Kyoto, dimanche 30 décembre. Apres avoir (re)visite le Ginkaku-ji et alors que nous longions le chemin de la philosophie, nous avons appercu des gens qui revenaient de quelque part. Je m’arrete, Jun s’arrete, je demande a une dame ce qu’il retourne. LE sanctuaire de la souris, rien que ca… Le petit sanctuaire se preparait tranquilement en attendant le premier janvier, date officielle de l’entree dans l’annee de la souris… Nous y sommes alles, bien entendu!
Eh bien voila, l’annee a bel et bien commence.
Jun et moi sommes partis a Kyoto une semaine. Le temps s’est comme suspendu. L’annee s’est achevee discretement, sa brutalite s’est estompree. Nous avons fait de splendides promenades, trop ravis que le temps s’emploie a nous faciliter la tache, comme ce fut agreable…
Le passage a la nouvelle annee a revetu la meme simplicite, un peu rate (nous pensions pouvoir entendre toutes les cloches de la ville sonner en restant bien au chaud dans l’hotel, simplement en ouvrant la fenetre) et un peu reussi aussi (pendant qu’il etait sous la douche, j’ai couru au conbini le plus proche acheter un dessert -degueulasse- et des chocolats -infects), ce qui a cree la petite surprise, la petite touche de fete apres le repas « special » au restaurant de l’hotel. Je crois retrospectivement, en repensant a l’extreme modestie du moment, mais aussi a ces foules evitees, insupportables, qui vous empechent de voir quoi que ce soit de ce que vous etes senses voir et vous empechent d’entendre quoi que ce soit de ce que vous etes senses entendre comme ce fut le cas l’an dernier ou un nombre insense de nouvel ans, je pense avoir passe un tres bon reveillon. Prometteur d’un bien meilleur reveillon cette annee. J’etais avec Jun, on a passe une belle journee, on a passe une belle soiree, on a jete un coup d’oeil a Kouhaku le programme de nouvel an indeboulonnable de la NHK, et puis c’est au son des cloches de la NHK, des cloches des temples de tout le Japon, que nous avons accueilli la nouvelle annee, fenetre ouverte, les yeux leves vers le ciel a defaut d’avoir les oreilles tendues vers les cloches… Mais qui sait dans ce silence de la ville ne se cachaient pas des vibrations inaudibles… C’etait simple, parfait.
Au revoir le sanglier, bonjour a la souris.
Au Japon, pays du « mignon » en effet, le Rat se fait « souris », les Japonais ne marquant pas de reelle difference linguistique entre l’un et l’autre animal… Va pour la souris, et ca me convient tout a fait.
Je suis revenu en pleine forme, reenergise.
Alors, que nous promet 2008…
Le premier grand evenement au Japon est, c’est un avis tres subjectif et tres personnel, la diffusion du 40ieme et quelque Taiga Dorama, feuilleton d’epoque diffuse sur toute l’annee et consacre a un personnage historique, une sorte de saga. Chaque annee le theme est bien entendu different. Il y a eu le Shinsengumi en 2004, ce clan de jeunes guerriers samurai qui ont decide de defendre la cause du dernier Shougun Tokugawa contre les clans rebels dans les annees 1850/60, au moment ou les etrangers acculaient le Japon a s’ouvrir, destabilisant les fragiles equilibres politique d’un pouvoir en fin de course. Il y a eu Yoshitsune, ce heros national au destin tragique, rendu celebre par sa bravoure lors de la bataille de Dan-no-Ura en 1192 au cours de laquelle la famille de guerriers Taira/Heike, qui avait pris le pouvoir a Heian/Kyoto pendant 20 ans, s’arrogeant privileges, gloire et charges anoblissantes, mariant ses filles a l’Empereur, fut decimee par le clan des Minamoto/Genji apres maintes destructions (dont l’incendie de Heian/Kyoto, des temples de Nara…), des batailles et une fuite de plus en plus glauque de ce clan qui apres avoir cumule tous les honneurs concentrait desormais toutes les haines. L’episode de Dan-No-Ura est un peu dans la culture Japonaise la debandade de l’armee Napoleonienne en Russie. Tous perirent, mais comme il s’agissait d’une armee et d’une cour, les recits ulterieurs monterent en epingle ce geste heroique des femmes qui, de peur d’etre livrees a leur ennemi se jeterent dans la mer l’une apres l’autre, entainant le jeune Prince issus de leur sang. L’episode est narre dans le Genji monogatari et ce moment est un moment propice a verser flot de larmes pour ce jeune prince a qui sa mere demande d’etre courageux avant d’aller regner dans le vaste royaume de la mer… Avec cette bataille s’annonce la fin du Japon de Heian/Kyoto, de sa culture raffinee tournee vers les lettres, la poesie, la peinture, et l’entree du Japon dans une periode de guerre, feodale. Le recit de ce clan a ete souvent ete pris comme une reference du zen. La puissance des Taira/Heike les a conduit au neant. L’impermanence ouvre ce recit epique de plus de 500 pages (en francais).
Cette annee, la NHK de s’interesse donc au « harem » des Shogun, le 大奥/Oooku. Et comme il s’agit d’un Taiga dorama, 52 episodes, on pourra compter sur 1200 figurants, et il y a fort a parier que les decors et costumes surpasseront toutes les productions de l’habituel FujiTV , LA chaine de 大奥. Quel interet y a t’il a s’interesser encore une fois a 大奥, ces maitresses retirees dans les arrieres quartiers du maitre tout puissant du Japon alors que l’on pensait que FujiTV nous avait tout raconte… ? Comme par un hazard heureux (la souris, je vous dis, la souris…), je me suis souvent demande ce qu’etaient devenues ces femmes a la fin du Bakufu (ce que nous appelons sans Shogunat, bref dans les annees 1850/60 jusque 1868 et la restauration imperiale). Je vais etre heureux car c’est a travers le destin de l’une d’elle que la serie va apporter la reponse que j’attendais. Voila pourquoi je vous offre ces 2 photos. L’originale est en couleur, mais je me suis permis de faire une petite manipulation sepia, car nous avons des photographies de cours des annees 1850 et je trouve cette photo en forme de portrait officiel absoluement convaincante… Je me regale d’avance. C’est qu’au dela de cette vie dans cette cour fermee, ces jeunes filles provenaient de familles de l’ancienne aristocratie, ruinee par les guerres des 12 au 15eme siecle et qui ne subsistaient qu’en casant leurs filles dans les familles de riches guerriers (samurai) et seigneurs (Daimiou).
Le jour de mon retour a Tokyo, le 4, j’ai ete recontacte par un cabinet de recrutement. C’est ainsi que j’ai eu une serie d’entretiens hier matin, pour trois postes a pourvoir dans la meme banque. Ca s’est bien passe, j’attends maintenant la decision. Quand j’ai entendu la fourchette de salaire possible, j’ai ri et j’ai repense a l’ecole ou j’ai travaille 3 semaines en novembre. (Au fait, Berenice, je t’en veux pas, tu sais, je suis tres heureux que tu aies trouve ou travailler, et tu n’es en rien responsable. On est tous dans une telle panade… si d’avoir travaille 10 jours a « A la Poitevine » – je change le nom de l’ecole par respect, j’aurais pu tout aussi bien l’appeler « A la Vichyssoise », « A la Raffarine » ou « A la Balladurienne » ou « A la Roblonchonne »-, ca m’a laisse le temps de savoir qu’Il recherchait quelqu’un d’autre, je suis tres heureux que ce soit toi. Pour le reste, j’aurais du ecouter mon intuition lors de l’entretien -« c’est nase, ici, y’a pas de lumiere, et il y a Cherie FM dans l’entree et des affiches ringardes de fromages partout », ca s’annoncait mal… et renoncer des le troisieme lapsus qu’il a fait en me nommant comme mon predecesseur -vire je ne sait trop pourquoi, pas mon probleme-, c’est a dire le deuxieme ou troisieme jour ou bien quand je l’ai entendu dire qu’il s’etait suffisamment casse la tete a former les autres professeurs « pour ce a quoi ca sert », ou encore « ils sont nombreux sur le marche, je dois me decider a recruter maintenant, pas quand ils seront tous rentres en France »… Mais comme tu me l’a dit, Berenice, nous avons besoin de travailler… Courage, car ce type est d’une rare lachete et j’en ai appris d’autres par hazard depuis par N., une ancienne eleve de Ginza, car visiblement je ne suis pas le seul a m’etre frotte au personnage… La crise de larme d’une collegue quand tu es arrivee, un soir, m’a convaincu qu’il y aurait prochainement un professeur de trop car la dite collegue ne semblait plus disposee a partir, elle aussi ayant un soir fait un lapsus et elle est d’ailleurs toujours la… pas de ma faute, ma psy etait Lacanienne, et Lacan adorait les lapsus, ces amis de l’ame…).
J’ai encore trouve le moyen de me faire mal au pied ! Eh oui, mes problemes me cassent les pieds ! Mais je ne me laisse pas faire… Cette fois-ci, c’est moins handicapant. Je suis alle ce matin a Hello Work, l’ANPE-ASSEDIC japonaise, ils sont extremement epates par le fait qu’il n’y ait que les Francais qui parlent japonais. J’ai discute avec un employe un peu age, tres gentil. Tous les autres « NOVA » ont passe au moins 15 mn, moi, ca a pris 2 minutes, j’avais tout prepare, il y avait mon hankou, ils avaient toutes les coordonnees des entreprises ou j’ai cherche du travail, j’ai entendu faire mes eloges … J’ai ainsi retrouve Martin, dont l’avenir professionel est desormais bien engage. Un illustrateur brillant, dans le style franco-belge avec un bon matinage japonais toutefois, dans un univers gentil… Allez donc visiter son site, le cafe marutan (voir liens). Avant hier soir, c’etait brillant, merveilleux, la vraie fin de NOVA. 25/30 etudiants avaient organise une soiree dans un restaurant et nous avaient invite, nous, les anciens de Ginza. Pour la derniere fois tous ensembles. Ca a ete tres sympa. Une derniere fois ensembles, avant que la vie ne nous emmene chacun de notre cote. C’est ainsi qu’en disant au revoir a Vincent, qui part vivre aux USA apres 4 mois sans argent a Tokyo, nous avons egalement dit au revoir au travail que nous faisions ensembles et a l’equipe que nous formions au service de la petite famille que nous reunissions autours de nous : nos eleves…
Je ne vous joints pas de photos : je vous preparerai un album, tout simplement.
Je vous embrasse tous pour cette annee, que je place sous le signe des autres. Car ce sont « les autres » qui « me » font. Je le pense depuis longtemps, mais, je sais que c’est maintenant le moment de le realiser.
Je (re)lis Balzac, et c’est vraiment puissant…
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