Article paru dans Le Monde, daté 11 mai 2007
Un article qui pose bien la problématique.
« Si la gauche se porte mal en France, elle n’est pas non plus très vaillante dans le reste de l’Europe. Il y a un an, elle semblait portée par des vents favorables. Ceux-ci ont aujourd’hui tourné. La défaite de Ségolène Royal, le 6 mai, n’illustre pas seulement l’échec des socialistes français, elle correspond aussi à un recul de la social-démocratie dans de nombreux Etats de l’Union européenne. Le succès d’Angela Merkel en Allemagne, en septembre 2005, a annoncé cette évolution, même si la nouvelle chancelière ne l’a emporté que de justesse et si les deux principaux partis ont choisi de travailler ensemble au sein d’une grande coalition.
La « droitisation » de l’Europe s’est exprimée de la manière la plus symbolique en Suède quand la social-démocratie, en septembre 2006, a été battue par les « nouveaux conservateurs » de Fredrik Reinfeldt, au nom du renouvellement du vieux modèle scandinave, longtemps considéré comme un exemple en Europe. Comme Nicolas Sarkozy en France, le chef de la droite suédoise a plaidé pour la revalorisation du travail, dénoncé l’assistanat, promis plus d’emplois. Une fois élu, il s’en est pris aux jeunes chômeurs qui refusent les offres proposées par les agences spécialisées.
Deux autres pays nordiques sont également gouvernés par la droite. En Finlande, les centristes au pouvoir ont rompu leur alliance avec les sociaux-démocrates, après les élections de mars 2007, pour s’unir aux conservateurs. Au Danemark, le libéral Anders Fogh Rasmussen a éliminé en novembre 2001 son homonyme socialiste, Poul Nyrup Rasmussen, en durcissant le ton à l’égard des étrangers, comme l’a fait Nicolas Sarkozy, pour attirer les électeurs de l’extrême droite. Il a été reconduit en février 2005 alors que les sociaux-démocrates ont encore perdu des voix.
La social-démocratie a subi un important revers aux Pays-Bas en novembre 2006 avant d’accepter d’entrer dans le gouvernement de coalition dirigé par le chrétien démocrate Jan Peter Balkenende. Elle a été écartée du pouvoir en République tchèque après sa défaite de juin 2006. En Pologne, elle est hors jeu. Il y a certes des exceptions en Europe : la gauche gouverne en Espagne, en Italie, au Portugal, en Hongrie mais aussi, depuis janvier, en Autriche, au prix d’une coalition avec les démocrates chrétiens. Chaque Etat a ses particularismes, liés à son histoire nationale, à sa culture politique, à ses choix idéologiques. Mais la crise touche presque tous les partis socialistes.
Dans la plupart des pays européens, la demande d’ordre et d’autorité provoquée par les bouleversements du monde favorise la droite. Le modèle social-démocrate n’y répond en effet qu’imparfaitement. Ses bases sont désormais fragilisées. Traditionnellement il reposait sur deux piliers : un compromis entre le capital et le travail, un accord entre la classe ouvrière et les classes moyennes. Or la mondialisation a mis le premier en péril tandis que la montée des inégalités a rendu le second plus aléatoire. C’est cette difficulté que doivent résoudre les sociaux-démocrates s’ils veulent reconquérir le soutien de l’opinion. Une partie d’entre eux a déjà beaucoup avancé dans leur travail de rénovation, d’autres, comme les Français, n’en sont qu’au tout début.«
Thomas Ferenczi
Un article intéressant dont je tire 2 conclusions :
– La défaite française n’est pas isolée, il ne s’agit donc pas seulement d’un « logiciel » qu’il faudrait « réactualiser »;
– Les alliances au centre ne sont pas des voies nouvelles mais s’apparentent généralement plutôt à des voies de survies, certainement empruntées par l’existance de mode de scrutins qui les permettent (proportionnelle).
Je partage ce tableau, assez sombre finalement.
Mais également encourageant : la crise de la Social-Démocratie est une crise de sens. Elle accompagne une « crise de civilisation » plus profonde, celle ouverte par les possibilités infinies de l’économie de marché alliée à l’économie de désir suscitée par nos sociétés de consommation avides de profit (pour les uns), et d’affirmation de soi (pour les autres).
Repenser la Social-Démocratie aujourd’hui n’échappera pas à une retour à ses sources : une réflexion sur la liberté et sur le pouvoir bref, sur la Démocratie. Ce qui un temps était donné comme des moyens (résoudre les problèmes vitaux) s’est mu peu à peu en horizon indépassable (la « défense du modèle de protection sociale »).
L’Europe offre un champs d’expérimentation idéal à une nouvelle conquète de la démocratie. L’avenir de la Social-Démocratie passe par une inversion du paradigne actuel (de la nation vers l’Europe) à un nouveau paradigme (d’une nation fédérée Européenne vers les états qui la compose).
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