Entre Paris et Osaka. Il est je ne sais pas quelle heure, dehors il fait encore jour. J’ai le vague présentiment qu’il va faire nuit peu de temps car nous passons très au nord. Nous avons survolé la Suède et j’ai repensé à papa. A ce cousin, cet autre Madjid, qui y a étudié et que mon père me donnait en exemple car il avait réussi. Il est avocat aujourd’hui. J’ai ainsi voulu apprendre le suédois, me marier avec une Suédoise mais peut être cela n’a y’il été qu’un moyen de plaire à mon père, de m’en rapprocher à une époque où nous ne communiquions plus très bien tous les deux.
Je trouve ça sympa de survoler la Suède pour aller au Japon, j’ai dépassé mon père et il doit être très satisfait. J’ai emporté sa carte de résident, ce document infame, que j’ai gardé depuis tout ce temps, et je l’ai glissée dans mon cahier de prières bouddhiques. Je crois que c’est sa vraie place pour ce voyage. Je regrette que maman soit elle de plus en plus inaccessible, enfermée dans cette vie étrange entourée d’objets, d’animaux, à la campagne.
Le Japon, c’est tout de même une vieille histoire, pour moi, c’est MON histoire. J’ai découvert le Japon sur une télé couleur exposée dans un magasin près de chez nous. Je l’ai voulu si fort, le Japon, que j’ai volé les pièces de un centime que mes parents gardaient dans un bocal. Je suis allé au magasin, et là, j’ai mis les pièces sur le comptoir et j’ai dit que je voulais acheter une télé couleur… J’ai été réprimendé mais cela a bien fait rire aussi, et moi aussi, j’ai ri comme les adultes autours de moi. Je crois que c’est ce jour là que je me suis perdu, pas quand je suis allé vivre chez mon oncle et ma tante à Pontault Combault pendant un an, sans m’en apercevoir, en oubliant mes copains. Je me suis moqué de mon désir. On ne m’a pas demandé pourquoi j’avais volé cette monnaie –de l’argent, tout de même. On aurait compris mon désir de revoir cet interlude japonais, rentendre cette musique pour koto, revoir ce couple courir violamment, comme pour résister aux vêtements rigides du mariage de l’occident, pour retrouver le rythme lent, le thé vert que l’on fouette, les gestes mesurés, la maison en bois, l’engawa, ces vêtemets superposés, colorés ici pour la femme, si stricts pour l’homme. Hypnotisé, j’avais été. Qu’aurai-je donc eu avec la Suède ?
En la survolant toutefois tout à l’heure, j’ai regardé ses paysages, ses lacs, ses routes et ses villages et j’avoue l’avoir trouvée fort belle, presque sensuelle. J’ai notamment vu des groues d’iles minuscules, vertes et posées là au milieu de lacs comme des mers intérieures minuscules, des villages en dedans.
Mon voisin à côté de moi est plongé dans un demi-sommeil japonais, écouteurs sur les oreilles et yeux fermés. Nous allons entrer en Sibérie, il nous reste un peu plus de 7 heures 35 de vol à tenir. Je suis dans un 777 300, la classe économique est plutôt confortable mais les distractions sont assez mauvaises.
Le soir s’approche, si j’en crois la carte, mais dehors le soleil ne fait que se coucher, un peu comme si nous n’allions que froler la nuit. Nous approchons de la très célèbre ville de Adak, au nord de Yekaterinburg, vers l’Oural. C’est dommage que ce soit la « nuit » dans l’avion car le paysage est magnifique au dehors. Vais je déranger mes voisins : je me suis mis de l’encre partout avec mon stylo plume… et j’aimerais bien me laver les mains…
Etonnant : j’ai croisé une personne que je connais virtuellement, dénommée Pinpin. Un ancien habitué du japon.org, qui lit mon blog et qui m’a reconnu. Je trouve ça drôle, sympa. Il travaille à Roissy, il s’est présenté modestement. Je trouve cela très sympatique. Dehors, c’est absoluement magnifique : j’envie le pilote… Le travail est difficile mais quelle beauté devant soit, perché au milieu du vide avec un truc gigantesque derrière. Voilà le métier que j’aurai du faire. A Paris il est 18 heures trente, qu’y faites vous, pensez vous à moi ?
J’ai joué de malchance : j’ai oublié mon casque dans mon autre sac, je ne peux pas regarder de vidéo sur mon ordinateur : c’est malin…
Bien, on est un peu plus tard, maintenant… Je navigue dans le plus d’heures… On approche de « 14 heures », c’est à dire que ma tête est assez désorganisée. Arrivé à Kyôto, une préoccupation fondamentale : trouver un endroit où laisser mes baguages, et le plus frais possible (Norvir© oblige). Le Japon est un pays fantastique, j’avais oublié l’air conditionné dans le métro, et l’abondance de consignes un peu partout autours de la gare.
Pour aborder la question de l’oubli, justement. J’étais dans mon bus pour Kyôto, je regardais le quai. Le chauffeur, ganté de blanc, droit sorti de Bus stop /attendant l’heure pile du départ. Nous partons et là, surprise, les employés sur le quoi s’inclinent, dans le vide car il n’y a aucun retour.
Mangé des soba froides au thé vert et inari sushi. Je suis dans un Starbuck. Opération survie. Je suis claqué.
Héhéhé… Ça c’est du vécu en live. L’avantage d’avoir son ordi àavec soi en tous lieux : pouvoir transcrire ses sentiments et impressions au fur et à mesure. En conservant ainsi la fraicheur de l’instant.
Merci et @ pour la suite