Le Blog de Suppaiku, journal bloggué de Madjid Ben Chikh, à Tokyo.

En bloguant


Une chaleur caniculaire s’est abattue sur la ville et aujourd’hui il fera 30 degrés. J’aime quand il fait chaud, ici, soudain le corps se détend, et puis il y a cette lumière violente du soleil à la verticale qui nous rappelle que c’est presque l’été. C’est bien. J’aime ce moment de l’année, on en a pour quelques mois, maintenant.

La ville est en plein déconfinement à la japonaise, c’est à dire qu’après le confinement très relatif des deux derniers mois, tout reprend une certaine forme de normalité. Il y a certes moins de monde dans les trains qu’avant, mais il y en a tout de même plus qu’il y a deux semaines. À Ginza où j’avais rendez-vous samedi dernier, c’était presque noir de monde et les grands magasins étaient ouverts. La grande différence avec il y a deux mois, c’étaient les masques et ces longues cordes à l’entrée de Mitsukoshi avec du personnel portant visière en plastique et aspergeant les mains des clients en leur disant « merci ». Et bien sûr, pas un seul étranger dans cette foule. Depuis près de deux mois, nous sommes entre nous. J’ai lu quelque part que le nombre de touristes est tombé en avril à son niveau de 1964, année qui avait connu un record de tourisme avec la tenue des jeux olympiques. Ironique, non?

Dans le train qui m’emmène au travail, il y a de nouveau des lycéens et des lycéennes, j’en avais presqu’oublié l’existence, leurs uniformes, leur style, leur nonchalance. Il ont bénéficié de très longues vacances, c’est une année dont ils se souviendront, pour sûr. Certains ne s’en remettront pas, d’autres auront eu des souvenirs inoubliables.

C’est marrant, le coronavirus, ici. C’est une maladie « en anglais », je veux dire « en katakana-go », l’anglais syllabique écrit en alphabet utilisé pour transcrire les mots étrangers. « Social distance », « three Cs » (crowded places, closed spaces, close-contact), le tout prononcé soosharu distannsu, suriishiizu, sortes de slogans ne renvoyant à rien de bien tangible dans l’esprit japonais, si ce n’est à une sorte de truc venu d’un pays étrangers, avec sa mode particulière. C’est amusant comment cette maladie reflète la psyché japonaise, leur représentation du monde avec la Japon a l’écart. Le coronavirus ne consterné finalement le Japon que de façon indirecte, mais c’est quelque chose qui ne lui appartient pas. Les théories vont d’ailleurs bon train pour expliquer les faibles chiffres de contamination et celles qui soulignent l’exception japonaise ont la faveur des médias.

Les japonais sont très propres. Les japonais ne se serrent pas les mains. Les japonais sont vaccinés contre le BCG. Les japonais portent le masque. La souche du virus circulant au Japon est « différente ». Le virus ne circule que parce qu’il a été importé mais depuis que les étrangers ne peuvent pas rentrer, la circulation est freinée.

C’est vrai qu’on reste surpris par les chiffres, ici. Je suis généralement plus enclin aux explications rationnelles. Les personnes âgées sont confinées depuis la fin du mois de février, et je pense que c’est vraiment ce qui fait toute la différence. Différentes études ont démontré que le virus circule en bruit de fond depuis des mois et que le taux de contamination chez les hommes âgés de 30 à 50 ans serait supérieur à 20%. Ce mois-ci, une étude randomisée sur la circulation du virus va être menée: ils vont tester 10.000 personnes au hasard pour connaître le pourcentage de personnes ayant des anticorps.

Les chiffres sont très bas en comparaison avec les pays européens ou les USA, mais comment savoir. Toujours très très peu de tests, particulièrement à Tôkyô où il reste quasiment impossible de se faire tester. Je doute que nous soyons face à une résurgence importante du virus. Il y a des précautions partout et si c’est vrai que restaurants et cafés ont rouvert, leurs fenêtres sont désormais grand ouvertes. On verra mais comme je continue de me protéger, je ne m’inquiète pas trop. Les masques, les gels Hydro-alcooliques ont fait leur réapparition un peu partout et leurs prix baissent, retrouvant petit à petit leurs prix d’avant crise sanitaire.

J’ai eu mon ami Alain au téléphone samedi dernier, je lui ai annoncé un des trucs que j’ai décidés depuis le début de cette année et sur lesquels je travaille. Comme je vous l’avais écrit il y a trois mois, j’ai un projet politique important et j’ai eu le temps de l’affiner. Je lui ai expliqué en détail ce que je vois, ce que j’ai en tête. C’est pour septembre et j’ai les quelques mois qui nous en séparent pour que tout soit prêt.

Je compte un peu sur ça pour me booster car c’est un réel projet professionnel dans le sens où il va me prendre pas mal de temps.

Côté travail justement, mon emploi du temps est en mode réduit, mon salaire va un peu baisser mais je vais toutefois reprendre mes leçons du lundi et du mardi matin, donc financièrement je ne me fais plus trop de souci. Beaucoup de mes étudiants ont pris des cours en ligne pendant que les autres ont préféré ne pas venir durant deux mois. Certains commencent à revenir. Mon avis est qu’en septembre tout sera de retour à la normale.

J’ai goûté ces lundi sans rien, où je n’ai rien fait, seulement lire de l’information financière et des informations politiques, des articles de fond, ou bien encore regardé des vidéos de conférences sur YouTube. Pour moi, il n’y a pas eu de confinement, mais une sorte de parenthèse ralentie.

Sachant que mes revenus seraient amputés, j’ai fortement réduit la voilure et j’ai recommencé à cuisiner, weekends compris alors que ces dernières années j’avais pris l’habitude de la facilité, aller dans un petit restaurant de quartier. J’ai réduit le mois derniers mes dépenses d’environ un tiers. Je n’en reviens pas, et comme j’ai pris ce pli, j’ai commencé à faire de l’achat d’opportunité, bref, acheter quand c’est beaucoup moins cher. Je ne doute pas un instant que ce mois-ci je ne parvienne à réduire encore un peu malgré le fait que mes revenus vont recommencer à augmenter.

La frugalité, bien que nécessaire, c’est aussi mon hommage à maman, c’est ce que j’ai compris depuis l’an dernier. Je vais désormais essayer d’économiser, d’économiser le plus possible pour ne plus avoir peur de l’avenir d’abord, mais aussi pour pouvoir faire des choses aussi. Depuis mon gros désendettement, j’ai en permanence gardé une somme, pas très importante, sur mon compte. Environ 1800 euros. Mes seules économies. Je la chérie comme vous ne pouvez pas vous imaginer, cette somme. J’avais des dettes énormes, je m’en suis libéré grâce à maman. Alors ce qu’il me reste, j’en suis comptable, c’est précieux.

Depuis mars, plus aucun cours particulier, plus de cours du lundi ni du mardi matin, mes revenus ont fondu fortement, j’ai un peu grignoté sur cette somme, hélas, il m’en reste environ 1400 euros, mais comme je suis parvenu à drastiquement baisser les dépenses (tout en améliorant nettement mon confort de vie et mon alimentation), à la fin du mois de juin elle sera non seulement reconstituée mais très probablement augmentée. Il me reste par ailleurs deux traites de remboursement de mon ordinateur (mon iMac 27, c’était un crédit 0%) et à partir d’août je pourrai économiser encore bien plus. Bref, vraiment, je suis très confiant.

Je vais finalement demander la résidence permanente ici, parce que ça me facilitera la vie en augmentant mon statut social « symbolique ».

Un gros projet professionnel, plus du tout de soucis d’argent, il me reste à me remettre au travail et à écrire, mais je verserais ça volontiers dans le projet professionnel dont je parlais plus haut.

J’ai pas mal avancé, pour tout vous dire, et le changement de look de ce blog c’est un peu ça.

À partir de ce weekend, nous allons pouvoir savourer de nouveau les parcs, j’attends cela avec impatience. Je crois que c’est ce qui m’a le plus manqué dans tout ce temps. La golden week a été assez pauvre, limitée à des promenades dans mon quartier renouvelées en différentes variantes de la même, et c’est pas très joli, Tôkyô. Alors revoir les parcs, m’y détendre, y faire de ces siestes que j’aime y faire, et puis regarder les fleurs, tout ça malgré la saison des pluies qui pointe le nez et qui promet cette année d’être très chaude, c’est une attente impatiente.

Me voilà donc détendu, loin de l’horrible stress d’il y a un mois quand, retournant à l’école après une semaine de vacances je m’attendais à être au chômage.

Dans mon gros projet professionnel, en ce qui concerne la partie « écriture », il y a un épilogue à ma nouvelle écrite il y a dix ans pour minorités autours de la crise de 2008. Il y a aussi ce roman que je dois reprendre, oui, je sais, ça fait un million d’années que je le dis, mais cette épidémie, et puis d’autres trucs, tout m’y a ramené. Ce n’est pas de la paresse, c’est un réel manque de confiance en moi. Et finalement, pour la première fois de ma vie, je crois vous l’avoir déjà écrit, je n’ai plus ni peur, ni peu confiance. Au contraire, je crois avoir finalement atteint la maturité qui m’a longtemps fait défaut, non pas la maturité conventionnelle, mais celle qui me sied, faite d’une très grande lucidité sur moi, sur ma vie, sur ce que j’ai accompli, ce que je n’ai pas accompli, ce que je peux accomplir.

J’ai retrouvé le goût de la vie sans même y prendre garde, un goût qui ne m’avait jamais vraiment quitté mais qui désormais ressemble à cette force vitale de l’enfance, quand je courais partout dans ce monde qui était le miens et qui n’appartenait qu’à moi.

Je dois beaucoup à mon père, à commencer par ma conscience politique et cette certaine idée de moi-même, et je sais désormais que c’est du côté de maman que se situe la concrétisation. Pas parce qu’elle faisait, non, mais parce que c’est elle qui a rendu possible ce que je suis devenu. Je n’ai finalement qu’à faire fructifier. C’est d’ailleurs comme cela que je suis venu au Japon.

Voilà, je vais cesser de m’épancher sur moi. Je tenais à le faire toutefois car c’est ce qui a toujours caractérisé ce blog.

J’ai un autre billet à écrire, sur un tout autre sujet, alors il est temps de mettre celui-ci en ligne.

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Commentaires

2 réponses à “En bloguant”

  1. Epanche-toi, tu es chez toi. 😀

  2. Epanche-toi, tu es chez toi. 😀

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