De la saison du mochi, et d’autres considérations ayant trait aux distances incroyables…

D

L’hivers il y a deux ans. Grosse tempete de neige, ici, dans mon quartier.

Comme toujours, dans le métro. Ça y est ! Mon article est en ligne sur le site de MINORITES (et sur ce site également).
Grand beau temps sur la ville, où le vent se fait de plus en plus sec, asséchant la peau, ガサガサ. Dimanche, il devait pleuvoir mais finalement il a fait correct. Nous sommes allés voir les érables 紅葉 et les ginko 銀杏. Je ne suis pas fana des ginko dont les fruits puent le vomi… Samedi, comme j’ai terminé l’école assez tôt, Jun et moi nous sommes retrouvés à Shibuya, à partir duquel nous sommes allés jusque Meiji Gyoen Mae 明治御苑前 regarder la célèbre allée de ginkos aux feuilles parfaitement jaunes, parfois presque dorées. Il y a avait tout le monde 皆, comme toujours. Ce qui est étonnant est que cette allée mesure 100 mètres à tout casser, mais qu’il est impossible de franchir la distance en moins d’un quart d’heures tellement c’est bondé. La police encadrait la promenade, comme toujours, empêchant les promeneurs de s’aventurer sur la rue dès que les feux passent au rouge : il est alors en effet tentant de prendre des photos de cette perspective, encadrée de ses arbres. Plus loin, comme toujours au Japon, les gargottes de foires avaient envahi l’espace, vendant yakisoba et pommes d’amour. Il y avait aussi des vendeurs de patate douce grillée, dont les prix étaient prohibitifs, au moins 250 yens pour un bout minuscule, les voleurs !
Nous sommes rentrés, j’ai cuisiné une purée de pommes de terre, carottes et brocolis, délicieuse. Dimanche, c’était donc LA promenade à Shinjuku Gyoen, 新宿御苑 et Koishikawa Kôrakuen 小石川後楽園. Je dis LA promenade, parce que je suis devenu partie prenante de ce groupe de 皆 qui visite les jardins. Si Koishikawa était magnifique, je crois avoir craqué sur Shinjuku Gyoen, dont la vaste étendue permet de goûter une certaine tranquillité quand Kôrakuen est envahi de visiteurs. Des vieux, bien entendu. Il m’est récemment venue une idée étonnante. Si je devais me retrouver en France, je pense que le truc auquel j’aurais le plus de mal à me réhabituer, c’est la relative mixité, la relative jeunesse des visiteurs dans les jardins et les musées. À Tôkyô, ils ont en général la soixantaine. Je suis habitué à leurs voix, à leur intonation.


Vers chez moi.

Il y a trois mois, ce devait être début septembre, j’ai pensé l’espace d’un instant à l’hiver, et j’ai eu comme un dégoût, un moment de rejet, comme si l’hiver en soi était une idée impossible, une réalité insurmontable. Il faisait si chaud… Et puis nous y voilà. Depuis un mois, les feuilles tombent par brassées et déjà les cerisiers qui nous avaient tant enchanté sont mis à nu, après avoir rougi et jauni. La semaine dernière, en faisant les courses, j’ai acheté du mochi et de l’azuki. Le mochi, c’est du riz gluant, trop cuit, et qu’on frappe –traditionnellement- très fort jusqu’en faire une pâte élastique utilisée pour faire des gâteaux. Les mochis qu’on achète en hivers au supermarché sont en général des sortes de petites briques de 4 centimètres, toutes dures. On les passe au four où la chaleur les fait gonfler en les ramollissant. On les mange alors trempés dans de la soupe d’azuki sucrée et chauffée (au micro-onde…). C’est délicieux, et malgré le fait que ce soit assez nourrissant, c’est pauvre en cholestérol… Moi, j’adore ce dessert, parfait avec du thé vert, お茶. Le mochi est synonyme d’hiver et il m’évoque l’intimité des soirées passées bien au chaud. Vive l’hiver…

Dans le train, le retour. Mes journées se passent vite à l’école. J’ai donné trois cours. Le premier, ma vieille dame, Reiko. Le deuxième, Tomoko, qui aime le cinéma. Enfin, après deux heures passées sur le net à lire Minorités (dont les articles sont d’une réelle qualité), un nouvel étudiant, très jeune et très beau, dont les loisirs ont été un temps d’aller au patchinko, travailleur du bâtiment. J’ai eu Yann au téléphone, toujours la même problématique. Depuis la fin de NOVA, on se retrouve professionnellement dans des situations difficiles qu’il faut bien avouer, NOVA nous évitait. L’instabilité, la précarité, dominent. Pour moi, finalement, les choses tendent à se stabiliser, je me fais à mon travail et mon vieil iBook G4 de 5 ans d’âge, malgré son agonie très lentes dues à des séances de téléchargement sous amule qui l’ont fatigué, m’aide à utiliser mes temps de transport en les transformant en moment de travail.


Dans Koto-ku, pas tres loin de chez moi.

Je vais rentrer tard, comme tous les jours. Je suis en ce moment sur la ligne DenEnToshi, 田園都市線, du réseau Tokyu, 東急. À partir de Shibuya, c’est le terminus 東急, un peu comme à Gare du Nord pour le RER-SNCF, et on passe au métro, ligne Hanzômon, 半蔵門線. Il me faut environ 30 minutes pour aller de la gare où je prends le train, dans le département de Kanagawa, 神奈川県, jusque Kudanshita, 九段下, dans Tôkyô, où je change. En express, 急行, bien sûr, sinon il faut environ 41 minutes. Là, je prends la ligne Tôzai, 東西線, jusque chez moi. Ça met environ 20 minutes. Moi qui ai tant habité dans Paris, travailler dans Paris, me voilà esclave de temps de transports incroyables accomplis généralement en sens inverse des Tokyoïtes, puisque je vais principalement de la banlieue est à Tôkyô. C’est uniquement à partir de Kudanshita que je vais dans la même direction, mais ça ne m’empêche pas de trouver une place assise. Il y a bien un problème d’express, mais c’est le problème inverse : habitant Tôkyô, je ne peux pas prendre l’express, qui me passe sous le nez. C’est rageant. Je n’habite pas la banlieue, mais j’ai quand même un peu le sentiment d’être revenu à Bondy.

Dans mon coin, il y a tout comme dans une ville. Supermarchés à profusion, restaurants, et pas d’eki-mae, 駅前, devant de gare, tentaculaire comme dans la vraie banlieue. J’habite une vraie extension de la ville, une extension naturelle rendue nécessaire par l’augmentation de la population. Il y avait un village de pêcheurs qui s’est agrandi au fur et à mesure. Les travaux d’aménagement du littoral et d’assèchement des marécages ont permis de gagner pas mal de surface, et il y a bien longtemps qu’on ne pêche plus. Il y a par la bas un grand parc, le Kasai Rinkai Kôen, 葛西臨海公園, avec une grande roue qu’on voit de loin et de grandes étendues presque marécageuses où on peut observer les oiseaux.. Puis viennent usines et entrepôts puis de grandes terres incultes, et enfin l’hôpital, des HLM, ダンシ, des résidences, des parcs, une sorte de Marina avec ses bateaux, puis la ville au fur et à mesure, le tout traversé par des autoroutes et une voie de chemins de fers montés sur plusieurs niveaux de pilotis… De temps en temps, il y a des DJ ou des batteurs qui vont répéter, à plein tube, par là-bas… Je trouve ça très judicieux…
Et puis donc arrive mon quartier, vers la voie de métro, aérien depuis la station précédente, sortant de sous le sol pour enjamber un grand pont, je veux dire, vraiment très grand, on est à l’estuaire de la rivière Ara, 荒川. Vers chez moi, on peut deviner l’ancien urbanisme, comme ma rue, il reste des maisons un peu anciennes. Mais quand même, globalement, il est très visible que ça a été urbanisé il y a moins de trente ans. Beaucoup de maisons, mais aussi de HLM et de résidences, les plus récentes ressemblant à ce qu’on construit en Europe avec des façades vitrées, de vrais hall d’immeubles. Je pense qu’avoir un enfant dans mon quartier peut être vivable, car il y a aussi beaucoup d’espaces verts. Bondy, je vous dit…

Vers chez moi.

De chez moi à un quartier central il faut environ 45 minutes. Nihonbashi, 日本橋, par exemple. Comme je l’ai expliqué, je suis un gars de l’est. J’ai très souvent couvert cette distance, c’est assez simple, mais le vrai handicap est ce pont. Pour aller je chez moi à « l’autre rive », dans l’arrondissement de Kôtô, 江東区 il me faut 15 minutes, et je ne vous parle pas du vent sur le pont, parfois très fort et qui vous ralentit. La vie est toutefois imprenable et l’air iodé à souhait. Au retour, le soir, si je passe vers 20h30, je peux apercevoir la grande roue de葛西臨海公園, et un peu plus loin, le feu d’artifice du Parc Dysney. Eh oui, il y a ça… Quand je dis à mes grands banlieusards d’élèves que j’habite à Kasai, ils me disent tous « ah, dans Chiba, à côté de Dysney », les incultes, moi qui habite dans l’arrondissement de Edogawa, 江戸川区, dans 東京 depuis longtemps… Des poètes ont raconté mon coins, non mais…
Par contre, les vieux Tokyoïtes de Kôtô, eux, ne s’y trompent pas, « Ah, la lumière est très belle, par là-bas… vous aimez la shita machi ? ». Ben oui, mon coin fournissait le poisson à la gourmande Edo, 江戸, l’ancienne Tôkyô.. Là où mes étudiants habitent, ce n’était même pas des champs, mais des forêts peuplées d’ours et de Tengu, 天狗, êtres inquiétants des espaces non peuplés…
Je vous laisse, je suis arrivé.
Je vais manger du mochi, ce soir !
Madjid

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