Le dernier jour de l’hiver…

Ici, tout est noir, ce qui est inhabituel. Les temple original date du 17e siecle…

C’est aujourd’hui. Net, clair précis. À moins que le temps, dans un caprice dont il est familier au Japon, ne change encore d’avis et nous replonge encore une fois dans cet hiver dont nous ne parvenons pas à nous défaire. C’est qu’il collant, le salopard, cette année… Ce matin, on devait être à peine au-dessus de 5°C, et dans la nuit, on a du frôler le 0 ! Mais cette fois, ça a l’air d’être la bonne ! À partir de demain, le soleil va refaire son apparition, pour au moins quelques jours, avec des températures plus douces, au-dessus de 12°C… On n’en peut plus de cette grisaille. Un conseil : si vous venez au Japon en hiver, évitez mars, et privilégiez janvier. Ça se dérègle vraiment à partir de février.
Cette année, toutefois, on n’a vraiment pas à se plaindre, il a fait beau quasiment sans discontinuer de décembre à février, et les températures ont très souvent été incroyablement douces. Ma note d’électricité a été moins chère de 3.000 yens en janvier, et de 1.000 yens en février. La prochaine sera certainement identique, voire un peu plus chère, mais dans l’ensemble il fait beaucoup plus doux cette année. On n’a même pas encore eu de tempête. Avec Jun, nous avons eu l’occasion de beaucoup marché le long de nos dimanches. Kamakura, Kôtô-ku, Kôenji, Kochijôji, Shinjuku Gyôen… Je crois que c’est pour cela que je suis impatient de revoir le ciel bleu et les premières fleurs de février. J’ai beaucoup vu les arbres dénudés et tristes de l’hiver, et ces feuilles au vert passé presque jaune, usées, des arbres aux feuilles persistantes. Je veux revoir le vert pimpant du printemps. L’hiver me dégoûte presque, comme le simple fait d’y penser m’avait dégoûté l’an dernier, au début de septembre. Ça ira mieux l’an prochain, c’est juste celui-ci qui a été un peu dur à passer. Mon premier hiver sans être au chômage depuis trois ans…

Le dernier jour de l’hiver…

Le tigre japonais ressemble, sur les amulettes, generalement a un gros chat tigre…

Par la fenêtre du métro, enfin, du train car nous venons désormais de quitter Tôkyô, je vois la pluie qui dégouline, et puis dehors cette grisaille et cette visibilité brouillée, l’horizon blanchi. Partout, les herbes reverdissent. La pluie, ici, c’est l’été qui revient…
Je vous parlais de l’économie du Japon dans deux billets récents. Ce que je vais rajouter ne change rien au fait que la question de la dette est désormais insolvable, mais sur le front économique, la reprise est désormais visible. Depuis quelques semaines, la publicité fait son retour dans les wagons de la ligne Tôzai. Et puis là, c’est très net, à la télévision, sur Asahi, la publicité se diversifie comme je ne l’avais pas vu depuis au moins deux/trois ans. De nouveaux, les appareil-photos Lumix avec l’incontournable Ayumi, première star japonaise à apparaître avec les épaules carrées revenues à la mode depuis l’an dernier dans le reste du monde. Et puis les voitures, et puis l’électroménager, et puis les plats tout prêts… Ça peut pour vous sembler très banal, mais sachez que la tranche du matin, pendant au moins un an et demi, ça a été du télé-achat (le lot de 9 valises souples pour ranger le linge à la fin de la saison, les ceintures chauffantes pour les genoux avec renfort élastique pour faciliter la montée des escaliers…) pour les plus de 50 ans, des perruques pour les mêmes (Renaissance, Prima-Donna), des implants capillaires (Rêve 21), transformant la tranche horaire en une succursale de salon du troisième âge, une sorte de programme minimum publicitaire. Depuis hier matin, c’est nettement plus dynamique, et ça m’a vraiment surpris. Un peu comme si je redécouvrais le journal du matin. Si on peut appeler ça un journal, mais bon…Il est vrai que les exportations ont bondi de 46% en décembre sur un an, ce qui est la meilleure performance depuis une quarantaine d’années. Quand je vous dis que la crise est terminée (je suis de formation plus marxiste que néo-libérale ou keynésienne, et pour moi, des profits en hausse, c’est une économie qui se porte ; et pour les gauchistes ronchons qui voient des chômeurs partout, je leur rappelle que le but du capitalisme n’est pas le plein emploi, mais simplement la maximalisation du profit et, que de ce côté-là, on est plutôt en plein boom économique). En espérant que le retour de l’activité économique rendra plus facile l’ajustement économique et le rééchelonnement de la dette.

Le dernier jour de l’hiver…

On peut maintenant en croiser plus de deux par jour, comme a Paris. Seuls. Sans RMI…

Dehors, c’est désormais une tempête de neige. Je vous l’ai dit, que l’hiver ne voulait pas nous lâcher. Il s’accroche.
Le nouveau gouvernement travaille bien, réforme beaucoup. Il a fixé un cap extrêmement ambitieux de réduction des émissions des gaz à effet de serre, je crois –25% en 2020 par rapport à 1990. Certains ont critiqué, dans le monde, que ce soit encore insuffisant, mais quand on sait que les précédents gouvernements n’ont rien fait, je trouve que c’est quand même pas mal, sans compté que quand on va vraiment commencer à réduire les émissions, on continuera de façon presque automatique. Pareil pour l’énergie solaire, le marché décolle ici, grâce aux incitations fiscales visiblement très importantes, renouvelées je crois pendant les 10 années qui suivent l’achat.
Hélas, cet important travail législatif qui n’en est qu’à son début est pollué par les « affaires », essentiellement celles ayant éclaboussé le chef du Parti Démocrate, Ichirô Ozawa. Des histoires d’argent, de sociétés fictives destinées à financer ses activités politiques : la presse ne le lâche pas, mais le vieux ne veux pas lâcher. Le Premier ministre a lui aussi eu son « scandale », mais vite oubliée face à l’énormité du scandale Ozawa. Hatoyama appartient à une famille très riche, et d’ailleurs son grand-père a lui-même été Premier ministre. Sa mère lui a régulièrement versé de très fortes sommes d’argent qu’il n’a pas déclarées aux impôts. Ce n’est pas vraiment un scandale et cette affaire seule n’aurait pas suffi à ternir l’image du Parti Démocrate, mais avec le scandale actuel, ça tire la majorité vers le bas. D’autant qu’une promesse de campagne, demander aux USA de déménager leur base d’Okinawa, s’avère beaucoup plus difficile à réaliser que prévu. Or, le Parti Social Démocrate du Japon (membre de l’Internationale Socialiste), qui siège au gouvernement, est bien décidé à ne pas céder sur ce point, alors que d’autres mettraient bien cette revendication aux oubliettes. Les spéculations vont bon train sur l’explosion de la majorité après les élections sénatoriales de l’été. La vie politique japonaise reste pour moi un mystère tant elle repose sur des hommes et non des idées…D’ailleurs, c’est ainsi que l’histoire est enseignée, et la télévision privilégie la vie des puissants dans l’histoire et ignore superbement la vie du peuple. Quand aux feuilletons « contemporains », désormais tirés de mangas à succès, ils ignorent le chômage -je veux dire, la réalité du chômage-, la pauvreté –je veux dire la vraie pauvreté, pas la pauvreté qui 頑張る-, les filles mères, les avortements, le SIDA, les étrangers –réduits à une sorte de décors pour mariage réussi, intermède amusant s’il parle japonais / le héros ne sait pas parler anglais, ou signe de distinction (chef de restaurant, photographe…). Ces feuilletons ne parlent pas de la vraie vie et je suis souvent frappé de constater que certains animés sont bien plus réalistes. Ça me fait penser au kabuki et au jôryuri : les marionnettes sont souvent bien plus « naturelles » que les acteurs de kabuki qui ont dès le 18e calqué leur jeu sur celui des marionnettes…
Incroyable, cette neige qui tient.
De Tôkyô,
Madjid

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