Tôkyô. Ou plutôt Azamino, ville de Yokohama, département de Kanagawa, à côté de Tôkyô. En fond, une ambulance passe. Depuis quelques jours, c’est comme un ballet d’ambulances. Hier, on n’a reporté « que » 66 nouveaux cas pour Tôkyô. On en attendait plus, les médias ont soufflé et on a pu oublier qu’il y a une semaine ce n’était « que » 10 ou quinze personnes chaque jour. Il n’y a que 100 lits disponibles en réanimation, le bateau coule mais c’est business as usual. Une sorte de guerre sourde entre la gouverneur de Tôkyô Mme Koike et le premier sinistre Abe. Elle veut le confinement, lui, il veut les jeux olympiques.
Chaque jour, de cette guerre on voit la stratégie de Mme Koike à l’oeuvre, elle parle de confinement probable, il la contredit en disant que ce n’est pas le moment. Elle a sorti une nouvelle arme: Tokyo a publié le nombre de cas par arrondissement. Pour certains, la menace s’est faite plus proche, presqu’intime.
Une étudiante que j’apprécie beaucoup m’a contacté, elle m’a parlé des contaminations en hausse, son ton était inquiet. C’est triste, mais c’est bien, une prise de conscience a lieu, peut être plus particulièrement chez les femmes, ces grandes perdantes de la vie sociale japonaise, mais en réalité celles à qui incombent la dure tache de prévoir les coups durs pendant que leur bonhomme s’esquinte la vie au travail. Ce sont elles qui stockent, paie, économisent, cuisinent. La (vraie) femme au foyer japonaise a un instinct aiguisé. Elle sait, elle le renifle, elle le sent, le danger. Je dis la vraie, je ne parle pas de la fainéante qui se fait entretenir, qui ne veut pas d’enfants et ne fout rien de la journée à part du yoga, des cours de tchèque, des voyages et des restaurants. Non, je parle de celle qui prend cette assignation au sérieux, comme un vrai travail, avec des responsabilités. Comme ma mère, quoi.
Moi, j’ai aidé à la création d’une pétition pour demander le confinement. J’ai écrit le texte français, un ami l’a traduite en anglais et une japonaise en japonais. Ce n’est pas moi qui ait eu l’idée, mais c’est une bonne idée.
Pour le reste, ben comme je l’ai dit, ça va bien, j’ai passé le cap de la peur, de l’effroi, je ne m’intéresse plus que de façon très éloignée à l’épidémie et je suis plongé dans l’actualité financière. Parce qu’après, ce ne sera pas ce « retour de l’état » qui fait rêver la gauche, oh que non. Moi, je suis prêt. J’ai mon plan. Ma vie? Qu’est-ce que c’est ma vie. Peut-être je vais mourir, peut-être je vais me retrouver à la rue, qu’importe. Je suis un roseau, je plie, et on verra bien.
J’ai pas peur… J’ai pas peur… I’m not scared, I’d go anywhere…