J’ai regarde le film de Michael Moore, Sicko, hier soir. Je comprends parfaitement que le realisateur ait voulu faire la demonstration d’une Amerique sous-developpee medicalement et livree aux assurances privees. Les images et les interviews realises depassent ce que j’imaginais sur la question; non pas que je ne savais pas a quel niveau ce pouvait etre, mais etre place face a des exemples concrets rend tres precisemment les situations de desarroi qui sont la contrepartie dramatique de la course aux profit des entreprises privees. Refus de soins et d’actes chirurgicaux sont monnaie courantes et cette prise de conscience auquel le film nous invite n’est pas pour rien dans le lead democrate tout au long de la campagne electorale. On a eu beau dire que seule la crise financiere expliquait la victoire d’Obama, c’est oublier que toute la campagne s’est faite sur les themes du Parti Democrate ou la protection sociale a eu une place centrale. Un lead republicain aurait place au coeur la politique d’immigration car c’etait l’obsession de 2 candidats lors des primaires. Je continue toutefois de penser, et le film m’a conforte dans ce sens, qu’Hillary Clinton avait un bien meilleur projet que Barrack Obama, puisqu’elle entendait instituer une protection sociale d’Etat accessible a tous et concurrente des assurances privees, avec obligation de souscrire a l’un ou l’autre systeme bref, permettre a chacun d’avoir une protection sociale. Obama lui, propose l’acces a l’assurance privee de son choix pour tous et non l’assurance universelle de Clinton. Bien sur, je ne dis pas que le systeme Clinton etait excellent, mais en creant une couverture universelle d’Etat, bien qu’optionnelle, Clinton cassait le monopole des assureurs prives et offrait une chance aux cancereux, sideens, personnes agees, diabetiques, hypertendus, cardiaques, obeses, etc, d’etre soignes quand les assureurs prives trouvent toujours un pretexte pour les exclure. Des fois, je me suis demande si Obama n’etait pas soutenu dans certains milieux financiers essentiellement pour ca : laisser la main libre aux entreprises privees.
Bref, ce film demonstration m’a toutefois enerve quand il s’est agi des exemples europeens, et parmi eux, francais. L’interview de Tony Benn, le vieux baron du Labour, de son aile « gauche », qui n’hesitait pas a s’appuyer sur l’aile trotskyste pour maintenir son parti dans la mouvance du socialisme (les illetres du PS et du journalisme racontent souvent bien des betises a propos de la « modernisation » du Labour entreprise par Blair, car en fait de modernisation, Blair a ramene le Labour la ou il en etait dans les annees 30, un parti peu ideologique, pragmatique et aux revendications d’origine syndicales… ce n’est pas un hazard si la seule grande reforme du Blairisme est l’introduction d’un salaire minimum), en cela fidele au parti tel qu’il se redefini dans la guerre puis dans l’apres guerre, avec la medecine gratuite d’etat, le controle syndical dans les entreprises, une fiscalite hyper progressive et des nationalisations. Tony Benn est une personnalite comme il n’en existe pas en France, c’est l’anti-Thatcher. En fait, la variante francaise serait plutot Chevenement que Melanchon tant Chevenement est un homme politique particulier, et dont les idees s’enracinent profondemment dans l’histoire de la gauche francaise, avec toute la complexite et les contradictions que cela suppose : je n’aime pas du tout ses idees et pourtant, il y a quelque chose qui m’empeche de les detester. Sa politique d’immigration ne m’a pas du tout plu, et pourtant, il est le seul « haut » responsable politique a plaider pour une promotion volontariste d’une elite d’origine musulmane, africaine et asiatique dans les appareils politiques et administratifs. Son cote Marseillaise a l’ecole provoque de l’urticaire, pourtant sa volonte d’en faire apprendre les 7 couplets est un des plus puissants antidotes au Lepenisme qui soit (eh oui, la marseillaise est un chant international qui appelle les francais qui se sont liberes de la tyrannie a venir en aide aux autres peuples : le Palais d’Hivers a Moscou a ete envahit au chant de la Marseillaise, en Russe, et les independantistes algeriens avaient eux aussi une Marseillaise en arabe…). Bref, Tony Benn est un choix politique de la part de Moore. Pour l’Anglettere, c’est un peu comme si pour parler de la protection sociale on interviewait Laguiller en France. La personne est hautement respectee, on reconnait le symbole, mais c’est tres type ideologiquement. Toutefois, je dois dire que je me reconnais beaucoup plus dans ce socialisme « radical » anglais que dans le socialisme « radical » francais. Car en France, le socialisme n’a jamais ete populaire, cette base ayant ete captee par le Parci Communiste apres 1920. Et si le Parti Communiste n’a jamais ete petri de liberalisme politique et d’ideal democratique, le socialisme francais a toujours fait passer « le ventre » sur « la liberte » (l’opposition est de Anna Arendt) dans l’opposition, en oubliant les deux une fois au pouvoir. C’est etonnant comment Tony Benn exprime un socialisme petri de democratie et pour lequel c’est la democratie qui realise le socialisme par le pouvoir accorde au peuple : il conclu en imaginant un peuple qui se reveille et exprime sa propre volonte et ses propres interets par et pour la democratie. On peut trouver ca utopique, mais c’est pourtant cela, le socialisme, et dans ce cadre on n’a pas besoin d’y rajouter « democratique ». Le socialisme de Benn est un socialisme qui se confond dans la democratie et je suis a peu pres sur que les socialistes Americains sont dans la meme ideologie.
On visite alors un hopital et un dispensaire. En Grande Bretagne, la sante est gratuite, ce qui epate Moore. Il eut toutefois ete honnete de presenter la decrepitude du NHS il y a une dizaine d’annees, quand 20 annees de pouvoir conservateur avaient pauperise l’ensemble de l’appareil en gelant les credits a leur niveau de 1981 et en stoppant tous les investissements. Les britanniques ont du etre tres reserves sur le film… L’apotheose de la malhonnetete est atteinte en France. On nous presente un systeme social gratuit qui paie les baby-sitters… Rien sur les forfaits, le ticket moderateur… C’est vrai que les affections graves sont en France remarquablement bien couvertes, que les hopitaux sont modernes, que les allocations familliales, handicapees, premier enfant sont veritablement des avancees sociales contre lesquels tout gouvernement butera sur un refus de les amenager tant ils s’inscrivent dans un consensus qui mele socialisme et democratie chretienne, ce creuset de durant la resistance, cimente par l’aura charismatique du General De Gaulle. Mais n’eut il pas ete honnete de rappeler que generallement, un tiers de la consultation est a la charge du patient, et que generalement il devra s’acquiter de deux tiers du traitement ? Que le salaire moyen est de 1500 euros et le plus petit studio parisien coute 600 euros ? Qu’avec 1500 euros, il faut deduire 300 euros d’impots (d’etat et locaux), bref, que le net a vivre est alors de 600 euros. Et qu’ainsi, sans mutuelle (bref, une assurance privee), une visite chez le medecin peut facilement revenir a 20 euros net. Ca peut paraitre peu, ces 3,20% du net a vivre, mais qu’on y rajoute les soins dentaires, les analyses -reste 30%-, les lunettes et on s’appercoit que notre securite sociale ne repose plus seulement sur le principe de solidarite puisqu’il faut y adjoindre des « complemetaires » dont 5 a 6 millions sont exclus. Le PS « barre a gauche » de la Aubry ne remet d’ailleurs pas du tout en cause ce grignottage puisque c’est lui qui l’a introduit des les annees 80 (premiers deremboursement et creation de la categorie « de confort » rembourses aujourd’hui a 30%) puis sacralisee avec la creation, par Martine Aubry, de la Couverture Medicalisee Universelle, branche privee de l’assurance maladie puisque geree par un organisme mutualiste ou ue assurance privee (le souscripteur recoit une liste et choisi qui il prefere… bravo, Martine, « a gauche toute! »). Ce sont helas les socialistes qui ont cree cette sorte de privatisation rampante qui ne dit pas son nom : autrefois, jusque 1983/84, la securite sociale remboursait tout au minimum 80% : medecin, medicaments, hopital. La gauche, qui aujourd’hui crie au scandale avec les forfaits de Sarkosy, a introduit d’abord le forfait hospitalier journalier non rembourse (laissant ce soin au mutuelles), puis a cree les trois categories de medicaments en baissant les taux : normal a 75%, de confort a 35%, « facultatifs » non rembourses; parmi eux l’aspirine et le paracetamol, les vitamines… La suite de l’histoire des socialistes et de la protection sociale est une longue histoire d’augmentation des forfaits hospitaliers, de baisse des taux de remboursement et de deremboursements. Pour le plus grand bonheur des mutuelles, instituees partenaires sociaux a part entiere par les socialistes. Martine Aubry, deux fois ministre chargee des affaires sociales est passee maitre dans l’art de realiser des budgets equilibres sur le dos des assures sociaux. Certains objecteront que la medecine coute de plus en plus cher. Comment font donc les anglais, les allemands, les canadiens, les suedois… ? Je suis pour la nationalisation de la medecine, comme en Grande Bretagne. Le NHS coute 2 fois moins cher que la securite sociale..
Bref, Moore a volontairement souligne le contraste entre des societes basees sur la solidarite et une societe basee sur l’egoisme. Au prix d’omissions un peu malhonnetes. C’est la ou on touche a la limites des films de Moore : presentes comme des documentaires, ce sont des oeuvres de fiction, du cinema d’auteur, puisque Moore sait d’avance ce qu’il veut dire, comment le dire, et avec qui. La scene finale, ou des secouristes et pompiers du 11 septembre sont soignes a Cuba pour 3 fois rien quand le systeme americain les a exclu en est la triste expression, ramassant l’ensemble du film dans un melo larmoyant. Un documentaire aurait privilegie une comparaison, des interviews de Cubain. Il a choisi un derive de Tele Realite.
Ici, le temps finit par se lever, il a plus hier et jusque ce matin. On prevoit desormais du beau temps, je vais en profiter pour me promener.
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