Cela ne m’arrive jamais, mais je vais aujourd’hui le faire pour donner une coherence a ce blog et au recit lui-meme que j’y avais ecrit. Je vais regrouper les deux introductions de billets de blog, publies en novembre 2009: la raison en est que ces deux billets ouvraient un texte d’evocation, Talkin’ about my generation que vous pouvez lire a leur nouvel emplacement, comme un recit a part entiere et par consequent coupe de ce blog et des deux billets qui le chapeautaient.
Par honnetete avec le lecteur, je laisse ici cette note. Le billet que vous lirez ici etait donc a l’origine deux billets, publies en novembre 2009.
Tokyo, 21 octobre 2015.
Premier billet. 19 novembre 2009
Ligne Tôzai, vers 9 heures dix. Aujourd’hui, j’enfile 5 heures de cours sans pause réelle, juste le temps de dire ouf. Français, trois heures. Business anglais, deux heures plus une heure d’anglais classique. Business anglais… Je t’en donnerais, moi, du business anglais, la plupart ne maîtrisent pas le minimum… Le soir, tard, j’ai vaguement corrigé le texte que j’avais écrit hier après-midi, et ça m’a conduit jusque plus tard que je ne le pensais car j’ai aussi rajouté des photos à mon premier album sur Facebook, puis enfin créé l’album pour ce blog (sur le côté, si si, en une si puissante mémoire…). 94 photos, dont environ 90 que je n’avais jamais montrées ni réellement vu moi-même. Je dois encore en avoir quelques-unes qui traînent, des où on ne verra pas grand chose car il faisait nuit noire.
Je pensais m’atteler à l’écriture de la suite, mais j’ai envie de décanter un peu. Je vous ai livré hier une première partie assez cohérente, reste à trouver comment j’organise le récit de la grève lui-même, comment j’aborde les questions du PS et de ma section (Alain Bauer, alors vice président de Paris I et derrière l’UNEF-ID, mais aussi figure montante de la rocardie technocrate de droite avec Manuel Valls ; Malek Boutih, Fode Silla et tout le sous-sous courant mitterrandiste de la Gauche Socialiste SOS Racisme ; les ex-PCI de Convergences Socialistes… et les autres, complètement largués par ces grandes manœuvres qui toutes se concentraient sur cette section, la seule à Paris, « à prendre » au moment où le courant majoritaire éclatait de toute part et s’acheminait vers le désastre d’un congrès de Rennes qui avait déjà commencé dans « la section du 10e »comme l’appelaient les socialistes des autres sections) ainsi que ma vie à l’époque. Si vous regardez mes photos, vous verrez Solenne, la jeune autiste dont je m’occupais à cette époque quelques heures par jour, rue d’Assas. Ou bien Denis, que je retrouvais et que je devais certainement saouler avec ces histoires… Et puis c’est la dernière tentative que j’ai faite à la fac. J’ai compris que ça ne servait à rien. Je n’ai repris que 7 ans plus tard, pour de bon cette fois, et il y a eu encore une grève, et Spont’Ex, et j’ai réussi mes examens quand même, ce qui m’a permis de rentrer, enfin, dans le saint des saints pour moi, le fils de travailleur immigré Algérien, la Sorbonne. C’est l’année où Khaled Kelkal a été tué par la police, et où un journaliste Allemand a publié une interview qu’il avait par hasard faite avec lui. Kelkal y disait qu’il était le seul arabe dans sa classe, au lycée. Je n’y avais jamais pensé. J’avais toujours pensé que j’étais le seul gay, en tout cas outé, et cela m’avait conduit à éluder l’autre différence. Ça m’avait fait pleurer, chez ma psy, cette interview, car soudain je découvrais qu’au fond de moi, je le savais, et j’en souffrais. Délégué de classe, je les avais vu partir, les Mohammed A., Achour F., Farida…Écrémés. Moi, j’avais survécu dans ce champ de course, mais à 18 ans, je souffrais d’un manque de courage, de volonté, et de lacunes culturelles monumentales. Je dois beaucoup à Simone de Beauvoir dont la lecture a donné du sens à beaucoup de choses dans ma vie, a affermi ma volonté, a suggéré bien des lecture et m’a encouragé aussi à ne pas avoir peur de ce que je pense car c’est mon rapport au monde, le mien seul.
Ce qui compte, c’est vouloir. Et à 20 ans, je ne voulais pas. Je voulais juste rester un gamin, je voulais que tout se plie à ma volonté, que tout m’obéisse. Je ne construisais pas, j’ébauchais, parfois de splendides ébauches, et puis je lâchais. Et je passais à autre chose, parce que construire demande une persévérance dont j’étais absolument incapable.
Je vais donc laisser décanter jusque lundi, et vous laisser digérer le fonctionnement interne de ce parti déjà condamné. Moi, je n’y ai pas survécu longtemps…
Deuxieme billet. 20 novembre 2009
Le métro, comme toujours. A côté de moi, une pouffe qui se maquille. C’est incroyable le nombre de pouffes au Japon. Celle-là prend bien ses aises, elle a décrété les grands travaux. Mascara, fond de teint, tout y passe. Il n’est pas rare d’en croiser qui vont jusqu’au fer à boucler, tant qu’on y est… Bonne à marier, le statut de la jeune fille est donc tout à sa frivolité. En attendant de se caser… Un gâchis humain.
Tout à l’heure, je serais à l’école, à écouter des histoires bien souvent sans intérêt. Au milieu, des trucs qui font réfléchir. Comme hier, une étudiante qui m’a parlé de HKB 48, un girls band concept. On prend 48 filles et on les habille, les fait chanter. Leur recrutement est public. Elle chantent tous les jours dans une salle dédiée. Le producteur veut exporter le concept, ayant confondu le succès du girls band lors du Japan Convention à Paris pour un succès planétaire assuré. Il n’a pas compris que des adolescentes prébubères, ce n’est pas le style occidental… L’idée est que chaque pays créera un groupe de 48 chanteuses en suivant le cahier des charges défini au Japon. J’attends de voir quel pays va acheter le concept, le format. Privé du gossip qui fait le succès des Stars Academy et autre Survivor, ainsi que l’esprit mauvais des confessions et des éliminations, c’est extrêmement limité. Juste un crochet arrivant à sélectionner 48 très jeunes filles qui chanteront tous les jours… ça coûtera bien cher, pour un truc qui n’aura pas de public… Comme je le disais à l’étudiante, plutôt que vendre un truc aussi promis à l’échec que ça, pourquoi fermer l’Apple Store aux téléchargements hors Japon ? Elle a été surprise d’apprendre qu’il était impossible d’acheter de la pop japonaise hors Japon… ou alors, au prix Import.
Il y a pourtant des artistes intéressants, ou tout simplement « vendables », comme Hirai Ken, par exemple… Je ne suis pas fan, mais il est beau gosse et il fait du « kisvend ».
Les Japonais ont une représentation du monde complètement erronée. Ils ne conçoivent pas que ce qui est japonais peut plaire tel quel. Il faut que ce soit « adapté ». Exporter un concept, pour ce producteur, c’est une bonne idée car les chanteuses seront originaires de chaque pays et chanteront dans leur langue. Alors qu’en fait, c’est exactement le contraire. Le concept est mauvais parce que l’émission de TV et le show quotidien, le ballet de 48 « pucelles », ça ne correspond pas du tout à l’Europe. En revanche, si le Japon décidait de lancer certains artistes hors de ses forteresses, ça marcherait, comme Pizzicato Five a marché, comme Cornélius a marché, comme Ken Ishii a marché. Le Japon ignore ses artistes.