Ouf…

La nouvelle ecole de design et d’architecture a Shinjuku. Ca fait un peu penser au « suppositoire », a Londres. En sous sol, Book1st, la grande librairie.

Ca va mieux en le disant, comme on dit… C’est toujours interessant de constater a quel point il y a toujours un decallage entre ce que l’on ressent et le moment ou l’on peut l’esprimer… Depuis quelques semaines, des phrases se bousculaient en moi et, pire, ou mieux, ceratins endroits, certianes images reveillaient en moi des sentiments et donnaient naissance a une narration interieure parfois d’une rare intensite. J’ai profite de la crise pour me replonger dans les annees 20, les annees 30 et j’ai fini par revisiter jusqu’aux annees 60 : Youtube est un outil extraordinaire. J’ai profite d’une visite au nouveau Book1st a Shinjuku pour, tranquilement assis, me plonger dans des livres de desing. Mon cerveau criait famine. A l’heure ou j’ecris ces lignes, des formes et des phrases circulent dans ma tete et irriguent mon esprit, en lutte contre la depression. Ca va bien, et je me suis donne un travail qui va m’occuper un certain temps. C’est mur.
Ce midi, j’ai commence le truc que l’on n’a jamais le temps de faire en temps normal : j’ai libere 60 Go de place sur mon disque dur, puis j’ai fait une optimisation integrale. J’ai plus de 70 Go disponible, c’est pas mal. Surtout si l’on songe aux dizaines de gigas de photos, de musiques et de clips videos…
Je me sens nostalgique de bien des choses, et meme de choses que je ne connais finalement pas, comme les annees 20, par exemple. Si je devait donner un sens a cette crise economique, ce serait celui-la : la fin reelle du 20eme siecle et l’entree dans le 21eme. Un fantastique telescopage de signes connus se bousculent et se presentent comme nous ne les attendons pas. En plein revival annees 80, voici une recession qui evoque celle des annees 30. Le president elu Barack Obama, aux USA, se presente comme le nouveau Kennedy qui retablira l’Amerique a la maniere de Roosevelt. Les fleurons de l’automobile se voient desormais, au bord de la faillite, sommer de faire des voitures propres, ecologiques, electriques. Des images de Mars nous revelent la presence de glaciers a des latitudes ou les scientifiques n’en attendaient pas, et dans de grande quantite qui permettront aux futurs cosmonautes de rester un certains temps. Le terrorisme frappe Mumbai, que plus personne n’appelle desormais Bombay, et les journalistes presentent la ville comme « une des principales capitales financieres ». Un peu partout de grands restaurants, des magasins ferment faute de clients, tous victimes de la crise, New York est sinistree. A Tokyo, le quartier de Roppongi est desormais sinistre, les banquiers n’auront pas de bonus. La culture des nouveaux riches « hype » est desormais derriere nous. Il parait qu’a New York, les costumes sont sombres, les chemises blanches et les cravates sobres et discretes.
Les periodes de crise sont interessantes a etudier, passionnantes. Si vous avez mon age, vous rappelez vous quand les epaules ont arrete d’etre carrees pour les femmes et surtout a partir de quand vous avez regarde celles qui portaient encore des epaulettes comme des ringardes ? Ces changements interviennent dans une crise (entre 1990 et 1992) pour les epaulettes et on ne s’en appercoit meme pas. Seulement apres coup, en regardant une serie tele, on rigole.
J’ai des nostalgies donc, des nostalgies d’avant dans le temps, des nostalgies d’avant dans l’espace. Jun et moi avons regarde la serie Queer as Folk, les 5 saisons. Nostalgie de la vie gay, de Paris, le COX le dimanche en fin d’apres midi, une pinte, deux pintes, trois, quatre, bavarder, rentrer en velo un sourire jusqu’aux oreilles, et puis Londres, Le Bar Code dans Soho (sorte de COX mais avec un club hyper sympa en sous-sol… ouah, s’il y avait un incendie la-dedans, ai-je souvent pense, mais la musique et l’ambiance valent vraiment de… ne pas y penser), et puis le Comptons, et meme le CXR (prononcer sexer…), ce pub ouvert jusque pas d’heure sur Charing Cross Street ou des typres suralcoolises, beaux, pas beaux, jeunes, moins jeunes, viennent finir la soiree a la recherche de la derniere chance (ou, desabuses, du dernier verre)… et que dire de Heaven, Fridge et de l’absolutly ringard… mince, je ne me souviens pas ! Meme a cote de chez moi, a Lewisham, il y avait des pubs gay!
A Tokyo, il n’y a pas de vie gay, il n’y a pas de communaute gay. Un grand nombre de gays se marient et vivent leur sexualite en cachette en allant dans les saunas gays et les sex clubs ou regnent une promiscuite silencieuse, anonyme. Les bars gays ne sont pas des bars gays, mais des bars a la japonaise ou 3, 4 ou 5 clients s’assieds au comptoir et bavardent avec mama-san, chantent au karaoke. Ni-Chome, repute quartier gay, est un endroit sinistre et triste a mourir avec des entraineurs qui alpaguent dans la rue et un faux bar gay a terrasse, le Advocates, nul!
Je suis intimement persuade que c’est du milieu gay que nous est venu notre courage de revendiquer des droits, affronter gouvernements et milieux medicaux quand le SIDA est arrive. Parce que ce « milieu » nous donne la certitude que nous ne sommes pas seuls, comme tentent toujours de nous le demontrer nos ennemis, les heteros, ceux qui nous disignent comme homos et, ici parents, la professeur, ou encore psychanalystes, ou cure/imam/rabbin/bonze nous jugent meme sans nous connaitre. Cette masse hetero qui, incarnee par tout le corp social et la morale qui les habite, trouve toute sa force dans notre isolement « naturel », ici le fils, la fille, le collegue, la voisine, le cousin. C’est seul que nous nous construisons malgre eux. Malgre vous.
Nos bars, nos discotheques, nos journaux, nos bordels, notre humour, tout ce qui insupporte tant Finkelkraut, c’est ce qui nous donne de la force, c’est ce qui nous fait comprendre le mensonge hetero. Et la gay pride, bien que spectacle d’une affligeante nullite, c’est ce qui nous permet d’exposer leur propre mensonge a la figure des heteros. On est pas seul, nous sommes nombreux.
Les discours anti-communautaristes sont les discours faciles de la nouvelle reaction. Moi, qui suis gay, qui suis metis algerien, je suis profondement individualiste. C’est une option philosophique : je suis democrate et je considere chaque « autre » egal a moi. Je ne connais aucune difference entre les individus. Le fait d’avoir un long nez, des petits pieds, la peau brune, blanche ou noire (j’adore ces « nouveaux blancs » cools, genre Aubry, qui vont rajouter le vert et le jaune pour bien demontrer qu’ils ne sont pas, mais alors, pas du tout, racistes), d’aimer ou un homme, ou une femme, ou les deux, de ne pas concevoir le vide et croire en dieu, d’avoir une intelligence vive, synthetique, abstraite, lente, portee sur les images, ou les sons, ou le touche, toutes ces possibilites venues d’un assemblage de mollecules et creant toute cette palette, toute cette richesse d’individus ne justifie en rien que l’on etablisse des hierarchies et des differences en droit. Il est donc evident que je ne peux etre pour la designation de communautes puisqu’a mes yeux le role de la politique est de permettre a l’homme de choisir son propre destin independamment de son origine, des convictions de ses parents, et selon ses qualites propres.
Mais comment faire si c’est la societe qui definit la communaute. Je n’ai pas choisi ma sexualite, et j’ai encore moins choisi qu’on la designe, qu’on la repertorie et qu’on la discrimine. Que faudra-il faire pour que nous ayons le mariage, l’adoption bref, une egalite totale de traitement, de consideration, d’avenir et d’esperence ? Ici, la societe nous oppose « l’institution du mariage » comme « l’union d’un homme et d’une femme dans le but de fonder une famille ». Quid de la contraception, des divorces, du viol conjugal et des violences domestiques ? La, on nous oppose le caractere « sacre » du mariage. Est-ce a dire que l’homosexualite est sale ? On peut ainsi continuer a demonter les arguments, il en ressortira toujours que l’heterosexualite est le groupe communautaire le plus puissant et qu’il exerce sa domination avec un zele tres actif au detriment des individus. C’est le groupe heterosexuel (male, de surcroit) qui s’opposait au divorce, a l’avortement, au droit des femmes a disposer de leur propre corp et a conduire leur vie. La communaute heterosexuelle a ete une communaute extrement rigide avec ses propres membres et il a fallu beaucoup de luttes pour qu’un grand nombre d’heterosexuels affirment enfin leur liberte d’individu, leur droit au bonheur et a l’echec. Nous, homosexuels avons egalement beaucoup accompli et le premier pas fut justement de nous batir en groupe: cette construction peut paraitre choquante mais elle etait necessaire pour exister en tant qu’individus. A cette egard, l’absence de communaute au Japon produit la vie qui va avec. Une vie de merde, solitaire, ou apres 30 ans etre gay passe pour une tare (la plupart des bars sont interdits aux plus de 30 ans), ou etre gay est reduit a une question de sexe.
On obtiendra le mariage. On finira pas faire dire aux livres d’histoire ce qu’ils cachent de Shakespeare, Mozart, Da Vinci ou le tres a la mode en ce moment, Keynes. Blanche Neige et Cendrillon feront une infidelite a leurs princes et partiront vivre au pays de La Belle au Bois Dormant ou elles se mariront et adopteront les freres et soeurs du Petit Poucet qui n’auront plus a avoir peur d’etre abandonnes (par leur parents biologiques).
Ca me manque, ici, cette communaute. Cette presence des « copines ». C’est pas pour draguer, c’est autre chose.
Le Japon est un paradis pour heteros. C’est ce que dit mon ami Yan et c’est ce que nous pensons tous, nous, les homos. Regardez-les, ces montagnes de puceaux blanc-bec de France ou d’ailleurs. Ca debarque ici, ca couche/ca couche, un jour ils rencontrent « leur » Japonaise, ils se marient, visa permanent donnant le droit de faire le travail qu’ils souhaitent, etre travailleur independant ou ouvrir leur propre entreprise (tout cela interdit aux autres), generalement cautionnes par leur belle famille. Pour les homos, c’est cuit. Il y aura bien des heteros qui me trouveront injuste, partisan, malhonnete comme les blancs trouvent parfois les noirs un peu trop extremistes quand ils soulevent la question du recrutement a diplome egal…
Nous avons pour nous d’etre une tres grande famille et ce sont nos ancetres qui, en habillant vos grand-meres, en leur creant des parfums, en les peignant, en les coiffant et en leur ecrivant chansons et musiques, ont fait bander vos grands-peres.
Je ne crois pas a l’heterosexualite ni a l’homosexualite, mais je connais l’histoire de notre oppression. Je sais aussi qu’heureusement, produit de luttes pour l’emancipation individuelle, une masse grandissante d’heterosexuels ne se pensent plus heterosexuels et ne nous voient plus comme homosexuels. Parmi eux se trouvent mes amis en Europe. Oui, je suis un homosexuel radical dont la tres grande majorite des amis sont heterosexuels.
C’est marrant, je voulais juste dire que j’avais vu Queer as Folk enfin (je n’en avais vu que 2 saisons sur Pink TV), et voila une longue presentation radicalement tarlouze !
Je vous avoue etre particulierement honteux de la pauvre ecriture qu’il me reste apres avoir passe tant de temps sans ecrire. Mais comme je vous l’ai explique plus haut, j’ai un travail a terminer et je dois donc travailler, travailler, travailler.
Ben oui, je n’ai pas de travail, alors je n’ai plus qu’un truc a faire… Travailler.


Commentaires

2 réponses à “Ouf…”

  1. Ça faisait longtemps que je ne t'avais vu aussi combattif & aussi lucide. C'est signe que tu sort de la dépression vainqueur.
    J'avais justement une discussion avec 3 potes hier. On a tenté de convaincre de ne pas faire le choix de Sarko. Ça a été un échec : les petit blanc adore suivre un chef qui a réussi & qui brille en méprisant le petit peuple (l'identification de l'opprimé à son oppresseur). Que faire maintenant ? Se recroquevillé dans ses livres & ses potes ? NON : Continuons le combat.

  2. Ça faisait longtemps que je ne t'avais vu aussi combattif & aussi lucide. C'est signe que tu sort de la dépression vainqueur.
    J'avais justement une discussion avec 3 potes hier. On a tenté de convaincre de ne pas faire le choix de Sarko. Ça a été un échec : les petit blanc adore suivre un chef qui a réussi & qui brille en méprisant le petit peuple (l'identification de l'opprimé à son oppresseur). Que faire maintenant ? Se recroquevillé dans ses livres & ses potes ? NON : Continuons le combat.

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