Chaud, temps chaud sur Tôkyô, amplifié par le passage remarquable d’un typhon sur le sud du pays, encourageant la remonté de l’air du Pacifique sur le reste du pays. Mon appartement est étouffant, je me contrains à n’utiliser la climatisation que quand c’est nécessaire, c’est à dire en pleine nuit (à défaut de quoi mon sommeil est vraiment très difficile).
Je lis, enfin, Le condamné à mort d’Aragon. J’ai du en lire un bon quart : j’y arrive, le texte ne m’étouffe plus, j’ai vieilli, je peux peut-être mieux comprendre la réalité de la vie. J’ai du mûrir depuis Londres, il y a 7 ans quand je l’avais commencé. Il faut dire qu’ils s’en sont passées, bien des choses, depuis 1999. En tout cas, c’est de cette époque que j’ai arrêté d’écrire mon journal et que mes boulimies de lectures sont parties. Ce roman a eu un effet glaçant : comment écrire un roman après ça, et à notre époque sans histoire et où l’horizon se limite à quelques espoirs dessinés par des études de marchés, quand il ne s’offre pas à quelque apprentis sorcier. C’est donc cela, renoncer au communisme… ? Allez, va ! Je suis prêt à écouter Aragon jusqu’au bout.
Jusqu’à quand NOVA, en tout cas sous sa forme actuelle, survivra t’elle ? C’est la question que nous nous posons. Le patron a décidé de jouer à Boussac, au kamikaze qui décide seul de la vie et de la mort de son entreprise. Cette semaine, les employés (c’est à dire les “vrais” employés, pas les professeurs) ont été payés avec 5 jours de retard. “Problème de système”. L’information a fini par circuler, à la bourse de Tôkyô, notamment. Sa seule réaction fut de dire que cela ne regardait personne, que c’était un “problème interne”. Le papy n’a toujours pas compris que son entreprise était côtée en bourse et que cette information était donc publique. Il y a quelque chose de pathétique, chez un chef d’entreprise, à renoncer ainsi avec autant d’obstination à s’avouer vaincu et, ainsi, permettre de sauver l’essentiel. Il ne sauvera rien et je suis désormais persuadé que ce sont les dernières semaines de NOVA, peut-être même les derniers jours. Quel banquier prêterait de l’argent à une entreprise aussi peu rentable, aussi peu transparente dans sa gestion ? Notre seule chance, ce sont les clients. Après la faillite, une autre entreprise pourra racheter, pour le prix des dettes uniquement, l’activité “enseignement” car elle peut être rapidement rentable et que beaucoup lorgnent ce fichier clients de plus de 500,000 personnes. Reste que nous allons traverser des moments difficiles.
Je suis sidéré par le manque de clairvoyance dans la situation de certains collègues : beaucoup ne croient pas encore que c’est inéluctable, ou plutôt, commencent à peine à le concevoir. “Non, pas NOVA, quand même…” est le refrain habituel.
Je suis retourné me promener sur la baie, le soleil y encourage. Le parc est égréable et la promenade, les pieds dans l’eau, sur la mini-ile est sympathique. On est balayé par le vent, c’est presque sauvrage. Pour Tôkyô, s’entend.
J’ai trouvé beaucoup de musique à écouter et de films à voir. L’Inhumaine de Marcel L’Herbier (1923), Au bonheur des dames de Julien Duvivier (1929) ou Dr Mabuse de Fritz Lang (1922). J’aime le muet, et surtout l’architecture et la civilisation matérielle qui se cachent dans les décors. Quel témoignage involontaire, finalement.
Dimanche dernier j’ai passé la soirée avec Yoshinobu et un ami à lui. Il était de passage à Tôkyô durant ses vacances au Japon. C’est un garçon sympathique et je le sens plus à l’aise ici qu’à Paris. Il envisage de peut-être quitter la France. J’ai parlé japonais toute la soirée. Comme je le dis, mon niveau “théorique” a baissé : j’ai oublié du vocabulaire, mais surtout, comme j’ai incroyablement gagné en fluency et en compréhension, je ressens plus incroyablement mes lacunes (bref, rassure-toi, TB, cette “baisse” est relative, elle est autant réelle que ressentie). Nous avons mangé des tempura à Shinjuku, et je me demande depuis quand était la dernière fois où j’y avais mis les pieds… Je n’y vais plus !
Allez, je vous abandonne, la chaleur m’attend.
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