Ecrire et raconter

Deux posts dans la meme journee, cela faisait bien longtemps.
Je suis tombe il y a quelques jours sur un blog, ou plutot un fait divers, ou peut-etre encore sur une connaissance, et puis encore une autre connaissance, un meurtre et, en fond lointain, tres lointain, quelques echos a ma jeunesse, desormais bien lointaine. Le blog, c’est un blog de Libe, La France de Toutembas. Le fait divers, c’est un lynchage en bonne et due forme dans la France profonde. La connaissance, c’est l’auteur de ce blog, que j’ai forcemment croise ici ou la, car bien que non squatteur, j’ai frequente beaucoup de squatts entre 1981 et 1985/86, entre PaliKao, Corvisard et autre Gaite, Pyrennees ou Ricquet… Nous y courions au concerts et, parmi mes amis de cette epoque, il y avait quelques authentiques squatteurs, keupons et anarchistes. Il faut avoir connu cette epoque pour comprendre ce qui nous liait, nous, dans le milieu du rock parisien. Une incroyable energie qui faisait suite a la premiere vague de la fin des annees 70, celle du punk que l’on voit dans le film de Picouli La Brune et moi. Nous, nous etions de la generation d’apres. Nous, nos professeurs avaient ete 68tards, autant die, a nos yeux, des ringards. Le punk avait definitivement bouscule les reperes visuels et nous nous regalions a continuer a jouer avec tout et n’importe quoi, image, musique, attitudes. Je me souviens d’un garcon que j’avais rencontre, un amant de deux jours, qui vivait dans un squatt vers Gaite. Tout ce quartier a depuis disparu. Il vivait sous les combles d’une grande maison. J’avais 16 ans, et vous ne pouvez imaginer comme on est stupide, a cet age la, et donc fort impressionnable. Je me souviens de la chanson Bedsitter de Softsell sur son vieil electrophone, la pochette avec casserolles et passoires, Mark Almond en petit pull noir a col roule, si je ne me trompe pas… mais surtout le format vynil 25cm… Ah, les 25cm des annees 80! Nous nous croisions souvent par la suite, et ce garcon resumait tres bien notre etat d’esprit : squatter a Paris apres avoir squatte a Berlin, il n’en portait pas mois de splendides costumes annees 50, des smokings et des manteaux avec martingale. La premiere moitie des annees 80, c’etait ce mariage des paradoxes d’apparence, c’etait etre un rocker sectaire qui continait ses soirees dans les partys africaines ou bresiliennes. C’etait gerber a n’en plus pouvoir les babas cools 68tards, mais aussi etre la, un soir d’automne 1983 a Balard, quand Le Pen et le FN firent leur premier grand meeting, et etre pret a leur rentrer dedans. Meme en costume 60’s ou en talons aiguilles… avant d’aller a un concert. Je crois que le militant socialiste que je suis devenu par la suite ne s’est jamais fait rentrer dedans pas des anarchistes parce que j’en connaissais certains de cette epoque. Sana meme parfois ne s’etre parle. Bref, l’auteur remonte a cette epoque.
L’autre connaissance, c’est la victime. La, oui, j’ai vaguement connu. Normal, je me suis retrouve a tenter de desintoxiquer Snuff… Lui, vous ne pouvez pas connaitre… et si vous connaissez, vous savez parfaitement que ca ne servait a rien de vouloir le desintoxiquer. Snuff, un des garcons les plus gentils qui ait pu exister. Une gentille creme du proletariat entraine dans la vague punk et O combien bourgeoise de 1977. Il avait traine avec tout le monde, Les Toys (Elie Medeiros, Jacno), Metal Urbain avec qui il avait traine et compose Creve salope (!), et puis il y avait eu la drogue et l’alcool, et l’echouage de squatts en squatts, la clochardisation. Mais meme clochard, il m’epatait quand je le voyais faire la bise a Pacadis. Un type bien, Pacadis, pour oser causer avec cette ombre devenu clochard. Bref, la victime de ce fait divers, je lui ai cause plusieurs fois a cette epoque. Souvenir d’un garcon gentil bien parti pour prendre la releve de snuf. C’etait pas « ma bande », mais il y avait plusieurs personnes que j’aimais bien. C’est comme ca que j’ai connu Marsu, plus sage et finalement super timide, a mon avis. Ah, la la, cette soiree, ce week-end en 84 dans les combles d’une ecole primaire… Je vous raconterai un jour. 200 personnes au moins, et tout le monde. Les keupons et les psychos, les derniers specimens « scouilles », les Endimanches… Krad etait il la? Il s’est fait lyncher par deux types dans une ville du cul de la France, cet ete. Ils l’ont torture. Ils n’avaient rien d’autre a faire…
Je vous conseille de lire ce qu’a ecrit Thierry Pelletier sur ce fait divers : il ecrit vraiment tres bien.
Ca m’a remue. Comme je vous l’ai dit, ce n’etait pas ma bande. Je n’etait pas squatteur, j’etais rockeur tendance scouille, j’aimais le rock pour que ca bouge mais aussi pour que ca change. Mes copains ont ete hallucines quand au sortir de l’hivers 83/84, je me suis mis a laisser pousser les cheveux et que je me suis mis a ecouter Les Doors… avant de devenir fan inconditionnel de musique psychedelique. Moi qui auparavant n’ecoutait que de l’industriel. Pour moi, le message du punk, c’est bouge, change, deguise-toi, t’encroute pas, depasse, bref, deteste le punk, adore les babas cools et devient hippy, et quand tu t’es bien installe dans ton truc de bab, passe a autre chose, coupe tes cheveux, ecoute des valses, puis passe au musette, mets-toi a la salsa, jette tous tes disques de salsa, passe au be-bop, mets les sapes qui vont avec. Mais change pas tes tripes, bats-toi contre le fascisme, soutiens les immigres, rage contre l’exploitation de l’homme par l’homme.
Si j’ai quitte le Parti Socialiste, c’est parce que je me suis souvent senti entoure de gens qui ne comprenaient pas ma revolte. Pas une revolte revoltee. Non, un truc profond, qui remue en dedans, qui me fait aimer Ferre ou Barbara, une poesie, une conscience profonde de la souffrance qu’est la vie, toute vie, et la revolte que c’est indigne de l’humain d’accepter qu’on puisse en rajouter du fait de l’organisation sociale, ou pire, du « realisme ».
La societe est a notre image. Cette conviction ne changera jamais chez moi. Et je crois que la marque de ma generation, j’ose en tout cas l’esperer, c’est cette marque la, cette sincerite la. Je n’ai en fait jamais ete revolutionnaire. Parce que l’histoire ne me donne aucun exemple de revolution ou l’on n’ait pas fini par perdre plus que ce que l’on finissait par gagner. Je suis un social-democrate planetaire. Mais si justement je suis social-democrate, c’est parce qu’il y a ce quelque chose en moi.
Regardez les aujourd’hui, ces specialistes de la social-democratie en temps de campagne elctorale, les voila qui pensent que rebaptiser le PS en « parti de la gauche », ca ferait mieux. Meme la Social-Democratie ne leur convient pas. C’est normal, il n’ont ni histoire, ni profondeur. Le destin a venir de ces etre desincarnes sans histoire ni profondeur qui passent et repassent a la television, parce que leur neant laisse la place aux marques, aux modes du marketing et aux suffisances de la classe moyenne blanche heterosexuelle bien pensante des pays developpes a la Manuel Valls avec sa tete de beau gosse a la Chirac, leur destin, je m’en tape. On m’a rapporte qu’un type anonyme, un pauvre type comme Sartre en a raconte, comme vous, comme moi, un type au destin anonyme que le hazard m’a fait croiser, s’est fait lyncher, torturer, assassiner dans l’anonymat du flot mediatique, preuve eventuelle du « probleme de l’insecurite » qui plait tant au sus-dit Manuel Valls.
Mais qu’a t’il vecu, ce Manuel Valls, hormis de congres de l’unef-id, les couloirs du Ps avec Rocard, puis Jospin, puis Hollande, maintenant Royal et demain pour lui meme ? Que serait-il sans son eternel complice Alain Bauer, charge du Conseil de la Securite Interieur mis en place par Sarkosy ? C’est ca, le vecu d’un homme de gauche ?
Avant, quand on partageait quelque chose avec d’autres, des epreuves, des moments difficiles, autrefois, on disait camarade. C’etait avant que notre epoque ne le gomme de la « lettre de Guy Mocquet »
J’ai appris qu’un camarade est mort. Il se faisait appeler Krad. Il s’appelait Philippe.


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