C’est enfant que j’ai découvert le Japon, un peu par hasard, un jeudi après-midi alors que j’allais retrouver mes amis pour jouer, on habitait encore à Épinay-sur-Seine, au pays de l’infâme Bruno Le Roux. Une giboulée de printemps et voilà que je me suis retrouvé à regarder un interlude, kimono, cérémonie du thé, maison en bois, et une musique, une musique… J’avais cinq ans.
Quand j’ai eu une dizaine d’année, on a commencé à voir la publicité pour un nouveau gel douche, un nouveau savon et un nouveau lait pour le corps. Là mannequin était très « 1976 », je veux dire par là, souvenir d’enfance, que cette année un nouveau style a commencé à émerger, on le voyait parfois en couverture de Elle, de Cosmopolitain, ces journaux de mode que je feuilletais quand maman allait acheter son Mode de Paris.
Alors que tout était baba cool, même dans les magazines, il arrivait qu’on voit ces mannequins en jupes droites fendues, ourlet au dessous du genoux, bas couture, talons aiguilles, et cheveux au vent avec un maquillage très différent des sourcils hyper-épilés avec tartine sur les paupières qu’on voyait généralement. Maman disait que c’était « rétro », on ne savait pas encore que ce style inaugurait les années 80… J’adorais ce style, si différent du style dominant fait de jupes godets et de pattes d’éléphant, de grosses chaussures et de cheveux décolorés roux…
Ce nouveau produit s’appelait Obao. La mannequin sortait toujours de la douche ou du bain en ouvrant des paravents transparents, et chaque fois revenait une musique, cette musique… Sur le petit piano jouet que ma mère avait ramené de je ne sais où, je reproduisais la mélodie, et quand j’ai commencé à jouer de la flûte, je la jouais souvent comme ça, pour la jouer. J’étais bien incapable de mettre un nom sur cette mélodie, je n’ai appris que plus tard qu’il s’agissait de Sakura Sakura, une très ancienne mélodie de l’époque Edo, il y a plus de deux cent ans, remise au goût du jour il y a une centaine d’année. Sakura, le cerisier, synonyme ici de printemps…
Je ne suis pas venu au Japon par hasard, ce pays m’accompagne depuis l’enfance, et cette publicité, somme toute très banale, a croisé ma route en entretenant la flamme, et plus que la jeune femme, plus que le produit, c’est, comme toujours, la musique qui a accroché mon esprit. Aujourd’hui encore, j’adore écouter de la musique pour Kôto et shamisen, s’y cache un pays disparu dont je guette les traces là où règnent les mousses, les pins tout tordus, les vieilles pierres et les maisons de bois, en marchant dans « la vieille capitale », le pays de Kawabata…
Sakura… Sakura…
De Tôkyô,
Madjid
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