Bonjour à vous. En exclusivité, moi, qui frappe sur mon ordinateur et qui boit du café!
Vous ai-je manqué ? Désolé, il y a eu ce mois de septembre qui m’a empêché d’écrire sur ce blog : je n’avais plus le net ! Et ça, je peux vous l’assurer, ce n’est pas facile tous les jours : on s’y habitue, à ces petites choses là !
Pourtant, j’ai pensé à vous, comme vous pouvez le voir sur cette vidéo, là, réalisée le 20 septembre alors que je venais tout juste de rendre les clefs de Kagurazaka. Sentiment de solitude (finie la colocation, bonjour les factures) et de joie devant ce studio qui semblait n’exister que pour moi, avec son parquet, son « loft » et ce soleil si fort (exposé plein sud) que je suis obligé de baisser les stores. Ne croyez pas que ce soit un défaut, pour moi, baisser les stores dans un appartement, c’est une qualité essentielle, celle-là même qui m’a de suite fait tomber amoureux de l’endroit. Je baisse les stores et soudain, je regrette, je regrette que mes amis ne soient pas là avec moi à cet instant, on ouvrirait un rosé bien frais, on mangerait des fromages. Je repense à ces soirées chez Nicolas, chez Stéphane, la terrasse Porte de Bagnolet, Alain que l’on va chercher Gare de Nord, mes courses à vélo à travers Paris, Alésia, Gambetta, Strasboug-Saint-Denis, et ces litres et ces litres de rosé que l’on a pu boire au moindre rayon de soleil qui nous faisait baisser les stores, fenêtre ouverte, juste ce qu’il faut pour s’imbiber du sud nécessaire… Tout cela n’existe plus puisque chacun a déménagé depuis, qui dans le nord, qui en banlieue, et jusque Tarikavalli partie vivre au Portugal. Fidèles à leur maison Fredérique ici, et Alain là, à Londres. Mais je pense à tous et ma mémoire les réuni, stores baissés, soleil filtré qui entre et réchauffe le parquet. Nous sommes tous des enfants du sud, dans ma bande.
J’ai eu 41 ans le 21 septembre, après avoir passé ma première nuit chez moi, à Kasai. Amusant, non ? L’an dernier, je passais la nuit dans un hotel d’Osaka, avec une accélération folle du temps, comme une promesse d’avenir à l’aube de ma vieillesse (j’aime être honnète avec ce que représente réellement mon âge : à 40 ans, on est mûr). L’année s’est donc achevée à Kasai, dans un certain désordre, celui d’un déménagement/ emménagement. En un an, j’avais accompli une révolution totale. Le train train s’était installé mais je m’étais déplacé entre temps de façon vertigineuse. En me couchant le soir, j’ai eu un sentiment de travail bien fait, de chemin parcouru, de promesse tenue. Et j’ai compris alors que mes 41 ans seraient l’âge d’un travail important sur moi-même et sur ma place, sur mon travail et mes désirs. Vivre au Japon pour de vrai, cela commence par un appartement et un travail, et je les ai. Mais cela n’a de sens que si je réalise quelque chose avec. J’y travaille mais c’est certainement la part la plus difficile. J’ai beaucoup à faire cette année, donc. Après la promesse vient le temps de la fidélité avec moi-même… A 41 ans, la jeunesse est passée. On n’a plus de compte à rendre à personne, ce que l’on fait seul parle, il n’est plus question de s’illusionner sur quoi que ce soit. Je me content de ce que j’ai donc, et je ne fais que ce que je fais.
Je vis à Tôkyô, j’enseigne le français, j’ai un petit ami. J’écris, je photographie : je capte les traces du temps qui passe.
Je m’emporte parfois contre les gens ici. On ne se refait pas ! Je suis et je reste un français rouspétard, lucide. Les « amoureux transis » du Japon sont soit des fachos qui s’ignorent, soit des aveugles ou encore des touristes enchantés. Ce pays est blindé de défauts et, comme il est peu démocratique, ceux-ci ne disparaissent que très lentement. Un exemple :l’absence de chauffage dans les appartements sous prétexte qu’ici il n’en est pas besoin (donc, on se les gèle de décembre à avril, on se ruine en climatisation qui ne chauffe rien et provoque des allergies, en kotatsu qui ne chauffe que les pieds et provoque des incendies, chauffages d’appoint que l’on finit par acheter et qui donne à de modernes appartements une touche « années 60″…). Mais que veut on, le Japon n’est pas l’Occident, donc il n’y fait pas froid (vérité officielle rabachée par mes étudiants).
Je suis gentil, j’ai choisi un exemple mignon.
Mon copain croyais que j’aimais les gaijin house… Il a été surpris que je veuille déménager, mais il a avoué qu’il n’aimerais pas habiter dans une maison de ce genre qu’il réserverait plutôt à de vieux hommes célibataires…
Bon, ma lucidité rouspétarde passée, je vous avoue aussi que je n’imagine même pas pouvoir rentrer en France pour le moment.
Le Japon est bardé de défauts, il est aussi rempli de qualités. Ils sont 50 à faire le travail qu’une seule personne pourrait faire, ils s’y affairent avec des allures de Titanic, et c’est parfois pesant. Mais ils le font avec le sourire et il m’arrive souvent même de sentir une gentillesse non feinte mais dissimulée comme hier soir cette jeune fille à la boulangerie d’un centre commercial de Yokohama visiblement ravie, enchantée de vendre une baguette à un Français. Ou ce monsieur, hier encore à Yokohama, à l’entrée d’un jardin rempli de roses et me baragouinant dans du japono-anglais que les roses étaient écloses et que c’était magnifique à regarder. J’en oublie alors ces tétards qui ne veulent pas s’assoir à côté de moi dans le métro aux heures de pointe et qui préfèrent rester debout ! Et ces deux monsieurs à l’agence immobilière, surpris que je parle japonais, et encore plus que je l’ai appris en France et qui, quand je sortais, se sont tous les deux levés et se sont inclinés pour me dire au revoir, politesse japonaise rarement servie aux étrangers quand ils ne sont pas des touristes.
Bref, si dans ce blog il m’est arrivé d’être très virulent, je rappelle aussi que c’est d’abord parce que j’y aime beaucoup de choses que je suis critique avec les Japonais. Je suis Français, et en France on dit que « qui aime bien châtie bien ». Les post-ados qui trouvent super tous ces jeunes qui font des baitos sous payés sans se plaindre ni rechigner à mettre parfois des costumes débiles n’ont qu’à commencer eux même à travailler dans des macdo pour payer leur voyage plutôt que se plaindre du coût élevé des billets d’avion ! Mais c’est si facile de trouver du charme à la vie des autres, aussi minable soit-elle, pour combler l’absence de vie dans sa propre existence. Vivre par procuration. J’ai vu Tôkyô ces jeunes occidentaux de 20/30 ans habillés cosplay. Ridicule. Le beurre et l’argent du beurre. Rentrés en Occident, le retour au terne et à leur vie d’Otaku. Mais bosser à Macdo, ça jamais…
Incapable de voir les difficultés de ces jeunes qui n’ont d’autre choix ici que ces boulots mal payés. Le Japon est une société très dure avec les Japonais. Tout le monde ne vit pas dans les classes moyennes et les jeunes comme les plus agés se sont réellement appauvris avec la crise, la précarité s’est réellement installée.
Le vrai miracle est qu’il gardent encore le sourire, et que celui-ci soit même teinté de sincérité. Alors mon coeur s’emballe, et je pardonne beaucoup à ces idiots qui ne s’assoient pas à côté de moi dans le métro aux heures de pointe.
De Tôkyô,
de retour,
Suppaiku
Commentaires
2 réponses à “C’est reparti ! De Edogawa-ku !”
Bonjour!
Un autre Français perdu lui aussi depuis 5 ans à Edogawaku, Mizue eki.
J’ai 39 ans, marié à une autochtone.
Si le coeur t’en dis, voici mon contact.
Pouvoir bavarder dans sa langue natale et voilà que la solitude se fait moin présente.
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