J’espere que le fond sonore venu de la precedente grande depression economique vous plaira. J’ai tache de garder une certaine unite sonore, a savoir plutot de la musique de cabaret influencee par le jazz, cette vraie grande revolution des annees folles qui vit la musique populaire blanche se metisser avec les chants des planteurs de cotons deportes d’Afrique. J’ai donc volontairement ecarte le realisme, ces chansons sombres qui fleurirent des apres la guerre de 14, ou la mort, le mensonge s’allient pour pieger les plus fragiles, jeunes filles venues de province et ouvriers licencies. J’ai alterne des chansons amusantes et legeres, celles d’Arletty, Mistinguett ou Marlen Dietrich avec les couplets plus graves de l’Opera de quatr’sous (J’en ai inclus deux reprises en francais : ce n’est pas sombre ou noir, c’est simplement sans issue… Et bien sur, je n’ai pas resiste a la tentation de vous mettre Josephine Baker et Irvin Berlin : fermez les yeux. et c’est toute la « follie » des annees 20 qui revient… (lien inactif, 14 fevrier 2016)
Retour sur ces derniers mois, puisque mon activite professionelle m’accaparait du matin au soir. J’ai delaisse ce blog au cours de ma premiere experience de totale immersion dans le quotidien de Tokyo, du metro plus que bonde le matin au wagon bruyant et ensommeille le soir, parfois tres tard. J’ai couru et transpire a Kayabacho pour ne pas rater ma correspondance avant de me retrouver frigorifie, le dos offert a une soufflerie glacee de climatiseur de la ligne Hibiya, coince entre plusieurs autres salaries qui, comme moi, passaient leur temps a s’eponger le frond et le cou. Entasse avec les autres dans la Tozai, une ligne qui vers 8 heures ressemble plus a un RER parisien un jour de greve observee a 80% qu’a un metro, j’ai enfin compris pourquoi les Japonais ne sont pas adeptes des sacs a dos ou meme en bandouliere : une fois rentre, apres avoir pousse le plus possible en etant pousse par toutes celles et tous ceux qui ne parviendront pas a rentrer malgre tous les efforts deployes pour y parvenir, il vaut mieux avoir « tombe le sac », a savoir le porter a bout de main afin de lui trouver oute sa place au niveau des genoux, la partie du corp la moins compressee…
J’ai decouvert Roppongi du midi, un quartier ou il n’y a rien a faire si ce n’est tourner en rond dans les quelques milliers de metres carres de centre commerciaux de luxe avec leurs Robuchons, Zara, Replay, Banana Republic… Le quartier est lui barre par une autoroute urbaine, une sortie de tunnel urbain et le boulevard lui-meme, donnant au tout un aspect de crasse indelebile. Quelques hotels chers pour touristes occidentaux desireux de se retrouver entre eux, des bars a filles et des Africains vous alpagant pour y rentrer : Pigalle. Bref, je me suis souvent contente de la cafeteria Benugo, pas trop chere, pas trop bonne avec ses emplyees Philippines qui passaient leur temps a dire bonjour et merci mecaniquement, le fond sonore de techno mondiale -indienne, arabe…-, la face « optimiste » (parait-il) de la mondialisation, cette espece de tartine moyenne pour classes moyennes qui « reussissent » et vont depenser leur argent dans des endroits « tendance » ou regne partout la meme musique, mais dans une variete incroyable de langues…
Comme tout le monde, il m’est arrive de rentrer chez moi le soir vers 23 heures, epuise, vide. On appelle ca vivre.
J’appelle ca payer son loyer.
En fait, c’est la premiere fois depuis que je suis ici que je n’ai pas du tout eu le sentiment d’etre a l’etranger. Ou plutot si, tiens : je me suis senti « non Americain ». Tous les jours parler anglais, etre avec des Americains dans une societe americaine…
Et puis il y a eu Kyoto cet ete, et nos week ends. C’est aussi ma premiere annee avec de vrais week ends, des samedis et des dimanches. Je l’ai deja ecrit, j’adore le Japon du dimanche. On y voit des familles, papas et mamans avec leurs enfants, descendant Ginza pietonne pour l’occasion. C’est un peu comme si le temps s’arretait. On s’assied a l’une des tables installee sur la chaussee et coiffee d’un parasol, on mange une glace ou une patisserie, on regarde les gens passer, le temps s’est arrete pour quelques instants et le quartier deborde d’une elegance tranquille un peu demodee. On y verra des dames en kimonos, des belles en beige avec leurs cheveux auburns ondules, de vieux beaux avec leurs veste en cuir ouverte sur une chemise deboutonnee dans le style de l’Italien Girolamo Panzetta (mannequin du magazine pour quarantenaires Leon), des enfants qui courent mais aussi de curieux attroupements autours d’un chiwawa ou d’un labrador elegament exhibe a une foule pressee de les prendre en photo…
Le dernier evenement, a Ginza, c’etait l’ouverture du premier H&M. Une queue de pres de 500 metres, pendant des jours et des jours. J’ai suggere a Jun qu’ouvrir un magasin de si mauvaise qualite a Ginza etait une erreur car les Japonais(es) sont tres mauvaise langue, et Ginza est le quartier du Luxe. Jun etait sceptique. Apres que nous soyons parvenus a y rentrer (ce devait etre vers 20h45, juste avant la fermeture, la queue avait disparue, on s’est dit pourquoi pas…), il a pu constater de ses propres yeux a quel point je disais vrai, et j’avoue avoir moi-meme ete frappe par l’extreme mauvaise qualite des vetements. Et finalement pour un prix relativement eleve. Je ne pense pas qu’H&M ira tres loin au Japon. Dans les quartiers de Harajuku, de Shimokitazawa, les jeunes trouvent des vetements infiniment plus creatifs pour des prix comparables, et mieux finis. Les Japonais sont radins : ils n’aiment pas payer cher mais ce qu’ils ne supportent pas avant toute chose, c’est debourser de l’argent pour quelque chose qui n’en vaut pas la peine. Quand le temps du premier lavage sera venu, j’ai bien peur que les jours de H&M seront comptes. Ils auraient du patienter et ouvrir leur premier magasin a Shibuya, le quartier des vetements gadgets de mauvaise qualite pour les vingtenaires. J’ai bien peur que le seul gagnant de l’ouverture du H&M Ginza ne soit le Zara a une dizaine de metres, et qui ne desemplit plus : pour 2 fois le prix H&M, c’est mieux fini, il y a plus de choix. Enfin, on verra…
A chaque foix que je vais a Ginza avec Jun, il y a une tres forte probabilite que nous finissions au Grill Swiss, un petit restaurant de fritures derriere l’Apple Store. Bien que ce soit Marutan qui m’y ait emmene la premiere fois, c’est toujours a Izachan que je pense; nous n’y sommes alles ensembles que 2 ou trois fois-dont peu de temps apres son depart-, elle y est allee tres souvent et elle me dit la derniere fois que ca lui faisait penser a moi… C’etait il y a un an et demi : comme le temps passe… Je suis heureux qu’elle soit heureuse de son travail. En tout cas, le katsu kare de swiss grill est un des meilleurs que je connaisse.
Jun et moi, les week ends, visitons les musees et explorons des quartiers peu connus de Tokyo. Je l’ai converti a ces marches au hazard qui vont d’ici a la sans qu’on ne prete trop d’importance a la destination elle meme. Ainsi nous devenons de plus en plus experts dans l’est de la ville. Tokyo deborde de vieilles batisses, de temples vraiment anciens, arfois plus de 300 ans… Comment ont ils traverse la guerre, les tremblements de terre et surtout les incendies, je l’ignore, mais il y en a en tout cas bien plus que ce que l’on se dit generalement.
Et puis l’est de Tokyo offre la complexite des vraies grande metropoles que je ne parviens pas a trouver a l’ouest, mais peut-etre suis-je encore ignorant et ai-je a explorer l’ouest comme je le fais a l’est. L’ouest est beaucoup plus residentiel, tranquille un peu comme une banlieue. Ainsi, tres souvent, si l’eki-mae (quartier de la gare) y est bien plus vivant, des qu’on s’en est eloigne on se retrouve entoure de clotures et de murs dans des rues etroites et desertes. A l’inverse, a l’est, les eki-mae sont plus calmes mais les quartiers avoisinant sont beaucoup plus vivant avec leurs plantes vertes qui debordent de partout, ces maisons qui donnent directement sur la rue… L’urbanisme a l’est est charge d’histoire, on s’y sent vraiment en ville. L’ouest ne me donne pas cette impression. Du coup, je ne raisonne pas trop Yamanote ou Chuo (les deux principales lignes de train a Tokyo, l’une encerclant le centre tel qu’il s’organisait dans les annees 50, l’autre reliant l’est et l’ouest avec crochet par la gare de Tokyo. Le Tokyo d’aujourd’hui ressemble plus a la carte que dessinent les lignes de metro « privees » (en fait, tout le reseau est prive) Toei. Les lignes Toei encerclent Tokyo en embrassant l’est genereusement de Morishita a Monzen et jusque Koiwa en le desenclavant: Tokyo metro, JR avaient tout simplement delaisses ces quartiers de la vieille ville… C’est par la que pousse le nouveau Tokyo, entre la prestigieuse nouvelle gare Tokyo et le nouveau quartier Otemachi (Toei Mita Sen) et le futur nouveau quartier Asakusa (Toei Asakusa Sen) ou pousse le Tokyo Sky Tree, la tour de telediffusion la plus haute du monde.
J’ai un faible pour ces quartiers encombres de verdure, ou les vieux velos, les vieilles maisons meme, semblent reprendre un etat mineral et ou coulent cette riviere qui me fit rever etant enfant, la Sumida…
Allez, assez cause : je vais me promener. C’est la crise, il n’y a pas de travail et personne ne sait ou on en sera dans 6 mois, ni vous, ni les specialistes, ni moi ! Raison de plus pour se promener !