Starbuck a Ginza. J’avoue, j’ ai totalement perdu l’habitude du clavier français… Ce matin, je voulais sortir vers 8 heures et demi, un peu comme si je partais au travail. Objectif reporté : je me suis levé à cette heure là ! Hier soir, après que Jun soit parti, j’ai surfé et cela m’a conduit jusque deux heures du matin. Bon, se lever à huit heures et demi quand on ne travaille pas, ce n’est trop grave, d’autant que j’étais prêt à 10 heures… Putain, le clavier français, qu’est-ce que c’est difficile!
Plutôt que partir sur le champ, j’ai préparé mon ordinateur portable, j’y ai mis des documents utiles, comme des cours de japonais ou des C.V. Puis j’ai consulté le site de Tokyo-Metro pour les différentes options de laisser-passer. J’ai en effet fait une connerie monumentale quand j’ai perdu mon emploi: je n’ai pas acheté de pass, du coup, j’ai installé une sorte de barrière entre moi et la ville. Pour certains, cela ne prêterait pas à conséquence, pour moi, cela a accru mon malaise sur la fin de l’année dernière. J’ai donc décidé la semaine dernière de revenir sur cette erreur et, quoi que cela ne soit coûteux, j’ai acheté tout à l’heure un abonnement au métro jusqu’à Otemachi. Ainsi, je peux me déplacer sans avoir à débourser un centime pendant un mois, jusque dans le centre de la ville, sur les bords du Palais Impérial. Je déconseille à quiconque de renoncer à sa carte orange. Je le savais mais ce doit être un souvenir de l’an dernier, de mon entorse. Sale souvenir. Verre à demi plein, j’ai perdu deux mois en me cloîtrant chez moi. A demi plein, j’ai un pass de un mois désormais.
Il ne s’agit pas de résolution, plutôt d’une envie de promenade, de voir des visages, des lieux. D’écrire aussi; là, les souvenirs a la vue d’anciennes photos ne sont pas étrangères à ce désir qui monte. J’ai traversé autrefois une période autrement plus difficile et douloureuse et ne m’en suis sorti qu’en sortant de chez moi.
Pourquoi n’en serait-il pas de même à Tôkyô? En fait, depuis que je suis arrivé ici, je n’ai pas eu le temps de choisir quelle vie je voulais au Japon pour que ça vaille le coup d’avoir déménagé si loin. En savais je seulement quelque chose? Peut-être vers le mois de juin, l’an dernier, alors que tout commençait à aller bien côté travail -on avait évoqué mon embauche-, et bien que ni l’entreprise ni le travail ne me plussent, j’étais ravi à l’idée d’avoir suffisamment pour envisager des week-ends en province, des congés à Kyoto et des vacances en France. Ce ne sont peut-être pas des objectifs transcendants, mais ce fut la première fois depuis que je suis au Japon que je me suis senti ici comme chez moi dans la durée. Avec Jun, nous nous promenions beaucoup et nous atterrissions souvent à Ginza, visitant Zara en rêvant de refaire toute notre garde-robe… On devient crétin quand on a un travail, penserez vous, mais en fait, mon salaire a NOVA ne me permettait pas grand chose.
Pour beaucoup de professeurs, il était suffisant. ceux qui mangent des bento à 600 yens qu’ils achètent à Orijin-bento, habitent dans une gaijin-house où pour 60,000 yens, ils ont une pièce et pas de charges (moi, j’ai un loyer de 80,000 plus électricité, gaz, internet, etc. Si on rajoute la Sécu que NOVA ne payait pas, et les impôts locaux (très chers, beaucoup d’étrangers essaient de les esquiver), ça fait des dépenses fixes assez importantes). Moi, je fais la cuisine, je ne peux pas vivre de friture; il me faut mes légumes,mes fruits et pour la viande, je ne mange pas américain. Au Japon, il y a du boeuf aux hormones. Je mange peu de viande (je suis en fait très oeufs aux plats, cuits presque frits dans de l’huile d’olive, le blanc saisi croustillant et le jaune qui dégouline), mais quand j’en mange, ce n’est pas pour tomber malade (dans compter la bestiole a qui on a donné des antibiotiques pour calmer les effets des hormones sans bien entendu tenir compte de la souffrance que ce type de traitement inflige…). Ce choix a un prix, la viande japonaise est plus chère. Bref, j’en mange encore moins. Mais mon budget nourriture est assez important. Et c’est seulement à partir de juin que cela n’a plus été problématique, d’autant que quand on travaille, on dépense peu…
Bon, aujourd’hui, ce n’était pas très matinal ni très actif, mais je suis enfin sorti de chez moi sans raison particulière. Demain, j’ai rendez-vous avec une ancienne élève et nous allons nous promener : elle m’a proposé de choisir, j’ai opté pour Chûô Ku, entre Kayabacho, Ningyôcho, et peut-être jusque vers Asakusa-bashi. Une promenade en bordure mais à distance de la Sumida, dans ce qui fut une partie du centre économique de l’ancienne capitale, avec ses traditions d’artisans et de commerçants, la ville basse (ou plus justement de nos jours, les quartiers populaires, en opposition aux quartiers du centre -le palais impérial- et de l’ouest, propriété des Daimyô -l’aristocratie de souche militaire dominant à l’époque shogunale.
Il fait très beau, on annonce des températures avoisinant les 16 degrés… Demain, j’attaque de bonne heure.
De Tôkyô,
Suppaiku
Tokyo, Decadi 30 Nivose 217
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