Cet opera de Jean Joseph Cassanea de Mondonville ecrit en 1753 est le negatif en perfection du Phaeton de Lulli ecrit en 1684.
Quand Lulli definit la forme parfaite de la tragedie lyrique, Mondonville la libere grace au genie de Rameau qui, dans les annees 1720, a theorise les regles de l’harmonie ainsi que leur utilisation, esquissant comme le remarqua Debussy 150 ans plus tard, les premieres regles d’utilisation de la dissonance.
Titon est un opera de guerre, destine a appuyer la superiorite de l’opera francais face a une inattendue vogue du Bouffa italien, defendu pour son naturel par la seconde generation des lumieres. Son ecriture fut supervisee par la marquise de Pompadour, defenseuse en tete du camps du roi (musique francaise)
Son ouverture a la francaise est suivie d’un premier air chante dont on peut lire en filigramme une critique a peine voilee de l’oisivete de l’aristocratie. L’opera ouvre ainsi avec Promethee qui donne le feu aux humains pour les liberer des dieux…
Titon fut critique par les philosophes, le camps italien (protege par la reine qui voyait la un bon moyen de tacler « maman putain » qui en echange autorisa la parution du tome deux de l’encyclopedie, qu’elle faisait bloqer depuis 6 mois…). Cette querelle, dite querelle des bouffons, intervient alors que le roi a renvoye les parlements qui, pour la premiere fois, refusent la demande d’obtemperance royale. La crise durera deux ans et est motivee par un refus de sacrement d’un bourgeois de Paris janseniste. Cette crise politique inaugure les crises et blocages des annees 1760 a 1780. L’opera fait ainsi diversion a une crise majeure des institutions qui minent les equilibres constitutionnels.
En 1753, en reponse a cet opera, Rousseau ecrit un opera bouffe de style francais, le Devin du village, histoire de servante et de berger. Il assiste a la representation devant le roi, sans perruque et pas rase, « propre » (Les confessions). Il publie ensuite sa lettre sur la musique francaise qui signe l’arret de mort de la musique francaise, son ephigie est brulee devant l’opera.
Titon est le dernier vrai opera de style francais. Jusqu’a Debussy et son Pelleas et Melisandre, la France adaptera les styles italiens puis allemands, qui privilegient la musique sur le texte. Debussy, decouvrant Rameau a la fin du 19eme siecle, rendra au texte sa preeminence et en profitera pour utiliser ces dissonances qui donnent a la musique un caractere sombre que le 19eme siecle avait gomme au profit d’une idee « naturelle » de la beaute.
Titon conjugue le corsetage de l’ancien regime et des audaces harmoniques propres au 20eme siecle mais qu’affectionnaient le baroque pour emouvoir et toucher.
C’est un de mes operas preferes, si ce n’est mon prefere. Avec Phaeton, il est un sommet, il est perfection.
Jean-Joseph Cassanea de Mondonville, TITON et L’AURORE, 1753
J