Ah, la méthode globale, cette horreur, les enfants ne savent plus lire, ils ne savent plus écrire (et on a presque envie de rajouter à ces phrases si pessimistes, on n’est plus chez nous, on est envahis, tout fout le camps, il n’y a plus de valeurs, etc)…
Les idéologies réactionnaires ne sont pas seulement réservées au discours politique. Pour tout dire, l’expression politique d’une idéologie est toujours l’aboutissement de son long cheminement dans la société, car elle n’est audible que si les esprits sont mûrs pour l’écouter.
Le pessimisme anti-démocratique incarné par la tarte à la crème républicaine s’est immiscé depuis 40 ans dans les petites choses du quotidien avant d’envahir l’espace public insinuant en filigrane que c’était mieux avant, que tout fout le camps, qu’on n’est plus vraiment chez nous ma bonne dame, qu’on est dirigés par des naïfs au service d’un complot ourdi par (remplir par qui vous voulez) et que notre modèle que le monde entier nous envie est menacé. Je pense n’avoir oublié personne, de Michel Onfray à Éric Zemmour en passant par Alain Finkelkraut, Caroline Fourest, Renaud Camus et Alain Soral, tous si différents mais ayant en commun une peur viscérale de la démocratie face à des dangers aux contours plus ou moins flous mais allant tous, remarquons-le, dans la même direction. Peut-être devrais-je ajouter Boualem Sensal et Michel Houellebecq.
Nos idéologues pessimistes et réactionnaires ont cela en commun qu’ils voudraient tous plus ou moins corseter la société, la guider.
Alors que le monde autours de nous s’enrichit chaque jours de penseurs qui découvrent et inventent, nous avons en France des penseurs médiatiques qui quelque soient leurs options politiques officielles, professent tous un même pessimisme viscéral purement franco-français ainsi qu’une même volonté de voir les gens penser correctement, c’est à dire selon leur propre vision du monde. Ils s’entendent tous à défendre « la république », et, pour se faire, lui sacrifient allègrement ce qui fonde une démocratie.
Or la démocratie, c’est un optimisme, une confiance en la société, en l’être humain, en sa capacité de jugement, de discernement. Et s’il y a bien une vertu qui manque à ces parangons du pessimisme et des dangers qui guettent, c’est bien l’optimisme et la confiance en la société.
Alors, me direz vous, que viennent faire dans cette histoire nos deux personnages des éditions Fernand Nathan, Daniel et Valérie…
La place qu’a tenue l’école dans la genèse de l’hégémonie idéologique réactionnaire est centrale. C’est par là qu’ils ont commencé, sans même que nous nous en apercevions tant leurs discours relevaient d’une sorte de bon sens admis après une période « d’excès » expérimentaux…
Quand on est confiant dans l’humain, on place cette confiance en l’enfant, on y confie l’espoirs qu’il connaîtra mieux, qu’il s’exprimera mieux pour devenir véritablement maître de son destin, c’est à dire, être à même de choisir et d’assumer ses choix. Ses choix individuels comme les choix collectifs. Et la façon de prendre en charge l’enfant est fondamentale.
L’offensive réactionnaire a donc commencé avec l’école, au coeur des années 80. Vous avez certainement entendu parler du débat autours de la méthode globale. Ah, la méthode globale, cette horreur, les enfants ne savent plus lire, ils ne savent plus écrire (et on a presque envie de rajouter à ces phrases si pessimistes, on n’est plus chez nous, on est envahis, tout fout le camps, il n’y a plus de valeurs, etc), un refrain qu’adore et que nous sert et ressert jusqu’à la moelle dans l’os Alain Finkelkraut sur les ondes de France-Culture dans son émission Réplique, vous savez, celle qui s’ouvre sur une musique de Bach dans une interprétation proche de la résolution d’une équation mathématique complexe, je veux dire, desséchée…
Il faut avoir à l’esprit que les mouvements socialistes, communistes, progressistes et démocratiques ont très tôt réfléchi à la formation du citoyen, à la place de l’éducation, et ce depuis au moins Jean-Jacques Rousseau et l’Émile -au passage une des cibles principales du livre auquel Alain Finkelkraut doit sa célébrité, La défaite de la pensée.
Au vingtième siècle, Célestin Fresnay demeure la référence de toute une génération d’enseignants et de pédagogues qui ont tenté de rompre avec une éducation qui serait synonyme de dressage car cette génération avait pris conscience des méfaits d’un tel dressage et de son corollaire, l’obéissance… Il faut avoir en mémoire que cette « école républicaine » dont on nous rabat les oreilles, c’était avant tout les coups de règles, le bonnet d’âne et l’humiliation comme arme, une incroyable violence exercée sur les enfants (Les 400 coups) et que ceux-ci reproduisaient entre eux (La guerre des boutons).
Quand à la « promotion sociale » tant vantée, elle n’était pas tant due à ces méthodes barbares qu’à une économie en plein développement et à ses nombreuses opportunités ainsi qu’à l’abondance de ressources venues des colonies, le pétrole notamment. Mais voilà, nous avons eu des penseurs pour nous suggérer un avant où tout était mieux, et les français de nos jours pensent que le rôle de l’école est d’apprendre à lire, écrire, compter. Vous, savez, Les choristes. Nos gouvernements, pour parfaire et compléter cet abêtissement en forme de domptage, rajoutent qu’elle sert également à apprendre un métier et acquérir une formation, suscitant un assentiment général.
Mais alors, la démocratie, l’émancipation, l’autonomie, l’initiative, l’intelligence, la pensée, elles sont où?
Or, justement, au vingtième siècle, le courant progressiste a regardé l’école d’une toute autre façon, en commençant par regarder les enfants, et donc en définissant l’école comme une communauté où chacun aurait un rôle à jouer, exactement comme dans la cité. Dans cette communauté, l’enfant ne serait plus réduit à une sorte de page blanche un peu brouillonne que le professeur (le « maitre »…) serait chargé de remplir et de policer. Il serait un acteur de son propre enseignement, et l’enseignant serait donc l’animateur d’activités diverses amenant l’enfant à accroitre ses connaissances et ses savoir-faire.
La place de la musique, du dessin, du sport mais également des activités d’éveil sont progressivement devenues plus importantes dans les écoles, pour se rapprocher du modèle pédagogique de l’école en tant que communauté. Ceux qui comme moi ont environ 50 ans ont bénéficié à plein de cette école « ouverte », ou pour le moins, tentant de devenir un espace ouvert.
Le bénéfice d’une telle école est que l’enfant s’y reconnaissait, et qu’il y acquérait ce qui ferait de lui un citoyen.
La critique réactionnaire s’est imposée en fabriquant un vocabulaire négatif. « Pédagogisme », « école baba cool », « laxisme », la rendant responsable des violences dans les grands ensembles et de l’échec scolaire, dus à « une perte de la notion d’autorité ». Cette critique s’est instillée sans même que nous le remarquions, et beaucoup, même moi durant un temps, avons plus ou moins intégré des parts plus ou moins importantes de ce message. Car l’argument massue de la critique réactionnaire, promue par d’anciens soixant’huitards, est que l’école ouverte était un produit des « excès » de 68.
Et il faut avouer que 68 a longtemps été une sorte de frontière entre un avant et un après, nos ainés nous le présentaient comme cela, et il a fallu la longue traversée des années 90 et des années 2000 pour que ma génération s’en débarrasse pour n’en faire qu’une date parmi d’autres, et comprendre ainsi que loin d’être un point de départ, 68 avait été le résultats de luttes et de combats antérieurs.
Daniel et Valérie est aujourd’hui regardé comme un modèle de livre du bon temps d’avant, quand il y avait une vraie école avec un vrai maître. On a oublié la méthode Boscher peut-être à cause des mauvais souvenirs qu’elle a laissés, on encense Daniel et Valérie qui a fait son come-back dans les librairies en tant que « Méthode traditionnelle de lecture ».
Je cite la méthode Boscher intentionnellement, car si vous connaissez les deux méthodes, que vous vous intéressez à l’enseignement de la lecture, vous aurez immédiatement compris quel va être mon propos, et je vous vois même sourire derrière votre ordinateur, vous aurez compris que je suis un méchant, que je suis un vilain, et que je vais utiliser nos deux petits campagnards aux souliers crottés pour rendre Alain Finkelkraut à la tartufferie où nous aurions dû le laisser.
Pour enseigner la lecture et l’écriture, il n’y a pas trente six solutions. Pour schématiser, il y a deux façons. La méthode syllabique où on mémorise des lettres et des combinaisons de lettres, « si simple et si claire », et la méthode globale, celle qui a « fait des ravages », où l’enfant associe un sens à travers des images et des situations, et leur traduction écrite. C’est celle utilisée par l’église, on l’appelait autrefois « méthode naturelle ».
La méthode Boscher est un prototype de méthode syllabique. Sous les dessins de petits garçons et de petites filles blonds dans une campagne idyllique et colorée, à l’aide de diagrammes et de flèches, l’enfant va apprendre que B+A=BA, que B+I=BI etc Aucun doute, vos grands-parents, vos arrières grands parents ont appris comme ça. Avec un tel livre, l’enfant est une feuille blanche un peu brouillonne, et le « maitre », trônant sur les monts sacrés du savoir, va dispenser à l’enfants les secrets de la lecture et de l’écriture, pourvu que l’enfant reste sagement assis sur sa chaise, obéissant et silencieux, exécutant tout ce qu’on lui dira de faire. Le rêve Finkelkrautien réalisé.
Moi, quand je regarde ça, j’ai presqu’envie de vomir tellement c’est brutal. Normal, comme des millions d’enfants de ma génération, j’ai appris à lire avec Daniel et Valérie.
Car Daniel et Valérie, contrairement à tout ce qu’on raconte dans les forums et dans les sites de nostalgiques réactionnaires pessimistes, c’était une méthode globale. Pour être exact, une « méthode mixte à départ global » comme le souligne la préface des anciennes éditions (une mention qui bien entendu a disparu des éditions les plus récentes, le terme de méthode globale étant désormais absolument banni)…
Alors, comment ça marchait, Daniel et Valérie, car ça marchait, quand on lit les blogs et commentaires de tous les nostalgiques de la méthode vantant son caractère « traditionnel », à l’antithèse des vilaines méthodes globales dont ils ignorent qu’elle en est une des plus célèbres?
Eh bien ça marchait bien car c’était, justement, une méthode à départ global. Tout simplement, et qu’elle reposait non pas sur l’idée qu’un enfant est une feuille blanche brouillonne qu’un maître devrait remplir et policer, mais sur celle qu’un enfant a une existence propre faite de ses relations au monde, à sa famille, à son environnement, et qu’il possède d’ores et déjà tous les outils nécessaires pour apprendre à lire et écrire. Bref, qu’il est un membre à part entière de la cité dont il ne reste plus qu’à mobiliser les connaissances à travers des activités au rang desquelles la discussion et le débat, mais aussi le dessin, et qu’elles occuperont une place centrale.
Ma salle de classe était une salle de classe de banlieue pourrie, à Épinay-sur-Seine. Aux murs, il y avait toutes les lettres de l’Alphabet, joliment dessinées, mais aussi des dessins sous lesquels étaient écrites des choses. Au tableau, il y avait un grand poster, c’était le poster pour Daniel et Valérie, la leçon en cour d’apprentissage.
La première leçon représentait la cour d’une ferme, deux enfants, une petite fille et un petit garçon jouaient à la balle avec un chien blanc et noir. Dans l’étable, il y avait un cheval. Notre première leçon fut, je m’en souviens bien car c’était passionnant, une longue discussion. Il nous fallut décrire le poster, bavarder, parfois nous n’étions pas d’accord, l’institutrice ne parlait pas trop, elle nous donnait la parole les uns après les autres, nous lui posions des questions. Je ne sais pas combien de temps il nous fallut pour aboutir à un consensus. Ce consensus, c’était que la petite fille, dont la maîtresse nous apprit qu’elle s’appelait Valérie, jouait avec le petit garçon, qui s’appelait Daniel. Bien sûr, il y avait eu beaucoup d’autres choses mais visiblement l’institutrice avait une idée derrière la tête! Elle finit par écrire deux phrases au tableau résumant notre longue discussion.
C’était une révélation. Chacun d’entre nous pouvait répéter ces deux phrases en les regardant. Mais beaucoup mieux, elle nous distribua des petites cartes, les mots étaient séparés, et il ne fut pas très difficile de retrouver les mots pour reconstituer les phrases. Mieux, on pouvait même en écrire des nouvelles.
Valérie joue
Daniel joue
Joue, Daniel
Joue, Valérie
Bien sûr, les adeptes du dressage argumentent en disant qu’il s’agit de répéter comme un perroquet. Ils ne sont jamais contents.
Nous, nous avions passé du temps à discuter, à nous écouter les uns les autres, à regarder un dessin, à faire des suppositions, à exprimer un désaccord, à poser des questions, à reconnaître deux phrases, à les reconstituer et à envisager des compositions différentes. Il faut avouer qu’il s’agit d’un ensemble de compétences qui peuvent servir jusqu’à l’université et même dans une vie d’adulte… Non?
Il ne nous restait plus, objet d’une leçon suivante, qu’à reproduire ces phrases après les avoir lues et relues à la maison. Là, c’était beaucoup plus complexe, et c’est là que l’on entre dans le côté « mixte ». Mixte veut dire que la méthode va mettre en avant une lettre en particulier, abordée en tant que modèle à reproduire dans des mots. Bref, il fallait recopier la lettre, à la plume, avec le buvard, puis écrire des mots, sans pencher, et conformément au modèle donné par l’institutrice. C’est le côté ancien de cette méthode. Mais là encore, ce côté un peu strict et un peu rigide était pondéré par l’importance accordée aux dessins, car comme les devoirs étaient faits en classe et rendus corrigés après chaque récréation, à la maison nous devions illustrer nos cahier. L’institutrice avait pour cela des tampons de fleurs, des têtes de Daniel, de Valérie, de Bobi le chien, de la maison, etc
Il m’a fallu environ deux mois pour lire couramment, et j’étais capable de recopier n’importe quoi, je savais ce qu’était une phrase de façon intuitive. Pour moi, les mots n’avaient aucun sens coupés de la phrase.
On récapitule. Daniel et Valérie, c’était donc des livres illustrés, de grands posters à accrocher tableau et à commenter pour amorcer une leçon, des tampons avec des dessins à colorier, des cartes avec des mots pour faire des phrases, un cahier d’écriture, un cahier de lecture, un cahier de brouillon pour s’entraîner, une salle de classe avec beaucoup de dessins aux murs destinés à reconnaître des sons dans les mots (une fleur, dans fleur, il y a « eu », etc). Bref, Daniel et Valérie, ça coûtait cher, car la méthode consistait en un livre différent par trimestre, le troisième trimestre se passant avec « Je lis avec Daniel et Valérie », un pur livre de lecture. Tout était gratuit, cahiers compris. Nous étions encore dans l’élan de l’après guerre, à l’orée des années 70, le rôle de l’état était de ne pas lésiner sur les moyens.
Ce que les nostalgiques de l’avant c’était mieux ne disent pas, c’est que dans les années 70, sous la présidence de Valéry Giscard d’Esteing, les fournitures scolaires sont passées à la charge des communes. Et que très rapidement les communes ont commencé à faire des économies. À partir des années 80, les enseignants ont eu recours aux polycopiés, aux stencils. Les livres comme Daniel et Valérie ont disparu.
Accuser la méthode globale est donc un peu fort de café quand en réalité les enfants et les enseignants ont été les victimes de politiques d’économies budgétaires concernant l’année la plus importante et la plus déterminante pour un enfant, son cours préparatoire.
Par ailleurs, au même moment, la crise économique s’est installée et d’un pays comprenant moins de 150.000 chômeurs, on est passé à un millions, puis deux millions. On en est à 5,7 millions si on utilise les mêmes méthodes de calcul. La désindustrialisation s’est accélérée, et il serait puéril de considérer que cela n’a eu aucune incidence sur le comportement des enfants, surtout quand cette désindustrialisation a touché des quartiers entiers composés d’une population ouvrière.
Enfin, la seconde moitié des années 70 a vu l’arrivée d’une importante population immigrée au titre du regroupement familial, que ces familles ont souvent été mises ensembles et qu’aucune politique d’accompagnement n’a été initiée pour palier d’éventuels lacunes en matière d’acquisition du français. Au contraire, les familles n’ont pas été associées à la scolarisation de leurs enfants quand de leur côté les familles de classes moyennes étaient promues dans les conseils d’administration des établissements. Cette non association est, bien entendu, totalement contraire à l’idée d’une école perçue en tant que communauté à part entière.
La critique sociale des problèmes scolaires est totalement absente chez nos dresseurs d’enfants qui rêvent de retour à l’autorité et à des règles de civilité. Or, qu’on le veuille ou non, l’école est bel et bien une communauté, et les problèmes de la société ne s’arrêtent pas à sa porte. Ils s’y amplifient, même, quand les politiques économiques réduisent les budgets nécessaires aux apprentissages.
Mais alors, pourquoi Daniel et Valérie, méthode globale par excellence, rencontre un tel succès au point d’avoir justifié une réédition récente? Là, on touche au cœur même de l’offensive réactionnaire. Car si la méthode est encensée de toute part quand il s’agit avant tout d’une « méthode mixte à départ global » à une époque où la méthode globale est rendue responsable de tous les maux dont souffrirait la société française et son système éducatif, il doit y avoir quelque chose.
Daniel et Valérie était une méthode globale. Afin de pouvoir alimenter l’activité de découverte, afin de susciter la curiosité de l’enfant, afin d’en appeler à sa créativité et mobiliser ainsi toutes ses capacités (on est donc à l’opposé d’une méthode syllabique qui transforme l’enfant en une feuille blanche qu’un « maître » va remplir et policer), le livre reproduisait le monde qui entourait l’enfant, un monde connu, avec des gestes et des objets de la vie courante. Et dans la France de la fin des années 50 début des années 60 quand la méthode est apparue, ce monde était encore un monde rural, avec la ferme, la maman qui portait un tablier et une robe, un papa qui fumait la pipe et travaillait dans les champs, la chèvre, la mule et l’âne, la sortie « en ville » et la visite dans de petits commerces. Daniel et Valérie nous replonge dans une France de villages et de villes moyennes, où l’agriculture avait encore sa place. De cela, les enfants pouvaient en parler, en discuter. Avec un instituteur réellement ouvert aux pédagogies nouvelles, toute une classe pouvait s’exprimer et devenir une agora où chaque enfant partirait de son expérience pour comprendre et forger son propre apprentissage. Dans les années 60, cette collection représentait le pays tel qu’il était encore, les HLM n’avaient pas encore défiguré les paysages et, pour tout dire, même un enfant des bidonvilles où s’entassaient les immigrés pouvait s’y reconnaître, une maman qui reste à la maison et met un foulard pour aller en ville, une vie dehors…
Mais la France a changé. J’aimerai les rencontrer, les enfants qui aujourd’hui savent ce qu’est un mulet, un âne, une chèvre, une maman en tablier et mettant un foulard pour faire les courses. D’un livre qui représentait un réel possible, on est désormais en face de la nostalgie pour un monde qui n’existe plus et dont beaucoup d’aspects dégoûteraient ses promoteurs actuels. Vous les imaginez, ces parents de classe moyenne, à la corvée de vache, en train de curer l’étable, aux labours, leurs vêtements souillés comme nous le montrent souvent les dessins?
Non, ce que nos nostalgiques aiment, c’est la France blanche, celle dont Nadine Morano se réclame et qu’elle entend protéger. C’est une certaine idée de la France, provinciale, surtout pas ouverte au monde. Figée. La nouvelle édition de la collection, « méthode traditionnelle » a supprimé toute l’originalité qui en avait fait sa force. Finis les posters, finis les tampons à colorier. Et bonjour les lignes d’écritures. Ne reste plus qu’une sorte de méthode Boscher avec l’histoire de deux bouseux d’une époque que personne ne connaît mais qui sont sensés incarner des valeurs solides, celles de la terre, car « la terre, elle, ne ment pas », comme disait le patriarche d’une autre époque où la France s’est rêvée éternelle, et blanche.
Je hais, « Daniel et Valérie, méthode traditionnelle de lecture », ce bouquin à fabriquer des ploucs. Je suis un enfant qui a grandi avec « Lisons avec Daniel et Valérie ». Je suis un produit de la méthode globale et de cette ambition plongeant ses racines dans la résistance, pensant que les enfants deviendront des adultes prenant la parole pour prendre et exercer le pouvoir. Une époque où des enseignants ambitionnaient de faire de l’école un espace ouvert, une communauté où les parents, à l’image des enfants, auraient leur place et pourraient partager une expérience, une expertise.
Dans notre époque gagnée par la réaction, on interdit aux mères voilées de venir à l’école et les menus sans porcs sont de plus en plus critiqués. Le revival Daniel et Valérie est le contraire de l’esprit du livre, il est un pur produit du fantasme d’une France blanche éternelle.
Je me prends à rêver. À rêver de Sonia, Alice, Jonathan, Ali et compagnie
Dans la salle de classe, il y a des dessins et des photos au mur. Sur la table, il y a des tablettes. Et puis il y a un grand écran. Après avoir regardé la petite vidéo, une grande conversation dans la classe où ils ont reconnu le centre commercial, la maman de Ali qui parle avec d’autres femmes, des enfants qui jouent au football sur la dalle, ils dictent à l’institutrice ou à l’instituteur,
Ali joue avec Sonia
Sonia joue avec Ali
Bonsoir, je vous remercie pour cet article ; les « P’tits Loups que j’ai connus adoraient commenter les images ( à l’oral puis à l’écrit), jouer avec les étiquettes pour faire de nouvelles phrases et « faire leur service de tableau » et autres « balivernes » qui rythmaient nos journées avec beaucoup de petits et de grands bonheurs .
La pratique de la « syllabique » pure n’existe plus, du moins pas où j’ai enseigné ( je suis à la retraite et j’étais en « banlieue »). Mais l’ancien Daniel et Valérie a été remplacé par des albums.
Bonjour
Merci pour ce commentaire, et merci aussi pour avoir, si je le comprends bien, accompagné les enfants dans leur découverte de l’écriture et de la lecture.
Amitiés.
Bonsoir, je vous remercie pour cet article ; les « P’tits Loups que j’ai connus adoraient commenter les images ( à l’oral puis à l’écrit), jouer avec les étiquettes pour faire de nouvelles phrases et « faire leur service de tableau » et autres « balivernes » qui rythmaient nos journées avec beaucoup de petits et de grands bonheurs .
La pratique de la « syllabique » pure n’existe plus, du moins pas où j’ai enseigné ( je suis à la retraite et j’étais en « banlieue »). Mais l’ancien Daniel et Valérie a été remplacé par des albums.
Bonjour
Merci pour ce commentaire, et merci aussi pour avoir, si je le comprends bien, accompagné les enfants dans leur découverte de l’écriture et de la lecture.
Amitiés.