Dépourvu de suffisamment de terres cultivables, de matières premières, le Japon a nourri son ambition de devenir le meilleur en puisant son énergie dans son refus obstiné d’être colonisé et de voir le peuple assujetti à une volonté étrangère, sa culture réduite au mépris.
Article publié sur Al Huffington Post Algérie. La mauvaise gouvernance, la violence des années 90 et les affaires de corruption qui inondent la vie politique algérienne occultent depuis des décennies ceux qui nourrissent l’ambition de voir notre peuple accéder à l’éducation, à la culture et à la prospérité: les Messali Hadj, Mohammed Boudiaf et autres Larbi Ben M’hidi.
Alors, écrire ces quelques lignes du Japon où je vis est un immense honneur. C’est en pensant à tous ces combattants petits et grands, que je le fais.
Une édition algérienne du Huffington Post, cela veut dire qu’enfin notre pays ne va plus seulement recevoir ce qui vient de l’extérieur, mais qu’il va désormais émettre, partager sa matière grise, peut-être une des choses qu’il a le mieux réussi.
Si je mets en avant cette page d’histoire dont la jeune génération ne mesure pas l’importance tant l’histoire en notre pays est devenu un champ de bataille, c’est que je vis dans un pays qui est l’un des très rares pays à avoir échappé à la colonisation alors que l’Algérie est un des rares pays à avoir conquis sa liberté de haute lutte, et par lui-même.
Le Japon, c’est l’Asie pas l’Occident
On l’oublie souvent, le Japon est avant tout un pays asiatique. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il n’est pas un pays occidental.
Pour être né et avoir grandi en France, je mesure chaque jour ce qui sépare les habitudes françaises, européennes, du quotidien japonais. Mon regard a appris le dépaysement et paradoxalement, en l’éloignant de la France, l’Algérie s’est en moi faite plus proche.
Dépourvu de suffisamment de terres cultivables, de matières premières, le Japon a nourri son ambition de devenir le meilleur en puisant son énergie dans son refus obstiné d’être colonisé et de voir le peuple assujetti à une volonté étrangère, sa culture réduite au mépris. Et ainsi, vous connaissez tous Honda, Mitsubishi, Panasonic, Hitachi, Sony, Sharp, JVC, Kenwood, Toyota, Daihatsu…
Un même désir farouche d’indépendance lie le Japon et l’Algérie
Les échecs de l’Algérie indépendante si souvent mis en exergue avec raison sont, hélas, parvenus à faire oublier, surtout chez les plus jeunes, les ambitions de départ. Et plus encore l’incroyable cruauté du joug colonial, au point que les idées révisionnistes mettant dos à dos la colonisation et la réalité de l’État autoritaire qui lui a succédé se propagent.
Dans l’Algérie de 2014, on lit le réactionnaire pédant Alain Soral, malgré son mépris des guerres d’indépendances et son nationalisme occidental, on réinvente une Algérie française qui finalement n’aurait pas été si mal en oubliant les expropriations de masse ou le statut d’indigène qui faisaient des algériens des êtres privés de droits et d’éducation, discriminés, quand ils n’étaient pas simplement assassinés sans procès pour les meurtriers. Et on malaxe toute cette bouillie dans un nationalisme de pacotille, assorti à un sentiment d’infériorité face à l’ancienne puissance coloniale
en saupoudrant le tout d’une interprétation desséchée de l’Islam, réduit à des interdictions.
Enfant, j’étais fasciné par le Japon. Et je continue de regarder ce pays comme un exemple à suivre en méditant sur ses échecs. Je regarde avec toujours autant d’admiration les quartiers pauvres de Tôkyô. Tout y est propre malgré la pauvreté et la vétusté des maisons qui parfois ne tiennent que par des tôles et des planches de bois. Les habitants y rajoutent des fleurs, des plantes vertes. La pauvreté ici est pimpante, digne. Humaine.
Ici, ce que la mairie ne fait pas, on s’organise pour le faire!
Ici, on ne jette pas les papiers par terre, ici, voler est un déshonneur, ici, ce que la mairie ne fait pas, on s’organise pour le faire. Nettoyage devant la maison, ramassage des feuilles en automne. Ici, tout est propre et chacun veille à ce que ça le reste.
Quand vient le printemps commence la saison des matsuri, ces fêtes liées à l’ancien calendrier agraire et imprégnées des religions du Japon. Les Japonais ne se soucient pas de savoir si leurs religions, leurs pratiques sont bonnes ou mauvaises. Ils ne les définissent pas par rapport à l’étranger.
Ici, surtout quand vient l’été, on apprend la diversité des tenues vestimentaires, qu’elles soient héritées du passé ou inspirées par la mode. Le kimono des vieilles dames est gris ou bleu, celui des jeunes filles se fait coloré. Et parfois, dans mon quartier, je vois ces groupes de jeunes qui ont visiblement acheté des kimonos d’occasion. Tout cela s’harmonise avec les jeans des uns, les mini-jupes des autres.
Les japonais ne perdent pas leur temps en détails futiles. Ils se sont concentrés sur la réussite de leur économie. Sur la propreté de leur environnement. Dans les familles, on a beaucoup misé sur l’éducation.
Le pays fait face à un vieillissement accéléré, et c’est peut être une bonne chose, à long terme, pour ce pays surpeuplé.
Régulièrement secoué par des séismes et balayé chaque année par les typhons, mais il est là, debout, solide. Son peuple a tenu, avec ses échecs aussi, la promesse de ceux qui ont réorganisé totalement le pays pour rattraper et dépasser l’Occident. En y apprenant tout ce qui pouvait l’être quand les bateaux américains, anglais et français ont imposé leur dictat à ce pays qui jusqu’alors vivait tranquillement. Il a su rester lui-même et s’ouvrir au monde à sa façon. Le Japon est aujourd’hui un pays important. J’espère, à travers ce blog, modestement contribuer à vous suggérer que ce que le Japon a réussi, l’Algérie peut aussi le réussir.
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