professionnel tout en étant très relaxe. Je l’ai déjà écrit, à BNPP, je n’ai rencontré que des managers corrects. En tout cas avec moi, je connais plusieurs personnes qui nuanceraient…
Autre ligne de métro, c’est maintenant parti pour 30 minutes. Aujourd’hui, j’ai mis une cravate. Je suis habillé comme si j’allais travailler dans une banque. Je suis le seul professeur de cette école à mettre une cravate, et au passage, récemment, c’est très fréquent. Qu’est-ce qui est cool, dans le jean, le tee-shirt et le gros pull ? Au Japon, j’en ai rencontré plein, de ces types de droite, de la catégorie qui donnerait envie à un des traders cité plus haut de passer exceptionnellement à gauche, des cons en jean cool. Qu’on me permette donc d’être une tante de gauche, portant cravate et pantalon « Prince-de-Galles ». Il fait froid, et j’en avais envie !
J’ai tchatté assez longuement avec Stéphane, dimanche soir. Et ça m’a fait très très plaisir. On a parlé de « tout le monde », et j’ai donc eu de ces nouvelles qui me manquent tant. Je tchatte très peu, amors qu’en France, mon téléphone pouvait sonner à tout moment. Je devrais autoriser Skype à s’ouvrir au démarrage de mon ordinateur. Il a aimé mes derniers posts et a qualifié celui sur Freddie de « profond ». Ça fait plaisir !
C’est amusant, en lui parlant, je me suis senti bien. Pas bien « oh je suis content de parler à Stéphane », non, bien. Juste bien, et je lui ai expliqué l’histoire de mon oncle en lui demandant ce qu’il pensait de cette histoire, et de signer enfin sous mon identité. Ça l’a fait rire, et moi, ça m’a fait sourire car comme très souvent chez moi, quand je demande à quelqu’un ce qu’il pense de quelque chose, un achat, une décision importante, l’affaire est déjà entendue. C’est peut-être pour cela que Stéphane ne m’a pas vraiment répondu, il connaît très bien. Par contre, en lui en parlant, à la façon dont je lui en parlais, j’ai repensé à Aragon, ce roman que je ne parviens pas à lire depuis 10 ans, et que je pense avoir recommencé 4 ou 5 fois. La mise à mort. Très amusant aussi, j’en ai parlé à un collègue il y a 15 jours, et voilà qu’il me revenait à l’esprit. Certains tiennent ce roman pour le plus grand roman d’Aragon. Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est qu’à chaque fois, il y a un souffle à l’intérieur qui m’a comme essoufflé, débordé. Étouffé. C’est un peu comme lire à voix haute « Il n’y a plus rien », ce texte magnifique et testimonial du Léo Ferré politique, et que ce texte ne s’arrêtait pas, et qu’à chaque fois au contraire, une nouvelle couche, un nouveau visage, venait s’y surajouté, avec son lot de non dit mais fortement pensé, juste parce que la vérité est inconcevable. « Êtes-vous un auteur réaliste ?». Dans les cent premières pages, les fantômes de la guerre d’Espagne, et l’ombre de Staline, et l’histoire qui balaie tout, jusqu’à ceux qui sont pris dedans. Et puis cette nappe « vichy », en 1936, c’est pire que la banquette glauque de La Nausée.
Je ne suis jamais parvenu à lire au delà de 100, 150 pages, comme si j’avais le pressentiment de quelque chose de terrible. J’ai le roman dans mon sac à dos, je pense que c’est le moment, parce que j’ai compris le miroir brot, et puis j’ai compris cet homme qui ne se voit plus dans les miroirs, et Fougère… Je vais faire l’effort encore une fois.
Le vernissage de l’exposition de Martin s’est très bien passé. J’y ai revu Junko, Noriko et puis Mari aussi, à qui je continue d’enseigner. Je n’étais pas spécialement pêchu, mais nous sommes restés une petite demi-heure. Beaucoup de Français au milieu des Japonais, des cartes de visite. Qui circulent. Je ne fais pas partie de ces groupes de gens qui « réussissent ». J’aime beaucoup le nouveau trait de Martin. Les contours sont désormais plus flou, il s’y dégage comme de la lumière, on pense à Tardi –même si c’est différent. Au paravant, le trait était plus « franco-blege », mâtiné de « manga ». Son trait est désormais plus personnel et se plie bien au portrait d’un quartier, comme nous y invite son exposition. C’est ce que j’ai tout de suite aimé chez Tardi et Adèle Blanc Sec. Le côté carte postale dans le fond, le souci du détail dans le décors, cette mise en contexte visuel. Martin a la trentaine encore très jeune, je ne doute pas qu’il ait trouvé là une piste de travail très prometteuse.
Je suis arrivé.
Madjid
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