Le mardi au soleil

C’est drôle, je voulais parler d’une histoire passée, et je me retrouve dans une histoire passé/présent, enfin bon, un truc marrant. Je parlerai donc des 2. L’une éclaire ma difficulté à appréhender l’autre. Et même si l’autre n’est pas une histoire, juste un truc qui m’ouvre ds horizon, tant il est révélateur.
Je parlerai donc de Takeshi, et je parlerai donc d’un autre homme. Je parlerai donc d’une histoire bancale à tous les points de vue, et de l’autre de mon impossibilité durant 2 décénies à envisager mon installation, mon inscription dans le temps présent, dans l’espace présent. Je parlerai donc d’un truc mal combiné, subi en quelque sorte, et dont la distance m’a libéré, et du hazard si sympathique qu’on n’envisage pas de le regarder comme tel…
Je tourne autours du pot, hein…
Bon, Takeshi, c’est un drôle de souvenir, c’est la trace ultime d’un temps dans lequel je me suis empétré lamentablement. Je crois que de ma vie, jamais je ne me suis aussi piteusement subi. Peut être en avais-je besoin, je ne sais pas. Mais quand il y a un mois et quelques je parlais d’un besoin de tout relâcher, je pensais à ce moment là. Je n’en veux pas à Takeshi de ces rapports étranges, lui profiteur, moi victime. J’avais besoin qu’on me dise qu’on m’aime, tout simplement. J’avais besoin que ce soit quelqu’un d’accessible, et il l’était. J’avais besoin qu’on soit drôle, il l’était. Et j’avoue avoir profité, pour un coût relativement élevé, de sa présence. Le Japon est pour moi désormais un pays ouvert et où rien ne m’est inaccessible. En revenant à Paris, avec cette forte envie de le retrouver, de repartir, je me suis retrouvé avec, face à moi, la vraie question que je ne voulais pas regarder en face : que faire, MAINTENANT ?
C’est grace à lui que j’ai compris que j’aimais aimer, je l’avais oublié. Que je devais prendre des décisions pour me redonner un avenir, je n’en avais plus depuis 2 ans. Quand j’ai quitté mon médecin, en mars, avec les mêmes résultats moyens, cette envie de vivre maintenant a germé alors comme une évidence : je ne reverrai pas Takeshi, je commencerai bientôt un traitement. Toute la suite n’est que conséquence d’un moment où ce choix est devenu possible car j’admettais ma faiblesse et ma résignation à être porteur d’une maladie grave. Réaffectées, cette faiblesse et cette résignation qui pesaient sur ma vie entière ont disparues progressivement, au point que j’en suis arrivé à me dire que ma vie est à Paris, quoi qu’il arrive. Pas ailleurs, en Angleterre. Et en tout cas pas au Japon pour le moment, même si c’est là une aventure qui me tente : je n’y renonce pas, mais c’est là quelque chose qui demande un peu de travail et une ferme volonté, à la limite de l’obstination. Cela demande donc que désormais, c’est ici que s’exprimeront cette force et cette obstination.
Takeshi était un épilogue.
Fin.

Le hazard veut en revanche que dans l’immeuble où je travaille, ici, à Sofia, travaille également un gars que je croisais dans mes visites au Tuileries, un peu minet blondinet à l’époque -pas mon genre quoi, mais c’étais quoi, mon genre … ? – et dont je me souviens parfaitement qu’il arborait royalement son autocollant UNI sur sa pochette de cours. Ce genre de truc me filait un urticaire assez radical à cette époque là. Juste avant la grande manifestation des « de droite » de 1984… Il a plutôt bien vieilli, avec un côté Sheller « quelque part ». Peut être les cheveux blonds/roux, la peau un peu rougie… On se croise depuis 3 ans ici sans jamais s’être parlé. Nous nous sommes pourtant plusieurs fois croisés depuis, ailleurs, et même au Dépôt… C’est dire. Mais pas une parole. Jamais.
Aujourd’hui, je déjeunais avec quelques collègues, nous étions perdus dans une conversation apocalyptique, il est passé avec sont plateau, on s’est dit bonjour. Là, je n’en reviens pas. Je ne sais même pas qui a tiré le premier, je crois qu’au premier regard on s’est dit bonjour !
Mais non, n’allez pas voir là ce qu’il ne faut pas voir… Mais je trouve ça étonnant, finalement, de croiser des gens sans leur parler quand pourtant depuis des années on partage finalement un peu la même histoire. C’est nul. Je dis ça aussi facilement car le voir ne m’évoque absoluement aucun désir. C’est dangereux, alors… Peut être est il tombé amoureux ce week end, et il était bien luné… Peut être je pars au Japon, et j’ai envie d’aimer tout le monde… Mais malgré ce désir zéro, je confesse que je le trouve charmant, ce doit être son côté Sheller : il est tout petit (et ça, ça m’a toujours fait craquer !).
Enfin, voilà qui est écrit, gravé sur le marbre du net !
Je n’ai finalement jamais cherché à vivre une histoire qui dure, c’est pareil pour le travail, l’appartement. C’est en train de changer et c’est finalement ET le Japon ET mon travail qui me conduisent à appréhender mon avenir autrement, comme un renforcement de ma stabilité. Ma maladie en accroit le besoin. Et c’est désormais des ambitions qui m’animent : je planifie mon changement de métier et plus j’envisage de m’installer, plus je pense que c’est en m’installant que je me rapproche du Japon. Du Japon dont je ressens le manque régulièrement. Le Japon du Kansai plus précisement.
Je redévelopperai une autre fois, et peut être d’abord quand j’y serai.
Mais c’est vrai que j’ai le Japon facile, je vais avoir le japonais à l’Inalco, j’ai l’argent et je ne vais pas tarder à déménager. Que me manque t’il donc.

Week end de repos avec quelque retrouvailles essentielles. Frédie d’abord, samedi après midi, chez elle. Quel bonheur, la revoir, et quel bonheur revoir ses parents. J’ai toujours beaucoup aimé sa belle mère, son parler direct, franc. Et puis, comme elle est Vietnamienne, elle est plus ouverte que d’autres personnes, elle connait d’autres cultures, une autre langue et elle a traversé les douleurs de la deuxième moitié du XXème siècle. Ca forge le caractère, et particulièrement le sien. De plus que ce soit avec elle ou avec son père, je me sens moi-même, je n’ai rien à dissimuler. Finalement, je suis plus à l’aise qu’avec ma propre mère… Le fils de Frédie, Fouki Mayela, est devenu un vrai petit garçon, avec des grands yeux. Et quel sourire… Lassina sort visiblement de « l’âge ingrat » : il est très grand, il fait grand jeune homme désormais. Mais la surprise a été le fils de Fatou, aussi beau que sa maman est belle. Je ne sais si c’est être peule, mais il a un visage d’une finesse, un port de tête si droit, si haut, il prouve à quel point il existe une réelle beauté africaine. Il est tout fin, grand, et en faisant des gaudrioles à un moments, il m’a rappelé sa mère, encore enfant il y a bien longtemps, quand elle réalisait des grands écarts à la chaine sous nos yeux étonnés. Fatou est devenue de toute façon une très belle jeune femme, son portrait trône dans le salon chez Frédie. Je la connais fort peu, finalement, et uniquement au travers de ce que me raconte Frédie, mais j’admire son courage et son intelligence. J’admire car rien ne lui a facilité l’enfance et l’adolescence. Elle n’a jamais rien reproché à Frédie, qu’elle considère comme une mère. C’est une fille très bien, qui a la tête sur les épaules. On retrouve la même « vibration » en regardant son fils, Malik.
J’ai trouvé Frédie en forme, c’est pour moi l’essentiel. Elle mériterait de vivre plus au soleil : elle a toujours le sourire plus facile quand vient l’été. Je suis fier de savoir que Frédie est mon amie depuis un quart de siècle et que nous nous connaissons depuis près de 28 ans… On se voit peu, mais ce n’est pas que notre jeunesse que nous avons pour être toujours ami. C’est aussi la simple curiosité de ne pas se perdre de vue, de savoir ce que l’autre devient, un peu comme un frère et une soeur. Et je trouve ça bien. Ca s’appelle l’amitié. Je l’ai déjà écrit, je suis très gâté de ce côté là. J’ai énormément de vrais amis, ils appartiennent à des moments différents de mon existance mais ils sont là, ils me racontent, nous avons eu nos moments forts, nos crises et nos doutes. Nos vies ont divergées mais peut être si on creusait un peu, on verrait que chacun raconte un petit peu l’autre. J’en ai perdu en route, l’un de son fait, et c’est Olivier. L’autre de mon fait, et c’est Thimothée. C’est amusant car je n’ai pas de regrets pour Olivier (son alcoolisme snob, son mépris parfois m’insupportait). Je me remets difficilement pour Thimothée qui est un garçon drôle, profond, intelligent. Ce serait long de raconter comment nous nous sommes perdus de vue : il faudrait raconter mon analyse, ce qui m’a conduit à m’oublier, à me perdre, à l’horizon de mes 25 ans… Il y aurait aussi Pascal Abel mais je ne sais pas trop, il y a eu trop d’ambiguités, trop de mélange de genres. Il me reste ceux qui ont suivi, et dedans ceux avec qui le hazard nous a fait nous retrouver quand nous nous étions éloignés.
Revoilà le hazard. En fait, il n’existe que si on sait le saisir, mais ce peut être facile de ne pas le voir. De ne pas se dire bonjour, et se dire, « tiens, celui là je le connais », et passer à autre chose.
J’ai eu maman au téléphone dimanche, un jour où je n’ai rien fait que travailler aux liens sur mon site. J’ai regardé une émission sur l’histoire des humains, ça fait froid dans le dos : notre histoire est une histoire absoluement triste, tragique. J’ai eu Maria aussi, dont la maman se remet difficilement de l’incendie de la maison. J’ai récupéré un peu de sommeil, enfin. Je dors très mal.
J’ai perdu 6.5 kilos. Je pesais ce matin 77.5 kg.
Lundi enfin j’ai vu Nicolas. Nous nous sommes retrouvés vers Champs Elysées et nous avons pris un verre après les Invalides, vers la Place du Chili. Temps maussade. Discussion sympa, notamment au sujet de l’histoire particulière d’Alain. Quelques petits soucis à son égars…
J’ai sorti ma valise hier soir, mais j’avoue avoir encore pas mal de choses à faire avant de partir. Mais sortir la valise est un moment très agréable…
Je réfléchis à mon premier Podcast, le vrai, et j’attends impatient son indexation dans l’Itunes Music Store.
Ce matin, un 地震 / jishin (tremblement de terre) très violent vers Sendai, force 7.2… Mail de Stéphane et Nicolas. Stéphane commence à comprendre mon appréhension pour aller à Tôkyô. Mais j’avoue, j’aimerai revoir Iidabashi sans Takeshi, la mémoire pleine de souvenir dont la plupart sont drôles, cocaces.

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