Parfois j’aimerais rentrer pour commencer à préparer la suite, j’ai 50 ans, mais la suite, c’est quoi, à part le RSA…
Voilà, j’ai franchi ce cap des cinquante ans. On pense longtemps que c’est très loin et puis fatalement, ça finit par vous tomber dessus sans rien demander. Cinquante piges, putain, chuis vieux.
Hier, de façon exceptionnelle, j’ai ouvert ma Timeline © sur Facebook © au cas où des gens voudraient écrire. Quelle suffisance de ma part. J’ai reçu un e-mail d’un ami, un message d’une étudiante sur Line ©, un message d’un autre ami sur Messenger © et aujourd’hui d’un autre ami sur iMessage ©. J’ai bien entendu refermé ma Timeline © sur Facebook © ce matin.
Prend-toi ça dans les dents, c’est un peu ce que j’ai pensé. Les autres années, j’étais inondé de messages sans trop savoir qu’en faire, laisser un petit mot à chacun pour ne pas faire de jaloux, là, j’avoue, j’ai été un peu vanné. C’est comme ça, et en fait c’est très bien. Les réseaux sociaux ne sont pas, ne seront jamais ce que nous pensons qu’ils sont. On leur confie nos impressions et nos sentiments, on leur confie le soin de penser pour nous aux événements qui marquent la vie des autres, et puis surtout on s’y sent plus important qu’on y est réellement. Bref, désormais, je n’y écrirai plus du tout. Hier j’avais 50 ans, je n’ai pas reçu de petits mot, c’est donc que je n’ai pas à y perdre mon temps. 50 ans, c’est un beau compte rond pour envoyer balader, non?
Depuis trois semaines, armé de patience, je retente la moustache. L’an dernier j’avais laissé pousser, puis j’avais commencé à tailler mais ce n’étais pas très réussi, et puis c’était un peu spécial vous souvenez-vous, alors cette fois-ci je laisse pousser, je la taillerai quand il y aura suffisamment pour lui donner la forme à laquelle je pense. Il faudra toutefois deux ou trois mois pour que cela soit parfait.
C’est amusant, la sensation de la moustache quand on mange ou quand on boit, c’est un peu comme si un corps étranger grattait.
J’ai décidé de la période de mon prochain voyage en Algérie. J’écris prochain, je devrais écrire premier, cela fait tellement longtemps. Ce sera l’an prochain, à la fin du mois d’avril.
J’ai un peu le trac, je ne sais pas quel pays je vais trouver. Beaucoup de choses se sont passées, un peu comme pour la France désormais, tout se passe sans moi, un absent, et en même temps je sais que dans le fond le pays a un peu fait du surplace. Comme toujours, une société vivante, laborieuse et créative dont l’Internet nous renvoie différentes facettes mais comme éternellement engoncée dans cette sorte de gaine toujours prête à exploser de ce qui fut le parti unique et qui s’est transmuté en système clanique de gouvernement.
Parfois, je regarde la télévision algérienne, Canal Algérie, et c’est sidérant de voir que ce pays en est encore à avoir une télévision publique célébrant l’augmentation de la production de lait de telle wilaya (département) et les progrès des travaux d’une route nationale entre deux bourgades.
Je veux aller y voir de plus prêt et surtout réaliser ce que je considère être un pèlerinage. J’ai quelque chose à y terminer et quelque chose à y commencer. Peut-être même beaucoup de choses, qui sait… À 50 ans, on n’a plus grand chose à perdre ou à gagner, il y a la vie comme une vallée qui s’étale en face de vous, on ne sait plus très bien ce qui est derrière ou devant, tout est fonction de l’où on regarde, de toute façon, où que l’on aille, c’est désormais la mort qui fait l’horizon. Ça paraitra pessimiste pour beaucoup, c’est en fait terriblement optimiste car cela veut dire que l’on est libre de son chemin. Alors oui, quelque chose à terminer, ce voyage de 1989, être l’adulte que je n’ai pas su être alors, dire au revoir à papa, et puis laisser flâner ma curiosité comme j’ai appris à le faire ici, et puis… Je vous en reparlerai.
Cinquante ans, c’est un moment délicat. J’ai récemment fait des rêves étranges. Ce matin, dans un message que j’ai envoyé à mon ami Alain, j’ai écrit,
« (…) Mon frère est toujours au chômage, puisque sa boîte a été emportée par le crash de 2007/2008. Il fait des ménages en interim… Il a 45 ans, pour lui, c’est cuit. Encore heureux, il travaille. Parfois j’aimerais rentrer pour commencer à préparer la suite, j’ai 50 ans, mais la suite, c’est quoi, à part le RSA… Mon ami Yann est rentré, il n’a même pas pu trouver de logement, et pourtant il proposait aux propriétaires de payer un an d’un coup. Mais sans fiche de paie…
Ma mère s’est faite opérer de la cataracte, les deux yeux. Et elle se fait opérer de la hanche le mois prochain. Elle a 82 ans, ça me travaille. J’ai fait de drôles de rêves récemment. Mon traitement en est certainement la cause, mais l’inquiétude du temps qui passe en est bien l’origine. Dans un de mes rêves, je te retrouvais, et on était tous les deux SDF dans une espèce de gymnase sombre, on devait descendre, descendre, et en bas, il y avait Stéphane et Véronique. Et je ne voulais pas être là, et en même temps je me disais qu’il fallait que j’accepte la situation… Je me suis réveillé perplexe. Je vis au Japon, j’y ai un travail. Mais putain ce que c’est précaire, et putain que la France n’est pas ragoûtante, elle n’a que du chômage et du déclassement à me proposer (…) »
Mon problème est que je n’ai pas vraiment de choix, et à mon âge c’est assez inquiétant car le monde est loin d’être un monde certains. Je fais avec la situation sans vraiment avoir prise. Cinquante ans, c’est le moment de me dépêcher.
Paradoxal, hein. Une fantastique liberté, et en même temps une situation subie plus que véritablement choisie. L’art d’accommoder les contraintes, de les accepter, de surtout ne pas sauter comme je l’ai fait à 40 ans en venant ici, comme j’ai toujours fait, mais en même temps cette immense vallée de la vie déclinante devant moi, avec toute cette maturité, tous ces savoir-faire, avec encore beaucoup de choses qui bouillonnent en dedans. Pour un Kabyle, se sentir au sommet d’une montagne, avec une vallée au devant de soi, c’est finalement très agréable. J’en rêve, des fois, de ces montagnes avec leurs chemins tortueux où j’avais peur de me perdre mais où j’aimais courir aussi, et chaque fois que je vois ces figues au goût fade de Shikoku, je ne peux résister à prendre la barquette avec ces 5 ou 6 malheureuses avant de la reposer, sachant pertinemment que leur goût jamais ne me satisfera, mais reconnaissant aussi que leur présence ici sur les étals réveille le souvenir de la cueillette au petit matin bleuté, et le goût unique de mes montagnes et de la gentillesse autours de moi.
Un billet à des milliards d’années lumières du lyrisme que certains aiment trouver dans ce blog, mais cinquante ans est un âge qui m’impose un très grand réalisme pour ne pas me tromper. Aucun rêve, quelques projets qu’il me faut désormais concrétiser au plus vite pour ne pas avoir à descendre, descendre, descendre… Quelques projets qui filent tels des pistes dans les montagnes, j’ai peur de me perdre mais je suis prêt à y courir encore une fois parce qu’à 50 ans, cette fois, c’est la bonne.
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