J’avais écrit ce message le 10 mai, et puis je ne l’avais pas posté.
Je le poste aujourd’hui car il me semble rester d’actualité. Il y a juste que je ne pensais pas que le mirage DSK s’évanouirait aussi vite et de façon si troublante dans un scandale glauque dont on ne sait exactement que penser, mais qui a fait ressurgir d’autres affaires extrêmement choquantes, comme l’agression sexuelle d’une jeune écrivain, Tristane Banon, en 2002.
Depuis trois jours, d’autres femmes parlent et la personnalité de DSK se révèle au grand jour.
Je ne l’ai jamais aimé comme candidat, et j’aurais préféré une confrontation idéologique à l’étalage de ses 2 testicules et du truc qui pend entre les deux, mais après tout, c’est lui qui a choisi sa vie. En revanche, son entourage, en veillant à ne pas ébruiter, en blaguant peut être même de ses « prouesses », ne l’a pas aidé. Et que cette fois-ci, il soit victime de la vindicte populaire et d’une fausse accusation ou non n’y changera rien. L’interview de Tristane Banon, agressée par lui il y a 10 ans en fait en soi un personnage impropre à l’exercice de la fonction présidentielle. Le viol est un crime. Et il n’y a pas de viol soft.
C’est donc le moment le plus glauque de cette campagne, mais nous pouvons toutefois être heureux qu’il intervienne maintenant, car il est certain que Nicolas Sarkosy se serait servi du témoignage de Tristane Banon dans l’émission de Thierry Ardisson en 2006 pour dégommer le candidat de la gauche. Cela n’arrivera pas.
Retour sur mon texte du 10 mai… Avant l’affaire. Je ne m’étais pas trompé : DSK était le candidat idéal pour Nicolas Sarkosy. De ce côté là, quel bonheur, l’affaire est sortie trop tôt.
Mardi 10 mai, c’était l’Anniversaire.
Ce trentième anniversaire du 10 mai 1981 agit pour moi comme une sorte de remise du compteur politique à zéro : on peut enfin parler de Francois Mitterrand, le tabou est tombé.
Les énergies montantes sont, pour le moment, au moins médiatiquement à défaut de l’être vraiment, du côté du Front National. La gauche est encore prisonnière du mirage DSK, cet ersatz de Rocard sans la culture ni le parcours, le cynisme en plus. La droite est, elle, bien décidée à tout faire pour ne pas être éliminée par le FN, c’est à dire qu’elle a définitivement décidé d’en être prisonnière puisque cette fois elle ne pourra pas échapper à négocier un désistement.
30 ans après le 10 mai 1981, Nicolas Sarkosy apparait comme un Giscard d’Estaing usé et impopulaire, mais avec le profil opportuniste chiraquien, et Marine Le Pen comme Jacques Chirac face à Giscard d’Estaing, bien décidée à gagner dans cette confrontation l’hégémonie sur le reste de la droite. La stratégie droitière du camp Sarkosy a quand à elle explosé la droite dont un « centre » se dégage, lui même de droite mais pas lepénisée.
Le PS est, de son côté le grand absent de ce qui apparait pour le moment comme un ersatz de 1981. Car en fait, et c’est une vraie chance, il n’y a pas de Mitterrand, cette fois-ci. Bref, de véritables surprises sont possibles et surtout, pour la première fois depuis longtemps, les marges de manoeuvre dans la société civiles vont exister. Les associations vont pouvoir questionner, interroger. La primaire socialiste pourra donc être le pire, mais également le meilleur, tout dépendra de beaucoup de facteurs.
Il faut bien avoir à l’esprit que les marges de manoeuvre à l’international, les marges de manoeuvre financières, seront très limitées, il ne faudra pas attendre beaucoup de ce gouvernement : il faudra savoir quelles sont les priorités et le juger sur ces priorités…
La société française est cassée, pulvérisée, divisée comme jamais depuis longtemps. C’est une sorte de guerre civile interne sans espoir. Et pourtant, mon affection profonde pour la France me conduit à espérer que du fond de son peuple rejaillira le courage nécessaire à sa réinvention.
Discussion sur Facebook au sujet de la primaire socialiste. Mon ami Alain suggère qu’en fait, ce ne sera pas DSK, mais Hollande. (je rappelle que ce long billet a été écrit avant…)
(avec corrections et compléments par rapport à Facebook).
« … Voila qui s’annonce croustillant. Assez d’accord avec Alain, Francois Hollande face à DSK a plus de chances qu’on ne le croit. Il ne faut pas oublier que ce dernier n’est pas aimé, car tout le monde le juge « à droite ». D’ailleurs, peut-être l’opinion se rendra compte que si l’Elysée dit tout haut tout fort depuis 4 ans qu’il en a peur, c’est peut-être parce qu’ils n’en ont pas peur du tout…
Restent Francois Hollande et Ségolène Royal. Le choix de l’appareil est évident, et Hollande a donc toutes ses chances. Personnellement, je ne le déteste pas : il est cultivé, fin, a quelques idées sur des sujets importants. Mais je hais ce qu’il représente, c’est à dire l’appareil socialiste. Maintenant, contrairement à une idée reçue, lors des primaires, le moment le plus intéressant sera le débat Hollande-Royal, car ce sont tous les deux d’anciens « trans-courants » (une contribution du congres de Toulouse en 1985), tous les deux animés par le constat de Francois Mitterrand et Jacques Attali à l’époque, à savoir accepter la société comme elle est si on veut la changer, mais également l’obligation de changer en profondeur les choses qui peuvent l’être. Pour Ségolène Royal, très tôt, ce fut l’écologie et la démocratie participative. Pour François Hollande, la réforme fiscale et le droit des immigrés. L’idéal serait que DSK y aille, qu’il fasse un score moyen aux primaires, et que soit Hollande soit Royal se désiste pour l’autre, car alors on aurait un des meilleurs programmes du PS depuis 81, car il y a complémentarité.
Maintenant, il reste l’autre camp. Le pari de Marine Le Pen n’est pas de devenir présidente, en tout cas pas tout de suite si tel est son ambition, c’est de rentrer dans un gouvernement conservateur. Cela suppose une réunification des deux droites. Claude Guéant s’occupe de radicaliser les électeurs de Nicolas Sarkosy, Marine de modérer son image, bref, c’est en cours. Je pense que Sarkosy sera, au final, devant elle (ce pourquoi je pense qu’il a des chances de gagner, car elle se désistera pour lui en exigeant des concessions importantes. L’élection éventuelle d’un socialiste entrainerait, à priori (car finalement, il ne faut plus penser que ce sera automatique, et ainsi une victoire de Nicolas Sarkosy n’entrainerait pas non plus, de facto, une victoire conservatrice puisque désormais cette élection suit automatiquement la précédente), une victoire socialiste à l’assemblée. Toutefois, s’il y a réellement (cela reste à démontrer) une dynamique FN et un échec UMP à la présidentielle, les élections pourraient traduire une inversion du rapport de forces au sein des droites au profit du FN. Ce sera un test du report des voix dans ce nouveau contexte. L’inconnue est le poids qui restera pour les « centristes », c’est a dire la droite non FNisée.
L’opposition, dans ce contexte, sera, au moins pendant deux ans, à l’avantage de la droite dure, exactement comme aux USA en ce moment. La droite gagnera les élections régionales, car le mode de scrutin donne 50% des sièges au premier en tête. Il faudra donc s’attendre a ce qu’un gouvernement socialiste se retrouve exactement comme celui de François Mitterrand en 83-85. Car de son côté, ce gouvernement aura hérité de finances pourries, d’une dette qui aura explosé, d’un chômage réel à 20%, et d’une instabilité à la hausse de toutes les matières premières et denrées alimentaires du fait de leur financiarisation. La croissance sera le seul élément qui, éventuellement, sera a peu près correct, car on est et on restera en plein boom économique et en pleine croissance des échanges commerciaux (je persiste à penser que le problème de l’Europe est un déclin, et non une crise, car il y a 3 milliards d’individus sur terre qui vivent dans des espaces où la croissance est supérieure à 6%, record historique, et que l’Allemagne caracole en Europe à plus de 3%). Il faudra donc que l’équipe en place aie le courage de proposer des choix extrêmement tranchés, sur l’Europe, la réforme fiscale, les étrangers, la reconversion du nucléaire et l’engagement dans un cycle fort de reconversion écologique. Des choix qui contrasteront avec ceux de la droite radicalisée. François Hollande a peut être ce profil, mais le parti le tirera vers la droite, car ils voudront tous être réélus, et plus la défaite se profilera, plus ils tireront. Exactement comme les démocrates aux USA qui ont planté toutes les reformes. Le gouvernement aura toutefois pour lui une durée de trois ans que Barack Obama n’a pas eu (s’il entendait vraiment amorcer des réformes)
Voila pourquoi je suis très pessimistes sur cette élection. L’image du PS est extrêmement mauvaise à gauche chez ceux qui ne votent pas pour lui (Verts, exPCF, Jean-Luc Mélanchon, NPA, ce qui fait tout de même plus de 20%), et contraste avec le PS de 1981, ce qui permit de gagner du temps, et permit même de perdre avec tout de même 32% en 1986, ce qui reste le 3e meilleurs score historique du PS.
Un élément clef si François Hollande ou Ségolène Royal gagne : il faudra changer immédiatement le mode de scrutin législatif pour revenir au mode de scrutin proportionnel départemental avec répartition des restes à la plus forte moyenne adopté en 1985 et appliqué en 86. La droite acceptera (pour se concilier le FN). La gauche pourra saluer le caractère visionnaire de Mitterrand en 1985 et la démagogie de la droite qui avait critiqué. Par ailleurs, en supprimant les désistements, il pourra permettre à la droite, le jour où elle voudra prendre ses distances avec le FN, de s’en autonomiser. La gauche, elle, se donnera des marges de manoeuvre pour isoler, au centre bien sûr, mais aussi dans « l’autre gauche », si nécessaire, l’espace nécessaire pour rester au pouvoir en 2017 sur un programme d’alliance, c’est à dire, renouvelé. Une défaite de la droite en 2017 signera la fin du FN et de l’UMP, leur éclatement en deux formations politiques distinctes.
Bref, 2012 est une équation extrêmement difficile. Et je tape sur cette difficulté car je lis trop de commentaires sur une victoire automatique…
François Hollande, je ne suis pas contre. Mais alors, et désolé de les rabibocher, avec Ségolène Royal ! »
Fin du commentaire sur Facebook.
Voilà. Depuis, il y a eu la Porsche, jolie campagne de dénigrement mais signalait un point faible.
Et puis donc cette triste histoire qui, glauque, avérée ou non, marque la fin du cycle amorcé en 1995 avec l’accession de Lionel Jospin à la candidature, DSK étant son héritier, son Fabius, l’homme de l’ombre de la campagne de 2002 et qui se rêvait premier ministre, et hélas un bien piètre soutien quand il ne fut pas le savonneur de planche de la campagne de 2007, homme imbu de son statut d’homme qui ne put jamais vraiment pardonner à Ségolène Royal de l’avoir aplati lors des primaires de 2006 à moins de 20% du haut de ses 60% et qui fut ainsi promu par Nicolas Sarkosy sitôt la campagne passé, sorte d’Éric Besson de l’ombre. Un homme dont les fidèles n’eurent que mépris pour les adhérents à 20 euros de 2006, considérés comme de faux adhérents et des usurpateurs. Peut être une trace de machisme de la part de cette homme qui, de Pierre Bérégovoy au FMI fit sa carrière comme la fit Gordon Brown, dans l’ombre, et à la différence de Gordon Brown, sans se battre mais en attendant que le pouvoir lui tombe tout cru dans la bouche, sûr que ses réseaux lui apporteraient le pouvoir tant désiré.
Cette histoire va nous priver d’explications politiques, il va nous falloir repartir à zéro. Et c’est tout à fait ce dont nous avions besoin pour être combatifs et « changer d’époque ».
Il ne faut pas que l’affaire nous prive du droit de parler de politique, et encore moins du droit d’attaquer DSK : je veux avoir le droit de « balayer DSK » politiquement, parce que même s’il finissait en prison, ce que je ne lui souhaite pas mais bien conscient que s’il est coupable il devra passer par là, un certain nombre de ses idées resteraient en circulation, et comme l’expliquait un très bon article dans le Huffington Post hier, ce sont ces idées qui ont guidé la dérégulation financière, privatisé et installé une gauche nouveaux riches. Je rajouterais une gauche qui n’aime le peuple qu’au moment des élections, quand elle exerce son chantage sur lui en la menaçant de maux encore bien pires si la droite venait à passer, pour faire ensuite une politique aussi arrogante que celle de la droite. Quand en France le deficit budgetaire est de 150 milliards d’euros, qui se souvient des « baisses d’impots » a hauteur de 50 milliards par Chirac et 50 milliards par Jospin ? Une gauche qui n’a de gauche que le fait qu’elle en occupe l’espace politique, et dont le bilan se traduit, depuis 10 ans, partout en Europe, par cette poussée irréversible des droites extrêmes et populistes, nationalistes, et d’une domination quasi-exclusive du pouvoir politique par des partis conservateurs, le tout dans des politiques de régression sociale inimaginables il y a encore moins de dix ans.
Bref, non, cette gauche là, je n’en veux pas, car elle n’est que la salle d’attente de régressions sociales et politiques fortes qui lui succéderont. Je ne marche plus. Et je pense qu’une candidature de DSK se serait soldée à l’arrivée par une défaite en rase campagne, comme en 2002, car plus personne en France ne la veux, cette gauche là.
Je ne veux plus voter par dépit, je veux voter pour des orientation claires, éventuellement modestes mais qui marquent des ruptures, des fractures, de l’expérimentation et des audaces, pour que même si la droite reprend le pouvoir après, elle ne puisse pas tout faire ni tout se permettre comme c’est désormais le cas partout en Europe. L’augmentation des frais universitaires en Grande Bretagne entreprise par le gouvernement conservateur de coalition n’a été rendue possible que parce que Tony Blair avait dors et déjà autonomisé les université et augmenté les frais par plus de 10. Je ne veux plus, nous ne voulons plus de cette gauche là. Et c’est pour cela que l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn me prive, nous prive des vrais débats, sur les vrais enjeux. Et ce sont des débats qu’il nous faudra avoir quand même. Voulons nous oui ou non garantir le droit à la retraite à 60 ans. Lui, était contre. Sommes nous prêts à proposer de faciliter la reprise d’entreprises en difficulté par leurs travailleurs eux-même, avec l’aide des régions et de l’état dans le cadre, par exemple, de coopératives. Cela n’a jamais été dans ses priorités dans les nombreux interview accordées à la presse économique que j’ai l’habitude de lire. Entend-on mettre la réforme de la fiscalité au coeur du projet économique en n’hésitant pas à augmenter les impôts et les seuils d’imposition tout en préservant l’ISF. Lui a toujours été évasif à ce sujet. Je sais bien entendu faire la distinction entre un responsable politique et les personnes qui sont derrières lui. Il y a « derrière » DSK des gens qui ont souvent montré des idées fortes. Mais sa personnalité s’apparente plus à celle de Gordon Brown. Il aime être aimé. Voilà sa seule ligne de force. C’est faible et, politiquement, désastreux. Sa disqualification, maintenant assurée puisqu’indépendamment de l’affaire qui lui vaut la une des journaux sortent d’autres affaires dont celle désastreuse et avérée de Tristane Banon (en attendant le résultat de l’enquête aux USA) et qui va aboutir au dépôt d’une plainte dans la semaine, va permettre au Parti Socialiste de peut être reformuler son insipide projet en quelque chose de plus varié, et mêlant la richesse de ses personnalités.
On y reviendra. Et je me permettrai de mêler DSK au débat, quoi qu’il lui arrive, et en espérant, et pour la jeune femme violée, et pour lui, et pour ses proches, et pour notre pays, que toute cette histoire repose sur des malentendus que l’enquête permettra s’éclairer. Le viol est un crime. Je respecte la plaignante. La justice est importante : je ne condamne donc pas encore DSK et accorde le bénéfice du doute et, qui sait, d’une machination.
Je mêlerai DSK car il est, en France, le représentant de cette tendance qui, sous couvert de modération politique, est responsable de la défaite globale de la social-démocratie et du socialisme en Europe, des dérégulations des 15 dernières années, des manipulations statistiques qui font croire aux gens qu’il y a 9% de chômeurs quand il y en a plus du double. Et qui surtout, en abandonnant des pans entiers de la sociétés aux ravages de l’économie de marché, livre désormais l’avenir de l’Europe aux droites extrêmes. Une gauche dont l’agenda privé de toute ambition de transformation sociale, est indirectement responsable de l’islamophobie, des régressions syndicales et de l’absence total de tout projet politique alternatif.
L’affaire DSK ne doit pas occulter le débat. Pendant ce temps, le chômage, la précarité continuent. 20 a 30000 étrangers malades sont menaces d’expulsion vers leur pays d’origine, certains sont malades du SIDA. 34% de Français ne vont plus chez le docteur. De plus en plus de personnes âgées ne mangent plus qu’un repas par jour et ne se chauffent pas. Dans les classes moyennes, au sentiment de payer plein pot pour les baisses d’impôt des riches et pour la solidarité, s’ajoutent le sentiment de déclassement devant le chômages de leurs enfants et l’appauvrissement de leur propre retraite si ce n’est l’appauvrissement de leurs propres enfants. Qui sait qu’un malade Alzheimer peut couter plus de 1000 euros par mois à ses proches et que depuis 15 ans la reforme de la dépendance est toujours reportée ?
Pour les primaires, c’est à Ségolène Royal que va ma préférence. On y reviendra.
De Tokyo,
Madjid
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