葛西, lundi 21 janvier 2008


江東区、墨田区. Koto-ku, Sumida-ku. Jun et moi, partis pour aller au musee Edo-Tokyo ou se termine une exposition Hokusai, avons in-extremis renonce a braver la queue interminable au guichet et nous sommes resolus a visiter les alentours de 両国/Ryougoku en direction de 森下/ Morishita. Je boite un peu puisque mon orteil est casse, mais ca a ete.
Un temps grisatre d’hivers mais finalement pas trop froid nous a permis une belle promenade. Nous avons commence par tourner un peu autour du Musee Tokyo-Edo et de la Salle Nationale de Sumo, tous deux immenses batiments de beton inspires de formes architecturales japonaises (mais il faut vraiment chercher, en ce qui concerne le musee, parce que c’est loin d’etre evident). Munis d’un plan du quartier, c’est par le 安田庭園/Jardin Yasuda (Yasuda etait le nom d’un Daibatsu avant la guerre et demantele apres la guerre, ces grandes societes qui alliaient finance, industrie, commerce et construction, soucieuses de nouveaux debouches economiques et de controles de matieres premieres et par consequent inspiratrices de l’expansionnisme japonais des les annees 10/20.
Le jardin, qui n’est etrangement pas, pour le moment, integre a ces jardins de la ville de Tokyo pour lesquels il faut payer 300円 est gratuit, mais la contrepartie est un sentiment de relatif abandon et un non moins relatif entretien. Le temps gris et le denuement des arbres en cette saison ajoutent a un sentiment de desolation, de tristesse, que renforcent encore des travaux de cloture ainsi que la proximite d’une de ces autoroutes urbaine, en l’occurence ici celle qui longe la riviere Sumida a partir de l’arrondissement de Sumida.
Jolie traversee remplie d’une certaine melancolie, cris des corbeaux attires par un cadavre de pigeon sur un trottoir (un homme passe et s’arrete, il a l’air presse et gene, il regarde le corps sans vie, il desire faire quelque chose, au dessus, les corbeaux s’interpellent, comme attendant le moment propice d’attrapper ce precieux butin, l’homme regarde les corbeaux, il s’incline devant le cadavre, il s’en va, presse, se retourne une derniere fois, comme honteux, et il repart; Jun, lui, ne veut pas voir mais le ballet des corbeaux le trouble, il me confie qu’il ne veut pas croire que les corbeaux attendent d’etre tranquille pour prendre le pigeon… cette scene a quelque chose d’etrange, de profondemment hivernal… Les corbeaux a Tokyo sont innombrables, voraces et dans les parcs savent se montrer insistant et n’ont quasiement aucune crainte des humains a qui il leur arrive de voler un sandwich pose sur un banc sur sa serviette, juste le temps d’ouvrir sa bouteille de the… ca va vite, un corbeau, et ca a l’air de penser encore plus vite…).
Sortant du jardin, nous nous sommes diriges vers une pagode a trois etages, 三重塔, et je me suis vite rendu compte que ce n’etait que la facade arriere d’un temple que j’avais decouvert il y a quelques temps, un temple municipal dedie a la memoire des victimes du grand tremblement de terre du Kanto ainsi que des bombardements de 1945. Il regne dans cet endroit une atmosphere d’eglise, propre au recueillement. Le batiment, en beton et reprenant exterieurement les formes d’un temple, est concu a l’interieur comme une eglise, avec des bancs et de puissantes colonnes laterales dessinant une « circulation » et permettant de regarder des photos ou des dessins d’epoque, rappelant les chapelles dediees au Saints dans une eglise catholique. Cette espace est sonore et froid, et le regard au centre converge l’autel qui rappelle la encore l’autel d’une eglise catholique, inspirant le recueillement, le depouillement, l’introspection et le souvenir de ces victimes civiles. J’etais rentre dans une eglise catholique a Yokohama, en decembre, et j’avais eu le sentiment de rentrer dans un decors artificiel. Il y avait bien un Christ, une Sainte Therese et une Immaculee Conception, mais tout etait propre, tire a l’equerre. Bourgeois, convenu. Je m’etais confie a Jun, qui est protestant, et que ce decors ne choquait pas outre mesure : une eglise, c’est un Christ, des bancs… C’est tres japonais, ce prima de l’apparence, du savoir faire. J’etais sorti de l’eglise en lui disant que pour moi, ce n’etait pas une eglise, je n’y avais senti ni les souffrance ni l’espoir des hommes. Dans ce Temple, j’ai ressenti ce que l’on ressens en general dans de vielles eglises, le poids de quelque chose qui nous depasse en tant que matiere, en tant qu’humain, mortel. Peut-etre justement le poids de notre propre mort a venir, a travers celle d’un autre, le Christ, ou des autres, comme ici de nos semblables morts dans un de ces moments d’histoire qui nous rappelle q quel point notre vie est une toute petite chose, fragile, et a quel point notre vanite a vouloir nous penser et penser le monde resiste peu a la cruelle realite que nous ne pouvons pas grand chose. Ces photos de Tokyo devastee, rasee (les maisons etaient en bois, imaginez des bombes incendiaires dans une telle ville…) rappellent que parmi ces centaines de milliers de personnes etaient de nos semblables, avec leurs joies et leurs peines, leurs petites histoires d’amour et leurs grandes esperance, leur combat de chaque heure dans une ville dominee par une guerre absurde et epuisante dans un pays domine par un groupe de militaires ayant perdu tout sens de la realite. J’ai toujours ete receptif a la souffrance qui colle aux eglises catholiques (les temples protestant m’ont toujours fait l’effet de hall de securite sociale), cette Chapelle Sainte Rita, a Pigalle, visitee presque exclusivement par les travestis et les prostituees du quartier, paree de fleurs et d’offrandes, de bougies, « delivre-moi du mal et pardonne a ceux qui m’ont offence(e) », quelle souffrance, combien de larmes et de confessions ces fleurs expriment et trahissent, et combien au milieu de ces vies desordonnees se cache de dignite et de coeurs purs… Saint Genet…
Nous avons donc continue notre promenade vers Koto-ku et jusque Morishita.

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