Depuis un mois, les électeurices ont exprimé très clairement leur rejet de la politique autocratique d’Emmanuel Macron, et les électeurices du Nouveau Front Populaire ont clairement exprimé leur volonté d’union autours d’un programme de rupture et de renouveau démocratique… Ça, nous le savions.
Iels ont également fait échouer l’adage maintes fois répétés par Jean-Marie Le Pen: « à trente pour cent, on prend le pouvoir ».
Nous y avons échappé jusqu’ici, mais nous n’en sommes pas à la première alarme et nous avons cette fois-ci reçu un très sérieux avertissement.
L’illusion de l’« apaisement »
Certainzes déjà à « gauche » n’en ont plus que pour l’« apaisement », un vestige éculé du passé qui a la vie dure et qui n’est qu’un élément de langage aussi vide et vulgaire que l’a été la « bienveillance » il y a quelques années, à l’époque du LBD, de la libération de la parole islamophobe et raciste, des 49.3 à répétition.
Toutefois, force est de reconnaitre que la gauche réunie au sein de la coalition de Nouveau Front populaire n’a pas gagné, et loin s’en faut.
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, arriver en tête face à l’extrême-droite est devenu une sorte de loterie qui permettrait d’encaisser le gros lot. Le pouvoir.
Les déclarations des socialistes pavoisant du haut de leurs 14% aux européennes, réclamant le « leadership » étaient tout aussi pathétiques que les déclarations tonitruantes depuis le deuxième tour malgré les 28% pitoyables du premier tour.
La gauche aurait tort de jouer ce jeu qui est l’une de ces détestables facettes du macronisme et de sa coalition bourgeoise, leur hold up électoral, leur « coup d’état permanent ».
28%, c’est peu. C’est triste, mais c’est la réalité, et c’est cette réalité que nous devons travailler à changer.
Dans ces conditions, à moins de nous bercer d’illusions, il est difficilement envisageable pour la gauche de former un gouvernement en mesure d’appliquer son programme. Et pour icels qui verraient en elle la première force à l’assemblée en mesure de choisir un ou une première ministre, il convient de remarquer qu’une coalition alliant l’ex-majorité présidentielle et les Républicains serait tout aussi légitime pour former un gouvernement. Les faits sont cruels.
Sortir du Front Républicain permanent
C’est là une des conséquences ironiques de ce « Front Républicain » qui après avoir empoisonné les élections présidentielles depuis des années s’est cette fois abattu tel une branche pourrie sur l’élection législative.
Un « Front Républicain » dont nous devons impérativement comprendre les limites, mais aussi le danger: quelle cohérence y-a-t-il à voir les électeurices de candidatse insoumis se reporter sur Gérald Darmanin? Il y a là une aberration qui confine au déni démocratique et à une brutalité qui a peu à voir avec cet « apaisement » qui a conquis les plateaux télévisés depuis quelques jours.
En réalité, nous avons franchi une nouvelle étape dans la crise institutionnelle, politique et sociale, nous devons regarder les résultats du premier tour comme un avertissement majeur et bien comprendre que le « Front Républicain » est une des nombreuses conséquence de la mort clinique de notre constitution.
Cette fois-ci, tout en nous protégeant du Rassemblement National, il a redonné vie au parti d’un président honnis au point d’en faire une force en mesure de conserver le pouvoir dans une assemblée divisée en trois blocs dont aucun ne s’impose réellement, et cela malgré le désaveux très clair exprimé à l’encontre du bloc bourgeois.
Quelle solution face à ce blocage institutionnel majeur?
Soyons clairs: il est impératif pour chaque parti du Nouveau Front Populaire de fermement rejeter toute « grande coalition ».
Tout d’abord, le Nouveau Front Populaire en est une, de coalition, et son programme est fait des concessions des partis qui la composent, et c’est sur ce contrat de coalition que les électeurs se sont prononcés.
Le Nouveau Front Populaire, de par la nature même de nos institutions et du mode de scrutin, s’est vu contraint d’opérer ainsi, avant l’élection elle même. Toute renégociation serait vue à juste titre par l’électorat comme une compromission et une rupture du contrat.
Elle serait désignée par l’extrême droite avec l’aide des médias du groupe Bolloré comme une énième tambouille politicienne, de celles qui aurait « privé les français de leur victoire ».
Aussi, Jean-Luc Mélenchon a politiquement raison d’affirmer que le Nouveau Front Populaire appliquera tout son programme. C’est le contrat.
Il faut juste avoir conscience qu’il est peu probable qu’il soit en mesure de le faire.
Il existe toutefois une possibilité pour la gauche, si elle sait se montrer unie et ferme dans sa détermination. Emmanuel Macron aime « renverser la table », la gauche aurait tout intérêt à la tourner.
La cinquième république est morte.
La solution à l’équation insoluble pour la formation d’un gouvernement qui parvienne à se maintenir au pouvoir en représentant 35% de l’assemblée existe. C’est Pierre Mendès-France qui nous l’a donnée il y a plus de 60 ans.
La conduite totalement immature voire capricieuse d’un président de la république désavoué au soir des élections européennes, cette interprétation autoritaire des institutions le conduisant à traiter ses premier.e.s ministres comme des savates et le parlement comme une paillasse, le recours permanent à la violence lors des manifestations ainsi que ses récentes saillies racistes et transphobes, sont, au delà de ce qu’elles disent du l’homme lui-même, les révélateurices des profonds déséquilibres de ces institutions nées d’un putsch et dont Pierre Mendès-France redoutaient qu’elle ne finissent par nous entraîner vers un régime autoritaire à force de réduire les citoyens à des enfants.
Nous y sommes.
S’il est une chose sur laquelle s’accordent les partis composant le Nouveau Front Populaire, au delà des revendications immédiates ayant soudé la coalition, c’est bien sur la nécessité de changer nos institutions.
S’il est est peu possible de les changer totalement dans la configuration parlementaire actuelle, le Nouveau Front Populaire pourrait parvenir à trouver une majorité pour au moins commencer à les réformer pour en corriger les effets les plus délétères, ceux là même qui nous ont conduits dans l’impasse où nous sommes.
Un contrat politique
Si le Nouveau Front Populaire veut marquer profondément son époque, c’est en assumant la place qu’il occupe dans la nouvelle assemblée: la première coalition, unie autours d’une vision commune des transformations à accomplir sans pour autant détenir, loin s’en faut, la majorité.
Il devrait donc affirmer devant l’opinion puis devant les députés son intention de gouverner autours d’une contrat tenant compte de cette réalité: proposer un gouvernement minoritaire à durée limitée chargé de répondre à l’urgence sociale et engageant la réforme les institutions.
Les urgences sociales ont été débattues et ne doivent appeler aucune concession: entre autres l’augmentation du SMIC, l’abrogation de la réforme des retraites et de celle de l’assurance chômage, l’abrogation de la loi asile-immigration, le blocage des prix des produits de première nécessité. Il pourrait également convoquer une grande conférence salariale destinée à mettre le sujet des salaires, du temps de travail, des contrats de travail et des droits des travailleurs dans l’entreprise. Il pourrait également demander à l’assemblée de reprendre la discussion la loi de régularisation des travailleurs sans papier.
Rien ne l’empêcherait de laisser l’initiative de certaines lois aux députés du Nouveau Front Populaire, limitant ainsi le risque du dépôt d’une motion de censure tout en renforçant le rôle du parlement.
Une coalition pour un an
Un tel gouvernement devrait mettre toute son énergie sur une véritable rupture capable, pour quelques mois, de constituer une majorité sans renoncer à l’identité de quiconque: la réforme à minima de la constitution.
Le Modem, LIOT, certains élus Renaissance pourraient accepter dans ce cadre de laisser le gouvernement travailler sans le renverser. Le premier ou la première ministre pourrait même nommer un parlementaire du groupe LIOT pour la mener à bien.
Ce gouvernement devrait toutefois se doter d’un échéancier: l’assemblée sortie des urnes le 7 juillet prendrait fin en septembre 2025 et voterait sa propre dissolution dès ce mois d’août. La nouvelle assemblée qui sortirait de la nouvelle élection en 2025 serait élue dans le cadre des institutions réformées. Il s’agirait par conséquent d’un contrat clair rendant le dernier mot aux électeurices sitôt la reforme institutionnelle adoptée – éventuellement même par référendum.
Vers la république moderne
La réforme porterait d’abord sur l’adoption du mode de scrutin proportionnel départemental de liste à un tour avec minimum à 5% des suffrages et répartition des restes à la plus forte moyenne départementale, le scrutin adopté lors de l’élection de 1986.
La configuration politique actuelle a montré à quel point le scrutin uninominal majoritaire de circonscription est obsolète et ne parvient pas à créer les conditions nécessaires à la formation d’un gouvernement stable. Le scrutin proportionnel permet la formation de coalitions à postériori sur une base programmatique. La réforme détaillerait le processus afin qu’il soit transparent.
Pierre Mendès-France soulevait une objection concernant le scrutin proportionnel de liste: la déconnection du lien des personnes élues et d’un territoire. La loi pourrait exiger un temps de résidence minimum dans le département. 5 ans semble une durée acceptable.
La réforme rendrait la nomination du premier ou de la première ministre à l’assemblée nationale qui l’élirait. Le rôle de présidentse se limiterait alors à « appeler » le ou la première ministre désignés par l’assemblée nationale. Sitôt le gouvernement constitué, un débat de politique générale serait sanctionné par un vote de confiance. Les présidentse ne pourrait pas révoquer le ou la première ministre, iel ne pourrait que « constater » sa démission ou son rejet à l’assemblée.
Le parlement retrouverait son pouvoir par une réforme des articles 47.1 et 49.3, encadrant les votes bloqués ainsi que les votes de confiance et donnant un droit de rejet à l’utilisation de ces articles opposable par l’assemblée dans des conditions strictement définies.
Vers un régime parlementaire
Le transfert du droit de dissolution que détient actuellement les présidentse au premier ou à la première ministre pondèrerait le retour du parlement, comme c’est le cas dans toutes les démocraties. Ainsi, la France entrerait dans un régime véritablement parlementaire sans retrouver le « régime des partis » de la 4e république.
Seule une motion de censure pourrait faire tomber le ou la première ministre qui, de son côté, possèderait l’arme de la dissolution pour en limiter les abus comme ce fut le cas sous la 4e république. Le ou la première ministre censurés garderait toutefois son poste jusqu’à la désignation d’un successeur dans un délai limité par la loi. Iel pourrait prononcer la dissolution passé ce délai.
Enfin, la réforme porterait également sur une réforme de l’article 16 qui, dans sa formulation actuelle, est un article antidémocratique. Un état de siège devrait pouvoir être prononcé par les présidentse après information du premier ou de la première ministre, avant d’être soumis à un vote de l’assemblée qui en contrôlerait l’exécution, mais il pourrait également être prononcé par le ou la première ministre dans les mêmes conditions.
Une Nouveau Front Populaire pour une nouvelle époque
Ce sont ici quelques reformes qui constitueraient les bases d’une réforme institutionnelle démocratique.
Elles honoreraient les forces du Nouveau Front Populaire, qui réaliserait là une oeuvre que la gauche n’a eu ni le courage ni même la volonté de réaliser malgré son opposition historique à la 5e république.
Elles jetteraient les bases d’une oeuvre de réforme institutionnelle de plus grande ampleur à réaliser si lors des futures élections les électeurs lui confiaient une majorité claire pour les réaliser. Pour, aller par exemple, vers des statuts de « dévolution » régionale dans les provinces qui le réclameraient, donner le droit de vote aux étranger voire même déconnecter la nationalité et la citoyenneté, reconnaitre la problématique des Territoires et Départements d’Outre-Mer et les accompagner vers des statuts particuliers, faire de l’éducation et de la santé non plus des droits mais bel et bien un pouvoir régalien de l’état favorisant l’exercice des droits politiques …
Enfin, elles permettraient d’utiliser le blocage institutionnels consécutif à la décision irresponsable de dissoudre l’assemblée prise par Emmanuel Macron en mettant en exergue la responsabilité des différentes forces politiques de l’assemblée nationale.
Malgré une indéniable victoire sur le RN, la gauche n’a pas véritablement gagné cette élection, et prendre la tête du gouvernement va s’avérer très difficile. Pourtant, en faisant preuve d’une responsabilité qui a manqué à un président autoritaire et capricieux, elle seule, en offrant une vision cohérente des transformations à opérer, est à même de créer les conditions d’un renouveau démocratique seul à même de s’attaquer réellement à la crise politique, institutionnelle et sociale qui nous mène tout droit vers l’autoritarisme, le repli nationaliste et le fascisme.
Compléments
1 – Vous trouverez désormais mes textes politiques sur le site de la communauté PSD. Ce texte y est donc publié en parallèle.
2 – Il y a une pétition pour lancer une réforme institutionnelle. Je la soutiens et vous invite à la signer.
Orthographe et grammaire utilisées
Je tente d’élaborer un « troisième genre » que je qualifierai de mixte, qui soit ni féminin ni masculin sans être neutre et surtout qui soit prononçable.
C’est un travail en création, je tente juste de me tenir aux règles que j’ai choisies.
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