PD (court métrage)

P

Je suis tombé sur ce court-métrage par hazard, sorte d’écho cinématographique d’un billet de blog que j’ai écrit il y a presque deux ans. Un thème récurrent dans ce blog car il s’agit également de ma propre vie, de ma propre expérience. Je n’ai jamais été victime d’homophobie pour la simple raison, je pense, que j’ai immédiatement pensé comme le dit l’un des personnage de ce film, que ce n’était pas à moi de changer, mais aux autres.

Et pourtant, je l’avais entendu, ce « PD », une insulte dont la plupart de celles et ceux qui l’utilisent ne comprennent même pas le sens, sorte de truc venu du fond des âges. Pour moi, ça a été vers l’âge de 14 ans que j’ai compris, j’entends par là que j’ai ouvert les yeux sur moi, et sitôt cette révélation de cette nature que j’avais toujours ressentie, à tâtons et sans comprendre, le résultat a été très simple. Tout le monde l’a su et je ne l’ai pas caché. Au collège d’abord, au lycée ensuite, pour mes copains du cours d’arabe, tout le monde a été au courant, et cela ne venait pas d’une rumeur ni d’une insulte mais de mon propre comportement.

Je l’ai dit.

Le fait que cela choque était le dernier de mes soucis, et ce faisant, j’ai entamé un lent processus de guérison intérieure car l’enfant que j’avais été avait été un enfant très perturbé, dépressif, colérique en dedans et fortement déstructuré. L’acceptation de mon homosexualité a été le premier choix majeur, car si on ne choisit pas d’être homosexuel, on a le choix de l’accepter, et le plus tôt, et le plus radicalement est le mieux, si bien entendu l’environnement le permet, et c’est précisément ce choix assumé qui permet à d’autres d’avoir accès à ce choix.

Je suis homosexuel, et de façon très radicale, c’est à dire d’une façon terriblement banale, en tout cas à mon niveau: c’est dit, et puis c’est fini, hop, on n’en entendra plus parler, si ce n’est dans ma façon très banale également de parler d’histoires de mecs sans trop me soucier de mon auditoire. Je ne suis pas out, je suis plus que out, c’est à dire que je me fiche complètement de mon homosexualité, il y a juste qu’il ne faut pas qu’on me marche sur les pieds.

Ce processus a été lent à certains égards car je viens d’un âge où c’était encore quasiment interdit par la loi, c’était une atteinte aux bonnes moeurs et le ministère de l’intérieur contrôlait un fichier des « invertis », notre sexualité s’apparentant de par la loi à une maladie aussi dangereuse que la tuberculose et le cancer… On revient de loin, et ce n’est pourtant pas si ancien. Imaginez, ces fameuses années 70 enchantées aux dires des boomers, eh bien c’en était la loi. Pour les boomers, l’homosexualité était cool. Je t’en ficherais, moi, du cool. Bon, heureusement, c’est également à cette époque que les premières organisations de libération ont émergé, et enfin un premier discours radical, en rupture et avec l’ordre dominant, et avec le cool de l’époque.

On en a fait, du chemin. Aujourd’hui, on servirait presqu’à vendre de la lessive, un candidat aux élections ou des guerres impérialistes. On a été incorporés à la démocratie libérale de marché, on nous aime, on se réclame de nous. Je t’en ficherais, moi, de l’amour. Je n’ai strictement rien à faire d’être aimé par des gens que je ne connais pas, je demande juste de droit de ne pas me faire casser la gueule ou dégager de chez moi à 15 ans. Et c’est assez intéressant de voir que la petite musique sur « le séparatisme », si on la laisse se répandre, elle finira immanquablement par se retourner contre nous. Nos bars non mixtes, notre presse, nos espaces non mixtes. Tiens, ça vous rappelle pas quelque chose, ce « non mixte »? Ben voilà.

Très joli court métrage, tendre, à l’image de son époque. Bon, j’avouerai que le professeur d’histoire, c’est le moment Balasko, là où on a un peu l’impression d’avoir à avaler un baba au rhum enrobé d’un discours d’Emmanuel Macron, genre il faut apprendre à s’aimer, gna-gna, le moment boomer, quoi. 5 minutes d’une fadeur affligeante, le moment tolérance assorti d’un discours historiquement très discutable, disons, approximatif. Mais bon, très vite le court-métrage abandonne cet échouage digne d’un salon philosophique du PS, reprend son rythme et le fil d’une histoire à la fois difficile et délicate, incroyablement tendre et dont la trame pourrait être qu’il n’y a pas un chemin qui conduit à l’acceptation de sa nature profonde.

Allez, je vous laisse le regarder.

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