De l’autre côté. J’aime ici comment ces courbes sont brisées, les reflets de l’eau, C’est très poêtique. J’ai pris cette photo l’an dernier, mais j’en collectionne depuis 4 ans, de ce côté ci. Je cherche « la » photo : 4 trains !
Il fait très beau aujourd’hui. Je sors dans quelques minutes mais ne peut résister à l’envie d’écrire quelques lignes. Pierre, un des lecteurs réguliers de mon blog, m’a demandé hier si les vues de voies de chemins de fer à Ochanomizu étaient un clin d’oeil à Hou Hsiou Hsien, dans le film Café Lumière (avec le beau Asano Tadanobu). Oui, et non à la fois. Oui, car c’est en regardant le film que j’ai compris à quel point ces voies qui s’entre-croisent expriment mieux que tout le temps qui passe : alors oui, le cadrage, c’est bien dans ce film que je l’ai trouvé; il est parfait. La vue, non. En 2003, lors de mon premier séjour au Japon, je m’était arrêté sur le pont, véritablement halluciné. C’était le soir. Je vous ferais une vidéo, vous comprendrez ce qu’apporte la nuit. Une impression de Disneyland, de ville artificielle en carton pâte, avec ces trains qui la traversent… J’ai offert Café Lumière à un ami. La ville y apparait par touche, c’est à dire dans le quotidien, mais elle est bien un des personnages central du film puisque que s’y cache un café, que la chaleur s’y glisse, que des destins s’y croisent, comme les trains que Tadanobu se plait à écouter, à théoriser…
Ce film, hommage à Ozu, n’a rien d’un pastiche. Il y a l’essence du cinéma d’Ozu. Le temps qui passe, les petits problèmes de la vie. Il se passe des choses avant, il se passera des choses après, le film nous donne une tranche de quotidien. C’est comme cet endroit, ça se croise et se recroise et de temps en temps trois, quatre voire cinq trains… Comme je l’ai dit, toutefois, je préfère de l’autre côté, les courbes sont encore plus nettes, ça fait presque comme une fleur…
Quand mon frère est né, maman portait une robe fleurie avec du rouge, du mauve… Dehors, il y avait des pensées mauves et jaunes. Je crois qu’au fond de mois jamais je n’ai ressenti autant de jalousie que ce jour là. Ma mère était belle, les fleurs étaient magnifiques mais ce n’était pas pour moi. C’est ainsi que je pensais… Quel idiot… Tout cela, fleurs, mère et petit frère, tout m’était offert, donné, je n’avais qu’à regarder.
Très jolie fleur, à Kamakura, dimanche dernier. Souvenirs devenus agréables avec le temps. Vivant, il est toujours temps de regarder ses souvenir.
Ca sert à quoi, la famille, me disait un jour mon amie Tarika au sujet de problèmes d’argent… Ma mère me dépanne financièrement. J’ai pas demandé beaucoup, juste de quoi payer les factures… Il faudra peut être que je redemande un peu, mais au moins j’aurai serré, et pas gâché. La famille, ça doit servir à compter dessus. J’ai eu mon frère et ma mère au téléphone hier. Pas un reproche, pas de larmoiment. De l’attention, de la compréhension, de la gentillesse bien dite. Et moi, pas un gramme de honte, je ne me reproche rien, j’ai fait tout ce que je devais, et j’ai trouvé un travail. Solide. Jun fait un peu parti de ma famille.
Ca sert à quoi, les amis, si ce n’est à savoir comprendre, écouter, même en silence comme Freddie, par exemple. Les amis sont là, je sais aussi que je peux compter sur eux en cas de coup dur. C’est pour ça aussi que je me suis démené comme c’est pas permis pour éviter d’avoir à compter sur eux. Savoir que j’ai des amis me donne de la force. C’est formidable, se savoir aimé.
Et vous, mes lecteurs. Nicholas, Pierre, Agnès, et les autres. J’ai reçu des messages, tous marqués par l’intime, la vie telle qu’elle est : étonant comment partager un peu de son intimité puisse donner de la force, de l’énergie, et même de la joie et du bonheur.
Présente-moi tes amis, je te dirai qui tu es. Je dois être un type bien…
J’avais dit ça un jour à ma psy, ça l’avait fait sourire… moi aussi, bien sûr.
Le Japon, c’est d’abord pour moi quelque chose qui remonte à l’enfance. Pas les mangas, non; mais le koto et le shamisen, les kimonos, les maisons en bois et les cloisons en papier. Il y a des fois, j’apperçois ce pays autours de moi, comme ici à Kamakura, une jeune femme qui se promène dont la sobriété de l’ensemble kimono me fait penser à l’actrice Hara Setsuko, que l’on voit si souvent chez Ôzu mais aussi chez Naruse et même parfois Kurosawa. On l’apperçoit aussi dans les 47 ronin… Mais si c’est dans le Voyage à Tôkyô qu’elle est inoubliable, c’est à mon avis au détours d’une conversation au bord de l’eau dans Dernier caprice qu’Ozu a immortalisé sa beauté « japonaise » simple, aux trains un peu épais mais où la grâce s’exprime en quelques gestes simples et un sourire généreux. Je suis fou de cette conversation au bord de l’eau, pour moi un des plus beau moment de cinéma que je connaisse.
Une jeune femme qui marchait m’a fait penser à Hara Setsuko, qui vit depuis plus de 40 ans retirée à Kamakura, près de Ôzu « son » réalisateur.
Hier, je fonçais sur mon vélo, j’étais vers Monzen Nakachô, un quartier que j’aime bien. Je fonçais et d’un seul coup, je me suis vu sur mon vélo, moi, Suppaiku, à Monzen Nakachô, c’est à dire à Tôkyô, au Japon, il y avait des voitures autours de moi, et le 商店街/shôtengai (rue commerçante), les センベ/senbe (gateau soufflé craquant fait avec de la farine de riz et enduit de soja, algues, etc)… Je fonçais et je me suis explosé de rire, sur mon vélo, tout seul, là, moi, le 外人/gaijin, l’étranger, je fonçais, et j’étais au Japon, putain mais c’est géant, et j’ai trouvé un taf… Oui, j’ai éclaté de rire. J’étais bien.
Après a commencé l’analyse de la situation, mon âge, mon travail. J’ai raison d’avoir éclaté de rire. Je suis fichtrement chanceux.
Je vous dédie mon éclat de rire.
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