Tres vite pour commencer, et avec beaucoup d’impatience, le commentaire que j’avais censure et qui est reapparu ailleurs. Vous voyez, la censure ne sert a rien. Alors comme cet internaute qui lache sa colere contre moi, mon blog, mon ecriture s’est donne le mal de reposter son commentaire ailleurs, allons-y, en voici le lien sur Orserie.fr, il se pseudonomme Blaguy et a poste son message le 18 mars a 9 heures 10. Voila, c’est honnete pour lui et pour vous. Me concernant, comme disait Barbara, “Moi, j’m’en balance…”
Aussi quelques commentaires prenant parti contre moi et pour l’ambassade. Qu’on ne s’y meprenne pas, je n’ai jamais critique les personnes, j’ai juste exprime ma colere apres avoir recu mail exprimant un sauve qui peut, suivi d’une fermeture de ladite ambassade pendant deux jours. Enfin, certains m’avisent que concernant la radioactivite, je regarde trop la television francaise. Mon probleme est que je ne la regarde pas. J’ai donc mis les sources me permettant de me faire une idee. Il y a eu un tres bon billet ce blog. Excellent car il a reveille l’historien en moi, ou le “fouille merde” que l’on est quand on travaille en Back Office sur produits derives, et que l’on travaille bien. “investigation”, qu’on appelle ca. Le billet est tres interessant car son auteur, Alex, y relate la reunion d’information organisee a l’ambassade de France en milieu de semaine derniere.
L’ambassadeur, un representant d’Areva et un membre de l’IRSN. On y apprend pas mal de choses. Le principe de precaution qui aurait dicte le mail dont je rapportais la teneur et qui a fait fuir des milliers de Francais sur les 9000 qui residaient au Japon. Que certains services sont relocalises a Osaka “par mesure de precaution”. Et que l’ambassadeur fait confiance aux autorites japonaises. La tonalite de la reunion etait a l’appaisement, a la relativisation de la menace. En gros, ce n’est pas un nouveau Tchernobyl, et la responsabilite incombe aux journalistes qui ont dramatise la situation a outrance, obligeant le gouvernement francais et l’ambassade a ajuster une strategie pour ne pas etre accuses de ne rien faire. Inciter les gens a partir. Distribuer des pilules d’iode. Mais en fait, meme en cas de deterioration de la situation, nous ne courerions aucun risque a Tokyo.
Ce billet, principalement inspire par le contenu de la reunion, a au moins l’aventage de concourir a calmer les esprits. Jun et moi sommes partis a Kyoto mardi 15 en comptant rentrer lundi 21, histoire d’avoir le recul, a savoir si ca empirait ou pas. Car si ca empirait, en fait, il y aurait certainement eu l’etat d’urgence. Moi, cela m’a laisse le temps de me documenter. Et d’arriver a une conclusion sensiblement differente de nos amis de l’ambassade, et qu’un “fait divers” en cours me confirme.
La structure meme de la centrale interdit en effet un scenario de type Tchernobyl. Ni les materiaux, ni la structure meme ne le permet. Plutot un scenario a la Three Miles Island. Voila qui est rassurant, et qui va dans le sens du discours de l’ambassade. La ou il y a un hic, c’est qu’il y a une difference entre Three Miles Island et Fukushima. Hormi le fait que cette centrale soit vetuste, que les USA ont demande a plusieurs reprises depuis 2001 son demantelement a cause de fissures maquilles et de rapports falcifies (ayant entraine des demissions importantes a TEPCO entre 2003 et 2005), cette centrale utilise depuis fevrier 2011 un combustible particulier, compose d’uranium recycle (retraite) et de plutonium, hautement instable (d’ou de tres hautes performances), le MOX. Un combustible produit par une societe Francaise, AREVA, qui en produit 95% de la quantite mondiale dans son usine MELOX. Ce combustible a la particularite de monter tres vite en temperature et de mettre beaucoup plus de temps a refroidir. Il est aussi hautement radioactif du fait de sa tres haute instabilite. A l’ambassade , il y avait un responsable AREVA dans la salle, a t’il parle de l’utilisation de MOX a Fukushima? D’ailleurs, on pourrait se poser la question : que vient faire un responsable d’AREVA dans une communication de crise ? Et savez vous que le principal souci dans cette centrale est le reacteur numero 3, le reacteur contenant 30% de MOX, que TEPCO ne parvient toujours pas a maitriser ? En parcourant le net, je me suis appercu que quand il s’est agit de poser la question a l’assemblee nationale, ce ne sont pas des experts, qui ont fait une declaration sur l’accident, mais la presidente d’AREVA elle-meme. Curieux melange ou le suspect se trouve egalement juge et partie, et expert.
Le nouveau discours dominant consiste a pointer l’incompetence des journalistes. Soit, ils ont exagerer, mais peut on leur reprocher d’avoir eu a l’esprit les deux grands accidents de l’histoire, a savoir Three Miles Island et Tchernobyl ? Depuis quand la diplomatie se calque t’elle sur l’opinion publique : si l’evacuation des ressortissants francais obeissait a une pure logique de “marketing politique” comme cela est suggere dans ce blog, c’est une honte ! Venant d’un gouvernement soit disant gaulliste, nous nous retrouvons dans la liquidations des restes politiques du president, a savoir une certaine idee de la France et de sa grandeur, en offrant aux Japonais une vision pas tres heroique de ses ressortissants. A moins que…
Je vous parlais d’un fait divers : en ce moment, le bras de fer entre la France et le Japon continue au sujet des sauveteurs. Le Japon les veut a 80 kilometres, a Sendai. La France les veut a 350 kilometres.
Et la, ca me pose un probleme. Soit ce n’est pas “plus dangereux qu’un vol Paris New York”, et dans ce cas, la France fait des simagres. Soit la France a de veritables raisons de vouloir envoyer ses sauveteurs a 350 kilometres, et tout le discours rassurant tenu lors de cette reunion sort fragilise. Pour information, Tokyo est a 220 kilometres.
Mon sentiment reste le meme et n’a pas change depuis la semaine derniere. Je reste d’abord pour rester avec mon ami. La France ne reconnait pas le mariage, il ne pourrait beneficier d’un rapatriement. Partir a Kyoto etait aussi un moyen d’etre ensemble au cas ou la situation avait empire. Ensuite, je reste a Tokyo (revenu depuis lundi) non pas parce que c’est “moins radioactif que l’Italie”, mais parce que je ne peux pas partir d’un pays ni d’une ville qui m’a accueilli a la premiere difficulte. C’est malpoli. Je suis parfaitement conscient, pourtant, que TEPCO ne parvient toujours pas a stabiliser le reacteur 3, gave d’un produit que mon pays, la France, a vendu le mois dernier a TEPCO, avant de vider le pays de ses ressortissants a la premiere fuite. Je me sens solidaire, et je me sens aussi un peu responsable. Et parfaitement conscient que le vrai risque n’est pas Tchernobyl -ce que je sais depuis presque le debut. Non. Mais autre chose. Une grosse salete. Des degagements radioactifs pendant des semaines. A chaque fois, les communiques de presse diront que c’est tres peu, et AREVA vous le martelera, comme elle le fait deja sur son site remodele en site solidaire (le site de BP avait pris le meme type de couleurs au moments ou ils ont salope le Golfe du Mexique l’an dernier). Rachel Maddow avait montre comment les entreprises adoptent des strategies de communications d’absorption en cas de pepin, destinees a guider le vocabulaire utilise : ainsi, vous apprendrez, avec AREVA, a parler de “crise nucleaire”, et non de “catastrophe”. Et tous les gens “contamines” par cette communication utiliseront ces termes, et mettront en exergue la catastrophe humanitaire engendree par le tsunami. En ne faisant pas le lien, bien entendu, entre ces gens qui ont deja souffert d’avoir eu leur vie balayee en deux secondes par la nature et qui plus tard ne pourront pas retourner vivre dans des terres radioactives polluees par la main des hommes. Le Tohoku sera ainsi victime de deux catastrophes humanitaires. Oui, une grosse salete qui va contaminer les cultures, grosses consommatrices d’eau, comme le riz a Akita ou a Ibaraki ou l’on a deja note de fortes contaminations. On vous dira que c’est peu, mais faites donc le compte. Manger un Paris New York arrose d’une sauce rayon X trois fois par jours, sur 10 ans, ca fera beaucoup, et c’est precisemment ce risque que les vrais experts, eux redoutent.
Alors bien sur, nous n’en sommes pas la. Peut etre tout le MOX ne s’evaporera pas et TEPCO parviendra a le refroidir avant de le refroidir plus fortement, voir de pieger dans un sarcophage. Je reste assez optimiste, c’est ma nature. Mais realiste.
La communication concernant ne doit pas passer entre les mains d’un groupe industriel. Les Japonais se mefient, en toute discression, de la communication du gouvernement, de la presse, et de TEPCO. Je n’accorde pas plus de confiance a la communication de la France ou les interets industriels se melent a une politique qui, comme ailleurs, est d’abord faite de gesticulation.
Ceux qui me connaissent seront surpris par ce que je vais ecrire, mais en cette histoire, je n’ai confiance qu’en Dieu. Et au passage, dans divers rapports americains qui pointaient le danger de cette centrale a qui AREVA n’a pas hesite, tout en ayant connaissance de ces rapports, a vendre un combustible hautement instable qui inquiete le Quai d’Orsay au point d’avoir conduit a une evacuation de la quasi totalite des Francais du Japon et a une crise diplomatique au sujet des sauveteurs.
Je vous livrerai de magnifiques photos de Kyoto un peu plus tard.
De Tokyo, sous la grisaille et des pluies (tres faiblement, dixit NHK) radioactives,
Madjid
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