Le métro, vers 13 heures cinquante. Un jeudi comme un autre, commencé ce matin vers 9 heures en sortant du lit, enchaîné sur une leçon particulière dans le quartier de Kyobashi, avec Hiromi, et puis là le métro jusqu’à l’école, où je vais travailler de 15 heures trente à 21 heures trente, pour rentrer à la maison vers 22 heures quarante-cinq. Je préfèrerais me lever plus tôt pour rentrer plus tôt…
Hier soir, j’ai travaillé jusque… ce matin. Le groupe Facebook. Nous allons rivaliser avec le buzz du moment, Haiti. Il y a de quoi, j’ai vu des images, et ce n’est vraiment pas beau, c’est terrible. Dans un pays pauvre, corrompu, à l’histoire violente mais fière, après des pluies qui ont délavé les sols, ce séisme a causé des ravages énormes, à ce que j’ai vu. Magnitude 7,3, plus d’une minute, c’est violent, à 10 kilomètres de profondeur, c’est très violent.Aux dégâts que j’ai pu voir, c’était au moins un shindô 6+…Les images m’ont fait penser qu’ici aussi, un de ces jours…
J’ai quand même travaillé jusque très tard pour le groupe FB, car malgré tout, c’est une cause urgente, importante : la loi est désormais devant le Parlement et sa discussion est prévue pour la semaine prochaine. J’ai donc créé les instruments nécessaires à la suite, bien persuadé qu’une fenêtre de tir médiatique est ouverte la semaine prochaine. C’est terrible, penser ainsi, pour l’ancien militant que je suis, mais le net est un espace différent, avec une très grande volatilité. Les élections de 2007 ont vu fleurir des blog de partout. Je pense qu’en écumant le net, on peut trouver de ces cadavres modernes, se survivant dans le néant du web, traces ultimes d’une élection marquée par l’émergence d’un « débat de fond » dans la sphère 2.0 si chère à Monsieur Loïc Le Meur, vite retombé après que le verdict des urnes a tranché. Militer sur le net, c’est donc être forcé de faire ce que les militants politiques auraient toujours dû faire (et que j’ai expérimenté avec Spont’Ex et la Section Montesquieu) : prendre les gens comme ils sont, et non comme on voudrait qu’ils soient. C’est être démocrate, et non républicain. C’est composer, et non imposer. Les lecteurs de mon blog savent à quel point je rechigne à me considérer républicain. Mais démocrate, oui, et résolument. Démocrate Socialiste, comme on disait en… 1848. J’ai toujours pensé que pour pouvoir susciter de chacun ses qualités, il faut respecter les choix de chacun. Militer sur le web, je vois ça comme ça. Le principal est la contamination du réseau par une information, une idée, voir des idées, des options, des choix. C’est recomposer une communauté à partir d’un ensemble d’individus. Je me souviens, à Montesquieu, les discussions sur ce sujet, avec Céline, Aurélie, Nicolas et Éric. Je me souviens notre premier tract, qui traduisait déjà cette option « démocrate », un détournement de publicité des années 50. « Comment transformer votre vie en moins de 24 heures ». Nous sommes à l’époque où chacun aspire à être quelqu’un, et c’est ce avec quoi nous devons composer si nous voulons « mobiliser ». Ce n’est ni bien, ni mal : je laisse ce débat aux philosophes, sociologues, ethnologues, linguistes. Moi, je veux que des gens fassent quelque chose pour qu’une loi aux accents génocidaires ne passent pas en Ouganda. Pour cela, je dois faire avec des individus.
Ça demande en fait autant de temps que le militantisme traditionnel de mon côté. Il faut en fait tout préparer pour offrir une palette de possibilités d’actions et des espaces de visibilité. J’avoue, c’est un continent entier que j’explore, où je pose mes balises au gré des difficultés et des problèmes soulevés. Je crois que ça me plaît autant que la mobilisation elle-même car cela resservira.
Parmi les dernières informations surprenantes, Pat Robertson, le télé-pasteur, qui a évoqué une punition divine au sujet d’Haiti, car les Haitiens auraient pactisé avec Satan il y a deux cents ans. Je lie les deux sujets car je pense qu’ils sont liés : dans les deux cas, il s’agit de populations fragilisées, à Haiti avec le tremblement de terre, et en Afrique noire avec le VIH. Et dans les deux cas, une ingérence de groupes fondamentalistes protestants américains, dans un cas prêchant la repentance pour un peuple de « pêcheurs » (et dont la seule culpabilité, suggérée implicitement, est de s’être libéré par la force de l’esclavage il y a… 200 ans ; et dans l’autre l’abstinence et la stricte obéissance à la loi divine, la dénonciation d’un complot international homosexuel. Oui, c’est lié, et c’est avec regret que je constate que ça vient des USA. Je plains les « liberals » qui, tels Joe Bageant (lien sur ce blog), constate que malgré le rêve de réconciliation Obamien, la radicalisation religieuse se poursuit, s’exprime, est organisée bien mieux qu’elle n’y paraît. C’est dingue, ce que révèle la loi Ougandaise, et c’est fou, cette confirmation par l’absurde des déclarations de Pat Robertson.
Je suis dans le métro, c’est le retour. Je vais poster mes billets d’hier et d’avant-hier, malgré leur aspect déprimé. C’est pas de ma faute, je déprime, quand je suis en phase créatrice. Et ce groupe pose des équations que je connais, mais dans une situation que j’ignorais jusque là. Je suis à Tôkyô. Je me retrouve associé dans cette aventure avec quelqu’un qui vit en France, en rase campagne. J’utilise un outil informatique qui est ouvert au monde entier, sur une question de politique africaine dans laquelle les USA jouent leur rôle. C’est dingue…S’y ajoute l’outil qui permet ce miracle d’ubiquité, le net. J’en éprouve une certaine fatigue.
J’ai travaillé assez peu, mais avec une large amplitude horaire,je suis fatigué. Ce soir, je ne vais pas causer plus : j’ai envie de raconter des trucs sur le Japon, mais la fatigue sera la plus forte, alors je vais vous faire des albums photos, et je vais essayer d’en faire plein.
De Tôkyô,
Madjid
Laisser un commentaire