Le Blog de Suppaiku, journal bloggué de Madjid Ben Chikh, à Tokyo.

Tôkyô, mercredi 10 mai 2007



Jun a eu 32 ans fin avril. Rigolo : un petit mensonge, il s’était rajeuni de 2 ans… Nous sommes allés dans un restaurant de 門前仲町/Monzen Nakachô, Le Petit Nice. On a pris un plat et un dessert plus un kir et un verre de vin : 10,000円 pour 2 (environ 60 eur) : qui a dit que les restaurants français sont chers, à Tôkyô ? J’aime de plus en plus ces quartiers de l’Est, entre 茅場町/Kayabachô et 木場/Kiba, sur la 東西線/ligne Tôzai que j’emprunte régulièrement. Ce sont des quartiers à forte mixité sociale « à la japonaise ». Petites maisons entassées, un musée de la 下町/ « ville basse », la rivière 墨田/Sumida dont le simple nom évoque mon enfances et les rêves de Japon que je nourrissais alors.

Ben non, je ne suis pas jeune. Que d’eau a coulé, et comme je les envie, quelque part, toutes celles et tous ceux qui ont dansé et chanté dimanche soir. Quelle énergie, quelle force. Mais alors aussi, quel potentiel de déception et de désespérance. Et quelle rapidité certaine, aussi, pour baisser les impôts des plus riches et alléger les protections des plus fragiles. J’ai lu hier une chronique signée Jacques Attali où il ne cache pas son admiration pour Nicolas Sarkosy. C’est rassurant, quelque part, de le savoir entouré de gens comme Attali. Mais c’est aussi décourageant, voir que finalement les opinions, les engagements ne comptent pas, qu’on peut ainsi passer de l’un à l’autre bord avec la même aisance.


Ah, ça, il fallait en être, durant la golden week : 新マルビル/ Shin Maru Biru (un nouvel immeuble haut devant la gare de Tôkyô avec son grand centre commercial). Il paraît même que samedi il fallait attendre une heure…

Ici, c’est enfin vraiment le printemps. Il fait chaud, le ciel est désormais plus souvent bleu que gris, et on commence ici ou là à ressentir l’humidité qui fait le fond du climat en été. Je crois que je suis venu ici car j’aime cette sensation ainsi que la luminosité de cette saison au Japon. L’élection est passée et je vais devoir guérir de la France. Je ne ferai pas de procuration pour les législatives. Je rêve au fond de moi qu’ils perdent tous, que l’on passe enfin à quelque chose de neuf. Sans ni le centre, ni le PC ni les verts. Quelque chose qui soit vraiment nous, les socialistes. Européen, audacieux socialement, à l’avant-garde des combats démocratiques. Pas un parti qui protège, mais un parti qui avance, qui invite. Ce n’est pas le centre qui nous sauvera : il a déjà bien du mal à se sauver lui-même. C’est une grande idée et la fierté dans nos audaces. Audaces quant à l’ouverture sur le monde. Ouvert aux métissages. À la culture. Ayant foi en l’éducation. Profondemment Européen. Fédéralement Européen, et le vivant à travers le Parti des Socialistes Européens dont il pourrait être un moteur.
Alors, vous savez, ces histoires d’alliances…

Oui, bien que le gris s’installe au dessus de moi, c’est bel et bien la belle saison. Il fait gris mais il doit bien faire 25°… La semaine dernière, c’était la golden week. Pour moi, peu de changements côté travail mais pour Jun, quelques jours fériés qui nous ont permis de nous voir quasiment tous les jours. Nous sommes allés nous promener à 高尾山/Takao-san. Mésaventure fort ennuyeuse, j’y suis allé en sandale (je n’avais pas compris que ça montait vraiment…) et une lanière à craqué arrivé au sommet. Ca fait des souvenirs, ai-je dit à Jun, qui ne paraissait guère convaincu. Mais cela nous a quand même fait rire après que j’eusse bricoléune lanière à l’aide de sacs en plastique. Plus tard, à une halte à un bureau d’information j’ai pu rafistoler mes sacs en plastique avec des morceaux de scotch : je suis rentré à Tôkyô avec un vrai pied de SDF. Hormi donc cet épisode, je ne puis que recommander la visite à Takao. Je pense que le meilleurs moment est à la fin de l’automne pour y voir les feuilles d’érables rouges et y appercevoir le Fuji.

Promenade vers 神田/Kanda, au « centre-est » de Tôkyô. Les maisons anciennes disparaissent les unes après les autres. Ce n’est pas un mal car ce vieux bois rongé par les ans et l’humidité fait courir un réel danger en cas de 地震/tremblement de terre. Ce qui est triste, c’est ce qui les remplace. Il y a pourtant parfois de belles maisons, en béton lavé, bois et verre blindé mais elles sont hélas trop rares. On préfère construire une maison préfabriquée grisatre ou un de ces immeubles « élastiques » de 5 étages avec structure en métal et escaliers extérieurs, grisâtres eux aussi.

Il y a du côté de Kiba un grand parc qui suit le Nouveau Musée d’Art Contemporain de Tôkyô. Nous y sommes allés un matin de grand soleil, avant que je n’aille au travail. Plein soleil ! J’adore cet endroit. C’est un de ces parcs « post-modernes » des années 80, à la fois espace de loisirs, poumon de verdure, espace de rencontre et promenade. Il y a dans ce cas de la quasi-forêt par moments ainsi que de petits chemins, des bancs bien-sûr, de mini-champs de fleurs, plantées presque au hazard.

Un de ces ponts traversant le grand parc de Kiba, 木場公園. Le quartier est tout aux alentour peuplé de canaux et de ponts qui la nuit composent un paysage poêtique que j’ai découvert à l’époque de mon déménagement quand je le traversais tard, la nuit.
Qu’est-ce qu’il fait beau, alors… J’ai vu que de votre côté, à Paris, ce n’était pas mal non plus…

Et comme nous sommes dans l’est, dans ce que furent les anciens quartiers de pêcheurs qui approvisionnaient la ville jusque 日本橋/Nihon Bashi, des canaux avec leurs ponts métalliques que des travaux récents ont mis en valeur et le jour et la nuit à l’aide de couleurs et d’éclairages.

C’est incroyable comme cette ville, partout inorganisée à l’extrème, réussi à abriter autant d’espaces profondemment harmonieux, apaisant et équilibrés. Pas un équilibre général, comme à Paris, mais plutôt un ensemble de petits équilibres. J’avoue apprécier particulièrement l’arrondissement de 江東区/Koto Ku.
Au fait, si quelqu’un pouvait m’expliquer pourquoi on dit qu’au Japon il y a 47 « préfectures » gouvernés par des « préfets ». Que Tôkyô est une « capitale » gouvernée par un Préfet ? Je trouve ces noms dénués de sens, en tout cas en Français. Pour moi, il y a 47 départements avec pour chacun une ville Préfecture où réside le Préfet élu. Tôkyô est, comme Paris, une Capitale et donc à ce titre cumule la qualité de département et de ville. Monsieur Ishihara est donc le Maire de Tôkyô. J’ai tort ? Le maire de Paris est bien ET Maire de Paris ET Président du Conseil Général.

Les parcs japonais me font penser à leurs musées. Ou est-ce plutôt l’inverse? En Europe, on mettra un lieu en valeur par une abondance d’espace. Ici, l’espace est économisé à l’extrème, on privilégie la promenade. Les chemins se font sinueux et présentent à chaque fois une vision, un paysage nouveau. Il en est de même dans les expositions temporaires où l’on a l’impression de suivre un labyrinthe étroit, un entortillement permanent.
Ici, le Parc du Palais Impérial. On se croirait en forêt. On suit de petits chemins bien balisées, la nature autours est comme sauvage, mais sorti de ce sous bois, on s’apperçoit que cette longue marche ne nous aura fait avancé que d’une centaine de mètres. On est dépaysé pourtant…

Nous avons également profité du temps pour aller revoir le Parc Impérial entre 九段下/Kudanshita et 大手町/Ôtemachi. Par endroits, une quasi-forêt, et pourtant, totalement artificiel, et minuscule. Le parc est envahi de toutes ces nuances de verts que j’aime au Japon.

A Takao, un Tengu nous attend tout en haut. L’origine du Tengu est assez mal connue (surtout par moi-même). Il apparait toujours toutefois dans les espaces limitrophes, ces zones de « négociation » (A. Berque) entre la nature et l’humain que sont les bordures des forêts. J’ai lu ainsi que les Tengu pourraient trouver leur origine dans des moines hermites qui couraient les montagnes et les forêts, territoires incertains peuplés de bêtes fantasmagoriques, des démons et des divinités. Ces moines par moment revenaient parmi les humains, rendus sauvages par leur éloignement et leur vie parmi les bêtes, provoquant un sentiment d’effroi mêlé de respect. Il aurait alors fallu se concilier cet être redouté qui devenait alors protecteur d’une communauté, intercesseur. On m’a dit également que l’origine de la représentation du 天狗 serait chinoise.

Takao. Racines puissantes d’arbres multi-séculaires.

Il y a en tout cas à Takao un temple qui lui est consacré. J’écris temple, mais je serait assez mal placé pour dire s’il s’agit d’un temple ou d’un sanctuaire tant l’environnement emprunte au 神道/shintô et les rituels au 仏教/bouddhisme.
Takao est une promenade que je conseille à chacun d’entre vous qui fera une visite ici. Les arbres sont magnifiques, puissants, et hormi le chemin « principal » bétonné et sécurisé, il y a plusieurs chemins de forêts, plus « naturels » où seules les racines des arbres servent de marches à la montée ou la descente, abrupte parfois. Les forêts de pins sont magnifiques et parfument l’air. Le sommet est, en revanche, comme toujours pour les endroits où « il faut aller » au Japon, un endroit qui concourt pour le prix de l’endroit le plus inintéressant du monde, avec de fortes chances de réussite.


Dimanche 22 avril, vers 10h00. Je viens de voter à l’ambassade, quartier de 広尾/Hiroo. Après un café en terrasse au Segafredo et les croissants de Burdigala, promenade dans le grand parc. Je vois ce vélo et je ne peux m’empêcher de penser à mes amis Nicolas et Stéphane. Yves Montand, « à bicyclette ». Il fait chaud, Nicolas a mis du rosée au frigo, il y a une salade de tomates, un melon, des fromages. C’était il y a longtemps. Dans une autre époque. Alors j’ai pris cette photo…
Le Parc de Hiroo. J’ai honte de faire des photos, au Japon, des fois. On me dit « elles sont belles, tes photos! ».
Mais non, banane, mes photos, elles sont inintéressantes! Ce sont les jardiniers Japonais, les génies. Moi, je sors mon truc digital, je cadre, j’appuie.
Mais regardez ce pêcheur au bord de son lac. C’est Hokkusai, mais on est au XXIème siècle. Moi, j’ai rien fait. C’est ce jardin qui est beau, sa variété d’essence qui fait tant de couleurs, ce lac. C’est presque à vous décourager de faire de la photo, un truc pareil, en fait…

Golden week, encore. Comme à Nantes, « La folle journée ». Pour Tôkyô, une semaine de concerts à des prix inimaginables ici.
De grands artistes.
Et comme le Japonais (enfin… la Japonaise) est gourmand(e), une miriade de stands de nourritures du monde dans l’allée qui borde le Forum International, vers 有楽町/Yûrakuchô. Terrasse, beau temps. Une ambiance nonchalante comme ça manque parfois dans cette ville toujours pressée dans ces quartiers centraux.
Allez, je vous laisse. Il n’a pas plu, finalement.
De Tôkyô,
Suppaiku

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Commentaires

3 réponses à “Tôkyô, mercredi 10 mai 2007”

  1. Avatar de Anonymous
    Anonymous

    j aime bien mieux tes articles sur le japon , qui me donne envi d y retourner ….
    a ceux sur la vie politique française .

    amicalement Mika

  2. Avatar de Anonymous
    Anonymous

    j aime bien mieux tes articles sur le japon , qui me donne envi d y retourner ….
    a ceux sur la vie politique française .

    amicalement Mika

  3. Avatar de Anonymous
    Anonymous

    j aime bien mieux tes articles sur le japon , qui me donne envi d y retourner ….
    a ceux sur la vie politique française .

    amicalement Mika

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