Le Blog de Suppaiku, journal bloggué de Madjid Ben Chikh, à Tokyo.

Un écrit de la terrasse…


Enfant, j’ai grandi dans une maison désordonnée comme vous ne pourrez jamais imaginer, mais j’aimais m’y perdre, explorer les objets que ma mère conservait des dans boîtes et des cartons, j’y ai appris le regard dilettante.

Comme mon étudiante Michiyo à qui je donnais sa leçon à Kyôbashi et moi disions ce matin, nous voilà déjà arrivés en mai, ça passe vraiment très très vite, le temps. D’ailleurs, dans mon quartier, les premiers matsuris ont commencé le weekend dernier, le plus important, Sanja, arrivant le weekend prochain. Il semblerait que cette année le temps soit correct, mais on ne peut guère utiliser que le conditionnel, nous sommes en mai, la saison humide a dors et déjà commencé vers Okinawa et donc dorénavant il est très difficile de prévoir le temps. Mais s’il fait beau ce weekend, alors j’ai le choix entre Sanja et Enoshima. Enoshima a toute ma préférence, spécialement pour manger Shirasu-Don le midi, et du calamar grillé en soirée, mais il faut avouer que l’atmosphère détendue de Sanja est aussi très sympathique. On verra.

La nuit dernière a été très chaude, et surtout, comme presque tous les jours, les yeux se sont ouverts vers 6:30, ce qui est trop tôt puisque je me couche vers une heure. J’ai un peu mal dormi, un sommeil agité, je pense. La lune, ou plus simplement quelque allergie qui rend ma respiration plus difficile. Je suis cependant resté au lit et je suis parvenu à me rendormir, une première fois jusque vers 7:30, et une deuxième fois jusque vers 9:00. Je me suis levé, je me suis pesé et j’ai constaté que mon poids est revenu à ce qu’il était il y a environ un an, après avoir eu une tendance à augmenter. Quand je vous dis que je vais bien… Et ne vous trompez pas, je mange. Il y a deux jours, je le suis cuisiné un couscous et, hier soir, bien décidé à le finir, j’ai eu le sentiment de trop manger, soupe et semoule. Eh bien non, me voilà revenu à un poids correct.
Je ne focalise plus sur le poids pour le plaisir de maigrir, mais le traitement contre le VIH a tendance à dérégler le cycle des graisses et il n’est pas rare de faire du cholestérol et surtout à faire de la lipodystrophie. Peu de viande, beaucoup de légumes et surtout une attention à rester en dessous d’un certain poids me permettent d’avoir des taux très bons. Mes analyses il y a trois semaines étaient, concernant la composition sanguine, remarquables. Je suis en très bonne santé, et je suis persuadé que ma perte de poids il y a deux ans y contribue.
À ce sujet, j’aimerais beaucoup trouver une piscine, car à mon âge et dans ma condition, surtout avec un travail aussi sédentaire que le miens, il est très important de faire du sport. Hélas, les piscines ne sont pas, au Japon, conçues pour les sportifs, mais plutôt pour les enfants et les personnes âgées, avec une faible profondeur. De ce point de vue là, je regrette les piscines de la ville de Paris, ma préférée, surtout, la piscine de Château-Landon. Je vais donc devoir trouver autre chose, un autre sport. Courir n’est pas trop mon truc, mais pourquoi pas, ou bien prendre mon vélo, le soir, et parcourir la ville pendant une heure, en en profitant pour faire des photos. En tout cas, c’est quelque chose auquel je dois désormais m’atteler.
J’ai reçu une proposition de travail qui me touche, qui n’est pas rémunérée mais que j’ai accepté puisqu’il s’agit d’écrire. Je ne vous en parle pas trop pour le moment, mais disons qu’il s’agit d’un grand média. L’écriture est résolument la clef de ma destinée, et je suis heureux d’être ici, à la terrasse, à vous parler de moi.
J’ai envoyé quelques bribes de roman à Yann et à Pierre. Parmi les raisons qui m’ont poussé à changer la disposition de mon appartement, il y a la nécessité de m’y sentir bien pour écrire. J’ai cherché des appartements sur internet les semaines passées. Et pour tout dire, leur caractère fonctionnel, standardisé, leur retirent tout attrait pour y travailler. Ainsi, mon appartement à Kasai, moderne, clair, était agréable à vivre, mais c’est là bas que j’ai progressivement perdu ce regard qui se perd, qui s’évapore et se distrait d’un rien, et qui me fait écrire. Enfant, j’ai grandi dans une maison désordonnée comme vous ne pourrez jamais imaginer, mais j’aimais m’y perdre, explorer les objets que ma mère conservait des dans boîtes et des cartons, j’y ai appris le regard dilettante. Et ainsi, la première fois que j’ai vu mon appartement actuel, j’ai immédiatement pensé « c’est là ». Bien sûr, c’est une vieille maison et la cuisine est minuscule, la salle de bain réduite à sa plus simple expression, aménagée dans un ancien placard. Mais en fait, les 2 mètres carrés nécessaires à leur présence libèrent ainsi 26 mètres carrés d’espace ouvert, et c’est cela qui m’avait séduit. Le parquet, les cadres de bois typiques des maison anciennes ajoutent quelque chose de graphique que le propriétaire a souligné de quelques touches de couleurs autours des interrupteurs. Un côté Bauhaus, ce qui n’est pas aberrant quand on connaît l’influence de la (re)découverte du Japon sur l’architecture et les arts plastiques à la fin du 19ème siècle.

Je suis dehors. Le soleil est désormais voilé par les nuages, le vent souffle assez fortement. Mais cela reste agréable. J’aime être dehors, prendre des couleurs.
Nori a été assez discret, mais il est toujours là. Tout à l’heure, il m’a dit qu’il faisait de la traduction. J’ai d’abord pensé que c’était pour son travail, et puis je me suis demandé s’il ne s’agissait pas de mon blog. Je n’ai rien à cacher, et quiconque voudra un jour partager ma vie devra accepter de faire partie de ce que je raconte. Nori occupe une place qu’aucun autre n’a jamais occupé avant lui.
J’ai encore un peu de temps avant que ma première étudiante n’arrive. Tout à l’heure, à partir de 5:15, ce sera non-stop jusque 9:00. Mais je n’ai pas trop à me plaindre, cet après-midi, j’ai pu le mettre sur la terrasse, sous le soleil, et prendre des couleurs. Je ne me plains pas.

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